Chapitre 34: Contrat.
Chanyeol n'arrivait pas à dormir. Après le dîner, qu'il avait à peine touché, il était monté dans sa chambre et avait passé les deux heures suivantes à pleurer. Au bout de la troisième, il ne savait plus vraiment pourquoi il pleurait. Etait-ce parce qu'il n'avait pas réussi à prouver à sa mère qu'elle avait tort ? Ou bien était-ce parce qu'une fois de plus, Baekhyun l'avait abandonné ? Il lui avait à nouveau prouvé que malgré toutes ses belles paroles, on ne pouvait pas lui faire confiance. Chanyeol aurait préféré s'inquiéter qu'il ait été pris dans un accident de voiture, ou bien qu'il soit coincé dans un endroit, enseveli sous la neige, mais ce n'était pas le cas. En vérité, Baekhyun n'était qu'un trouillard. Un trouillard incapable d'affronter ses parents. Il avait préféré l'abandonner plutôt que d'assumer ses responsabilités, d'assumer ses promesses. Chanyeol se rejouait en boucle ces quelques mots. La façon dont ses yeux scintillaient lorsqu'il lui avait promis qu'il ne le quitterait pas, qu'il serait là jusqu'à la fin. C'était insupportable. Au bout d'une heure, sa mère était montée à l'étage avec une assiette de cookies et un verre de lait.
- Chanyeol ? Tout va bien ?
En la voyant ses mains fripées et sa blouse bien trop grande, Chanyeol n'avait pas osé la renvoyer. Il s'était contenté d'une remarque froide et avait ignoré la culpabilité qui lui griffait la poitrine.
- Si tu es là pour me prouver que tu avais raison et enfoncer le clou, tu peux tout aussi bien sortir.
- Je n'en ai pas l'intention, s'était-elle défendue en prenant place au bord de son lit.
Les mots de son fils faisaient tellement mal parfois. Mais Chanyeol était comme ça, sans filtre. Et à quelques mois de la fin, elle n'avait plus le temps de refaire son éducation. Si la haine était pour lui le seul moyen de défense, la seule façon qu'il avait trouvée pour faire face à la maladie, alors elle acceptait parfaitement de se prendre les revers de sa colère.
- Tu n'as pratiquement rien mangé. Tu es tout maigre.
- Non c'est vrai ? Je ne savais pas. Rappelle-moi qui m'a obligé à prendre ces foutus traitements ? avait-il répondu d'un ton sarcastique.
- C'était pour ton bien !
- Mon bien ? Ça n'a fait que me détruire ! C'est ta faute !
Sa mère avait affiché une mine blessée et n'avait plus été capable de retenir ses larmes. En voyant ses yeux briller, Chanyeol avait pris conscience qu'il était allé trop loin et s'était tout de suite redressé pour la prendre dans ses bras.
- Désolé, c'est pas ce que je voulais dire... C'est juste que...
- Je sais. Ne t'en fais pas, le réconforta sa mère en caressant son bras.
- Je ne comprends pas pourquoi il n'est pas venu... pour lui c'était sans doute trois fois rien, mais pour moi ça représentait tellement, avait-il avoué d'une voix tremblante.
Les rôles s'étaient inversés et sa mère l'avait serré contre elle en embrassant ses cheveux.
- Peut-être qu'il a eu un empêchement.
C'était étrange. Sa mère qui détestait Baekhyun, le défendait. Chanyeol ne savait pas quoi en penser.
- Il m'aurait prévenu mais... même ça, il n'a pas été capable de le faire.
- Chanyeol... je suis certaine que Baekhyun n'a pas eu l'intention de te blesser.
- Pourtant, c'est exactement ce qu'il a fait ! Je ne demande pas la lune, juste de passer du temps avec lui.
- Il va se rattraper, j'en suis certaine.
- Mais quand ?! Hein dis-moi ?! Je vais mourir putain ! Qui ne me dit pas que demain, je ne me réveillerai pas ? Si ça se trouve, ce soir était la dernière fois que j'aurais pu le voir et il a tout foutu en l'air !
Chanyeol pleurait comme un enfant. Appuyé contre le sein de sa mère, il avait laissé son corps se tordre sous l'impact des sanglots, sa respiration devenir inégale puis sifflante, ses yeux se fermer sous le poids des larmes. Il s'était abandonné à la présence réconfortante de sa mère, sans oser lui dire qu'elle ne suffirait jamais. Qu'il n'y avait que Baekhyun pour l'apaiser. C'était injuste mais vrai. Ceux qui étaient là pour lui ne sauraient plus le contenter.
Lorsque les larmes s'étaient raréfié, il avait avalé un cookie pour contenter sa mère et l'avait chassée de sa chambre.
- Il faut que je dorme. Je suis fatigué.
- Si tu as besoin de quoique ce soit, réveille-moi.
- Je sais, maman, je sais.
Sa mère lui répétait la même chose toutes les nuits. Elle craignait tellement qu'il fasse une crise dans son sommeil. Elle savait bien qu'il était capable de souffrir le martyr sans rien dire, juste parce qu'il avait peur de la déranger. Parfois, il endurait en silence simplement par fierté. Il ne voulait pas infliger aux autres la corvée de supporter ses cris et ses pleurs. Chanyeol n'était pas du genre à se plaindre. Il avait de quoi pourtant. Pour certain, cette facilité de dissimule sa douleur et de faire comme s'il allait bien, se révélait être une qualité. Pour sa mère, sa bienveillance finirait par avoir raison de lui.
Une fois sa mère partie, Chanyeol s'assura qu'elle avait regagné sa chambre et se dirigea vers la salle de bain, sur la pointe des pieds. Il ne prit pas la peine d'allumer la lumière. Son estomac lui rappela qu'il n'en avait pas le temps. Il chercha à tâtons la cuvette et s'accroupit devant. Cette fois, pas besoin de coller ses doigts au fond de sa gorge. Son estomac se souleva tout seul. Il pencha la tête à l'avant et, dans un couinement douloureux recracha le cookie qu'il venait d'avaler. La tristesse ne froissait pas uniquement son cœur, mais son corps tout entier. Il avait tellement pleuré que des crampes paralysaient son corps et l'obligeaient à se vider. Alors, il cessa de lutter contre le goût acide qui lui brûlait la gorge et laissa sortir tout ce que son corps avait retenu. Il resta ensuite appuyé sur la cuvette, le front contre son bras, à sangloter. Cette fois, aucune larme ne sortit, seulement des bouffées d'air pathétiques. Il était fatigué. Fatigué de réagir autant pour quelque chose qui n'aurait jamais dû l'affecter. Au fond de son esprit, sa petite voix lui rappela que la maladie refaisait doucement surface. Baekhyun avait réussi à la tenir éloignée mais son absence l'aidait à gagner du terrain. Au bout d'un long moment, Chanyeol se redressa et migra jusqu'à sa chambre. Ses paupières se fermaient toutes seules mais dès qu'il commençait à s'endormir, des sueurs froides le réveillaient. Ces foutus cauchemars revenaient.
Il se voyait plonger dans l'eau et tomber dans un trou noir, sans fin. Sa chute durait encore et encore sans qu'il ne puisse faire quoique ce soit. Il distinguait le visage de ses proches, derrière la surface trouble de l'eau. Il les voyait rire pendant que lui, hurlait à l'aide. Personne ne l'entendait. Personne ne le remarquait. Alors, il criait plus fort, jusqu'à s'écorcher la voix. Mais ça ne suffisait pas. Son corps tombait avec une infime lenteur et disparaissait dans les abysses sombres, là où personne ne pourrait plus distinguer sa silhouette. Non... Papa... Maman... Layla... Aidez-moi ! Dans un geste fou et désespéré, il essayait de nager à contre-courant, de remonter à la surface pour les rejoindre eux, ceux du vivant. Mais c'était déjà trop tard, il se sentait lourd, tellement lourd. Ses bras finissaient par abandonner et ses jambes suivaient le mouvement de son corps, vers le fond du trou. Il était totalement impuissant, spectateur de son propre malheur. Sa disparition n'inquiétait personne. Lui se sentait mourir, les poumons gorgés d'eau tandis que, eux, là-haut, profitaient de la vie avec insouciance. Son absence ne changeait rien. Avec ou sans lui, le monde continuait de tourner. Etait-ce à ça que ses parents ressembleraient lorsqu'il ne serait plus là ? Seraient-ils aussi souriants, aussi heureux de sa mort? Chanyeol vivait un véritable cauchemar. Comment son cerveau pouvait-il être aussi cruel et lui faire vivre sa propre mort en boucle? C'était inhumain. La scène était la même à chaque fois mais la douleur ne s'atténuait pas. Il n'atteignait jamais le fond de l'eau et se réveillait avec cette frustration de ne pas savoir s'il y a avait un fond, ou s'il était condamné à tomber pour l'éternité. Sa chute ne ressemblait en rien à celle d'Alice aux pays des merveilles. Il n'y avait pas de poissons colorés ni de coraux fluorescents. Pas même un requin. Seulement du noir. Juste avant qu'il se noie et que son cauchemar prenne fin, Chanyeol entrevoyait un visage familier parmi les vagues sombres. Quelqu'un l'avait remarqué. Quelqu'un savait qu'il se noyait ! Le visage se penchait et alors, ses traits devenaient plus clairs, plus précis. Chanyeol lui envoyait toute sa détresse et s'acharnait pour remonter, mais le visage ne l'aidait pas. Il ne faisait que contempler la fin. Sa fin. Au moment où ses intentions devenaient claires, une expression de terreur absolue traversait Chanyeol. Au-dessus de lui, Baekhyun se mettait à sourire et, tandis qu'il sentait ses derniers espoirs lui échapper, Baekhyun secouait la main et articulait : « au-revoir. »
« Non ! »
Chanyeol se réveilla en sursaut pour la deuxième fois. Sa respiration était hachée et son pyjama trempé. Il mit quelques minutes à reprendre ses esprits mais s'interdit de pleurer. Il connaissait l'histoire par cœur, la fin était toujours la même. Pourtant, ça ne l'empêchait pas d'angoisser et de laisser ses émotions prendre le dessus.
« Respire » s'insuffla-t-il en ouvrant grand la bouche pour se calmer. Ses séances de méditation nocturnes ne l'aidaient pas. Il décida d'aller se rincer le visage et de changer de haut. L'eau fraîche lui fit du bien et calma les palpitations de son cœur. Lorsqu'il revint, il constata avec une grimace que ses draps avaient aussi besoin d'un coup de frais. Alors, le plus discrètement possible, il ouvrit la fenêtre et les étendit sur le rebord, puis reprit place au milieu de son lit. La brise hivernale vint lui caresser l'échine mais il ne frissonna pas. Au contraire, il tendit le visage vers les nuages au travers desquels, quelques étoiles brillaient. Il avait besoin de revenir à la réalité, d'effacer les fragments que son cauchemar avait laissé dans sa mémoire. Même en étant éveillé, les souvenirs le hantaient. La peur était toujours présente. Il était épuisé mais son esprit refusait de dormir. La terreur courait toujours dans ses veines. Il craignait qu'en fermant les yeux, le cauchemar revienne. Alors il lutta pour maintenir ses sens en alerte. La tête calée contre sa paume, il s'autorisa, au bout d'une heure à reposer ses paupières. Les quelques secondes de répit se transformèrent en de longues minutes, où il s'enfonça plus profondément dans le monde de l'inconscient. Sa tête trop lourde, quitta sa paume et le fit basculer à l'avant. Au moment où son visage toucha le matelas, Chanyeol se réveilla en sursaut. Il ne pouvait pas s'endormir. Pas maintenant alors qu'il était vulnérable et sans défense face au cauchemar. Lui n'attendait qu'une chose, qu'il lui ouvre les portes de son inconscient pour s'y glisser. Il ne se ferait pas avoir aussi facilement. Ses cernes déformaient ses yeux gonflés mais cela ne l'empêcha pas de résister aux tentations du sommeil.
Il était quatre heures du matin lorsque sur la commode, son téléphone vibra. Dans le silence fragile de sa chambre, Chanyeol sentit son corps se tendre. Les poils de ses avants bras s'hérissèrent et son souffle se coupa. Sans même le consulter, il savait qui c'était. Son cœur balança entre l'envie de se jeter sur son portable pour voir ce qui était écrit et celle de l'ignorer délibérément. Il opta pour la deuxième option. L'oreille tendue, il guetta le moindre bruit et sursauta en entendant une nouvelle vibration. Puis encore une et enfin une dernière. Celle qui lui fit perdre son sang-froid. Il jeta l'oreiller qu'il tenait par terre et se leva d'un bond. En deux enjambées furieuses, il avait traversé sa chambre. Sa main agrippa son téléphone comme les serres d'un aigle autour de sa proie, et le serra. Au contact de sa peau, l'appareil s'alluma. Chanyeol prit une grande inspiration et sans poser ses yeux sur l'écran, l'éteignit. Il ne voulait plus dépendre de Baekhyun. Il avait fini de l'attendre. Le jeu était terminé.
***
Baekhyun jeta un coup d'œil à son siège passager et soupira. Si on l'avait arrêté pour un contrôle routier, il serait très probablement en garde à vue. Se balader avec un sac rempli de liasses de billets et une mallette suspicieuse, n'était pas vraiment commun. Qu'aurait-il expliqué au policier ? Personne ne l'aurait cru. Il poussa sur l'accélérateur. Plus vite il arrivait, plus vite il serait à l'abri. Et plus vite il serait débarrassé de cette corvée. Après avoir fait un saut chez lui pour récupérer son porte-monnaie, Baekhyun était allé dans trois distributeurs différents et avait vidé son compte courant. Il avait rangé les petites coupures dans son sac de sport et l'avait glissé sous le siège à ses côtés, avant de prendre la direction de l'appartement de Minseok. En le voyant arriver, ses gardes se mirent à aboyer. Un intrus était forcément un ennemi. Baekhyun retira son déguisement et reçut immédiatement des excuses. Les hommes le saluèrent comme la star qu'il était et l'escortèrent jusqu'à l'ascenseur.
- Je connais le chemin, merci.
Les hommes se retirèrent, légèrement contrariés.
Baekhyun préféra prendre les escaliers malgré la fatigue. Il avait récemment développé une peur bleue des espaces confinés. Il avait l'impression d'étouffer dedans. En arrivant devant la suite de Minseok, il colla son oreille à la porte et ne fut pas surpris d'entendre des gloussements. Il distingua au moins deux voix différentes.
Je vois qu'il se fait plaisir. Désolé vieux, mais je vais briser ton moment.
Sans hésiter, il frappa à la porte. Minseok aurait bien tout le temps de retourner à ses activités plus tard. Un grognement suivi d'un « bougez-pas, je reviens » résonna derrière la porte. Baekhyun se redressa et afficha un regard déterminé lorsque la porte s'ouvrit. Minseok balaya sa silhouette du regard avec cet air supérieur que Baekhyun lui connaissait. Il portait un caleçon et un kimono rouge ouvert. Son torse nu était déjà couvert de traces de rouge à lèvres. Visiblement, la situation ne l'avait pas inquiété plus que ça. Lui ne devait pas avoir eu de mal à dormir.
- Baekhyun ! J'ai cru que tu ne te déciderais jamais. Alors ? demanda-t-il sans prendre de pincette.
- Tu ne me fais pas entrer ?
- C'est-à-dire que... Il jeta un coup d'œil par-dessus son épaule. J'ai du monde...
Lassé de son air faussement gêné, Baekhyun le dégagea d'un geste sec et s'avança dans l'appartement.
- Hey !
Minseok lui courut après mais il avait déjà investi le salon en déposant sa mallette sur le tapis en peau d'ours. La vue qui l'accueillit ne le surpris pas. Sur le canapé, deux filles nues, avec pour seuls vêtements des Stilettos noires, se dandinaient en buvant du champagne. Lorsqu'elles l'aperçurent, la blonde se mit à crier en cherchant de quoi se couvrir. La brune, beaucoup plus détendue, se leva du canapé en souriant.
- Minseok ne m'avait pas dit qu'on aurait de la compagnie, roucoula-t-elle en posant ses griffes sur le blouson de Baekhyun.
Baekhyun ne lui adressa pas le moindre regard et dégagea sa main. La trace de ses doigts lui provoqua un sentiment de dégoût profond. Jamais auparavant, il n'avait éprouvé autant de haine à être touché. Son agoraphobie était en train d'atteindre son paroxysme. Et puis, il pensait à Chanyeol. S'il l'avait vu, il aurait probablement eu cet air malheureux qui lui tordait le cœur à chaque fois. Ces filles étaient belles mais elles ne lui arrivaient pas à la cheville.
- Je ne suis pas là pour jouer. Minseok, dégage-les.
- Ouh, dominant et susceptible à ce que je vois, ronronna la brune.
La blonde se leva à son tour et encercla Baekhyun. Auparavant, deux femmes aussi pulpeuses et séduisantes l'auraient intimidé. Mais aujourd'hui, il n'était plus un chiot apeuré, mais bien un lion sauvage et inébranlable. Il pivota sur ses talons et observa son patron avec mélange d'impatience et d'agacement. Minseok attrapa ses conquêtes par le bras et leur demanda de patienter dans sa chambre. Baekhyun le regarda suivre du regard leurs fesses jusqu'à ce qu'elles disparaissent derrière la porte en or. Cet homme le dégoûtait probablement plus que les deux pauvres cloches qui se ridiculisaient. Depuis le début, à partir du moment où sa façade amicale était tombée, Baekhyun avait su qu'il le détesterait. Minseok était antipathique, le genre de personne qui vous méprise sans même vous connaître, qui pense savoir mieux que vous, être plus grand que vous. Aujourd'hui, sa grandeur allait le rattraper. Baekhyun savait qu'en quelques mots, il allait le rendre minuscule. Plus fin qu'une poussière. L'homme avec qui il avait collaboré ces cinq dernière années, n'était pas le même que celui qui lui avait tendu sa carte de visite ce soir-là. S'il avait su que sa carrière prendrait un tournant pareil, il ne se serait jamais pointé devant cette agence. Aujourd'hui, il allait mettre fin à tous ces mensonges. Finis les cachoteries, les paparazzis. Un vent de liberté soufflait.
- Bon, parlons peu mais parlons-bien. Je te sers un verre ?
- Non. J'aime autant rester sobre.
- Ce qui n'est pas mon cas, murmura Minseok en se versant du bourbon.
Il fit tourner le liquide dans son verre pendant quelques secondes. Baekhyun attendit d'avoir toute son attention pour lui faire part de sa décision.
- Je vais payer.
Minseok eut un sourire.
- Ça fait un sacré paquet de pognon, remarqua-t-il.
Il se redressa et prit une gorgée de sa boisson.
- Tu sais Baekhyun, même si j'avais pu payer, je ne l'aurais pas fait, dit-il en déglutissant. Je ne veux plus assumer tes conneries. T'étais un bon poulain avant. T'écoutais au doigt et à l'œil. Aujourd'hui, tu fais ta star rebelle et ça commence à me gonfler.
- Ça tombe bien parce que moi aussi. J'en ai ras le cul d'être traité comme un chien.
- Que peux-tu faire ? C'est grâce à moi que tu en es là aujourd'hui. Sans moi, t'aurais rien de tout ça, lui dit-il en pointant son manteau et ses chaussures.
- J'ai fait ça parce que j'avais besoin d'argent pour le traitement de ma mère. Tu le savais et tu t'es servi de ça contre moi.
- Evidemment !
Minseok ne cherchait même plus à se cacher.
- Faudrait vraiment être con pour ne pas jouer sur la corde sensible. J'allais quand même pas te laisser partir. Tu me rapportes plus que tous mes autres artistes combinés, alors !
- Dommage Minseok. Aujourd'hui, je ne suis plus l'âne à qui on donne la carotte, j'ai souffert trop longtemps de ces conneries. Toi qui employais les grands mots, qui m'as menacé tant de fois de rompre notre contrat, hé bien tu vas être ravi car ce soir, j'y mets fin. C'est fini. Game over.
Baekhyun ouvrit sa mallette et sortit une liasse de papier. En voyant qu'il ne rigolait pas, Minseok se redressa subitement.
- Ola, tout doux. Qu'est-ce que tu racontes ?
- Tu m'as très bien compris. J'arrête tout. La musique, les concerts, c'est terminé, déclara-t-il d'un ton sans appel.
- Attends ! Je ne suis pas sûr que tu réalises bien ce que tu es en train de dire, dit Minseok avec un rire nerveux.
- Ne t'inquiètes pas, je maîtrise suffisamment ma langue pour savoir ce que les mots « contrat » et « terminé » veulent dire. Je sais ce que je veux. Et rien de ce que tu pourras dire ne me fera changer d'avis.
- Baekhyun, tu ne peux pas faire ça voyons ! Tu vas le regretter. Pense à tout l'argent que tu vas perdre-
- Mais je me fous de cet argent ! Pour toi, il n'y a que ça qui compte. Sans ton argent, tu ne vaux rien, tu es creux Minseok. Mais devine quoi ? Je n'ai plus besoin de ton pognon !
Les mots sortaient tous seuls. Baekhyun était une véritable mitraillette. Ses cris rebondissaient sur les murs de l'appartement mais ça ne l'empêchait pas de hurler, toujours plus fort. Minseok pâlissait à vue d'œil. Son état de panique, lui donna un coup de fouet et l'encouragea à enfoncer le clou.
- Toutes ces années, je n'ai fait que trimer pour que finalement tout mon argent te revienne. Tu m'as payé une misère pendant plus de quatre ans, tu m'as fait miroiter des choses en me faisant croire que tu augmenterais mon salaire, alors qu'en réalité, t'as flingué toute ma thune dans tes saloperies de drogues. Tu as été mon créancier pendant tout ce temps mais c'est fini. Je refuse de rester attacher à tes chaînes.
- Non, je crois qu'il s'agit d'un malentendu. Bien-sûr que tu vas être augmenté, je veux dire pour ta maman et-
- La-ferme ! Je t'interdis de parler de ma mère. Ça ne marche plus. Tu m'as contrôlé et privé de ma liberté. Aujourd'hui, je la reprends.
D'un geste symbolique, Baekhyun saisit le contrat et le déchira sous les yeux effarés de Minseok. Le bruit des lambeaux qui se séparent résonna comme une bombe dans l'appartement. En voyant les morceaux de papiers virevolter, Minseok se précipita pour les ramasser.
- Non, non, non, c'est impossible, répéta-t-il en tentant de les réunir. Comment peux-tu faire une chose pareille ?!
Baekhyun le regarda avec une pointe de pitié. Minseok était encore plus paumé que lui. Sans ses chanteurs, sa vie n'avait aucun sens. Il s'attarda un long moment sur son visage proche de l'hystérie puis fit demi-tour. Sa mission était presque remplie. Sur le pas de la porte, la voix désespérée de son ex-patron l'interpella.
- Si... Si tu comptais mettre fin à ta carrière alors pourquoi chercher à garder ces photos privées ? Je veux savoir, dis-moi, supplia-t-il.
Baekhyun lui lança un regard. Il était pathétique, à poils avec ses papiers froissés dans la main.
- Pour le protéger, lui. Je sais que c'est dur à avaler mais pas tout le monde n'est égoïste comme toi.
Minseok fit une grimace. Il resta silencieux pendant quelques secondes puis, comme s'il venait d'avoir une idée formidable, releva la tête avec une mine de gamin émerveillé.
- Et l'argent ? Il est où ?
- Tu ne m'en voudras pas, si je te dis que je ne te fais pas confiance ? Je me chargerais de le déposer. On n'est jamais mieux servi que par soi-même.
Ces quelques mots lui clouèrent le bec. Pour une fois, c'était lui qui le regardait de haut et Minseok qui rampait à ses pieds.
- Baekhyun... reste. Je t'en supplie ! J'ai besoin de toi ! Tu ne peux pas faire ça ! Dis-moi ce que tu veux, peu importe ce que c'est, je te l'offrirais.
Baekhyun fit mine de réfléchir.
- Ce que je veux, tu ne pourras jamais me l'offrir.
- Si ! Bien-sûr, tu n'as qu'à me dire et-
- Je veux qu'il reste en vie.
- P-Pardon ?
- Si tu fais en sorte que Chanyeol survive à sa maladie, alors je reviendrais. Mais tu n'es pas magicien donc...
Il ouvrit la porte et sortit de l'appartement, sans se retourner. A peine eut-il fait quelques pas dans le couloir qu'un hurlement retentit dans tout l'immeuble. Minseok venait enfin de comprendre : il avait perdu.
Baekhyun se sentait plus léger, en descendant les escaliers, il s'autorisa même à rire. Son rire lui saisit la poitrine, remonta le long de sa gorge puis éclata dans l'air frais de la nuit. Que c'était bon d'être libre ! En regagnant sa voiture, il récupéra son portable qu'il avait glissé dans la boîte à gant et l'alluma. La batterie était faible mais suffisante pour qu'il prenne connaissance des appels manqués de Chanyeol. Ses sourcils se froncèrent. Il n'eut pas besoin d'écouter sa boîte vocale pour comprendre ce qui se passait. Les deux sms rédigés à dix-neuf heures et vingt-trois heures, l'alarmèrent. Il avait été tellement troublé par toute cette histoire, qu'il en avait oublié leur rendez-vous.
« Quel con ! » grogna-t-il en se mordant le poing. La culpabilité lui rongea aussitôt la poitrine. Dans quel état était Chanyeol ? Lui en voulait-il ? Etait-il déçu ? Probablement. La réponse se trouvait sur son répondeur mais il était trop peureux pour écouter sa voix inquiète. Il ne voulait pas avoir à supporter ses sanglots et sa respiration angoissée. Combien de temps l'avait-il attendu ? Certainement trop longtemps. Baekhyun avait bien merdé. Il en était maintenant certain, Madame Park devait le haïr. Il ne restait plus qu'à prier pour que son fils accepte ses excuses. En rédigeant son sms, il espéra qu'il n'était pas trop tard pour se rattraper.
« Chanyeol, aucun mot ne suffirait pour te dire à quel point je suis désolé. Il m'est arrivé quelque chose qui m'a totalement fait oublier notre dîner. »
« Je te demande pardon et je veux que tu saches que rien, n'est plus important que toi. »
« Je sais qu'il est tard mais si tu ne dors pas, réponds-moi. J'ai un truc important à te dire. »
« Bonne nuit Chanyeol. »
Baekhyun rangea son portable et tenta d'ignorer la douleur qui lui brûlait la poitrine. Il ne lui restait plus qu'une chose à faire, déposer l'argent. Ensuite, il aviserait. Le plus urgent était d'aller voir Chanyeol. Il avait besoin de le sentir contre lui.
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