Chapitre 27: Confrontation
« Putain mais qu'est-ce que tu fous là ? »
Les mots sortirent avec une violence inouïe. C'était un cri du cœur, un cri de désespoir qui sonna comme une déflagration dans le silence. Monsieur Park dévisagea son fils, visiblement déstabilisé mais Chanyeol ne détourna pas une seconde les yeux de ceux de Baekhyun. Son regard était tranchant, acéré comme de l'acier, sa bouche fermée et sa mâchoire contractée. Baekhyun ne l'avait jamais vu comme ça, aussi froid, aussi effrayant. Ce n'était plus le gamin pré pubère de la chambre d'hôpital. C'était un lion, un véritable chasseur prêt à sauter sur sa proie.
Monsieur Park comprit, face à la tension qui régnait dans la pièce, qu'il valait mieux s'éloigner. Il traversa le couloir en sens inverse et entraîna avec lui sa femme. En entendant Chanyeol hurler, Madame Park, complètement affolée, avait passé sa tête dans l'encadrement de la porte pour voir ce qui se passait. Lorsqu'elle avait aperçu Baekhyun, face à son fils, un vague de colère l'avait envahie. Si elle s'était écoutée, elle aurait traversé la pièce et l'aurait giflé sans retenue. Elle ne voulait plus qu'il s'approche de Chanyeol. Cet homme n'avait plus rien à faire dans sa maison, pas après tout le chagrin qu'il avait causé à son fils. La rage contorsionna ses traits. Chanyeol était le lionceau devenu adulte et elle, la lionne protectrice, pas décidée à le lâcher. Force était de constater que ce n'était pas à elle de régler le problème. Chanyeol était suffisamment grand pour confronter lui-même Baekhyun. Elle savait surtout qu'il n'aurait pas supporté qu'elle parle pour lui. C'était son histoire, elle n'était plus qu'un personnage secondaire. Alors, lorsque son mari l'agrippa par l'épaule, elle accepta de s'effacer sans lutter.
Baekhyun ne savait pas quoi penser. Chanyeol était illisible. Jusqu'ici, il n'avait jamais eu aucun souci pour déchiffrer ses pensées et ses sentiments. Mais là, il avait l'impression désagréable d'être face à un inconnu. Chanyeol s'approcha de lui sans un mot. Son visage était impassible et distant. Aucune émotion ne trahissait ses pensées. Il ne semblait même pas en colère, simplement ennuyé.
Lorsqu'ils furent suffisamment proches l'un de l'autre, Baekhyun dut fermer les yeux pour ne pas céder. Son corps tout entier réagit. Ses genoux se mirent à trembler, ses mains se contractèrent dans ses poches et son cœur s'emballa dans sa poitrine. Le parfum de Chanyeol enivrait tous ses sens, son souffle chaud rasait ses lèvres. Seulement une poignée de centimètres les séparaient. Ils n'avaient jamais été aussi proches et pourtant, Baekhyun avait la sensation qu'ils étaient à des années lumières loin de l'autre, qu'ils ne se comprenaient plus. Leur proximité n'avait rien de romantique. Le regard de Chanyeol était catégorique : c'était une confrontation.
- Je t'ai demandé ce que tu foutais là ? répéta-t-il plus doucement, presque en chuchotant.
Baekhyun était tellement déstabilisé par son langage et l'agressivité qui émanait de sa posture, qu'il chercha ses mots.
- Je... Je dois te parler, avoua-t-il en baissant les yeux.
Le regard de Chanyeol était trop intense pour qu'il puisse le soutenir. La peur lui fit faire un pas à l'arrière. Il se trouvait pathétique. Que lui prenait-il de craindre un gamin de dix-sept ans ? C'était lui l'adulte, lui qui transpirait la confiance et l'assurance. Il n'aurait jamais dû être effrayé, bien au contraire. Et pourtant, il était incapable de le regarder en face. Au fond, il savait depuis le début que Chanyeol n'allait pas l'accueillir à bras ouverts. Mais il ne s'attendait pas non plus à ce que son visage soit aussi fermé et imperturbable. Il ne s'attendait pas à ce qu'une simple question lui fasse aussi mal. Ses boyaux se tordirent désagréablement alors que la culpabilité le forçait à relever la tête. Il devait s'excuser. C'était pour ça qu'il était venu. Seulement, Chanyeol ne lui laissa pas le temps de dire un mot de plus qu'il ouvrit la porte dans son dos et le poussa d'un coup sec à l'extérieur. Ses mains ne s'attardèrent pas sur son torse, ne touchèrent pas sa joue, n'agrippèrent pas ses cheveux. Elles retombèrent simplement le long de son corps tremblant.
- Eh bien moi je n'ai pas envie de te parler, alors casse toi.
Chanyeol savait que si Baekhyun restait une minute de plus, sa façade solide risquait de s'effriter. Il avait de plus en plus de mal à contenir ses larmes. Les sanglots lui brûlaient la gorge et lui broyaient l'estomac. Il avait tellement envie de tout oublier et de se jeter contre lui. D'attendre que Baekhyun le serre dans ses bras pour pouvoir pleurer contre son blouson. C'était certainement plus facile que d'agir comme il le faisait. Mais il ne pouvait pas craquer aussi facilement et le laisser jouir de sa faiblesse. Il était hors de question qu'il cède après avoir si peu lutté. Baekhyun ne méritait même pas qu'il lui parle, encore moins qu'il le regarde. Pourtant c'est ce qu'il fit. C'était plus fort que lui. Malgré la colère et le chagrin, il ne pouvait pas s'empêcher de le détailler et de le trouver sublime. Il avait envie de l'aimer, comme avant. Avant que tout ne déraille. Quand ils ne se connaissaient pas encore et qu'il idéalisait cette star derrière son écran. Quand il ne savait pas encore de quoi Baekhyun était capable, qu'il ignorait toute la méchanceté que son faux-sourire renfermait. Il avait envie que son rire le berce la nuit, que ses bras emprisonnent sa taille, que sa bouche délicate se presse au creux de son cou. Il arrivait au bout de ses résistances et Baekhyun ne s'était toujours pas décidé à partir. Il avait sorti les mains de ses poches et serrait les poings.
- Chanyeol, je suis parfaitement conscient que tu n'as probablement pas envie de me voir et je le comprends. Mais laisse-moi au moins la chance de m'expliquer. Accorde-moi cinq minutes. Et ensuite, je m'en vais et je disparais.
- Tais-toi. Tais-toi, je ne veux pas t'entendre. Je ne veux pas connaître tes explications stupides. Ce que tu m'as dit est impardonnable. Tu regrettes ? C'est trop tard. Il fallait y réfléchir avant de me balancer toutes ces horreurs, maintenant va-t'en.
- Chanyeol je-
- Mais qu'est-ce que tu ne comprends pas ?! hurla-t-il à bout de forces
Les larmes brouillaient ses yeux et lorsqu'il cligna des paupières deux d'entre elles roulèrent sur ses joues. Ses fissures étaient en train de devenir des crevasses profondes et douloureuses. Il ne voulait pas que Baekhyun s'infiltre dedans. Il souffrait déjà trop. Sans réfléchir à ce qu'il faisait, il abattit ses poings sur son torse et le frappa encore et encore jusqu'à ce qu'il recule.
- Je t'ai demandé de partir ! Même ça tu ne peux pas le respecter ? cria-t-il en gardant la tête basse.
Ses épaules étaient voûtées et son dos courbé. Son être tout entier grelottait et le froid hivernal n'avait rien à voir. Chanyeol garda les yeux clos dans l'espoir que Baekhyun ne remarquerait pas ses larmes. Mais il ne les voyait que trop bien. Elles tombaient par paquet et laissaient des traces sur le sol, comme pour le faire culpabiliser davantage. Il ne savait plus quoi faire. Partir pour ne plus avoir à supporter cette scène douloureuse, ou rester et continuer d'entendre ces hoquets de désespoir ? Il avait tellement mal. Voir Chanyeol dans cet état lui crevait le cœur. Il était fautif et pourtant, incapable de réaliser que c'était lui, l'origine de ses larmes. C'était lui qui avait plongé Chanyeol dans un chagrin si profond qu'il arrivait à peine à respirer. Lui, et personne d'autre. Il ne pouvait pas jouer au justicier et péter la gueule du responsable. Car, une fois de plus, c'était lui.
Chanyeol n'arrivait plus à masquer ses sanglots tourmentés ni à conserver son flegme. Sa respiration était hachée et ses jambes instables. C'était trop dur de faire semblant. Tous les efforts qu'il avait faits pour masquer sa surprise, et agir comme s'il n'avait pas ressenti une douleur aigue en le voyant, étaient ruinés. Il avait tout mis en œuvre pour dissimuler le mélange toxique de joie et de peine dans lequel son cœur s'était noyé, mais échouait si près du but. Simplement parce qu'il n'était pas capable de retenir ses larmes. Ses blessures s'étaient ré ouvertes à la seconde où Baekhyun l'avait regardé. Il était bouleversé. Il n'y avait pas d'autres mots pour décrire ce qu'il ressentait. Le stade de la colère était passé depuis bien longtemps. Il n'avait plus envie de se défouler sur lui, de lui hurler toutes les insultes qui empoisonnaient son esprit. Il ne souhaitait plus qu'une chose : qu'il parte.
- S'il te plaît, vas-t-en, demanda-t-il à nouveau en refermant ses mains sur le blouson de Baekhyun.
- Je ne peux pas... Je m'en voudrais trop... Il faut que je te parle.
Son corps était en désaccords complet avec son esprit. Ses gestes contredisaient ses mots. Alors que sa tête lui disait de le rejeter pour se protéger et s'éviter une souffrance supplémentaire, son cœur lui, criait pour qu'il se blottisse dans sa chaleur et se laisse apaiser par ses mots. Soudain, une nouvelle vague de rage, lui fit retrouver la raison et alors, il lâcha Baekhyun et se recula.
- Casse toi bordel ! reprit-il d'une voix plus forte, moins fragile. Je ne veux plus te voir tu m'entends ?! Tu as tout ruiné alors qu'est-ce que tu viens foutre ici ? Ça ne te suffit pas de savoir qu'à cause de toi, j'ai arrêté de compter les nuits blanches ? Les repas que j'ai sautés, le temps passé à la fenêtre en pensant à toi, à ce que tu devenais ? Je n'ai fait que m'inquiéter et espérer comme un con que tu reviendrais me voir... depuis le début j'aurais dû savoir que c'était trop beau !
Ses mains le bousculèrent à nouveau mais cette fois, Baekhyun ne broncha pas. Chanyeol n'avait plus de force. Ce n'était plus suffisant pour le faire reculer. Il essaya à nouveau, le visage strié de larmes et, face à son nouvel échec, martela sa poitrine de coups.
- Je... Je te déteste... sanglota-t-il avant d'ouvrir la bouche dans un cri silencieux.
La douleur déformait son visage. Baekhyun ne supporta plus de le voir s'acharner autant. D'un geste doux, il arrêta ses mains avant qu'elles ne le frappe à nouveau, et enserra ses poignets entre son pouce et son index. Chanyeol continua de se débattre pendant quelques secondes, les yeux pleins de larmes et de souffrance, puis se laissa aller contre Baekhyun lorsqu'il l'attira à lui.
- Chut... Tout va bien... Calme... murmura-t-il en passant sa main libre dans ses cheveux.
Chanyeol continua de hoqueter en enfonçant son front contre son torse, puis autorisa ses jambes à céder. Doucement, Baekhyun le fit glisser au sol, jusqu'à ce qu'ils soient tous les deux assis par terre. Il unit leurs fronts dans l'espoir de le calmer et soupira en voyant que la situation empirait. Chanyeol garda les yeux fermés en secouant hystériquement la tête mais n'opposa aucune résistance lorsque Baekhyun le manipula pour le caler contre son épaule. Il ne parlait plus mais avait gardé la bouche grande ouverte pour vocaliser sa douleur, qui ne sortait qu'en de petits cris silencieux. La commissure de ses lèvres était couverte de salive, mais Baekhyun n'en tint pas compte lorsqu'il libéra ses poignets et le serra contre lui de toutes ces forces. C'était cruel de le voir souffrir autant.
- Je suis là... Tout ira bien maintenant. Je ne m'en irai plus.
Pour l'instant, sa priorité était de le rassurer et de calmer sa respiration erratique. Il faisait froid mais étrangement, Chanyeol se sentit réchauffé par la douceur de Baekhyun. Il savait qu'il devait se relever et continuer de se battre. C'était trop simple d'abandonner tout de suite. Il ne voulait plus souffrir, et pour éloigner la douleur, il fallait que Baekhyun parte, qu'il le chasse définitivement de sa vie. Il ne pouvait pas fléchir et lui pardonner aussitôt. Il n'avait rien fait qui excuse son geste, bien au contraire. Il se rendait détestable en agissant ainsi. Il profitait impudiquement de sa souffrance et sa faiblesse pour le forcer à faire ce qu'il ne voulait pas. S'il avait été dans un état normal, Chanyeol n'aurait jamais accepté de se laisser aller contre lui mais il était dévasté et complètement hors de lui-même. Faire appel à sa raison dans une situation pareille, semblait dérisoire. Il ne changeait décidément. Comme avant, il se sentit terriblement bien dans ses bras. Même la colère qui l'agitait ne suffirait pas à le faire s'éloigner. Il s'abandonnait complètement. La voix de Baekhyun était comme une berceuse à son oreille. Chaude, rassurante. Tout était tellement plus facile maintenant qu'il n'avait plus à lutter. Il suffisait de fermer les yeux pour que tous ses problèmes disparaissent. Mais au fond de lui, Chanyeol savait que le sentiment de bien-être qu'il ressentait n'était que passager. Baekhyun avait commis une erreur, il était parfaitement capable de la reproduire.
Chanyeol serra les poings. Baekhyun se comportait comme un égoïste. Ne l'avait-il pas été depuis le début ? Il profitait délibérément de ses sentiments pour le faire plier, pour adoucir sa rage et lui faire croire qu'il n'était pas le méchant loup de l'histoire. Chanyeol était encore suffisamment lucide pour réaliser que Baekhyun se servait de son amour, qu'il utilisait son pouvoir de séduction pour lui faire entendre ce qu'il n'avait pas envie d'écouter.
- Pourquoi tu m'imposes ça ? Tu me fais tellement mal. Vas-t-en...
L'étreinte de Baekhyun se resserra jusqu'à ce qu'il ait du mal à respirer.
- Je ne veux pas te blesser. Ce n'est absolument pas mon but, murmura-t-il alors que son cœur se broyait sous la culpabilité. Mais je ne peux pas partir tant que tu ne m'auras pas laissé parler.
- Je ne veux pas te voir, ni t'écouter, ni te sentir, hurla Chanyeol en le bousculant.
Baekhyun posa une main derrière lui pour se rattraper et cala Chanyeol entre ses jambes écartées.
- Non. Tu dis ça uniquement parce que tu es remué par tes sentiments. Mais je sais qu'au fond de toi, tu veux savoir ce qu'il s'est passé. Je sais que tu...
...m'aime encore.
Baekhyun se retint juste avant d'en dire trop.
- Seule la conclusion m'intéresse. Et je l'ai. Tu m'as abandonné lâchement, tu m'as fait du mal et tu n'as eu aucun remord.
- Tu crois que si je n'en avais pas, je serais là ?
- Oui ! Oui parce que tu flippes juste que je balance toute ta vie privée sur les réseaux. C'est uniquement pour t'assurer que je ne compte pas détruire ta carrière. Mais ne t'inquiètes pas, je n'ai aucune intention de le faire. Tu t'en sortiras très bien tout seul, cracha Chanyeol en se levant.
Complètement sonné, Baekhyun le regarda essuyer furieusement ses joues. Comment avait-il pu en arriver à une conclusion pareille ? C'était insensé. Une part de lui fut blessée qu'il le pense capable d'une chose, mais l'autre plus forte, refusa de s'attarder sur le mal que ces mots lui causaient. Chanyeol était en train de lui échapper. Sans hésiter, il se leva d'un bon et l'attrapa par la taille juste avant qu'il n'atteigne la porte. En sentant ses mains sur ses hanches, Chanyeol se figea. Son cœur étriqué entre des murs de poisons, se mit à vibrer dans sa poitrine. Toute la douleur s'en alla instantanément.
Seules les larmes d'incompréhension restèrent. Baekhyun n'hésita pas à poser sa tête sur son épaule et refermer ses bras autour de sa taille. C'était une position intime et pourtant, la situation leur interdisait de l'être. Chanyeol était crispé, partagé entre la gêne et la rancœur. Baekhyun, de son côté, était prêt à tout sacrifier pour se faire entendre. Oui, c'était cruel d'utiliser les sentiments de Chanyeol comme une arme, mais ça l'était encore plus de le laisser partir sans rien faire.
- Lâche-moi, s'il te plaît, demanda Chanyeol dont les joues flamboyaient et le cœur s'emballait.
- Non. Je refuse.
Baekhyun plaqua son torse contre son dos le serra jusqu'à ce que ses pleurs cessent. Chanyeol fixa avec appréhension la lumière qui filtrait à travers la porte. Si sa mère les voyait comme ça, elle saurait qu'il avait craqué. Sa fierté lui interdisait de céder. C'était elle qui avait raison, Baekhyun était un poison toxique dont il fallait impérativement s'éloigner. Il avait réussi à s'infiltrer en lui, comme une drogue, en se rendant indispensable et maintenant que Chanyeol avait enfin appris à vivre sans lui, il ne voulait plus retourner à la case départ.
- J'ai préparé quelque chose pour toi, souffla Baekhyun dans son oreille.
Ses cheveux s'hérissèrent le long de sa nuque et son pouls accéléra.
- Si c'est la dernière fois que je te vois, je veux que les choses soient faites correctement. Ne me laisse pas partir sans avoir prouvé ce que je valais.
- Tu n'as plus aucune valeur à mes yeux, Baekhyun. Tu étais précieux mais tu as tout gâché, cracha-t-il en fixant la porte.
Le dégoût était audible dans sa voix chevrotante. Il lui en voulait d'avoir tout foutu en l'air alors qu'ils avaient commencé une histoire merveilleuse. Une où Chanyeol mourrait à la fin, certes, mais où il mourrait heureux. Celle-ci n'était pas la version qu'il voulait entendre. D'un geste sec, il écarta les bras de Baekhyun et se tourna vers lui. Ce qu'il vit l'ébranla, au point qu'il regretta presque ses mots. Baekhyun avait la mâchoire tendue, les dents serrées et le fixait avec une expression qu'il n'avait jamais vue sur son visage. Ce n'était ni de la colère, ni de la peine. Son regard était découragé, presque blasé.
- Alors c'est tout ? souffla-t-il dans l'air glacé.
Ses mots formèrent un nuage de buée mais Chanyeol le remarqua à peine. Il était trop focalisé sur ses yeux pour être conscient de son environnement. Ses beaux yeux rieurs qui étaient désormais voilés de larmes. Il ne pouvait pas croire que Baekhyun allait pleurer. Pas à cause de lui. C'était insensé. La situation ne pouvait pas se retourner contre lui. C'était lui la victime, pas Baekhyun.
- Tu vas juste me laisser partir sans rien faire ? Tu ne me laisses même pas une chance de me prouver ? De me rattraper ? Tu sais quoi ? Je croyais être le con de l'histoire mais là, je commence à avoir des doutes. Tu veux que je parte ? D'accord, je n'insisterai plus. Je m'en vais. J'espère en tout cas, que tu ne regretteras pas ce que tu es en train de faire. Malgré tout, je te souhaite d'être heureux. Que je sois là ou pas. Oh merde...
Baekhyun leva les yeux au ciel et passa son pouce sous ses cils pour empêcher les larmes de couler. Il secoua ensuite la tête avec un sourire triste.
- Ca fait plus mal que ce que je croyais.
Puis il tourna les talons et descendit les marches du perron. Abasourdi, Chanyeol regarda sa silhouette s'enfoncer dans l'obscurité. Ses mains se mirent à trembler et sa vision devint floue. Baekhyun faisait exactement ce qu'il lui avait demandé. Il s'en allait comme il le lui avait ordonné et pourtant, il ne se sentit pas plus apaisé Son départ ne lui provoqua aucune satisfaction. Bien au contraire. Lorsque les phares de sa voiture s'allumèrent et que le moteur vrombit, il réalisa qu'au fond, ce n'était pas du tout ce qu'il voulait, ce que son cœur voulait réellement. Il était en train de laisser s'échapper la seule opportunité de renouer avec lui. De vivre ces derniers mois avec celui qu'il aimait. Chanyeol était encore jeune et incertain. Il savait qu'il aurait probablement dû rentrer chez lui et se montrer raisonnable. Mais il n'avait plus envie de passer sa nuit à pleurer dans ses draps. C'était fini. Baekhyun avait parcouru la moitié du chemin en venant jusqu'ici. C'était à lui de franchir le reste pour les réunir.
Pendant une fraction de seconde, ses pieds restèrent collés au sol. Inconsciemment, il savait que derrière ses vitres teintées, Baekhyun le regardait. Il pouvait presque sentir la chaleur de ses pupilles le transpercer. Etait-il en train de pleurer ? Ou bien avait-il conservé ce même sourire désabusé ? Chanyeol voulait connaître la vérité. Il était décidé.
« Baekhyun ! »
Sans plus hésiter, il s'élança derrière la voiture en courant. Ses pieds s'enfoncèrent dans les graviers et ses chaussettes prirent la couleur marron de la terre, mais ça ne l'arrêta pas. Il était déterminé. Baekhyun avait déjà parcouru cent mètres mais il roulait au pas, de peur qu'un enfant surgisse de la pénombre. Il n'avait qu'une hâte, rentrer chez lui et vider son minibar. Au diable les remarques de Marisa. Il avait besoin de quelque chose de fort, qui lui retournerait le cerveau et lui ferait oublier à quel point sa vie était ratée. Le chagrin lui serrait la gorge mais il refusa de pleurer, pas tant qu'il ne serait pas chez lui, à l'abri des regards. C'était la première fois qu'il se sentait aussi désespéré depuis qu'il avait accompagné sa mère à l'hôpital. Même sa séparation avec Taeyeon ne lui avait pas fait autant de mal. Il avait l'impression qu'on avait percé un trou dans sa poitrine. Il saignait de l'intérieur. C'était une douleur indescriptible, inhumaine.
« Fait chier. » Il avait beau serrer son volant et tout faire pour les ignorer, ses larmes persistaient.
« Tu vas quand même pas pleurer pour un gamin ingrat ? C'est ridicule. »
D'un geste sec, il augmenta le son de la radio en espérant que les vibrations des basses lui feraient oublier celles de son cœur. Il arrivait au bout de la rue, son pied se positionna sur l'accélérateur, mais alors qu'il s'apprêtait à appuyer dessus, son regard fut attiré par son rétroviseur. Quelqu'un le suivait. Quelqu'un courait derrière sa voiture. Pendant une seconde, la panique le saisit. S'il s'arrêtait, il était foutu. On allait probablement lui démonter sa caisse à coups de battes, jusqu'à ce qu'il accepte de donner son portable et son portefeuille. Comment avait-il pu être si négligent ? Chanyeol habitait dans l'un des pires quartiers de New York. Il aurait dû assurer ses arrières. Son instinct, le fit pourtant ralentir. Un mélange de curiosité mêlé à sa témérité habituelle l'obligea à décélérer. Ses yeux se plissèrent pour tenter de distinguer le visage de la silhouette qui le traquait et dès que ses traits familiers devinrent nets, il pila brutalement. Sa poitrine rebondit contre le klaxon et déclencha un bruit strident. Par réflexe, Baekhyun vérifia à nouveau qu'il ne s'était pas trompé. Mais non, son imagination ne le faisait pas encore délirer. C'était bien son adolescent imprévisible qui le suivait.
Chanyeol était à bout de souffle, le manque de sport et la maladie avaient sévèrement réduit ses capacités. L'époque où il courait dans la forêt pendant des heures sans être fatigué lui semblait bien lointaine. Aujourd'hui, il était à peine capable de tenir jusqu'au bout de la rue. Il n'avait parcouru que cinq cent mètres mais avait l'impression d'achever un marathon. La plante de ses pieds brûlait. Des dizaines de cailloux s'étaient enfoncés dans sa chair et le faisait grimacer à chaque pas. Mais il était hors de question qu'il s'arrête. Son souffle était court et erratique. Tous ses muscles lui criaient de s'arrêter. Il les malmena jusqu'au bout. Le vent dans son visage lui fit du bien. Il avait l'impression d'être libre. Pendant ces quelques mètres, il réalisa que c'était sa décision qui comptait. Pas celle d'un autre, pas celle que Baekhyun lui imposait. C'était lui qui avait décidé de courir.
Lorsque la voiture de Baekhyun ralentit, il poussa jusqu'au maximum de sa force pour le rattraper. Ses poumons étaient calcinés et son visage écarlate. La sueur trempait ses vêtements, mais ce n'était que le cadet de ses soucis. Il n'était vraiment pas séduisant : il ne cherchait pas à l'être. Tout ce qui comptait à cet instant était de rattraper cette fichue voiture. Les feux arrière s'éclairèrent un instant et le véhicule s'immobilisa. Chanyeol sut alors qu'il avait gagné. Ereinté, il prit appui sur la portière passagère et attendit que Baekhyun lui ouvre pour se glisser dans l'habitacle. La radio avait été coupée mais le moteur tournait toujours. Pendant un moment, aucun d'eux ne parla. Chanyeol reprit doucement sa respiration en fixant le pare-brise. Baekhyun lui, fixait son profil avec une expression proche de la gratitude.
- Tu as raison. Je ne veux pas te laisser partir sans explication. C'était bête de ma part d'agir comme ça.
- Non, c'était compréhensible. Je t'ai fait du mal et je m'en veux. Pardonne-moi, Chanyeol.
En entendant son prénom, Chanyeol tourna la tête vers Baekhyun. Il était ému. La perspective que Baekhyun s'excuse lui paraissait invraisemblable. Plus de trois semaines s'étaient écoulées. Il le croyait sorti de sa vie. Mais Baekhyun était pleins de surprises.
- Tu me manques, lâcha-t-il au bout d'un long moment.
Chanyeol le détailla pour s'assurer qu'il n'essayait pas de l'amadouer. La sincérité qui brillait dans son regard lui donna des frissons.
- Pourquoi tu m'as fait ça ?
- J'étais bouleversé. Je ne pensais pas ce que je t'ai dit. Je me suis comporté comme un véritable con. Mais tu as ré ouvert une de mes blessures profondes.
- Pourquoi avoir attendu si longtemps pour t'excuser ?
- J'ai mis du temps à prendre ma décision. A savoir ce que je devais faire. Je craignais que tu refuses de m'écouter. Et j'avais raison.
- Mais là je t'écoute. Alors dis-moi.
- Chanyeol, laisse-moi t'emprunter pour ce soir. Je te raconterai tout.
- Je ne sais pas si c'est une bonne idée...
- S'il te plaît.
Baekhyun passa sa main au-dessus du frein et emprisonna les doigts de Chanyeol dans les siens. La teinte rouge que prirent ses joues ne lui échappa pas. Il lui faisait toujours autant d'effet.
- Où comptes-tu m'emmener ?
- Je crois qu'on avait un dîner en bord de plage prévu, non ?
L'expression de Chanyeol se tordit d'émotions. Les larmes lui montèrent aux yeux.
- Tu t'en souviens... ? chuchota-t-il.
Baekhyun replaça une mèche qui tombait devant ses yeux. Ses doigts s'attardèrent un instant sur son front brûlant puis revinrent à lui-même.
- Comment aurais-je pu oublier ton anniversaire ?
- Je pensais que... puisqu'on se parlait plus...
- Chut. Ne pense plus à rien. Ce soir, il n'y a que toi qui compte. Toi et seulement toi. Je te souhaite un merveilleux anniversaire Chanyeol.
Incapable de se contenir plus longtemps, Chanyeol se pencha par-dessus le frein à main et s'écrasa contre Baekhyun. Son cœur battait à tout rompre. Le sentiment d'euphorie qui l'animait était si puissant qu'il écrasa complètement la douleur. Il se sentait tellement bien. Aucun mot n'était suffisamment fort pour exprimer sa joie. Baekhyun parviendrait toujours à le surprendre. Ce soir, en réapparaissant, il venait de lui offrir le meilleur cadeau d'anniversaire possible.
- Merci... pour tout.
Sans un mot, Baekhyun passa sa main dans ses cheveux bouclés et les caressa doucement. Les choses rentraient enfin dans l'ordre.
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