Chapitre 16: L'interview
La première chose que Chanyeol vit en ouvrant les yeux fut la lumière blanche de la salle de réveil. Il était encore vaporeux et avait du mal à resituer les évènements. Son corps endolori le tiraillait de tous les côtés comme s'il avait fait une chute vertigineuse. Deux perfusions étaient reliées à chacun de ses bras. Il regarda distraitement le liquide goutter sans avoir la moindre idée de ce dont il s'agissait. Rien n'allait, sa vessie était pleine, ses yeux collants et son torse terriblement sensible comme si le simple fait de passer ses doigts dessus pouvait réveiller une douleur enfouie. Cette fois-ci, les sentiments n'y étaient pour rien. C'était purement physique. Chanyeol poussa un râle de douleur en essayant de se redresser, et jugea plus prudent de rester coucher. C'était la première fois qu'il se réveillait seul. Il en avait eu des opérations mais d'habitude, Layla était toujours là pour le rassurer lorsqu'il ouvrait les yeux. Parfois la fatigue et son corps inhibé de produit lui provoquaient des crises de larmes qu'il avait du mal à contenir. Mais cette fois-ci, rien ne vint. Comme si en l'espace de six mois depuis sa dernière anesthésie générale, il avait mûri. La souffrance était tellement présente qu'il aurait pu s'autoriser à pleurer, pour une fois. Pourtant, il ne le fit pas et resta immobile, à fixer le plafond. Ses poings serrés reposaient à ses côtés. Il autorisa son esprit encore embué à vagabonder. Les souvenirs vagues de son nez ensanglanté, ses jambes paralysées et ses cris animaliers l'inondèrent. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi son corps avait lâché à un moment pareil. Il allait si bien pourtant. C'était certainement un moyen de lui rappeler qu'il n'était pas encore tiré d'affaire. La mort n'avait pas encore absorbé toute son énergie. Elle le rappelait à l'ordre pour qu'il n'oublie pas qu'il ne s'en sortirait jamais. Son corps avait encore la force de se battre, il avait fallu qu'elle y remédie.
Le visage de sa mère traversa son esprit et sans qu'il n'en soit conscient, Chanyeol se mit à sourire. Il avait envie de la voir et de lui raconter la façon dont Baekhyun l'avait serré contre lui. De fondre son visage dans ses pulls larges, de respirer son odeur maternelle. Il pouvait déjà imaginer son regard tendre et mélancolique alors qu'il lui raconterait la venue surprise de Baekhyun. Sa mère n'oserait jamais lui briser ses rêves. Elle préférait l'écouter fantasmer sur des choses qui ne se produiraient jamais plutôt que de risquer le blesser. Chanyeol en était bien conscient, il suffisait de voir à quel point son sourire rétrécissait et ses yeux se voilaient lorsqu'il évoquait Baekhyun. Sa mère ne voyait pas bien ce que ce chanteur cherchait à faire. Comme Layla, elle avait été septique lorsqu'il l'avait emmené manger une glace. Cet homme s'était pris d'affection pour son petit garçon. Peut-être qu'il cherchait simplement à rendre sa vie moins lugubre, qu'il voulait l'égayer par sa présence. Elle espérait seulement qu'il n'avait pas de mauvaises intentions et qu'il ne se servirait pas de lui d'une quelconque manière qui pourrait définitivement lui faire du mal. Il n'avait pas besoin de ça pour booster sa carrière. Chanyeol passait son temps à lui assurer que Baekhyun était merveilleux. Il était difficile pour elle de savoir si elle devait prendre ses propos au pied de la lettre où se méfier de cet inconnu qui prenait de plus en plus de place dans sa vie. Son fils était ingénu et complètement aveuglé par le rêve démentiel que lui faisait vivre cet homme. Baekhyun restait une star. Qu'était-il prêt à faire pour devenir plus célèbre ? S'afficher publiquement avec un gamin malade était un bon moyen d'apparaître comme un samaritain. Il le savait probablement. Chanyeol ne pouvait se résigner à croire qu'il se servait de lui dans ce but. Surtout pas après la discussion qu'ils avaient eu hier. Et puis si son objectif était de se faire coincer par des paparazzis pourquoi cherchait-il à rester aussi discret ?
Rien que de penser à ce scénario loufoque, il se sentit étourdi. Ses paupières se fermèrent une seconde. Il avait vraiment besoin d'aller aux toilettes et pas la force de faire le moindre mouvement. Au bout de ce qui sembla une éternité, une infirmière qu'il ne connaissait pas, déboula dans la pièce, masquée et gantée.
- Comment vous sentez-vous ? lui demanda-t-elle ?
- Mal, répondit Chanyeol sans mentir.
Derrière elle, un homme qu'il n'avait jusque-là pas remarqué, s'avança. Ses traits étaient éreintés mais il n'eut aucun mal à le reconnaître comme le médecin avec qui il avait passé ses tests. A tous les coups, il avait passé une nuit blanche.
- Les médicaments vont doucement faire effet. En attendant ton système immunitaire reste très faible. Il va falloir limiter les contacts avec l'extérieur pendant quelques temps.
- Mais mes parents-
- Ne t'inquiète pas. L'hôpital les a informés que tu allais bien.
Chanyeol resta figé. Il ne voulait même pas imaginer combien ils allaient encore devoir payer pour ses frais médicaux. Son traitement coûtait déjà cher au quotidien mais les médicaments supplémentaires allaient rallonger la note. La situation ne pouvait pas être plus catastrophique. Il était prêt à parier que sa mère allait commencer à travailler même le weekend et c'était inconcevable. Elle s'épuisait pour qu'il puisse garder sa place ici alors qu'il allait mourir dans quelques mois. Il aurait tout aussi bien aimé qu'elle se repose et le laisse quitter ce foutu hôpital. Il n'avait plus rien à faire ici maintenant. Lisa n'était plus là. Et Baekhyun était probablement déjà reparti mener sa vie à cent à l'heure.
Imagine si tu avais fait ce choc chez toi, lui souffla une petite voix, le temps de t'emmener à l'hôpital, tu n'aurais pas survécu. Alors estime-toi heureux d'être ici.
Chanyeol avait du mal à accepter que pour une fois, il avait été au bon endroit au bon moment. Quand bien même, la simple pensée de la sueur sur le front de sa mère le rendait malade. Il se sentait tellement coupable de savoir qu'il était la cause de son laisser-aller. Il n'avait rien demandé, rien fait pour. Ça lui était tombé dessus d'un coup et pourtant il en payait les frais. Ils avaient eu cette conversation des dizaines de fois, Chanyeol voulait arrêter ses soins pour que sa mère cesse de s'épuiser. Si ça continuait, elle allait finir par mourir avant lui. Il ne vivait plus sous son toit, mais même absent il avait remarqué qu'elle ne mangeait presque plus, dormait à peine et se fringuait pour que personne ne la remarque. Que du noir et du gris. Elle essayait de disparaître en même temps que son fils. Chaque fois, leurs discussions finissaient en disputes violentes et douloureuses. Elle était catégorique là-dessus : il ne quitterait pas l'hôpital tant qu'il ne serait pas complètement guéri. Même lui savait que ça n'arriverait jamais, mais sa mère était convaincue que tout finirait par rentrer dans l'ordre. Exaspéré, Chanyeol avait cessé de lutter. Et puis Lisa était arrivée et il avait enfin trouvé une raison valide de supporter cet hôpital. Un duo de psychologue et médecin avait tenté d'expliquer à sa mère qu'elle se voilait la face uniquement parce qu'elle ne supportait pas d'affronter la réalité. C'était un moyen inconscient de se protéger. Elle avait si peur de la mort de son fils qu'elle croyait à l'impossible, l'irrationnel. Là encore, elle n'avait rien voulu entendre de ce que lui démontrait le psychologue. Elle s'était braquée et était partie avant la fin de la séance en claquant la porte. Le soir, elle avait rapporté à son mari que tout le monde se liguait contre elle et la faisait passer pour une folle, ce qu'elle n'était pas. Chanyeol n'aurait jamais rien su de tout cela si son père ne lui avait pas téléphoné en douce. « Il faut que tu parles à ta mère... C'est urgent. »
Le lendemain, ils avaient une conversation calme mais émotionnelle. Chanyeol avait accepté qu'elle travaille pour payer ses frais mais en échange, il lui avait demandé d'arrêter de vouloir convaincre tout le monde qu'il allait survivre et avant tout, d'arrêter de se convaincre elle. Il ne voulait pas qu'elle s'autodétruise en nourrissant des espoirs vains. Sa mère avait accepté en silence et s'était blottie contre lui lorsque les larmes avaient débordé. « Je n'invente rien... C'est seulement que je sais que tu vas guérir. J'en suis persuadée au plus profond de mon cœur. Et ça, c'est quelque chose que la science ne pourra jamais expliquer» lui avait-elle dit.
Chanyeol n'avait pas eu le temps de répondre. Elle était sortie de sa chambre sans lui laisser l'opportunité d'objecter. Etait-ce ça, l'instinct maternel ? Avait-elle prédit l'imprévisible ? Impossible de savoir.
- Vous allez être transféré dans votre chambre.
- Je peux savoir l'heure qu'il est s'il vous plaît ?
- Dix-huit heures.
- Oh...
Chanyeol baissa les yeux. Baekhyun devait certainement avoir quitté l'hôpital depuis belle lurette. Il aurait aimé lui dire au-revoir, lui montrer qu'il avait survécu, qu'il s'était battu comme il lui avait promis. Baekhyun n'était probablement pas au courant des dernières heures intenses qu'il avait traversé. Il était certainement à mille lieues d'imaginer à quel point il avait eu peur. Peur de mourir. Personne ne pouvait comprendre la terreur que ça représentait. Tant que la faucheuse ne s'était pas penchée au-dessus de votre lit avec ce sourire démoniaque, vous ne pouviez pas comprendre. Il n'y avait pas de mot suffisamment fort pour décrire le sentiment d'impuissance et de rage qui l'avait animé au moment de quitter Layla. Chanyeol avait sincèrement crut que ce serait la dernière fois. Mais il était encore là, vivant et affamé.
L'infirmière s'approcha de son lit et lui débrancha doucement les perfusions. Chanyeol remua un peu ses bras comme il en avait l'habitude. Ça faisait du bien de ne plus être prisonnier. Le docteur lui adressa un dernier hochement de tête bref, et s'éclipsa.
- Il y a quoi ce soir à manger ?
L'infirmière lui jeta un coup d'œil malicieux. Ce n'était définitivement pas la vieille peau qui alternait avec Layla.
- De quoi as-tu envie ?
- Je tuerais pour une pizza.
- Je vais voir ce que je peux faire mais ça reste notre petit secret.
Chanyeol zippa ses lèvres et lui offrit un sourire éclatant.
***
Baekhyun ne se souvenait plus de la dernière fois qu'il s'était fait trimballé en limousine. Ca remontait. Depuis qu'il avait touché son premier salaire, il avait mis un point d'honneur à ne plus jamais se reposer sur les services de Minseok. A choisir, entre une limousine spacieuse où le champagne coulait à flot et sa Bentley, il n'y avait aucune hésitation. Beaucoup auraient opté pour le confort de n'avoir rien à faire, celui de se prélasser. Mais lui préférait profiter des voitures de collections qu'il avait accumulées au fil des albums. A chaque nouvel album, une nouvelle voiture. Il ne les utilisait pas toutes mais chacune lui inspirait une certaine fierté, une sensation de réussite indéniable. Il avait besoin de voir son succès, pas seulement de le vivre. Dès qu'il en avait eu l'occasion, Baekhyun avait décidé de se conduire lui-même à ses rendez-vous. Il ne voulait plus dépendre de personne. Le seul sentiment que la limousine lui provoquait était cette impression désagréable d'être un gamin riche et inaccompli, qu'on baladait de droite à gauche. Rien qu'en passant sa main sur le velours du siège, son cuir caractériel lui manqua.
Chacune de ses voitures avait sa particularité, sa touche spectaculaire qui lui donnait cette impression d'être vivant, de dévorer la route sans aucun scrupule. Derrière le volant, il se sentait puissant. Personne ne pouvait l'arrêter. Le bruit du moteur le laissait insatiable. Son futur projet était d'acquérir une moto. Il n'en avait jamais conduit mais ça ne devait pas être plus compliqué qu'une voiture. Baekhyun aurait aimé qu'on lui apporte sa Bentley mais Layla avait été catégorique : il n'était pas en état de conduire. Et puis il était hors de question qu'il laisse qui que ce soit s'en approcher. Alors Minseok avait appelé son chauffeur pour les conduire à leur interview. Tous les rendez-vous de la journée avaient été annulés. Il fallait qu'il se rattrape. Après qu'il ait eu signé tous les papiers de l'hôpital et réglé la note, Baekhyun s'était laissé escorter vers la sortie par son manager. Il n'avait aucune envie de devoir passer par la case, maquillage et retouche, tout ça pour raconter des choses inintéressantes à un journaliste qui n'avait même pas écouté son album, mais la télé y obligeant la limousine se gara et Minseok l'emmena jusqu'aux loges où maquilleuses et coiffeuses l'attendaient. Il aurait mieux fait de faire de la radio. Au moins personne n'aurait vu son air de déterré. Impossible que ses fans, qui passaient tout leur temps à analyser ses moindres faits et gestes, loupent ça. Même l'anticerne ne pouvait rien pour lui.
Penché au-dessus de la maquilleuse, Minseok l'observa faire avec une moue septique.
- Refaites son teint. On dirait qu'il sort d'un enterrement.
- Peut-être qu'il faudrait qu'il se repose un peu. Je ne pourrais pas faire mieux, répondit-elle sans lâcher son pinceau.
En voyant Minseok se pincer l'arête du nez, Baekhyun sut que la pauvre malheureuse serait renvoyée avant la fin de l'interview.
- Vous savez quoi ? Laissez tomber ! Vous êtes vraiment une bonne à rien ! On passe à la coiffure.
D'un claquement de doigt sévère, la maquilleuse désarçonnée fut remplacée par la coiffeuse, tout aussi paniquée.
- Minseok, tu ne veux pas aller boire un truc ? Tu fous la pression à tout le monde-là ! grogna Baekhyun dont le mal de crâne enflait.
- Tu sais quoi ? Pour une fois, t'as pas tort.
- Nous avons du café si vous souhaitez, lui proposa un assistant étranglé par sa cravate.
- De la Vodka plutôt.
L'homme détala comme un lapin et Minseok le suivit.
- Je reviens. Je sens que si je ne supervise pas, ce n'est pas de la Vodka que je vais avoir.
En le voyant disparaître dans l'encadrement de la porte, la coiffeuse se détendit ostensiblement.
- Ne vous inquiétez pas. Il aboie souvent mais ne mord presque jamais.
- Donc ça lui arrive de mordre.
- De temps en temps. Soyez toujours d'accord avec lui et vous ne risquerez rien.
- Très rassurant. Souhaitez-vous quelque chose de particulier ?
- Un broche simple. Restez sobre.
- Ça lui conviendra ?
- C'est lui ou c'est moi qui passe à la télé ?
La coiffeuse resta silencieuse.
- Bon.
L'interview se déroula sans encombre. Minseok avait l'air bien plus reposé. Il avait pris une chaise et s'était calé contre le dossier, juste à côté des techniciens. Aux premières loges pour assister au piège qui se refermait doucement sur son poulain. Baekhyun réussissait toujours à se dépatouiller face aux questions houleuses. Il usait d'humour sans vraiment y répondre et changeait de sujet. Mais il lui arrivait, lorsque le sujet était un peu trop personnel que Minseok doivent voler à son secours et lui interdise de répondre. Généralement tout était coupé au montage. Seulement, il s'agissait là de direct, autrement dit, le moindre faux pas et c'était fini. Cette fois, il était seul sans personne les conneries qui sortiraient de sa bouche. Il fallait être vigilent et peser chacune de ses phrases. Tout était millimétré, il avait été entraîné pour.
Malgré sa fatigue, Baekhyun avait joué le jeu en distribuant des clins d'œil à l'audience et s'était installé confortablement dans le fauteuil en face du présentateur. Toutes les questions avec lesquelles il comptait le cuisiner, étaient inscrites sur ses feuille, mais d'où il était, Baekhyun ne pouvait rien voir. Alors il s'adapta et façonna ses réponses au fur et à mesure. Jusqu'à la fin de l'interview aucune question personnelle ne fut posée. Il en fut le premier surpris. Cette absence d'embûche lui permit de se détendre complètement. Les blagues fusaient sans qu'il n'ait besoin d'y réfléchir, les gestes suivaient. Mais lorsque l'hôte se rendit compte qu'il ne restait plus que dix minutes d'antenne, il cessa de parler de sa carrière et se concentra davantage sur sa vie privée.
- Baekhyun, je pense que vous l'avez-vous-même constaté, mais depuis quelques jours, Twitter est déchaîné. Les spéculations fusent de tous les côtés, personne ne sait plus qui croire. Et vous au milieu de tout ça, vous restez étrangement silencieux. Y a-t-il une raison particulière à ce silence ? Cherchez-vous à confirmer les rumeurs ? Et si elles sont fausses pourquoi ne pas les démentir ?
Rapide coup d'œil à Minseok. En quelques secondes son pouls était monté. Il n'avait absolument aucune idée de ce dont le présentateur parlait. Twitter changeait en permanence et pour rester à la page, il fallait vérifier les actualités chaque jour à chaque heure, or depuis son entrée à l'hôpital, il n'avait pas touché à son téléphone. Que pouvait-il bien se passer ? Pourquoi Minseok ne l'en avait-il pas informé ? Si c'était si grave que ça, il aurait dû le briefer avant l'interview. Paniqué, Baekhyun chercha un indice sur son visage et se sentit complètement démuni lorsqu'il réalisa que, Minseok non plus n'avait pas la moindre idée de ce qu'il se passait. Il ne pouvait compter que sur lui-même. Ebranlé par la nouvelle, il se racla la gorge et se cala un peu plus dans son fauteuil.
- Je vais être honnête avec vous Jeff... J'ai été très occupé ces derniers temps et je n'ai pas vraiment eu le temps de traîner sur Twitter.
- Vous n'êtes donc pas au courant ?!
Baekhyun secoua la tête. Jeff fit signe à l'un des techniciens qui projeta immédiatement des captures d'écrans de plusieurs tweets. Sur l'une des photos, on pouvait apercevoir la silhouette de Minseok pas assez nette pour qu'on puisse l'identifier et sur une autre, le visage de Baekhyun, clairement exposé alors qu'il signait des papiers. Ces photos avaient été prises à l'hôpital. Il n'y avait aucun doute là-dessus. Vu leur qualité, Baekhyun était prêt à parier que ce n'était pas des paparazzis mais des fans qui en étaient à l'origine.
- Les internautes ont eu des doutes parce qu'on ne reconnaît pas vraiment Minseok dessus, souligna Jeff, mais vous... la photo est vraiment précise. Impossible de se tromper d'identité. Alors que faisiez-vous à l'hôpital avec votre manager ? Préparez-vous quelque chose de spécial pour vos fans ou bien est-ce autre chose ? Eclairez-nous !
Baekhyun détacha son regard des photos pour observer Minseok. Son visage était livide comme celui d'un cadavre. Il avait très mal calculé son coup. Le plus simple aurait été de dire la vérité mais Baekhyun savait qu'en annonçant son hospitalisation d'autres questions plus pointilleuses s'en suivraient. Il serait obligé d'évoquer son surmenage et avec son parton à côté, ce n'était même pas envisageable. Minseok le renverrait sur le champ. Certains secrets doivent être conservés. C'en était un d'eux. Alors il lâcha le premier truc qui lui passa par la tête.
- Je suis allez voir un ami. C'est tout.
- Vous avez un ami hospitalisé ? Est-ce une star ? Quelqu'un qu'on connaît ? Pourquoi ne pas nous en avoir parlé-
- Non. Il n'est pas connu. C'est quelqu'un de normal comme vous et moi.
- Donc vous n'êtes pas seulement ami avec des célébrités ? s'étonna Jeff.
Ca coinçait. Minseok devait être rassuré qu'il invente un mensonge pareil. Il n'avait aucune idée qu'il s'agissait de la stricte vérité. Il ne savait même pas qu'il avait revu Chanyeol après leur rencontre. S'il se rendait compte que Baekhyun n'inventait rien et qu'il était bien ami avec un fan, sa situation virerait au cauchemar. Il fallait être fin et lui faire croire jusqu'au bout qu'il brouillait les pistes des présentateurs. Alors, il posa son coude sur le fauteuil d'un air décontracté et haussa les épaules.
- Non effectivement. J'aime aussi les gens simples, vous voyez.
- Est-ce un fan ?
- C'est mon ami avant tout.
- Vous insinuez donc que c'est bien un fan ?! s'enquilla Jeff les mains sur les genoux.
- Ces mots ne sont jamais sortis de ma bouche. C'est vous qui tirez des conclusions hâtives.
- Comment s'appelle-t-il ?
- C'est quelqu'un de discret qui ne souhaite pas voir son identité révélée.
- Comment vous êtes-vous rencontrés ?
- J'ai sauvé son chat coincé sur le toit d'une maison en feu, répondit sarcastiquement Baekhyun.
Il faisait toujours tout son possible pour cacher cette facette désagréable de sa personnalité aux fans, mais les questions intrusives de Jeff l'exaspéraient tellement qu'il cette fois-ci, il ne put s'empêcher d'être insolent.
Jeff émit un rire gêné et se perdit dans les papiers qu'il tenait.
- Vous comptez donc rester secret si je comprends bien.
- Exactement.
Le présentateur changea aussitôt de sujet termina l'interview en parlant de ses futurs projets. Baekhyun broda pendant les dix dernières minutes et, lorsque les caméras furent éteintes, quitta brutalement son fauteuil. Plus il était rapide à partir, plus vite il serait rentré chez lui. L'assistant lui proposa de la vodka et du café, mais il refusa d'un geste poli et parti retrouver Minseok. Comme toujours, son manager attendit qu'ils soient seuls dans la voiture pour faire un débriefing, à l'abri des regards.
- Chapeau. Tu t'en es très bien sorti pour le coup de l'ami imaginaire.
Il parlait d'une voix lente presque comme s'il était sur le point de s'endormir. Baekhyun devina qu'il ne s'était pas arrêté à un seul verre de Vodka. C'était étrange de le voir s'affaler dans les sièges et en même temps très divertissant. La seule fois qu'il avait vu Minseok dans un état pareil était le soir de la sortie de son premier album. Pour fêter ça, il avait organisé une soirée mondaine où tous le gratin de l'industrie musicale avait été invité. La soirée avait été chiante comme de la pluie. Même Minseok s'en était rendu compte. Mais puisqu'il était l'organisateur de ce fiasco, il avait dû prendre son mal en patience et avait descendu les coupes de champagne pour passer le temps. A la fin de la soirée, il ne marchait plus droit, riait seul et criait d'euphorie dans les couloirs de l'hôtel. Baekhyun avait dû le soutenir jusqu'à sa chambre en lui couvrant la bouche tellement il était bruyant. Il l'avait déposé et, en moins d'une minute, Minseok avait sombré comme une masse. Le lendemain, il était redevenu l'homme d'affaire sérieux et coincé que Baekhyun avait toujours connu. Il avait agi comme s'il ne s'était rien passé.
- J'suis fier de toi. Ton entraînement a porté ses fruits, dit-il en étirant le « i. »
Baekhyun se contenta d'hocher la tête et se focalisa sur la route. Le chauffeur avait pour habitude de se garer toujours à quelques rues de son immeuble au cas où des fans traîneraient dans les environs. La limousine mit ses warnings et Baekhyun s'équipa pour affronter les quelques passants qu'il risquait de croiser. Masque, casquette et lunette. Il salua brièvement Minseok et le chauffeur puis descendit. Sa journée était enfin finie. Sa main tapota sa poche alors qu'il longeait l'allée. Son paquet de cigarettes lui faisait de l'œil. Il ne fumait plus depuis belle lurette mais transportait toujours un paquet au cas où. En cas de crise de panique, la nicotine était son seul moyen pour se calmer. Il n'en usait que dans des situations désespérées pourtant, il eut envie d'en griller une simplement pour le plaisir. Le plaisir d'être seul, libre et sans contrainte. Ses doigts jouèrent un instant avec l'ouverture du paquet puis, il se ravisa. Même si Chanyeol n'en saurait jamais rien, il ne voulait pas le décevoir. Il était vingt heures et son estomac grondait. Il aurait tellement aimé que sa mère soit chez lui derrière les fourneaux comme lorsqu'il revenait de l'école, petit garçon. A l'époque deux tranches tartinées de Nutella et un verre de lait l'attendaient. Aujourd'hui, il n'y avait plus que les miaulements de Jumbo pour l'accueillir. Après l'avoir gratifié d'une caresse Baekhyun se déshabilla entièrement, au beau milieu du salon et s'accroupit devant l'une des boîtes encore scellées, qui attendait d'être ouverte. Minseok lui avait fait livrer des peignoirs crées par une couturière de luxe. Baekhyun n'avait jamais été fan de tous ces trucs de riches mais en promenant ses doigts sur les initiales gravées dans le tissu, il céda à la tentation. Pelotonné dans son nouveau peignoir, il se rendit à la cuisine et étala un restant de beurre de cacahuète sur des tranches de pains sèches. Quelques crocs et un plancher couvert de miettes plus tard, Baekhyun arpentait de nouveau son salon en quête du précieux carton qu'il avait positionné en haut de son placard, là où personne ne pouvait l'atteindre. L'inscription « ne pas toucher » était encore bien visible. A part sa femme de ménage, personne ne risquait de mettre la main dessus, mais il avait préféré prendre ses précautions. Il avait beau lui faire totalement confiance, il ne voulait pas qu'elle touche à ce carton. En le descendant, une vague de poussière lui tomba sur le nez. Il toussa et s'ébroua puis posa le carton par terre. Ca faisait un moment qu'il ne l'avait pas sorti. La dernière fois qu'il l'avait ouvert remontait à bien avant qu'il emménage dans cet appartement. Il se souvenait l'avoir descendu de son perchoir pour y graver l'inscription après avoir embauché sa femme de ménage. Ca remontait à deux ans, peut-être plus. Ses souvenirs étaient flous et lointains. Si dans son adolescence, il en avait mémorisé le contenu par cœur, aujourd'hui il était incapable de dire sur quoi il mettrait la main. L'appréhension et l'excitation firent palpiter son cœur. Doucement, ses doigts saisirent les pans du carton et l'ouvrir. A l'intérieur, un fouillis de lettres, de photos et de pinceaux l'accueillirent. Baekhyun eut un sourire nostalgique. Toute sa vie d'avant tenait dans ce petit carton, c'était beaucoup et tellement peu à la fois. L'envie de feuilleter les lettres, d'éplucher les photos, de dépoussiérer les souvenirs lui serra la gorge. Il se sentait terriblement nostalgique. Cette vie semblait tellement loin de tout ce qu'il connaissait aujourd'hui. Il avait radicalement changé en si peu de temps. La gloire l'avait métamorphosé, il n'était plus l'adolescent ignorant d'autre fois, mais bien un adulte désillusionné. Son regard se posa sur une photo de lui, entouré de ses amis de la fac. C'était il y a seulement trois ans et pourtant il avait l'air si jeune. Si heureux et insouciant. Rien à voir avec les traits qui avaient définitivement marqué son visage. Les épreuves de la vie l'avaient indéniablement endurci. Baekhyun ne se souvenait pas d'avoir souri comme ça depuis longtemps. Aujourd'hui ses sourires étaient toujours forcés, teintés d'arrière-pensées, sauf avec Chanyeol. Chanyeol lui faisait revivre sa jeunesse gâchée. C'était bien le seul à y parvenir. Il aurait préféré mourir plutôt que d'admettre qu'il avait fallu un gamin de dix-sept ans pour lui arracher un vrai rire. C'était pitoyable, et pourtant la vérité.
En étudiant de plus près la photo, Baekhyun se laissa aller à quelques éclats de rire. Seul, dans son appartement, il se mit à rire de manière hystérique, jusqu'à ce que les larmes perlent au coin de ses yeux. Des scènes de ses amis et lui enchaînant les conneries, traversèrent son esprit. Ils avaient fait les quatre cents coups ensemble et cette photo simpliste en était la preuve. C'était une trace du passé indélébile qui montrait que tout ça, n'était pas qu'un rêve. Ces années-là avaient bien existé. Elles étaient loin mais réelles. Maintenant, il n'avait plus aucune idée de l'endroit où ils se trouvaient, de ce qu'ils étaient devenus. Il ignorait totalement s'ils avaient réalisé leur rêve et étaient allés jusqu'au bout de ce qu'ils entreprenaient à l'époque. Paloma avait-elle rencontré son prince charmant tant attendu ? Steven avait-il monté sa galerie d'art ? Et Josh, lui qui avait prévu un tour du monde, s'était-il dégonflé à la dernière minute ? Baekhyun aurait dû avoir la réponse à ces questions, mais il n'en savait rien. Tout à coup, son sourire disparut. Il cessa de rire et prit place dans le canapé. Leur avait-il manqué ? Savaient-ils ce que lui était devenu ? Avaient-ils essayé de le contacter ? Il était inapprochable alors même avec toute la bonne volonté du monde, il n'aurait pas été étonnant que leurs tentatives pour renouer, soient passées à la trappe. Baekhyun n'avait pas été un bon ami, il le savait. Dès le moment où sa mère avait commencé à perdre la mémoire, il avait coupé tout contact avec et eux et s'était défoncé pour financer ses soins. Chaque fois qu'ils lui avaient proposé de sortir, d'aller s'amuser, il avait refusé et s'était renfermé un peu plus sur lui-même. Paloma et Steven avaient tout de suite compris que quelque chose de grave se passaient mais Josh lui, était resté aveugle quant à sa douleur et avait vécu ses refus comme une trahison. Petit à petit, ils avaient cessé de lui proposer des sorties et s'étaient éloignés de lui. Baekhyun n'avait rien fait pour leur expliquer ce qu'il traversait, il n'avait pas demandé d'aide. C'était sans doute sa fierté qui l'avait poussé à tout supporter tout seul. Finalement, il avait préféré s'isoler et arrêter d'aller à l'université pour économiser et se concentrer pleinement sur sa mère. Paloma était la dernière à être restée à ses côtés. Même lorsqu'il ne venait plus, ne répondait plus au téléphone, elle avait essayé de comprendre. Jusqu'au bout elle avait insisté et lui, avait refusé la main qu'elle lui tendait. Baekhyun se demanda s'ils retenaient encore de la rancœur pour lui aujourd'hui et puis, il réalisa qu'eux aussi avaient dû tourner la page. Il n'était pas le centre du monde après tout. Peut-être même qu'ils avaient oublié son existence, en tout cas lui n'en serait jamais capable. Il leur avait réservé une place spéciale dans son petit cœur fragile. C'était une part à la fois heureuse et douloureuse de sa vie. En rangeant la photo, il songea qu'il aurait aimé les retrouver, rien que pour une journée. Peu importe celui qu'il était devenu, il savait que, eux le verraient toujours comme le Baekhyun loufoque et incontrôlable qu'ils avaient connu.
D'autres photos et cartes postales passèrent entre ses doigts mais il ne s'attarda pas dessus. Il avait déjà passé trop de temps sur la première. S'il continuait, il risquait de finir la soirée en pleurant et il n'avait pas la force. Les bulletins scolaires de son lycée, sa médaille remportée au concours des talents, même la bougie de son dix-huitième anniversaire avaient été conservés. Dès que quelque chose l'avait rendu heureux ou triste, Baekhyun l'avait rangé dans ce carton. Etonnamment aucun objet des trois dernières années ne s'y trouvait. Il en aurait pourtant eu à mettre. Son bras plongea au fin fond du carton jusqu'à atteindre ce qu'il cherchait. Un éclat de joie illumina son visage. Il savait parfaitement qu'il les trouverait ici, pourtant l'optique que sa palette et ses pinceaux aient magiquement disparu, l'avait effrayé pendant une seconde. Dès qu'il les eut en main, Baekhyun referma le carton et le replaça en haut du placard. Une trop grande dose de nostalgie n'était pas bonne pour son cœur souffrant. Il se rendit ensuite dans la pièce aménagée où il aimait écrire ses chansons et ouvrit son chevalet qui avait pris la poussière. En renonçant à ses études, Baekhyun n'avait pas eu le cœur à le jeter. Aujourd'hui, il se remerciait de l'avoir conservé. Dans un coin de la pièce se trouvaient quelques toiles vierges qui n'attendaient que d'être peintes. Il choisit la plus large d'entre elle et la disposa sur son chevalet. Il avait toujours aimé peindre et même après l'université, il avait continué de s'inventer des sujets à réaliser entre deux concerts. La première année, les œuvres s'étaient empilées aux quatre coins du studio qu'il louait. Et puis son rythme de vie avait doublé, la cadence était devenue beaucoup trop intense pour qu'il ne puisse s'accorder le moindre loisir. Son travail était devenu son loisir. Le peu de temps libre qu'il avait, il le consacrait à dormir et répéter. La peinture était passée au second plan. Elle n'avait plus sa place dans cette vie à deux-cents à l'heure. Seulement là, Baekhyun avait besoin d'elle. Il avait une idée précise de ce qu'il voulait et aucun autre moyen que des tâches sur un fond blanc pour la transmettre. Il craignait d'avoir perdu son talent mais lorsqu'il esquissa les premières lignes de son dessin, sa main s'activa naturellement. Il n'hésita pas une seule seconde et sentit se corps se détendre drastiquement, comme si un simple coup de crayon pouvait apaiser tout son stress. Son talent n'était pas parti. Il était toujours là, il coulait dans ses veines. C'était rassurant et déstabilisant.
Baekhyun resta debout une bonne partie de la nuit. Derrière lui Elton John et Your song accompagnèrent chaque coup de pinceau. Lorsqu'il eut fini, les premiers rayons de soleil éclairaient la pièce. Il était exténué mais tellement satisfait de son travail. Il avait encore deux heures à tuer alors il décida d'aller se coucher, la douche pouvait attendre.
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