Chapitre 15: Un véritable cauchemar
Layla était de bonne humeur. Pour beaucoup de personnes, cela n'aurait pas semblé anormal mais pour Chanyeol qui la connaissait comme le fond de sa poche, c'était plutôt étrange de la voir aussi joyeuse. Elle qui n'était jamais trop dans l'affection, s'en donna à cœur joie en claquant volontiers ses lèvres pulpeuses sur son front. Le baiser sonore résonna dans la chambre comme une ventouse. Chanyeol qui somnolait encore, ouvrit doucement les yeux et lui offrit le seul sourire dont il était capable.
- Debout la marmotte, il est déjà midi, chantonna Layla en déposant un plateau sur sa tablette.
- Tu ne m'as pas réveillé pour le petit-déjeuner ? demanda-t-il en se frottant les yeux.
- Tu dormais tellement bien que je n'ai pas osé.
Joyeuse et maintenant douce ? Ok, quelque chose de spectaculaire s'était définitivement passé dans sa vie.
- Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu es bien trop guillerette pour ça passe inaperçue. Raconte.
Layla secoua la tête avec un sourire.
- Je ne te dirai rien.
- Pas besoin, je crois avoir deviné. Soit Monsieur a enfin planté sa graine dans le potager soit-
- Chanyeol ! s'exclama Layla en levant les yeux au ciel. Je crois que ma vie sexuelle ne te regarde pas. Et puis de toute manière ce n'est pas ça. Maintenant tais-toi et mange.
Chanyeol se redressa avec difficulté. C'était une de ces journées où son corps ne lui laisserait aucun répit. Il venait d'émerger et pourtant l'envie de dormir était plus forte que tout. Toute l'énergie qu'il avait consacrée à pleurer et se morfondre ces derniers jours, était épuisée. Il fallait qu'il recharge les batteries. Par instinct, ses yeux parcoururent la chambre à la recherche de Baekhyun. Il s'attendait presque à le voir, assis sur un des fauteuils, les yeux rivés sur son téléphone, et fut déçu en constatant qu'il avait déserté les lieux. Après leur discussion, il s'était endormi comme une masse et n'avait ouvert les yeux que pour dîner. A ce moment-là, Baekhyun avait déjà regagné sa chambre. Mais il n'était pas parti comme un voleur. En fin de soirée, Chanyeol avait reçu une notification Instagram. C'était une photo d'eux. Lui dormait paisiblement et Baekhyun faisait des grimaces ridicules à côté. Un petit message avait été joint : « J'ai pas pu m'en empêcher. Désolé et bonne nuit. » Chanyeol avait enregistré la photo avec un sourire et avalé son dîner en vitesse. L'infirmière qui alternait avec Layla était venu le débarrasser et il s'était aussitôt rendormi. Mais maintenant qu'il était réveillé et vacciné contre le chagrin, il regrettait amèrement d'avoir gâché son moment avec Baekhyun. Il ne fallait pas le perdre du regard car si on avait le malheur de baisser sa garde, il disparaissait comme un voleur. Chanyeol s'en voulait de ne pas avoir été plus vigilant. De ne pas l'avoir ligoté à une chaise pour s'assurer qu'à son réveil, il serait toujours là. Mais cette fois-ci, il fut convaincu qu'il finirait par réapparaître. Il lui restait encore des choses à voler.
Chanyeol attrapa sa fourchette et posa ses yeux sur le plateau peu appétant. Son estomac poussa un grognement de protestation. Il se sentait fébrile et l'odeur des pâtes à la crème lui donnait mal à la tête. La faiblesse l'avait complètement engourdi. Il n'arrivait même plus à tenir sa fourchette alors l'optique d'avaler quoique ce soit lui donna envie de vomir. Son regard fixa le plat sans vraiment le voir pendant de longues secondes. Layla ne sembla pas remarquer son absence. Comme toujours elle était hyperactive et ne tenait pas en place une seconde. En moins de trois minutes, elle passa de la chambre, à la salle de bain, changea la bouteille de gel hydro-alcoolique, pratiquement vide, et replongea la tête dans son chariot. De son côté, Chanyeol était complètement déconnecté de la réalité. Lui pourtant si préoccupé par Lisa, l'avait totalement oubliée.
- J'ai pas très faim, dit-il en se rallongeant.
Layla qui s'afférait à disposer ses médicaments sur sa tablette, s'arrêta.
- Comment ça ? Il faut que tu manges et que tu prennes tes médicaments.
Son ton d'ordinaire autoritaire, était très calme et léger.
- Je ne me sens pas bien.
Chanyeol parlait si doucement qu'elle peina à l'entendre. Il était pale mais pas plus que d'habitude.
- C'est normal. Les médicaments te fatiguent mais ils sont nécessaires. Maintenant mange.
Il se cala contre les oreillers et cligna des yeux plusieurs fois. Il avait tout à coup terriblement froid. La fenêtre était pourtant fermée et le ventilateur éteint. Un frisson le traversa et son corps se tendit sous la couette.
- Layla... j'ai... froid, souffla-t-il.
Sa respiration difficile depuis quelques minutes, sortit hachée, comme si on lui broyait les poumons. Elle se faisait de plus en plus rapide et inquiétante. Layla se releva de sa position accroupie et se pencha sur son lit. Elle ne voulait pas montrer son inquiétude, au risque d'aggraver l'état dans lequel il était. Elle avait appris pendant sa formation que parfois, le corps intègre les émotions. Dites à un patient qu'il n'a aucune chance de s'en sortir et il mourra. Prouvez-lui que vous ferez tout ce que vous pouvez pour le sauver et il se battra. Mais à la façon dont son expression se figea lorsqu'elle posa la main sur son front, Chanyeol sut que quelque chose de grave était en train de se produire. Elle aurait pu faire tous les efforts du monde pour cacher, sa panique, le choc évident dans son regard la trahissait. Cette journée ne ressemblerait à aucune autre. Il ne voulait pas être pessimiste mais la première pensée qui lui traversa l'esprit fut que ce serait peut-être la dernière.
- Tu as de la fièvre, constata Layla avec un froncement de sourcils soucieux.
Elle jeta un coup d'œil à ses constantes.
- J'ai du mal à respirer, dit Chanyeol alors qu'il ventilait de plus en plus vite.
Sur l'écran, l'électrocardiogramme s'emballait. Les battements cardiaques grimpaient en flèche. En une poignée de secondes, ils passèrent de 120 à 160.
- Oh non ce n'est pas bon... pas bon du tout, marmonna Layla en dégageant la tablette d'un coup sec.
Sans douceur, elle dégagea la couette qui couvrait les jambes de Chanyeol. Ce qu'elle craignait était en train de se produire. Sur l'intérieur de ses cuisses et le long de ses mollets se trouvaient de petits boutons, inoffensifs mais qui coïncidaient parfaitement avec les symptômes d'un choc septique. Elle posa les mains dessus et sentit son cœur accélérer lorsqu'elle constata que sa peau était moite. Son affolement n'échappa pas à Chanyeol puisqu'il lui demanda entre deux inspirations :
- Layla qu'est-ce qui se passe ?
Trop alarmée par le bruit infernal de la machine et les chiffres qui augmentaient sans vouloir s'arrêter. Layla ne lui répondit pas et bipa d'urgence le médecin.
- Layla ?! Dis-moi ce qui se passe ! exigea Chanyeol en observant avec horreur l'écran du moniteur qui déraillait complètement.
- Calme-toi et reste allongé, lui ordonna-t-elle en criant.
Elle lui demandait de ne pas paniquer mais elle-même n'en menait pas large. C'était la première fois qu'elle perdait autant ses moyens. Ses journées étaient constamment rythmées par les urgences, les situations qui lui échappaient, les hémorragies hors de contrôle, elle en avait l'habitude. Et pourtant, en voyant le visage terrifié de Chanyeol, elle eut l'impression de revivre sa première journée à l'hôpital. Elle eut le sentiment de n'avoir aucune expérience, d'être une débutante lâchée en pleine faune sans le moindre outil pour s'en sortir. Elle était tellement attachée à lui que l'optique de le perdre, la paralysait. Il fallait qu'elle mette tout en œuvre pour le sauver mais elle était complètement submergée par la panique. D'abord, il fallait le rassurer pour qu'il se calme et qu'il retrouve un semblant de respiration. Seulement, en voyant les premières gouttes de sang couler de son nez, Layla fut incapable d'être rationnelle et de le canaliser. Si c'était bien ce qu'elle pensait, le choc devenait incontrôlable. Il fallait agir vite avant qu'il ne passe de dangereux à incurable. Plus on attendait, plus ses chances de survie diminuait.
Complètement affolé, Chanyeol se mit à pleurer en découvrant ses doigts sanglants.
- Layla ! Layla ! appela-t-il en sanglotant.
Sa pression artérielle était basse. Trop basse, si ça continuait, il allait finir par perdre connaissance. Layla n'osait même plus le regarder dans les yeux. Il était en train de mourir sous ses yeux et l'appelait à l'aide. Mais elle, était clouée au sol, tétanisée par la crainte d'injecter le mauvais produit, de faire le mauvais geste qui lui ferait faire un arrêt cardiaque. Elle n'avait jamais été aussi hésitante à prendre une décision. D'habitude, elle savait toujours quoi faire avant même l'arrivée des médecins. Mais là, toute la pratique et la théorie qu'elle avait accumulées au cours des années, lui faussaient compagnie. Elle se sentait impuissante et complètement désemparée face aux cris de détresse de Chanyeol. Ses yeux passèrent du moniteur aux tâches de sang sur la couverture sans qu'elle ne se décide à agir. Elle tenait tellement à lui, qu'elle n'arrivait même plus à rentrer dans la peau de l'infirmière qu'elle était. Elle n'était plus qu'une amie, une aînée, qui avait veillé sur lui et qui avait peur pour lui. Ce n'est que lorsqu'un médecin et une autre infirmière déboulèrent en trombe dans la chambre, qu'elle sortit de sa transe et prit pleinement conscience du rôle qu'elle avait à jouer.
- Qu'est-ce qui se passe ? demanda le médecin en posant sa main sur l'épaule de Chanyeol pour le calmer.
- Park Chanyeol, seize ans, pas d'allergie à signaler. Fièvre élevée, pâleur anormale, saignement abondant, éruption cutanée au niveau des jambes, lista Layla.
- Des difficultés à respirer ?
Chanyeol hocha la tête en s'accrochant désespérément au regard de Layla qui le fixait maintenant avec détermination.
- Je pense qu'on a à faire à un choc septique, déclara-t-elle.
- Il faut lui faire passer une batterie de test en urgence. FSC, électrocardiogramme, hémoculture, radiographie pulmonaire, il faut qu'on trouve d'où vient l'infection, s'il y a une.
- Quoi ? J'ai une infection ? demanda Chanyeol derrière le masque que l'infirmière avait placé sur sa bouche pour l'aider à mieux respirer.
Les larmes qui perlaient au coin de ses yeux coulèrent doucement lorsqu'on le déplaça sur un lit mobile.
- On ne peut rien affirmer pour le moment. Il faut simplement que vous respiriez doucement et que vous vous détendiez.
- Comment voulez-vous que je me détende ?! hurla-t-il soudainement en se redressant. Je veux voir mes parents ! Maman ! Maman !
Désemparée, Layla le regarda s'agiter en criant le nom de sa mère pendant que le médecin et l'infirmière l'immobilisaient au lit. Chanyeol était une véritable furie. Il se débattait tellement que le médecin manqua de peu son coup de poings.
- Lâchez-moi ! Je veux ma maman ! sanglota-t-il dans son masque.
- Chanyeol écoutez-moi, il faut vous calmer. Tout ira bien si vous suivez les instructions.
- Non ! Tout n'ira pas bien, je vais mourir ici sans même voir mes parents une dernière fois ! Appelez-les ! Layla dit quelque chose ! Pitié...
Ses cris désespérés résonnèrent comme une supplique. Chanyeol souffrait terriblement. Tout ce qu'il voulait, c'était pouvoir serrer dans ses bras ses parents une dernière fois. Il n'arrivait pas à croire que c'était la fin. Lui qui aurait pu se laisser mourir, deux jours plus tôt, avait plus que tout besoin de se battre aujourd'hui. Il était inconcevable qu'il parte comme ça. Il avait encore beaucoup de choses à faire. Le visage de Baekhyun et celui de Lisa traversèrent furtivement son esprit et alors, il s'effondra de plus belle. Layla qui jusqu'ici, s'était tenue à bonne distance, s'approcha du lit où il s'épuisait à lutter et attrapa sa main. Le contact de ses doigts lui fit rouvrir les yeux.
- Chanyeol, fais ce qu'ils te demandent. Ils sont là pour te sauver. S'il te plaît, calme-toi et écoute-les.
Face à sa voix douce et empreinte d'émotions, Chanyeol cessa automatiquement de s'agiter. Son regard plein de larmes se posa sur le visage blafard mais confiant de Layla. Le médecin profita de cette opportunité pour manipuler le lit et le faire sortir dans le couloir. Il n'avait plus une minute à perdre. Pendant toute la course qui reliait sa chambre aux salles d'examens, Chanyeol ne lâcha pas la main de Layla.
- J'ai peur... lui dit-il en serrant ses doigts.
- Tu n'as aucune raison d'avoir peur. Ce n'est rien.
Chanyeol avait envie de la croire mais quelque chose au fond de lui, l'en empêcha. Son regard n'était pas sincère comme il l'aurait été habitude. Et si Layla doutait dans un moment pareil, c'est qu'il était réellement en danger. Chanyeol était persuadé de vivre en ce moment, ses dernières minutes. Il avait tellement mal. Il se sentait si faible.
- Je ne veux pas mourir... Pas aujourd'hui, gémit-il en voyant les portes battantes de la salle dans laquelle il s'apprêtait à s'engouffrer.
- Rassure-toi, ton heure n'a pas encore sonné.
Le médecin freina le charriot devant le marquage noir au sol. Layla savait que c'était le moment où Chanyeol allait avoir besoin de beaucoup de courage.
- Je ne peux pas venir avec toi.
- Quoi ? Non ! J'ai besoin de toi ! paniqua-t-il.
Layla pressa doucement sa main et la lâcha.
- Tu es bien plus fort que ce que tu crois. Tu vas t'en sortir comme un chef, j'ai confiance en toi, lui dit-elle pour le rassurer.
Elle espérait au fond d'elle, que ses mots auraient plus de sens pour Chanyeol que pour elle. Elle avait beau les prononcer, elle n'était certaine de rien. Layla déposa ses lèvres sur son front puis se redressa. Chanyeol lui adressa un dernier regard terrifié et disparut derrière les portes sombres.
Une fois l'effervescence du moment passé, elle s'écroula contre le mur et prit son visage entre ses mains. L'hôpital était redevenu calme mais elle, ne l'était toujours pas. Son cœur erratique battait toujours aussi fort alors que les conversations légères de ses collègues lui parvenaient. Certains avait prévu d'aller au cinéma après leur service, d'autres se racontaient leur dernière intervention, tout ça dans la joie et la bonne humeur, comme si la mort ne rôdait pas dans les parages. Au milieu de tout ça, Layla ne se sentait pas à sa place. Dans son esprit, le regard effrayé de Chanyeol avait été gravé. Elle en avait la chair de poule. Si elle s'était écoutée, elle aurait pu rester prostrée dans ce couloir à pleurer pendant des heures. Mais elle ne pouvait pas se le permettre. Elle avait d'autres patients à voir, d'autres choses à faire qui allait lui demander beaucoup de sang-froid. Les parents de Chanyeol devaient être alertés. Si l'infection dégénérait, il y avait de grandes chances pour que Chanyeol ne ressorte jamais de cette salle. Layla ne voulait pas se prononcer trop vite. Si ça se trouve, ce n'était même pas un choc septique. Elle voulait croire qu'il s'agisse d'autres choses. Quelque chose de moins graves. Les chocs septiques pouvaient être soignés si on agissait vite mais vu le temps qu'elle avait perdu, l'issue risquait d'être fatale. Elle qui était pourtant si heureuse et impatiente, que Chanyeol apprenne pour Lisa, n'avait même pas eu le temps de lui faire la surprise. Peut-être qu'il ne le saurait jamais. Peut-être qu'il partirait avant elle. Cette pensée lui fit monter les larmes aux yeux. Elle n'était clairement pas prête à annoncer à ses parents qu'il était passé en soin intensif d'urgence. Pour ça, il fallait faire preuve de professionnalisme et de compassion, ce dont elle n'était pas encore capable pour l'instant. Elle ne se faisait pas suffisamment confiance pour être certaine que sa voix ne flancherait pas. C'était peut-être la chose qu'elle détestait le plus dans son travail : devoir annoncer les mauvaises nouvelles. C'était toujours déchirant de voir des familles brisées se décomposer sous ses yeux. Elle, se devait de rester forte en toutes circonstances. C'était le prix à payer pour exercer cette profession. Aujourd'hui, elle aurait volontiers refilait à qui le voulait bien, cette tâche ingrate. Elle ne se sentait pas d'attaque. Il lui fallait un remontant.
Layla se redressa doucement sur ses jambes tremblantes, essuya ses yeux et se dirigea vers les ascenseurs. En consultant sa montre, elle remarqua qu'il lui restait encore cinq heures à tenir avant de pouvoir rentrer chez elle et s'écrouler dans les bras de Ben. Cinq longues heures de torture. Il lui fallait encore faire l'aile ouest du bâtiment, et les chambres V.I.P. Si tout se passait bien, il n'y aurait pas de nouvel accroc avant la fin de la journée, c'était tout ce qu'elle souhaitait. Après être descendue à la cafeteria et s'être achetée un café, Layla s'installa dans un coin reculé en espérant être tranquille. Il était fréquent qu'un collègue se joigne elle et fasse la conversation. D'habitude elle s'en accommodait, mais aujourd'hui, elle n'était clairement pas prête à faire du social. Elle rajouta deux sucres à son café et sortit son téléphone en touillant. Elle ne savait pas vraiment quoi faire. Devait-elle appeler Ben en premier ? Il était probablement occupé et ne décrocherait pas. Pourquoi ne pas joindre l'hôpital où était soignée Lisa ? Ça lui ferait sans doute plaisir d'entendre sa voix après cette grosse opération. Mais elle devait surement dormir. Son corps avait besoin de se régénérer. Layla était déconcertée, tout était prétexte à repousser l'appel tant redouté qui pourtant, semblait inévitable. Lorsqu'aucune idée ne lui vint à l'esprit pour gagner du temps, elle termina sa tasse de café et se leva. Ça ne servait à rien de retarder la fatalité. Elle finirait toujours par pointer le bout de son nez. Plus vite c'était fait, mieux se serait. La caféine lui avait redonné un coup de fouet et lui avait permis de sécher ses larmes.
Après avoir récupéré la fiche de renseignements de Chanyeol, Layla s'isola dans une salle de repos vide et composa le numéro de sa mère. Au son de sa voix à peine audible et vu le boucan en arrière-plan, elle supposa que son mari était probablement en train de tondre. Ils avaient tout de gens normaux et elle, était la messagère du malheur qui risquait de faire basculer leur petite vie tranquille. L'espace d'un instant, elle hésita à raccrocher. Elle ne voulait pas leur faire de mal mais elle savait aussi qu'en leur cachant la vérité, elle risquait de les blesser. Dans les deux cas, elle ne pourrait pas les préserver.
- Bonjour Madame Park, je suis Layla l'infirmière de Chanyeol.
Une porte claqua et le bruit de la tondeuse diminua.
- Ah bonjour ma petite Layla ? Comment vas-tu ? Chanyeol n'a eu de cesse de faire ton éloge !
- Je vais bien mais...
Pendant une seconde, elle crut que les larmes allaient jaillir. Cette femme prononçait le nom de fils comme s'il était son plus précieux trésor. Le seul qu'elle avait. Layla était sur le point de craquer. La pression gonflait ses veines. Pourtant, le souffle bruyant de Madame Park lui permit de se calmer et reprendre ses esprits. C'était comme une berceuse.
- Layla ? Vous êtes là ?
- Oui, oui, pardon. Si je vous appelle, ce n'est pas pour parler de moi. En fait, c'est Chanyeol. Il ne va pas très bien, annonça-t-elle d'une voix douce.
La ligne devint silencieuse et Layla s'empressa d'ajouter :
- Nous ne sommes encore sûrs de rien mais il semblerait qu'une infection se soit déclarée. Il est en ce moment en train de passer une batterie de tests. Si les médecins estiment nécessaire, il sera transféré au bloc. J'aurais bien attendu pour pouvoir vous donner plus d'infos mais la procédure veut que-
- Il ne va pas mourir hein ? Dites-moi la vérité.
Layla se pinça les lèvres. Cette femme lui demandait explicitement d'être honnête. Elle qui avait espéré éviter le sujet venait de mettre les deux pieds dans le plat. Elle ne pouvait pas ignorer sa question ni raccrocher, même si l'envie la démangeait. Elle voyait déjà Ben lui faire les gros yeux lorsqu'elle lui raconterait.
- Je ne sais pas. Je préfère honnête avec vous et vous dire que le risque zéro n'existe pas. Mais il a aussi de grandes chances de s'en sortir. Nous avons une équipe de médecins très compétents, alors soyez rassurée.
Layla espérait que ses propos ne se retourneraient pas contre elle.
- Vous êtes certaine ? J'ai tellement peur... murmura Madame Park en sanglotant.
- Chanyeol est fort, il s'en sortira, croyez-moi. Je vous attends à l'hôpital.
- D'accord. Je prends mon mari sous le bras et j'arrive tout de suite.
- Faites savoir votre présence à l'accueil en arrivant. Il est possible que je sois occupée mais dès que j'ai un créneau, je viendrai vous voir.
- Merci beaucoup Layla, vous êtes quelqu'un de bien.
- Je ne fais que mon métier.
- Non, vous aidez mon fils à aller mieux. Et ça, ça n'a pas de prix.
Touchée par sa remarque, Layla fixa la couchette suspendue et se mit à sourire.
- A tout à l'heure.
Son biper venait de sonner dans sa poche. On la réclamait à l'étage V.I.P. Elle réajusta sa blouse, s'attacha les cheveux et quitta la pièce en soupirant. Les patients de l'étage V.I.P étaient infernaux. Sous prétexte qu'ils étaient célèbres, l'hôpital mettait tout en œuvre pour les bichonner et satisfaire leurs caprices de star, au détriment des autres patients. Tout ce qui comptait étaient les rentrées d'argent. Cependant, Layla ne pouvait pas nier que parfois ça avait du bon de côtoyer la crème de la crème. Elle n'oublierait jamais le jour où elle avait découpé le plâtre de son acteur préféré. Elle avait même eu droit à un câlin et un autographe. Mais il était l'exception qui confirmait que la plupart des stars étaient égoïste, avides d'elles-mêmes, et ne pensaient qu'à leur petit confort. En longeant le couloir, elle aperçut un petit homme qui lui sembla familier. Il était encore trop loin pour qu'elle en soit certaine mais lorsqu'il se tourna vers elle, ses craintes devinrent réalité. Vêtu d'un costume noir et d'une cravate rouge, le manager de Baekhyun rôdait devant sa chambre comme un lion en cage depuis près d'une demi-heure.
- Il a demandé à te voir, j'ai bien essayé de lui faire comprendre que tu étais occupée mais il ne voulait pas lâcher le morceau. Et puis il paraît que c'est toi qui es responsable de son chanteur, l'informa sa collègue en chuchotant près de son oreille.
- Non, normalement c'est Mel mais elle a chopé la grippe alors Harper m'a refilé son patient.
- Bonne chance, il a l'air coriace.
- Pas plus que moi.
Sa collègue l'abandonna et Layla se vêtit de son plus faux sourire.
- Je vois qu'il y a du progrès depuis la dernière fois, vous n'avez pas ameuté la moitié du quartier, dit-elle en guise de « bonjour. » Baekhyun était le patient, pas lui. Elle pouvait se permettre d'être désagréable.
- Et vous vous êtes toujours aussi charmante à ce que je vois.
Ce vieux con avait de la réparti. Layla lui lança un regard noir et frappa à la porte de Baekhyun.
- Vous êtes au courant que ça ne fait pas quarante-huit heures ?
- Et vous êtes au courant que j'ai déjà bien assez attendu ? Baekhyun se sent beaucoup mieux. Il a assez lézardé comme ça.
- Je dois encore lui prescrire des médicaments. S'il n'est pas totalement remis et qu'il n'exige pas lui-même de rentrer, il restera ici jusqu'à la fin de sa convalescence, déclara Layla d'un ton péremptoire.
Sans patienter davantage, elle ouvrit la porte et pénétra dans la chambre de Baekhyun. S'il n'avait pas répondu c'était probablement qu'il dormait où prenait une douche. Minseok la suivit et observa le mobilier d'un air maussade. En voyant son lit vide, Layla colla son oreille à la porte de la salle de bain. La douche n'était pas allumée. Elle fronça les sourcils et cogna contre le battant.
- Baekhyun ? Tout va bien ?
Aucune réponse. Quelque chose clochait. Paniquée, elle abaissa la poignée et constata avec étonnement que la porte n'était pas verrouillée. Là aussi la pièce était vide. Ce qui ne signifiait qu'une seule chose : Baekhyun était sorti dans sa chambre sans prévenir personne et sans autorisation.
- Oh putain ! lâcha-t-elle la main devant la bouche.
Le problème n'était pas tant qu'il s'évanouisse au milieu du couloir mais plutôt qu'il se fasse reconnaître par d'autres patients, aussi jeunes que vieux. Ça allait créer une réelle émeute.
- Et grossière en plus ! commenta Minseok dans son dos.
Agacée, Layla se tourna vers lui, la mâchoire serrée.
- Je ne le serais si votre putain de chanteur ne s'était pas échappé de sa chambre sans autorisation !
- Il est probablement allé prendre l'air. Vous voyez qu'il va mieux !
- Ce n'est pas le problème, souffla-t-elle exaspérée.
Décidemment, ce type ne comprenait rien à rien.
- Il est juste en train de se balader sans masque ni lunette de soleil au beau milieu d'un hôpital rempli de gens complètement fans de lui.
Dis comme ça, Minseok comprit tout de suite l'enjeu de la situation.
- Il faut absolument le retrouver !
- Appelez-le.
Il s'exécuta sans faire d'histoire et raccrocha aussitôt en constatant qu'il avait laissé son portable sur la table de nuit.
- Quel idiot ! Bon, j'ai une idée de l'endroit où il peut être. Attendez-moi, ici.
- Non, je viens le chercher avec vous.
- Hors de question. Vous êtes couverts de germes, vous allez infester l'hôpital avec vos microbes. Vous ne bougez pas. S'il revient dans l'intervalle, bipez-moi.
Layla n'attendit pas sa réponse et fonça vers les ascenseurs.
Elle l'entendit avant de le voir. Baekhyun criait tellement fort que tout le personnel se retournait sur son passage. Comme elle s'y attendait, il n'avait pris aucune précaution et errait dans les couloirs de l'unité cancérologie.
« Quelqu'un a vu Chanyeol ? Chanyeol t'es où ?! Montre-toi ! Madame, savez-vous où est Park Chanyeol, celui qui dort dans cette chambre normalement ? » demanda Baekhyun en pointant du doigt la porte ouverte où Chanyeol était sorti en trombe. Layla observa la scène, complètement incrédule. Même les infirmiers étaient devenus hystériques. Certains prenaient des photos, d'autres essayaient de le toucher, de lui faire signer quelque chose et Baekhyun, au milieu de cette cohue, continuait de scander le nom de Chanyeol sans prêter la moindre attention à qui que ce soit. Quelques internes restaient en retrait et observaient la scène avec amusement, sans vraiment comprendre qui était cet homme vers qui toute l'attention était tournée. Layla resta figée une poignée de secondes puis s'aventura dans la foule. D'un geste ferme, elle attrapa le poignet de Baekhyun et s'engouffra dans la chambre ouverte de Chanyeol.
- Viens par-là, toi.
Sans le ménager, elle l'obligea à s'asseoir sur le lit de Chanyeol et resta debout, face à lui, les bras croisées sur sa poitrine.
- Qu'est-ce que tu fabriques, au juste ?
- Je cherche Chanyeol, répondit Baekhyun d'un air penaud.
Il avait l'impression d'être un enfant pris en faute.
- Baekhyun, tu ne peux pas sortir de ta chambre sans autorisation et encore moins dans cet état.
- Quoi ? Il est bien mon état, protesta-t-il en observant sa blouse.
Layla leva les yeux au ciel.
- Je ne te parle pas de ça ! Bien-sûr que tu vas mieux. Tu as repris des couleurs. C'est bon signe. Je dis juste que tu ne peux pas t'aventurer dans l'hôpital comme si tu étais monsieur-tout-le-monde car tu ne l'es pas !
Baekhyun se mit à bouder et fixa ses pieds avec une mine honteuse.
- Je voulais juste voir Chanyeol une dernière fois... expliqua-t-il. Minseok est là, je le sais. Il va m'emmener de force. J'ai déjà raté trop de trucs... Il ne m'aurait pas autorisé à perdre plus de temps.
Layla soupira et attrapa une chaise pour s'installer en face de Baekhyun.
- Je t'ai dit de ne pas t'approcher de lui.
- Qui est-ce qui t'a dit que j'allais écouter ? J'aime bien ce gamin... Il me procure des choses que personne d'autres n'arrivent à me faire ressentir.
Layla fixa Baekhyun la bouche entre-ouverte. Elle ne voulait pas mal interpréter ses paroles, mais elle ne voyait pas vraiment comment elle aurait pu penser à autre chose. Etait-il en train de lui avouer qu'il avait une attirance pour un gamin de dix-sept ans ? Un gamin destiné à mourir et qui nourrissait des sentiments irrationnels à son égard ? C'était vraiment préjudiciable et pourtant, elle ne se sentit pas capable de lui faire la leçon. Tout dans son regard criait le désespoir et la tristesse. Elle tombait des nues. Face à une situation aussi incongrue que celle-ci, Layla se sentit complètement démunie. Baekhyun dut percevoir sa désapprobation car il s'empressa d'ajouter :
- Je ne parle pas de manière romantique. Ce serait juste complètement fou et irresponsable de ma part et puis... je ne penche pas vraiment de ce côté à vrai dire. C'est simplement qu'il me fascine, j'ai envie de le rendre heureux, tu comprends ?
- Baekhyun, si tu continues comme ça, vous allez juste souffrir. Cette relation ne vous apporte rien de bien.
- Au contraire-
- Ça n'aurait pas dû s'étendre au-delà de la première fois. Je n'aurais jamais dû te laisser revenir. C'est ma faute, culpabilisa Layla en réalisant que depuis le début, elle n'avait rien fait pour empêcher leur relation de progresser.
- Tu aurais pu ériger un mur entre nous, j'aurais toujours trouvé un moyen de le percer. J'ai l'impression que le destin me ramène toujours ici. Je veux dire, cette fois je n'ai rien fait pour me retrouver aussi près de lui. C'est juste venu comme ça. Comme si quelqu'un attendait qu'on se retrouve.
- Baekhyun tu ne comprends pas !
Layla se pencha vers lui et s'accrocha à son regard aussi bien qu'elle le pouvait.
- Vous allez vous faire du mal, ce que vous avez construit n'a aucun sens. Ce n'est ni de l'amitié ni de l'amour. Que fera-t-il le jour où tu trouveras une femme ? Il sera complètement détruit ! Tu as pensé à cette éventualité ? A tout le mal que tu vas lui causer ?
- Ça n'arrivera pas. Je n'ai pas le temps de batifoler.
- Pourtant c'est ce que tu fais avec lui ! Il est en train de s'attacher à toi, tu nourris ses espoirs sans même t'en rendre compte. Si tu ne l'aimes pas, lui t'aime. Et dans sa tête d'ado décérébré, il va finir par croire que tu l'aimes aussi.
- On a discuté de ça. Il sait très bien ce que je ressens à son égard !
- Non ! Il n'en sait rien ! Comment veux-tu qu'il le sache quand toi-même tu n'es pas capable de comprendre ce qui t'attire chez lui ?
- Il est drôle, intelligent, gentil et il me fait oublier à quel point ma vie est merdique ! Voilà ce que j'aime chez lui. Peu importe le sujet, il aura toujours sa toucher personnelle à ajouter. Il connaît tellement de choses. Il est tellement passionné. C'est beau à voir. Je ne vois pas pourquoi je devrais m'en priver.
- Pour toi. Pour ton bien. Chanyeol n'est pas éternel et tu le sais aussi bien que moi. Je me suis déjà trop attachée à lui, je sais que son départ va laisser une trace indélébile dans mon cœur. Je n'ai pas envie que tu fasses la même erreur alors s'il te plaît, arrête d'être têtu et écoute-moi. Tu as une carrière en or. Ta vie n'est peut-être pas toute rose, mais ne mets pas tout en péril juste pour un flirt stupide qui ne durera pas. Tu joues avec le feu. Imagine si ton patron l'apprend-
- Ce n'est pas un flirt, la corrigea Baekhyun. C'est quelque chose de beaucoup plus profond. Ne rabaisse pas notre relation, sur laquelle tu ne connais rien, à un simple flirt de gosses. J'ai passé l'âge.
- Mais pas lui ! Pour moi ça l'est clairement. Et c'est terriblement malsain. Il est bien trop jeune et naïf. Tu as une emprise incroyable sur lui, sans même que tu n'en sois conscient. Chanyeol est très mal en point. Il va mourir plus vite que tu ne le crois. Tu ne vas pas t'en remettre Baekhyun.
- Je me suis remis de beaucoup de choses dont beaucoup de gens ne se remettent jamais, attaqua-t-il. Je ne comprends pas ce que tu me reproches. Je veux juste lui apporter un peu de joie dans sa vie de merde ! Je n'ai pas le droit ?!
- Non. Pas quand il éprouve une admiration sans borne pour toi.
Layla se releva. Ses nerfs étaient gonflés à bloc. Baekhyun avait beau être un adulte, c'était comme discuter avec un gamin buté. Il était incorrigible et irresponsable. Il n'était pas encore trop tard pour éviter le pire, mais s'il s'obstinait, les choses risquaient de dégénérer.
- Je ne te comprends pas Layla, souffla-t-il dans son dos. Si ton but est de le rendre malheureux, tu es franchement bien partie pour. Je suis sa seule source de bonheur et toi, tu veux l'en priver ? Et après tu oses t'affirmer comme une infirmière qui fait tout pour rendre ses patients heureux ? Pour les aider ? Je pense plutôt que c'est le contraire. Tu es mauvaise. Tu cherches à les préserver mais tu ne fais que les blesser.
Sans le savoir, Baekhyun venait de toucher une corde sensible. Une blessure fraîche et encore ouverte. Un flash traversa l'esprit de Layla. Elle se revit tétanisée face à Chanyeol qui hurlait en sanglotant et alors, quelque chose en elle se brisa. Les yeux brillants de colère, elle pivota lentement sur ses talents et planta son regard noir dans celui de Baekhyun.
- Tu n'as aucune idée de quoi tu parles. Tu ne sais pas à quel point mon travail est difficile. Je me plie tous les jours en quatre pour sauver des vies, apaiser des douleurs insoutenables. J'entends des cris sans arrêt, même dans mes rêves le bruit des sirènes me hante. Est-ce que tu as la moindre idée de ce que c'est qu'annoncer à des parents que leurs enfants n'ont pas survécu à une opération ? Est-ce que tu sais à quel point ça a été dur d'appeler sa mère, qui ne se doutait pas une seule seconde que Chanyeol avait été transporté d'urgence en salle d'examens et qu'à cause de moi, de cette peur, de cet attachement que je veux t'éviter, il ne va peut-être pas survivre ?! Est-ce que tu le sais tout ça ?! hurla-t-elle. Tu ne sais rien ! Alors je t'interdis de dire que je suis mauvaise !
Les larmes coulaient à nouveau mais elle n'en avait plus rien à faire. Elle était bien trop secouée par le chagrin pour se préoccuper de l'image qu'elle renvoyait. Elle voulait juste faire son travail du mieux possible, mais elle n'était pas parfaite. Et aujourd'hui, elle aurait dû l'être. Sur le lit, Baekhyun était sonné. Son esprit avait du mal à intégrer les mots qu'il venait d'entendre. Ce n'est pas le bruit du biper de Layla ni celui de la porte qui claque, qui le ramena à la réalité. Mais cette déchirure violente au creux de la poitrine. Comme un coup de couteau profond dans le cœur. Son regard s'agrandit et un cri silencieux quitta ses lèvres. Il en avait le souffle coupé. Alors qu'il cherchait Chanyeol depuis près d'une heure, lui était en train de souffrir le martyr à quelques mètres de là. A ce moment-là, le monde arrêta de tourner. Baekhyun crut qu'il allait s'évanouir. Ses yeux devinrent humides et sa bouche émit un gémissement incrédule. Il ne voulait pas y croire, pas aussi tôt, pas aussi vite. C'était tellement soudain. Il n'avait même pas eu le temps de lui dire au-revoir, ni quoique ce soit. La douleur était si violente que pendant une seconde, il se dit que Layla avait raison. Que s'il n'était pas revenu, encore et encore, il n'aurait pas aussi mal. Il n'aurait sans doute jamais été au courant. Ce n'était pas un pincement désagréable qu'il ressentait comme chaque fois qu'il pensait à sa mère, ou sa vie en général. C'était un coup de poing persistant qui même après l'avoir quitté, brûlait toujours.
Il ne savait pas quoi faire. Layla était déjà partie et il était désormais seul. Son instinct lui indiqua de la suivre. S'il y avait bien une personne qui connaissait l'évolution de la situation, c'était elle. Baekhyun sortit de la chambre en chancelant. Il ne savait pas où elle était partie mais il finirait bien par trouver. Son regard humide balaya le sol tandis qu'il avançait en rasant les murs dans le couloir. Les nombreux infirmiers surexcités avaient fini par évacuer la zone mais ça n'empêcha pas à l'un d'entre eux de lui tomber dessus.
- Monsieur, vous allez bien ? demanda-t-il en évaluant son teint blafard et ses yeux vides.
Baekhyun dégagea la main qui s'accrochait à son épaule d'un geste sec.
- Ça va, répondit-il mécaniquement sans relever les yeux.
Le soignant n'insista pas et le regarda s'éloigner.
Dans le hall d'entrée, Layla ne chercha pas à dissimuler son mal-être. C'était vain. En s'avançant, elle découvrit les parents de Chanyeol qui, loin de se faire un sang d'encre, semblaient plutôt détendus. Madame Park était en grande discussion avec son mari lorsque Layla les interrompit. Son regard humide fit monter la suspicion et alors les premières expressions d'inquiétude masquèrent leur visage.
- Bonjour, Layla Hawkins, se présenta-t-elle.
Tour à tour, ils lui serrèrent la main.
- Comment va Chanyeol ? s'enquilla Madame Park en serrant son sac à main contre elle.
Elle portait un pull large et un survêtement tâché d'herbe au niveau des genoux.
- Je n'ai encore aucune nouvelle pour l'instant mais dès que j'en saurais plus, je vous tiendrais informés.
Madame Park hocha la tête sans pour autant s'autoriser à respirer. A côté d'elle, son mari semblait inquiet mais faisait tout pour dissimuler sa crainte. Il devait être fort, pour qu'en cas d'échec, sa femme ait une épaule sur laquelle s'appuyer. Seulement, il ne put s'empêcher de demander à Layla d'une voix implorante :
- S'il vous plaît... sauvez mon fils.
Ce n'était pas une simple supplique, c'était une requête. Layla venait d'être chargée d'une mission sur laquelle elle n'aurait aucune incidence. Ce n'était pas elle qui s'occupait de Chanyeol. Lorsqu'elle en avait l'occasion, elle avait tout foiré. Maintenant, la seule chose qu'elle pouvait faire était de prier pour qu'il s'en sorte. L'émotion lui saisit la gorge. Ce papa avait besoin de son fils. Elle devait le lui rendre. S'il ne résistait pas, elle ne se le pardonnerait jamais.
- Nos médecins font tout ce qu'ils peuvent.
- Vraiment tout, claironna une voix dans son dos.
Layla se tourna et découvrit le docteur Harper, stéthoscope au cou.
- Vous êtes les parents de Chanyeol ?
- C'est ça, confirma Madame Park, les yeux remplis d'effrois.
- Détendez-vous, Chanyeol va bien.
Le soulagement général s'abattit sur eux d'un seul coup. Layla, épuisée mais heureuse, se laissa tomber sur une chaise. A côté d'elle, les parents de Chanyeol s'enlacèrent. Et cette fois-là, monsieur Park ne chercha pas à retenir ses larmes.
- Grâce à cette infirmière qui nous a aiguillés comme une professionnelle, félicita-t-il en faisant un clin d'œil à Layla.
- Non c'est faux je...
- Layla, ne soyez pas aussi modeste. Sans vous on aurait perdu un temps fou. Mais il se trouve qu'il s'agissait bien d'un choc septique.
Madame Park lui jeta un coup d'œil et ne se priva pas de la serrer contre elle. La bouche nichée dans ses cheveux, elle murmura : « Merci pour tout. »
- Chanyeol a reçu une oxygénothérapie pour lui permettre de respirer. On lui a également donné des corticostéroïdes qui affaiblissent son système immunitaire. Vous comprendrez que pendant quelques temps, il faudra diminuer les contacts avec le monde extérieur. Donc pas de visite le temps qu'il s'en remette.
- Peut-on quand même le voir ? demanda Madame Park en serrant la main de son mari.
- Je suis désolé mais il est en train de passer un scanner. Ce genre de choc peut gravement endommager ses reins, on doit vérifier qu'il n'y ait pas d'anomalie.
- Manquait plus que ça... marmonna Layla.
- Soyez rassurés, dans quelques jours, il sera de nouveau en pleine forme.
Façon de parler. Chanyeol allait mal et irait toujours mal jusqu'à la fin. La douleur serait juste légèrement plus tolérable. Madame Park soupira de soulagement et s'autorisa une nouvelle étreinte avec son mari. Le docteur Harper les salua d'un signe de tête et repartit en sens inverse.
- Je ne sais pas comment vous remercier.
- Ne vous embêtez pas. C'est mon travail. Chanyeol mérite ce qu'il y a de mieux. C'est vraiment un garçon incroyable, dit Layla avec un sourire mélancolique.
- Vous ne savez pas à quel point ça compte pour nous... Je sais que ça ne lui rajoutera que quelques mois mais... c'est déjà énorme.
- Chanyeol est un champion. Il se battra jusqu'au bout, croyez-moi. Rentrez chez vous. Vous devez avoir beaucoup de choses à faire et puis vous ne pourrez pas le voir de toute façon.
- Dites-lui de nous appeler, s'il vous plaît.
- Je n'y manquerais pas. Soyez prudents sur la route.
Layla leur adressa un dernier sourire et rejoignit le couloir. Ses jambes étaient tellement flageolantes qu'elle manqua de s'écrouler sur la moquette. Elle était heureuse et soulagée. C'était peut-être la première fois qu'elle se sentait aussi joyeuse. De la déprime la plus complète, elle était passée à une euphorie limite ridicule. En dépassant les hôtesses d'accueil, elle s'autorisa une petite danse de la joie qui lui valut quelques regards intrigués. Elle s'en foutait. Elle se sentait invincible. Mais elle avait omis un détail. Un gros détail.
- Layla !
A bout de souffle et appuyé sur ses genoux, Baekhyun se trouvait à une vingtaine de mètres. En le voyant, la colère qu'elle avait pu ressentir à son égard se dissipa totalement. Elle en oublia presque l'origine de leur dispute. Sans réfléchir, elle se précipita vers lui et le serra dans ses bras. Baekhyun se laissa faire mollement et posa son visage broyé par le chagrin contre son épaule. Il ne savait pas quoi dire. Les seuls mots qui quittèrent ses lèvres, sortirent tremblants et incertains. « Je suis désolé. »
Layla le garda dans ses bras encore quelques minutes, elle sentait qu'il en avait besoin, et pas uniquement à cause de Chanyeol.
- Je ne voulais pas dire ça... C'est toi qui avais raison... Qu'est-ce que je vais faire maintenant ? demanda-t-il, complètement désemparé.
Layla saisit ses épaules et le regarda droit dans les yeux.
- Chanyeol va bien, lui dit-elle. Il va bien tu m'entends ?
Baekhyun eut du mal à enregistrer l'information mais lorsqu'elle passa la barrière de son chagrin, son regard s'agrandit et ses lèvres se figèrent en un drôle de sourire.
- Dieu merci, soupira-t-il la main sur le cœur.
Il ravala les larmes de soulagement qui mouillaient ses yeux et se jeta contre Layla.
- J'ai vraiment cru que... j'ai eu tellement peur...
- Tu comprends maintenant ?
Baekhyun hocha la tête contre ses seins. Il comprenait mais ne se sentait pas prêt à accepter.
- Je ne te demande qu'une chose : ne lui parle plus s'il te plaît.
- Je ne peux pas faire ça ! Que va-t-il penser de moi ? Il va me détester !
- L'image qu'il a de toi, est vraiment la seule chose qui t'inquiète... constat Layla avec déception.
- Non... je ne veux juste pas avoir à jouer le rôle du connard qui l'abandonne sans explication.
- Si tu lui en donnes, tout sera beaucoup plus difficile. Il voudra que tu restes et feras tout pour te prouver qu'il a besoin de toi. Tu vas culpabiliser et ce sera un processus sans fin. Fais ton job et tiens-toi éloigné, c'est tout ce que je te demande. Viens, ton patron nous attend.
Baekhyun regarda Layla s'éloigner. Il n'avait pas l'intention de le laisser tomber. Tant pis s'il risquait de souffrir. Mais il ne pouvait pas se battre sempiternellement avec elle, alors il ne chercha pas à protester et garda sa promesse silencieuse pour lui-même. Ensemble, ils vaincraient tout. Il en était certain.
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