
Chapitre VII
Omnicient.
Il s'asseya, ni trop loin, ni trop près d'elle. Elle fut surprise. Beaucoup auraient profiter de la coller le plus possible, jusqu'à effleurer l'affront.
Il était habillé d'une chemise sombre en coton, les premiers boutons ouverts, un tailleur noir classique et des chaussures cramoisies. Simple mais élégant
_Me feriez-vous l'honneur de passer les dernières heures de cette journée avec moi, avant qu'un autre jour commence? Demanda-t-il, la voix ne trahissant aucun vice. Seulement le désir de partager quelques bribes de conversations intrigantes.
_D'où ma présence ici, répondit la jeune femme, le testant.
Un ricanement amusé, comme s'il attendait cette réponse, aussi affûtée qu'une lame d'une hache.
_Eh bien, c'est que pour moi, ces heures seraient beaucoup plus agréables si j'avais votre personnelle envie. Pas par obligation. Mais par l'autorisation de votre intérêt.
Elle rit d'une voix cristalline, résonnant tel un carillon annonçant le début d'une ère nouvelle.
_Monsieur sait parfaitement comment amadouer et obtenir ses centres de convoitise. Parlez donc, et je vous en dirais pour l'autorisation de mon intérêt, comme vous le dites si bien.
_Eh bien, j'aimerais me changer les idées aujourd'hui, en parlant de points communs entre vous et moi. Quant est-il de votre passion?
_Devinez. Si vous réussissez, cela veut dire que c'est un point commun. Indice: c'est ce qui revive les âmes.
_L'art?
_Non seulement nous avons une passion commune mais en plus nous avons la même vision. Intéressant.
_Parlez moi de votre vision de l'art, lui demanda-t-il, encrant son regard sombre dans le sien.
Elle se tut, admirant la profondeur des cristallins de son client.
_L'art est un rappel. Le monde est en train de s'auto-robotiser, d'oublier les couleurs et les émotions. L'art regroupe ces deux choses qui font de l'humain à sa naissance ce qu'il est. S'ils disparaissent, l'humain disparait. En délaissant ses sentiments et sa capacité à ressentir, faisant de son moteur le rationalisme, l'être humain délaisse sa nature. Il devient l'objet de la société. Un outil pour fonder ce monde monochrome dénué de sens. L'art est un rappel de ce qui fait de nous des êtres humains, il nous avertit de la tournure funeste que prend les événements.
Elle parlait de son coeur. Elle avait parlé avec émotions, elle s'exprimait avec sincérité, ce qu'elle ne faisait pas d'habitude.
Elle se surpris elle même de converser avec autant de ferveur.
Elle leva les yeux vers l'inconnu qui ne lui coupa aucunement la parole.
Elle fut agréablement surprise de le voir boire ses paroles, écoutant attentivement. Elle était pourtant habituée à ces regards emplis d'ennui et d'incompréhension des parasites ignorants autour d'elle lorsqu'elle abordait ce sujet.
_Vos yeux, lorsque vous exprimez votre pensée, brillent de milles feux. Votre point de vu est également extrêmement intrigant et vos arguments m'ont épaté à tel point que j'en fus convaincu.
Elle l'aimait.
Oui, elle aimait cette intelligence étalée en une phrase. Elle le trouvait intéressant.
_Donnez-moi le votre.
_Mon avis n'est nullement aussi poussé que le votre. J'aime l'art car il siert à mes yeux, il les remplit de nouvelles notions. Je suis aussi d'accord que l'art évoque les émotions. Ne vous vous êtes jamais sentis étouffé de l'intérieur, saisit par un haut le coeur, lorsque vous admiriez un chef d'oeuvre en particulier? Je vis pour ressentir cette chose éphémère qui noue mes entrailles. Doux et à la fois douloureux.
Cette fois, May c'était rapprochée. Pour la première fois. Et peut être même la dernière, qui sait?
Elle déposa son coude sur le comptoir, sa main soutenant sa joue. Elle le regardait intensément, voir même amoureusement de sa pensée. Il était étonné par son geste et par l'attention qu'elle lui portait dans son regard perçant.
_Vous êtes un homme bien intéressant. Et intelligent. Le monde serait bien meilleurs si les personnes étaient comme vous et moi. Comme je le dit à répétition, les personnes comme nous sont beaucoup trop sensibles et intelligentes pour ce monde.
Le vieux barman les servit et pourtant, ils ne savaient se détacher de ce contact visuel. Contact visuel qui devenait peu à peu dangereux. Qui pourrait prédire ce qu'il pourrait ce passer, si l'un finissait par se perdre dans les ténèbres, et l'autre se noyer dans les abysses de miel?
_Je ne l'ai pas dit à voix haute, parce que je le pensais tellement fort que je déduis que tout le monde entendais mes songes, mais vous êtes vraiment ravissante... Murmura-t-il en un souffle tout bas, comme s'il avait peur qu'une sonorité trop forte briserait ce lien invisible qui s'était formé entre eux.
Les lèvres de la jeune femme, recouverts d'un voile pourpre que son interlocuteur fixait à présent, s'étirèrent en un véritable sourire. Elle appréciait la présence de cet homme.
_Le saviez-vous? En général, je ne me souviens des personnes qui m'entourent à moins qu'elles m'aient laissé une forte impression. Je pense que je ne vous oublierais pas de si peu... dit-elle, en scrutant la moitié de son visage visible, fascinée de sa symétrie parfaite.
_Vous m'en voyez ravi, autrement cela aurait été embarassant pour moi, qui prend énorme plaisir à échanger avec vous.
Elle rit, amusée.
Elle porta son verre devant elle, trinquant avec ce bel individu. Tout en buvant ce doux liquide exquis, ils ne se lachèrent des yeux, rendant le goût de leurs boissons encore plus soyeux que coutume.
Ils échangèrent des morceaux de conversations, tout en étant quelques fois coupés par un silence des plus agréables où la douce mélodie venait rapprocher les esprits de tout ceux qui l'entendaient.
Ils se dévoilèrent peu à peu, au fur et à mesure que l'eau de vie se mélangeait dans leur sang, les contraignant à être honnêtes envers eux-même, à déposer les masques invisibles, seule chose qui les dissimulait encore.
May porta un regard vers l'horloge: quatre heures du matin.
Elle soupira, voulant rester avec cet inconnu, partager ses pensées, jusqu'à ce que les jours s'en suivent éternellement, car lui, savait que faire de ses pensées.
Il la regarda, attendri.
_Cendrillon, le moment pour vous est arrivé. Je suis désolé de vous avoir retenu ainsi, aussi tard, le temps me coula entre les doigts...
_S'il y a une chose à ne pas faire en ce moment, c'est de s'excuser. Il n'y a aucune raison à s'excuser pour quelque chose auquel j'y ai pris plaisir. Si vous ne vous étiez pas arrêté de parler, j'aurais sans doute pu faire une nuit blanche, dit-elle en boudant, un peu pompette.
Il lui sourit, et lui prit la main, la guidant. Ils finirent par sortir de l'immeuble et il appela un taxi.
Il paya le conducteur sous les protestations de May et la regarda dans les yeux, lui coupant le souffle.
_Vous avez obtenu l'entière autorisation de mon intérêt et souhaite avoir une autre entrevue aussi enrichissante que celle-i, déclara-t-elle, encouragée par l'alcool.
Il sourit, d'une façon aussi singulière qu'envoûtante.
_Vous m'en voyez ravi. Je vous attendrai. Amenez cette jeune femme à l'université Hanji, s'il vous plaît.
Elle déposa sa tête contre la vitre, se laissant bercer.
Soudain, une pensée lui vint, faisant ouvrir ses paupières.
Comment savait-il dans quelle université elle y était?
May Lee.
Arrivée devant le bahut, je mavancais, droite sans marcher de travers. Je tenais bien l'alcool.
Arrivée dans le couloir qui menait à ma chambre, je claquais mes talons sur le marbre froid, faisant écho dans ce bâtiment sombre et désert.
Une forme assise était en face de ma porte, semblant humaine.
Je me rapprochais encore un peu, confuse.
Jungkook était accroupi, ses bras élancés sur ses genoux, il fumait une cigarette.
Il releva sa tête, enfouie dans son capuchon de sweat.
Il se leva lentement et me regarda:
_Tu es en retard.
_Aujourd'hui, j'ai rencontré quelqu'un d'extrêmement plaisant. Pourquoi tu fumes? Ce n'est pas dans tes habitudes.
_J'avais froid.
Silence.
Je pris mes clefs et les mis dans la serrure. Je sentis une masse se poser sur mon épaule gauche, sa tête.
_On est fatigué, 'tit choux? Dis-je en lui grattant l'arrière de sa tête tout en ouvrant la porte.
_Je peux dormir avec toi ce soir? Il demanda, la voix rauque.
Ah oui... Jungkook n'aimait pas être dans le noir tout seul. Disons qu'il prend peur quelques fois, suite à un traumatisme d'enfance.
_Oui, va déjà t'allonger et allume la lampe en attendant que je me lave.
Il ferma la porte derrière lui, et partit chercher un pyjama à lui dans mon armoire. Venant très souvent, il laisse quelques affaires chez moi.
Je pris donc un pyjama en peluche, étant donné le froid glacial et pris une longue douche brûlante.
Une quarantaine de minutes plus tard, j'en ressortais, toute propre et réchauffée. Je nouais mes cheveux en tresses et me dirigeait vers mon grand lit deux places.
Jungkook m'attendais encore, les yeux ouverts, je ressentais un peu de peine.
Je glissais dans le lit et tout de suite après, je sentis deux bras forts qui m'entourèrent la taille, qui pourtant me paraissaient si fragiles en cet instant. Puis, je sentis sa tête se poser contre mon ventre, et il ferma les yeux.
Je passais ma main gauche inlassablement dans ses cheveux, tandis que la droite décrivait des va et vient sur son dos.
Cet homme souffre. Sa phobie le rend fragile. La fragilité aussi est un art. Surtout quand ce genre de fragilité se trouve dans un homme de vingt-deux ans. Je ne peux pas le guérir, seul le fait de faire face à sa source du problème pourra lui faire tourner la page. En d'autres termes, ses parents. Moi, je ne fais que le rassurer et le consoler en attendant, je ne saurais rien faire d'autre.
Il a peur du noir, le noir qui cachait ses démons, ses démons qui voulaient le nuire par surprise. Il entend des cris dans ce noir, des hurlements de haine et de mépris et ces cris appartenaient à ses parents. Il est oppressé par ce noir silencieux qui hurle au danger.
Sur cette compassion mêlée à une sorte de pitié aimable, je m'endormis, dans une chaleur qui m'apaisait.
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