- J'étais allé au centre commercial avec ma mère pour choisir un cadeau d'anniversaire à Luna. Elle n'avait que quelques mois, elle n'a aucun souvenir de ma mère mais pour elle, Luna et moi étions son plus grand bonheur. Elle voulait précisément un garçon et une fille et elle était heureuse et nous comblait de toutes sortes de cadeaux. Et puis, le premier anniversaire est assez symbolique en quelque sorte. J'étais jeune, je comprenais rien à ces histoires, j'avais accompagné ma mère seulement parce qu'elle m'avait promis de m'acheter une glace si j'y allais avec elle.

Hayden me sourit tristement. C'est à mon tour de l'aider à affronter ses souvenirs calmement. Je lève légèrement les yeux vers ses cheveux bouclés avant d'y déposer ma main pour le caresser d'un geste apaisant. Pour moi, l'homme qui se trouve en face de moi est comme un chat noir égaré. Et les chats aiment les caresses, n'est-ce pas ? Va-t-il se mettre à ronronner ? Mon geste le surprend dans un premier temps puis il ne dit rien, alors je présume que ça ne doit pas être désagréable pour lui, sinon il m'aurait retiré la main sans hésitation.

- Comme j'avais mis trop de temps à me lever, on est arrivé au centre commercial en fin de matinée. Et puis, il y avait des réductions, une sorte de Black friday qui s'étendait sur le week-end entier ou quelque chose du genre. Du coup, il y avait un monde fou. Surtout qu'en cette période, un grand nombre de personnes commencent à acheter leurs cadeaux de Noël alors c'était la bonne affaire. On a mis plus de temps que prévu à acheter les cadeaux pour Luna. Il y avait une queue monstrueuse et il fallait jouer des coudes pour accéder aux rayons.

Je me souviens aussi qu'il y avait énormément de monde mais cette promotion m'était sortie de la tête. Mon père m'avait amené pour aller acheter des livres et ce n'était pas un domaine qui avait été impacté.

- Comme il commençait à se faire tard dans la matinée, ma mère a décidé de manger sur place. Il faut dire que je n'arrêtais pas de me plaindre parce que j'avais faim. Et puis, il y a eu les coups de feu. On était aussi près de la baie vitrée lorsque nous mangions et ma mère a été touchée. Je n'avais jamais vu autant de sang de toute ma vie. Les seules blessures que je connaissais c'était les égratignures sur les genoux. J'ai appelé à l'aide. Je me suis époumoné pour que quelqu'un aide ma mère mais ils étaient tous en train de fuir vers la sortie, comme si nous étions invisibles. C'est à ce moment-là que j'ai compris l'égoïsme de l'espèce humaine.

Un éclair de rage traverse son regard bleu et je me sens mal pour cet enfant qui appelait à l'aide sans que personne ne l'entende. Je l'ai moi-même pas entendu. Il y avait tellement de cris mêlés. Je ne savais même pas qu'une balle avait passé la baie vitrée.

- Et puis, il y a eu cette explosion et l'effondrement du bâtiment. Ma mère est rapidement tombée dans les pommes à cause de la perte de sang importante, puis quelques heures plus tard elle est morte, sous mes yeux, sans que je ne puisse rien faire. Je suis resté onze jours sous les décombres avec son cadavre dans cet endroit exiguë.

Je stoppe tout mouvement. Je le regarde dans les yeux et j'y vois toute la peur que cet enfant a pu ressentir ce jour-là. Ça a dû être épouvantable. Rester dans les décombres avec le corps de sa mère sans savoir si un jour il reverra la lumière du soleil. Une pièce du puzzle Hayden s'assemble. C'est pour cette raison qu'il a besoin de se sentir vivant après avoir côtoyé la mort d'aussi près. Mes yeux s'embuent de larmes en imaginant ce que cet enfant a pu ressentir. Hayden chasse la larme fugitive avant de baisser les yeux.

- Je n'arrête pas de me dire que si je n'étais pas un gosse aussi chiant, que je n'avais rien dit, ou que je n'avais pas mis mille ans à me sortir du lit ce jour-là, on serait sorti du centre commercial et on serait rentré à la maison tous les deux, sains et saufs, chuchote-t-il dans une confession douloureuse. Rien de tout ça ne serait arrivé. Je me demande parfois si je n'aurai pas mieux fait de mourir avec elle.

Mon coeur se brise face à l'expression de sa culpabilité. J'essaie d'assembler mes mots pour le réconforter alors que les larmes affluent. Je me redresse sur mes deux bras pour avoir mon visage au-dessus du sien de façon à ce que nos regards se croisent.

- Tu n'y es pour rien, ce n'est pas de ta faute. Personne n'aurait pu prédire ce qui allait se passer ce jour-là. Je suis sûre que ta mère ne t'en tiens pas pour responsable et qu'elle voudrait que tu vives une vie heureuse. Tu ne peux rien changer à ce qu'il s'est passé, tu ne peux pas y retourner pour changer le cours des événements. Tout ce que tu peux faire aujourd'hui, c'est aller de l'avant et ne pas détruire la vie que tu as la chance d'avoir. Le présent et le futur sont les seuls domaines sur lesquels tu peux influencer alors il faut que tu concentres sur eux. Laisse tous tes sentiments négatifs dans ce putain de centre commercial parce que tu ne peux rien y changer et vis ta vie comme tu l'entends, sans te punir d'avoir survécu. Ce qui est fait est fait, peu importe comment tu vis ta vie à présent, ça ne changera rien aux événements du passé alors, sois heureux.

Je vois les yeux d'Hayden s'humidifier mais il fait tout pour retenir ses larmes.

- Laisse tes expressions s'exprimer. Si tu les laisses à l'intérieur de toi, ça finira par pourrir en toi et ça te détruira de l'intérieur. Tu as le droit de pleurer.

Avant que je ne puisse voir une seule larme couler le long de sa joue, Hayden me serre dans ses bras et ma tête se retrouve collée à son torse. Je me sens rougir de la tête aux pieds d'être aussi proche de lui. Je sens sa chaleur corporelle ainsi que son doux parfum. Même si je sens beaucoup plus l'odeur du désinfectant, j'arrive à percevoir son odeur. J'entends petit à petit les battements de son coeur qui bat dans un rythme apaisant. Je pourrais m'endormir ainsi.

Je tente de me relever mais Hayden me maintient dans ma position. Je comprends alors que s'il m'a serré dans ses bras, c'est seulement pour que je ne le vois pas pleurer et je me sens subitement stupide. 

Je ne bouge donc pas d'un pouce, le laissant dans son intimité. Ce soir, j'ai vu la carapace d'un homme se fissurer en face de moi. Tout ce que j'ai envie de faire à présent, c'est le réconforter pour qu'il arrive à surpasser ses démons. Cependant, je ne suis pas la mieux placée pour l'aider. Je n'ai moi-même pas réussi à surpasser mes traumatismes. Mais ce soir est une petite victoire : j'ai réussi à soigner Hayden sans faire de crise de panique.

Nous avons tous les deux partagés nos souvenirs traumatisants dans ce lit. Des souvenirs que nous avions gardé pour nous pendant toutes ces années. Un lien de confiance et une certaine intimité se sont formés entre nous. Nous avons fait un grand pas dans notre relation et nous pourrons jamais reculer cette fois-ci.

L'emprise d'Hayden se relâche quelques minutes plus tard et j'attends quelques secondes avant de me relever. Il a les yeux rouges et humides. J'ai un pincement au coeur en le voyant comme ça. Nous sommes deux âmes blessées qui se sont rencontrées. Mon père m'avait dit un jour que les âmes brisées étaient attirées les unes les autres. Est-ce pour cette raison que j'ai toujours été attirée par cet homme en face de moi ? Mon âme a-t-elle reconnue la sienne comme étant semblable à elle avant même que je le sache ?

Je n'ai pas le temps de comprendre ce qu'il se passe que les lèvres d'Hayden se posent sur les miennes. Je mets quelques secondes avant de comprendre la situation. Je ferme alors les yeux pour rendre le baiser à Hayden dans un mouvement désespéré. Nous sommes réellement deux âmes brisées s'étant trouvées. 

Ses lèvres ont un léger goût salé. Peut-être est-ce dû à mes larmes, peut-être est-ce dû aux siennes, je ne le saurai jamais. Hayden me prend par la taille pour que je me place à califourchon sur lui sans jamais interrompre notre échange. Des trois baisers que j'ai pu recevoir dans ma courte vie, qui étaient accessoirement tous d'Hayden, celui-ci est de loin le plus intime.

Lorsque mes jambes s'écartent pour se placer de chaque côté de son corps, je me rappelle subitement que je ne porte aucun sous-vêtement et que dans ma position actuelle, mon tee-shirt ne fait que remonter. Je romps donc le baiser pour m'assoir sur lui plutôt que d'être allongée au-dessus de lui. Hayden se redresse, me faisant face, surpris que j'arrête subitement notre échange.

- Il y a quelque chose qui ne va pas ?

Je rougis en tirant nerveusement mon tee-shirt vers le bas pour le redescendre sur mes cuisses. Les mains d'Hayden se posent sur mes hanches pour que j'arrête de gigoter et je fixe un point derrière lui, ayant trop honte de le regarder dans les yeux. Il descend légèrement ses mains et je me mords la lèvre. Mon corps a augmenté sa chaleur corporelle à cause de la honte que je ressens en cet instant présent.

- Lana Moore, ne me dis pas que tu ne portes pas de culotte.

La situation ne peut pas être plus gênante. Si je pouvais devenir encore plus rouge que je le suis maintenant, je le deviendrai sans aucun doute.

- Depuis tout à l'heure, tu n'as rien sous ce tee-shirt et je n'en avais aucune idée.

Je trouve le courage de le regarder dans les yeux et j'y lis un désir intense. Pour moi ? Je sursaute, étonnée. Je me sens soudain fiévreuse. Pourquoi son regard doit toujours être aussi intense lorsqu'il se pose sur moi ? Je n'arrive jamais à le soutenir. Je finis par baisser les yeux et je le vois sourire en coin. J'ai récupéré le Hayden que je connais. Il approche son visage de mon cou, juste sous mon oreille, avant de me chuchoter :

- T'ai-je dis à quel point tu es sexy dans mon tee-shirt ?

Je tressaille en entendant son souffle dans mon cou couplé à sa voix chuchotée aussi près de mon oreille. Je secoue légèrement la tête, ne sachant pas quoi répondre. Je le sens rigoler doucement.

- Je vais te montrer quel effet tu me fais. Enfin... Si tu le veux. Le souhaites-tu ?

Je me surprends à hocher la tête. La soirée est loin d'être finie.

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Holà ! Petit retard. Je suis au bout de ma vie à cause des partiels. Mais je vous écris un petit message pour vous souhaiter une BONNE ANNÉE ! J'espère que tout se passera pour le mieux pour vous et que cette année 2021 soit remplie de bonheur et de moments joyeux ! (J'espère aussi que le COVID-19 s'en ira). Je vous fais pleins de gros bisous !

Bonheur à tous

Maloann