Chapitre 25
J'émerge du pays des rêves à cause d'une sonnerie incessante qui me vrille le cerveau. Je tatonne sur le lit pour trouver l'origine du bruit et une fois que j'ai mon téléphone en main, je plisse les yeux. La sonnerie s'éteint. Il est deux heures du matin et j'ai trois appels manqués du même numéro.
Un quatrième à présent. Je n'ai pas le temps de reposer mon téléphone qu'il sonne à nouveau, ce même numéro inconnu qui ne cesse d'essayer de me joindre. Devrais-je décrocher ? Et si c'était l'ami de Léo qui m'appellait ? Un frisson d'horreur me parcourt le corps à cette idée. Je finis par décrocher, me disant que peu importe la personne, si elle a tenté de me joindre quatre fois, c'est que ça doit être important.
- Allô ?
Une voix affolée me répond et mon sang se glace instantannément :
- Bonjour, je suis désolée, j'ai dû vous réveiller mais j'ai besoin de votre aide.
La voix est celle d'une fillette qui n'a pas encore passé l'âge de la puberté. Pourquoi m'appelle-t-elle en détresse, à quatre reprises ? Sa voix m'a totalement émergé de mon endormissement et je suis en alerte.
- Je veux bien t'aider, j'essaie de répondre calmement. Commence par me dire qui tu es et ce qu'il se passe.
Je m'assois sur mon lit, m'adossant au mur. Pourquoi une fillette tenterait de m'appeler à l'aide plutôt que ses parents ? Et puis, il est deux heures du matin, que fait-elle encore debout ? Elle a l'air sacrément paniquée même si elle essaie de le cacher. Y a-t-il un problème chez elle ? Et pourquoi m'appeler moi ? Des tas de scénarios différents s'échaffaudent dans mon esprit, plus terrifiants les uns que les autres. Comment pourrais-je l'aider ?
- Ah oui pardon, je suis Luna, la petite soeur d'Hayden. Je ne sais pas qui vous êtes mais j'ai trouvé votre numéro inscrit sur un papier sur son bureau dans la chambre. Je me suis dit que vous deviez être proche de lui.
Je repense au morceau de papier que je lui ai donné en cours de psychologie pour qu'on se contacte pour faire le devoir maison. Puis l'image de Luna, ensommeillée, entrer dans la salle de bain lorsque j'étais chez lui me revient en mémoire. Mon coeur commence à battre plus vite. Est-il arrivé quelque chose à Hayden ?
- Hayden n'est toujours pas rentré. D'habitude, il ne rentre jamais après minuit. Ça lui est déjà arrivé d'être en retard de quelques minutes, mais jamais plusieurs heures, encore moins sans me prévenir.
Je me lève précipitamment de mon lit. Je regarde autour de moi mais il a disparu. D'ailleurs, je n'ai même pas remarqué qu'il avait pris soin de me glisser sous la couverture avant de partir. Cependant, je suis toujours habillée. J'enfile rapidement mes baskets et je me précipite dehors, veillant à fermer la porte derrière moi.
Même lorsqu'il va en soirée, lorsqu'il travaille ou lorsqu'on a passé la soirée ensemble, Hayden a toujours fait en sorte de rentrer chez lui pour minuit. C'est pour ça que je l'ai assimilé à Cendrillon. Donc c'est inquiétant qu'il ne soit pas rentré à deux heures du matin. Je commence à mon tour à paniquer.
- Tu as essayé de l'appeler ?
- Oui, mais il ne répond pas.
- Tu l'as vu ce soir ?
- On a dîné ensemble mais après il est parti en disant qu'il avait fait une bêtise et qu'il s'était comporté comme un con alors il devait aller s'excuser.
- Il n'est pas allé à une soirée ? je m'étonne.
- Non, il devait aller s'excuser puis revenir.
Je me stoppe net dans ma marche rapide. Hayden était dans ma chambre lorsque je suis rentrée. Je ne lui ai pas demandé ce qu'il y faisait, j'étais simplement soulagée qu'il soit là et qu'il me sorte du mauvais pétrin dans lequel je m'étais fourrée, encore une fois.
Mais que faisait-il dans ma chambre à une heure pareille ? Si j'en crois ce que me dit Luna, il était venu pour s'excuser. À moi ou à Chelsea ? Je secoue la tête, je lui poserai la question lorsque je le verrai, ça ne sert à rien de penser à ça maintenant. Lorsque je sors, un torrent d'eau s'abat sur moi. Je n'avais pas réalisé qu'il pleuvait aussi fort. Tant pis, je dois le retrouver. Mais par où commencer ? Où dois-je aller ? Il pourrait être n'importe où.
Je me fige à nouveau durant ma course en repensant aux événements de la soirée. Serait-il allé se battre contre Léo pour finir ce qu'il avait commencé ? Je ne vois pas d'autres solutions. Il avait arrêté de frapper Léo seulement parce que j'étais là et qu'il sait que je fais des crises de panique à la moindre goutte de sang. Je suis certaine qu'il est allé là-bas.
Mon coeur s'emballe à nouveau. S'il y est allé seul, tous les amis de Léo seraient là, il se serait fait battre à mort. Je prie intérieurement pour que ce ne soit pas le cas mais je ne peux empêcher ce mauvais pressentiment de s'insinuer dans chaque parcelle de mon corps.
- Je crois savoir où il est, je déclare à sa petite soeur. Je te rappelle dès que j'ai plus de nouvelles. En attendant, si tu arrives à dormir, retourne te coucher, sinon, prépare lui un chocolat chaud. Je te promets que je te le ramènerai, d'accord.
- D'accord, merci, chuchote la petite fille.
Je raccroche et je me remets à courir. J'essaie de le joindre sans grand espoir et je tombe sur sa messagerie. Où est la fraternité des étudiants en commerce ? Lana, concentre toi ! Je mobilise tous mes neurones pour essayer de me rappeler du chemin que j'ai fait à l'aller. Je m'engouffre sur la rue principale puis j'essaie de suivre du mieux que je peux mes souvenirs flous. Je n'ai pas l'impression que la drogue soit totalement éliminé de mon organisme.
Très rapidement, mes vêtements pèsent une tonne à cause de l'eau glacée qui se déverse sur le campus. J'espère de tout coeur qu'Hayden n'est pas dehors, sinon il risque d'attraper froid. Je cours durant près de vingt minutes lorsque j'entends de la musique au loin, se mélangeant à celle de la pluie.
Je me mets à courir de plus belle vers la source du bruit et je commence à reconnaître les rues plus distinctement. Grâce à l'effort physique que je fais, j'arrive à ne pas trembler de froid. Mais lorsque je commence à ralentir la cadence afin de reprendre mon souffle, je me mets instinctivement à claquer des dents.
J'avance avec prudence. Serais-je capable de rentrer à nouveau dans cette fraternité alors que s'y cachent des loups ? Je dois le faire pour Hayden. Il m'a sauvé à deux reprises. Il faut que je lui rende la pareille.
La musique se fait de plus en plus forte et mon coeur recommence à faire des siennes. Ce ne sont que des étudiants. Tu peux te défendre à présent. Si jamais ça se passe mal, tu leur donnes un coup de pied bien placé et ils ne feront plus d'histoire. J'essaie de me donner du courage du mieux que je peux lorsque j'entends un gémissement de douleur traverser le bruit de la pluie. Je suis à dix mètres de la fraternité. Je m'arrête net et je tends l'oreille.
Une toux remonte jusqu'à moi et je suis certaine qu'il y a quelqu'un en danger à côté de moi. Je fais quelques pas en arrière et je tourne la tête dans une ruelle étroite et sombre. Je m'y avance avec prudence. Sous le seul lampadaire de la rue, l'eau de pluie qui s'évacue par la bouche d'égoût a une couleur rougeâtre. Mon coeur s'emballe pour la énième fois de la soirée. Je vais finir par avoir une crise cardiaque. Je continue d'avancer petit à petit. Jusqu'à ce que je le vois.
Je porte ma main à la bouche pour étouffer le cri d'effrois qui manque de s'échapper. Oh mon Dieu ! Hayden est adossé au mur, à demi-conscient. Il a de nombreuses blessures sur l'ensemble du corps et ses vêtements sont eux aussi dans un sale état.
Je tente de me contrôler. Ce n'est pas le moment pour une crise de panique. J'applique les exercices de relaxation que m'ont appris les multiples thérapeutes que j'ai pu rencontrer durant ma vie. Heureusement qu'il pleut et que ça dilue le sang. Je vais pouvoir y arriver. Je dois y arriver. Je me précipite sur Hayden. Je m'agenouille avant de le secouer par l'épaule.
- Hayden ? Hayden, tu m'entends ?! Ouvre les yeux ! Oh mon Dieu, ce n'est pas possible. Il faut que j'appelle une ambulance !
Des larmes commencent à embuer ma vision. Je sors précipitamment mon téléphone de ma poche et je compose le numéro d'urgence. Cependant, juste avant que je clique sur appeler, la main d'Hayden se pose sur mon avant-bras et je me fige.
- N'appelle pas.
- Mais t'as vu l'état dans lequel tu es ! Il faut que tu ailles à l'hôpital ! Tu as peut-être des os cassés, ou même des commotions cérébrales !
Ma voix part dans les aigues et je me fais violence pour que mes larmes ne coulent pas le long de mes joues. Je suis terrifiée. Je ne sais pas quoi faire. Et s'il mourrait ici, dans cette ruelle ? Ce serait de ma faute.
- S'il te plait, ramène-moi à la maison.
Je repense à Luna qui doit continuer de se faire un sang d'encre chez elle. Je finis par accepter après plusieurs secondes de débat intérieur. Je le convaincrai plus tard d'aller se faire examiner. Pour l'instant, je dois le sortir d'ici et le mettre au chaud. Je suis certaine qu'il va avoir un gros rhume demain. Ses vêtements sont aussi mouillés que les miens et s'il est dehors depuis que je me suis endormie, cela doit bien faire plusieurs heures que la pluie glacée s'abat sur lui. Je culpabilise tellement.
- Tu peux marcher ? je lui demande.
Face à sa non réponse, j'en conclue qu'il ne doit pas avoir la force de se lever. Je place ses bras autour de mon cou et j'essaie tant bien que mal de le porter sur mon dos. Hayden ne fait rien pour me faciliter la tâche. Il est plus grand que moi et pèse donc son poids. Et je n'ai jamais été une grande sportive.
Pour la première fois de ma vie, je regrette de ne pas avoir fait plus de sport durant mon enfance. Après plusieurs minutes de dur labeur, Hayden est enfin installé sur mon dos. À présent, je dois trouver sa maison.
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