Chapitre 23
Léo me fait traverser la foule en me tenant la main et j'essaie de trouver ça le plus naturel possible. Cependant, pour moi, ce geste n'a jamais été anodin. Mais je sais que je ne devrais pas en faire toute une histoire. Alors je me tais et je me concentre ailleurs.
La fraternité est plus petite que celle où j'ai l'habitude d'aller, mais la musique est beaucoup plus forte. J'entends déjà les acouphènes du lendemain me vriller les oreilles toute la journée. Comment les autres étudiants font pour ne pas finir sourds en y allant chaque semaine ?
En revanche, le type d'étudiants semble identique à celui que j'avais l'habitude de voir : ils sont tous là pour faire la fête et ne pas se souvenir de leur soirée. Il n'y a qu'à regarder la vitesse à laquelle les verres s'enchaînent. Les fêtes étudiantes doivent faire le bonheur des commerçants d'alcool, ils doivent sûrement faire les trois quarts de leur chiffre d'affaire. Il y en a plusieurs qui ont l'air sur le point de s'évanouir, d'autres complètement déchirés avec les yeux rouges, et puis il y a ceux qui libèrent toutes leurs hormones dès que l'alcool coule dans leurs veines.
Je me stoppe net en réalisant que je fais partir de la dernière catégorie. Qui suis-je pour les critiquer alors que je ne fais pas mieux ? Un peu d'alcool dans le corps et je me suis retrouvée à embrasser Hayden dans sa salle de bain. Je secoue la tête pour chasser mes pensées alors que Léo me dévisage, se demandant ce qu'il m'arrive.
Mais la sensation de ses lèvres sur les miennes resurgit dans mon esprit. Ai-je apprécié parce que je n'étais pas totalement sobre ? Je refuse de l'admettre, mais avec l'appel à ma mère, mon agression, nos trente minutes de marche dans le froid, ma crise de panique et les soins que j'ai prodigué à Hayden, je n'étais plus ivre lorsque j'étais chez lui. Je savais que ce n'était pas l'alcool qui m'avait fait agir ce jour-là, alors qu'était-ce ? C'est beaucoup plus facile de blâmer la boisson.
- Lana ? Ici la Terre.
Je sors de mes pensées. Je n'ai même pas remarqué que je me suis assise sur un fauteuil, et qui plus est, sur les cuisses de Léo.
- Oh mon Dieu, je suis désolée ! je m'exclame en me relevant aussitôt.
J'étais tellement plongé dans mes pensées que je n'ai plus fait attention au monde qui m'entoure. Je me sens rougir d'avoir été aussi tactile avec lui. Léo rigole doucement face à ma réaction et je m'assois sur un des fauteils à côté, refusant son invitation à rester là où j'étais plus tôt. Peut-être que tenir la main d'un garçon est anodin à ses yeux, peut-être que s'asseoir sur les genoux aussi, mais pour moi, c'est trop, je préfère rester assise sur ce faux cuir qui a dû en voir de toutes les couleurs vu son état lamentable.
- Je te présentais mes amis mais tu avais l'air totalement ailleurs, à quoi pensais-tu ?
Mon coeur loupe un battement lorsque je remarque qu'une multitude de paires d'yeux sont dirigés vers moi. J'ai toujours détesté être le centre de l'attention. Depuis combien de temps suis-je ici ? J'ai l'impression que cette soirée était une mauvaise idée.
- Euh... Rien, juste des cours, je ris nerveusement.
- Tu es vraiment une fille studieuse.
Léo lance un regard à un de ses amis avant de me présenter, à nouveau, à tous ses amis. Il y a tellement de nouveaux noms que je suis incapable de tous les retenir. Dans le pire des cas, je dirai que j'ai oublié à cause de l'alcool, bien que je n'ai pas l'intention de boire, mais cela, ils ne le savent pas. Et puis, ce n'est pas dit que je garde contact avec eux, ils vont peut-être me trouver ennuyante.
- Un action ou vérité, ça vous tente ?
Je soupire silencieusement. Même ici, ils s'amusent à jouer à des jeux débiles. À quoi m'attendais-je ? À ceux que les étudiants en commerce en aient plus dans le cerveau que les autres ? Une soirée reste une soirée. J'aurai dû m'y attendre. Je ne sais pas à quoi je m'attendais mais je regrette d'être venue ici. Je n'aime pas les soirées. Pourquoi me suis-je forcée à venir ?
Sûrement pour essayer de ne pas passer pour une fille bizarre et rabat-joie. Mais me forcer à rentrer dans le moule ne me convient pas. Je reste une heure ou deux puis je m'en irai. Je me frappe le front mentalement. Je me suis fait amenée, comment comptais-je rentrer seule ? Je ne sais pas non plus où je me trouve.
- Lana, tu joues ?
Je sors une nouvelle fois de mes pensées et je me sens mal à l'aise face à tous ces yeux qui continuent de me dévisager comme si j'étais un extraterrestre.
- Non, je vais vous regarder jouer.
- Tu es sûre ?
Je hoche la tête. Je n'ai pas envie de me retrouver au milieu d'un jeu dont les règles dépassent mes limites. Bien sûr, j'ai déjà joué à action ou vérité lorsque j'étais enfant. Mais les défis en soirée sont loin d'être les mêmes que lorsque je jouais encore dans les bacs à sable. Et à avoir une des amies de Léo retirer son tee-shirt sans la moindre hésitation après qu'un défi lui ait été lancé, je me conforte dans l'idée que ces soirées ne sont décidément pas faites pour moi.
Pourquoi ont-ils tous les besoin de boire et de se dénuder à chaque occasion ? N'ont-ils aucune pudeur ? C'est vraiment quelque chose qui me dépasse totalement. Les actions s'enchaînent, car évidemment, prendre vérité c'est être un faible. Les vêtements s'empilent au centre du cercle je continue de me demander pourquoi je suis ici. Je deviens trop habillée pour rester avec eux.
- Je vais me chercher une verre, je crie à l'oreille de Léo.
- Je t'accompagne.
- Ce n'est pas la peine ! Continue de jouer !
- Tu ne sais même pas où se trouve la cuisine.
Je dois admettre qu'il n'a pas tort. Je le laisse donc se lever alors qu'il est en caleçon, et nous traversons la pièce. Personne n'a l'air choqué de voir une personne en sous-vêtement dans la pièce. Je ne m'y ferai jamais. Je le suis jusqu'à la cuisine et il commence à me faire un mélange d'alcool.
- Euh... Je ne bois pas, je voulais juste prendre un verre d'eau, il fait chaud à l'intérieur.
Léo lève un sourcil, étonné, mais ne fait aucun commentaire.
- Alors, tu t'amuses ? me demande-t-il en sortant une bouteille d'eau du réfrigérateur.
- Oui, merci de m'avoir invitée.
J'essaie de me montrer polie et de ne pas lui montrer à quel point je regrette d'être venue ce soir. Ce n'est pas de sa faute après tout. C'est moi qui suis incapable d'apprécier les soirées.
- Content de l'entendre. Tu peux me donner le sirop de cerise qui se trouve derrière toi s'il te plaît ? Je vais me faire un verre. Sans alcool, la soirée risque d'être longue.
Je hoche la tête et je me retourne pour chercher le sirop de cerise. Je n'y ai jamais goûté. Je vais en mettre aussi dans mon verre tiens. Je prends la bouteille puis je me tourne vers Léo pour la lui tendre. Il me remercie avec un grand sourire auquel je réponds. Il prépare son cocktail d'une main habile, comme s'il avait l'habitude d'en faire. Ce qui est probablement le cas.
- On y retourne ? me demande Léo en me tendant mon verre d'eau, une fois qu'il a fini son mélange.
Je rajoute rapidement un peu de sirop dans mon verre puis je le rejoins pour retourner dans la salle où ses amis sont toujours en train de jouer. Je bois une gorgée de mon verre et je suis surprise par le goût. Comment ai-je pu vivre toutes ces années sans avoir connaissance du pur bonheur que prodigue le sirop de cerise une fois dans la bouche ?
Lorsque je me rassois dans mon fauteuil, je remarque que les soutien-gorges ont sauté durant notre absence. Je me demande s'ils ont des limites ou s'ils vont vraiment finir nus au milieu de cette soirée. Lorsqu'un garçon se lève pour enlever le dernier tissu qui le couvrait, dévoilant ses parties intimes, j'ai ma réponse : ces gens n'ont aucune limite.
Je m'empresse de porter mes mains à mon visage pour me cacher les yeux. Des rires moqueurs se font entendre et je n'ai pas besoin d'être une lumière pour savoir que c'est de ma réaction qu'ils se moquent. Je ne suis pas faite pour les soirées. Je veux rentrer chez moi.
Je me lève précipitamment et je trouve facilement la sortie. Je peux à nouveau respirer. Pourquoi est-ce que j'essaie de me forcer à être quelqu'un d'autre ? Ai-je si honte de qui je suis ? Je lance un regard à la Lune, désespérée, comme si elle allait me répondre.
Léo ne tarde pas à me rejoindre. Il a prit soin d'au moins remettre un pantalon.
- Tout va bien ? Excuse les, ils ont un peu trop bu et ta réaction se fait rare de nos jours. Il y a peu de filles aussi innocentes que toi.
Léo prend une mèche de cheveux pour l'entourer autour de son index. Je fais un pas en arrière pour me libérer de cette infime emprise.
- Je veux rentrer au campus.
- Quoi ? Déjà ? La fête n'a même pas réellement commencé.
- Ça m'importe peu. Je ne suis pas à ma place ici. Je veux rentrer.
- Ok, laisse moi récupérer un tee-shirt et je te raccompagne. Je n'ai pas encore touché à ma boisson, je peux conduire.
Il s'engouffre à nouveau dans la maison, se faisant avaler par la masse de personne. Il revient quelques secondes plus tard, un tee-shirt sur le dos et avec un autre de ses amis dont je n'ai pas retenu le nom.
- Qu'est-ce qu'il fait ici ? je demande.
- Il vient seulement pour me tenir compagnie au retour. On y va ?
Je hoche la tête puis nous nous dirigeons vers la voiture de Léo. Lorsque le véhicule démarre, ma tête commence à me tourner mais je fais en sorte de rester le plus neutre possible. Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que mon corps est en train de se vider de son énergie ? Je vois le sourire que Léo fait dans son rétroviseur et je comprends de suite : j'ai été droguée.
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