Chapitre 20
Je retourne à ma chambre l'esprit léger, la dispute avec Hayden écartée loin de mon esprit. Je sursaute en tombant sur Chelsea dès l'instant où j'ouvre la porte. Ne devrait-elle pas dormir à une heure pareille ?
De toute façon, ma colocataire n'en a que faire des règles et des contraintes imposées par la société. Si elle veut se coucher à trois heures du matin et sécher tous les cours de la matinée qui suit, elle le fera, si elle veut s'empiffrer d'hamburgers et prendre dix kilos le lendemain, elle le fera sans se soucier du regard des autres, de la même façon qu'elle pourrait aller en soirée en pyjama sans qu'elle n'en soit dérangée.
J'apprécie énormément sa liberté d'esprit. Je l'envie d'une certaine manière. Depuis ma plus tendre enfance, je me suis imposée des barrières psychologiques auxquelles ma mère a participé à leur élévation.
Je m'impose énormément de contraintes au quotidien : je dois toujours être présentable, c'est-à-dire bien habillée, coiffée, maquillée, je dois toujours être polie et gentille quoi qu'il arrive, je dois aider mon prochain autant que je le peux, même si cela me déplaît ou me dévore l'âme.
J'ai été éduquée comme ça et j'ai intégré tous ces principes à ma personnalité. J'ai l'impression d'être constamment enchaînée par mon propre esprit. Mais comment puis-je me libérer de mes propres pensées ? Est-ce seulement possible ? J'espère qu'en restant aux côtés de Chelsea, je pourrais apprendre d'elle et devenir aussi libre qu'elle l'est.
- Alors ce rendez-vous avec Léo, comment ça s'est passé ? Je veux tous les détails. Du moment où vous vous êtes rejoints jusqu'à ce que vous vous soyez séparés. Je veux tout savoir. D'ailleurs, il est où ? Il ne t'a pas raccompagné ? Dès que je le vois, je lui botterai les fesses. Il aurait pu t'arriver des tas de choses entre lorsque tu l'as quitté et cette chambre.
Je rigole alors que ma colocataire fronce les sourcils face à ma réaction. Depuis quand Chelsea se montre aussi protective envers moi ? C'est la première personne à me traîner en soirée au milieu d'étudiants à la merci de leurs hormones, n'ayant plus aucun self-control dû à la quantité d'alcool qu'ils ingurgitent à chaque fois.
- Je suis une grande fille, je n'ai pas besoin d'une mère-poule, j'explique en plaisantant.
- La seule possibilité pour que tu dises une chose pareille c'est que tu n'entends pas toutes les informations qui circulent sur les agressions en ce moment. Les gens sont barges Lana, tu n'imagines pas à quel point ! Tout le monde n'est pas aussi gentil que toi tu sais. Si c'était le cas, on vivrait dans un monde de paix.
- Il m'a déposé sur le parking et a attendu que j'entre dans le bâtiment avant de partir, ne t'en fais pas, il ne m'a pas laissé rentrer toute seule.
- Tant que tu n'es pas dans cette chambre, tu n'es à l'abris de rien le soir Lana, crois moi.
Je fronce les sourcils face à la réaction de Chelsea. Pourquoi insiste-t-elle autant pour que je sois raccompagnée jusqu'à la porte de ma chambre ? Il n'y a pourtant pas de danger à l'extérieur. Je n'ai jamais entendu d'histoires sur des agressions dans les couloirs de l'université.
Je sens qu'elle ne me dit pas tout, qu'elle sait quelque chose mais qu'elle n'a pas envie de m'en parler, alors je ne lui pose aucune question et je hoche la tête. Si elle veut m'en parler un jour, je serai une oreille attentive et elle le sait. Elle est mêlée à une de ces histoires, ou alors une de ses amies proches, Ivy ou Lindsay. Elle m'en parlera si elle le juge nécessaire.
Pour briser l'atmosphère qui s'est alourdit autour de nous, je décide de raconter en détail mon rendez-vous avec Léo. Ce n'est qu'un verre bu dans un bar, comme beaucoup d'étudiants en ont l'habitude de le faire, mais pour moi, c'est la première fois que je sors avec quelqu'un en tête à tête. C'est la première fois que j'ai un rendez-vous.
Il n'y a rien eu d'exceptionnel mais j'ai appris à mieux connaître Léo et je le referais sans hésitation s'il me reproposait de sortir. Les étudiants ont raison : on apprend pleins de choses autour d'un verre d'alcool. J'ai bu juste assez pour pouvoir discuter sans être trop timide sans pour autant être complètement pompette à déballer tous les moments les plus gênants de ma vie.
C'est pour ça que pour faire connaissance, mieux valait être dans un bar que dans une soirée étudiante, ou une boîte de nuit, j'imagine que c'est la même ambiance dans les deux cas. Je parle alors à Chelsea de la proposition que Léo m'a faite par rapport à la soirée à laquelle il veut que j'aille.
- Moi aussi je veux être de la partie ! s'exclame ma colocataire en sautillant sur place, faisant bouger le lit sur lequel nous sommes toutes les deux assises en tailleur, face à face. Je veux aussi rencontrer des personnes en commerce ! Mais il paraît que ce sont tous des beaux parleurs, fais attention à toi, ce sont de vrais serpents.
Mon cerveau bloque à nouveau sur ce que me dit Chelsea. Que s'est-il passé depuis la dernière fois ? Pourquoi Chelsea me demande d'être aussi prudente dès que je sors quelque part ? Lui est-il arrivé quelque chose dans la semaine dont je ne suis pas au courant ? Est-elle au courant de quelque chose mais qu'elle ne m'en fait pas part ? Est-ce que cette histoire qu'elle me cache volontairement implique des étudiants en commerce ?
- Et toi, qu'as-tu fait de la soirée ? je demande, voulant savoir ce qu'elle est en train de me cacher.
- Rien de spécial, je regardais une série. Tu me connais, je lance un épisode, et puis je finis la saison sans même m'en rendre compte. Je te conseille celle que je viens de finir, la saison deux sort dans deux mois. Ce sont des enquêteurs qui étudient la psychologie pour démasquer des tueurs en série. Je suis sûre que tu adorerais ! J'ai appris pleins de choses et j'ai bien envie de rejoindre ton cours de psychologie le semestre prochain.
Les cours de psychologie... D'après ceux-ci, si j'applique mes connaissances, Chelsea est en train de me mentir à l'heure actuelle. Depuis qu'elle a commencé à me répondre, elle m'a fixé dans les yeux sans jamais détourner le regard. On soutient le regard plus que nécessaire seulement lorsqu'on veut convaincre, et donc lorsque l'on est en train de prononcer un mensonge mais qu'on veut le faire passer pour vrai. Je décide de ne pas relever.
- Je verrai ça demain, maintenant, je vais me coucher, je déclare. Il est déjà minuit passé et demain je dois me lever à sept heures tapante.
Je prends en même temps mon téléphone pour configurer mon alarme pour être sûre que je me réveillerai sans encombre et à l'heure pour aller en cours demain. Je prends même la peine d'en mettre deux à cinq minutes d'intervalle, comme j'ai pris l'habitude de le faire lorsqu'une fois j''avais mal appuyé sur le bouton pour activer l'alarme. Je peux faire l'erreur une fois, mais pas deux. C'est une double précaution pour être sûre que je me réveillerai à l'heure et que je pourrais aller en cours sans soucis.
- Tu sais Lana, la vie est injuste, il ne suffit pas de se tuer à la tâche pour être récompensée. Dors demain matin et prends les notes de Kyle. Il a la même manie des fiches que toi, c'est pour ça que vous vous entendez aussi bien. À croire que vous êtes faits l'un pour l'autre. Tu n'as jamais envisagé cette possibilité d'ailleurs ? Il serait parfait pour toi. Vous avez pleins de points communs.
- Pourquoi veux-tu absolument me caser avec quelqu'un ? Je suis bien par moi-même, je réponds sur la défensive.
- Tu dis ça parce que tu ne sais pas ce que c'est que d'aimer quelqu'un et d'être aimée en retour. Depuis que je suis en couple avec Alec, je suis aux anges. L'amour est vraiment un sentiment merveilleux. Lorsque tu le vivras, tu comprendras.
- J'ai le temps encore, je ne compte pas tomber amoureuse avant la fin de mes études.
Je repense à la promesse faite à ma mère et je suis déterminée à la tenir. J'obtiendrai mon diplôme avec des notes excellentes, je la rendrai fière.
- Tu ne contrôles pas ce genre de sentiment, ça te tombe dessus lorsque tu t'y attends le moins.
Je hoche la tête, non pas parce que je suis d'accord avec elle mais parce que je suis fatiguée et que je n'ai pas envie de débattre sur ce sujet ce soir. Je suis capable de contrôler mes émotions, alors pourquoi ne pourrais-je pas contrôler mes sentiments ? Ça doit être le même principe. Je n'ai aucun soucis à me faire, Chelsea a tort.
Et puis, je ne vois pas de qui je pourrais tomber amoureuse dans mon entourage. Il y a quelques garçons charmants, certes, je pense à Kyle, Alec, Liam, mais cela ne va pas plus loin. Et je n'ai jamais aimé qu'on me presse à choisir un copain, comme si c'était un but à accomplir dans la vie, le seul même, l'ultime. Comme si tout gravitait autour du fait d'être en couple, comme si on prenait de la valeur seulement si nous étions casés.
J'ai souvent eu ce genre de conversation avec l'oncle du côté de mon père. Dès qu'il venait nous rendre visite pour les fêtes de fin d'années et pour les anniversaires, j'y avais droit. "Alors, comment ça se passe les amours ? C'est quand que tu te trouves un copain ? Je peux te présenter les enfants d'amis à moi si tu veux".
J'ai toujours détesté ce genre de remarques. Être en couple n'a jamais été une priorité et ne le sera jamais pour moi. Ma priorité est ma réussite personnelle et mon indépendance, et ça, ça ne changera jamais.
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