Chapitre 18
Je me stoppe en entendant sa question. Je n'ai pas pensé qu'il puisse répondre à ma phrase de cette façon. Peut-être que j'aurai dû réfléchir avant de répondre. Que suis-je sensée dire à présent ?
- As-tu besoin des livres pour te sentir vivre ? me demande Hayden à nouveau en reformulant sa question.
Je le regarde dans les yeux et je sais qu'à cet instant, il n'y a pas une once de jugement ou de moquerie dans ses paroles. Je ne sais pas vraiment où il veut en venir mais samedi, il a été honnête avec moi et a répondu à plusieurs de mes questions indiscrètes alors je lui dois bien la vérité pour cette question moi aussi.
- Oui, je finis par confier.
- Pourquoi ça ?
Hayden a vraiment l'air intrigué par ma réponse. Je dois être devenue un nouveau sujet d'étude pour utiliser ses cours de psychologie, tout comme il l'est pour moi, alors je ne lui en veux pas.
C'est la première fois qu'on me pose cette question et je ne sais pas pourquoi ça m'affecte autant. Peut-être est-ce quelque chose que je porte depuis trop longtemps seule, bien que je ne pense pas que Hayden soit la meilleure personne avec qui en parler, mais je lui réponds tout de même :
- J'ai toujours eu du mal à développer des relations. Je n'avais pas vraiment d'amis au lycée, et si Chelsea ne m'avait pas présenté à vous, je pense que je n'aurai pas d'amis à la fac non plus à l'heure actuelle. J'ai des difficultés à saisir ce que je ressens, c'est comme si la liaison entre mon coeur et mon cerveau avait été rompue. D'après les psychologues que j'ai vu enfant, ce serait un mécanisme d'auto-défense que j'ai mis en place en refoulant mes émotions à tel point que je ne prenais même plus conscience de ce que je ressentais, cela me permettait d'éviter de souffrir. Mais les livres ont la capacité à me faire vivre des émotions intenses, des émotions que je n'arrive pas à avoir dans la réalité. Je dois te paraître bizarre, n'est-ce pas ?
Je vois Hayden secouer vigoureusement la tête de gauche à droite face à moi, ce qui procure en moi un sentiment de soulagement dont je ne comprends pas d'où il vient car je ne me sentais pas tendue. Je ne savais pas qu'il y avait quelque chose à soulager.
- Non, tu n'es pas bizarre, non. Pourquoi est-ce que tu as vu des psychologues ? Pourquoi est-ce que tu souffrais ?
C'est au tour de Hayden de poser des questions indiscrètes et je comprends ce qu'il ressent lorsque ces questions sont posées mais qu'on n'a pas envie d'y répondre. Je me suis assez dévoilée pour cette soirée, je n'ai pas envie de parler plus de mon passé sinon je vais être dans un mauvais mood le reste de la soirée et je n'ai pas oublié le verre que je dois boire avec Léo.
De toute façon, Chelsea ne m'a pas laissé l'occasion de l'oublier tellement elle me le rappelait dès que l'occasion se présentait durant ces dernières vingt-quatre heures. Je dois trouver une diversion, mais mon cerveau brasse de l'air. Mon regard se pose alors sur le tableau d'affichage et je manque de pousser un cri.
- Le film de la salle 5 est terminé depuis sept minutes ! On doit la nettoyer en vitesse !
Hayden se retourne et voit lui aussi que nous avons pris du retard en discutant, ne vérifiant pas l'heure qu'il est. Je ne peux pas me permettre d'être virée, pas aussi vite, pas maintenant que j'ai enfin trouvé un job qui est plutôt cool.
Je me souviens des témoignages d'étudiants travaillant dans des fast-food tels que MacDonald et leurs conditions de travail n'ont clairement rien à envier. Non, décidément, il faut que je garde ce job à tout prix !
Hayden a la même idée en tête car on se lève tous les deux brusquement, attrapons dans notre lancée nos armes de nettoyage, et courrons jusqu'à la salle de cinéma. Heureusement qu'il y a peu de monde, car ça nous fait moins de déchets à ramasser, alors on arrive à finir pile poil à l'heure.
On a une division de la salle spécifique pour que chacun de nous sache où nettoyer pour gagner en efficacité et donc gagner du temps. Nous avions instaurer cette technique samedi dernier. Mon emploi est sauvé !
Mais comme on a pris légèrement du retard, on se retrouve à enchaîner avec une autre salle. Je nettoie les rangées paires et Hayden les rangées impaires, il s'occupe de la poubelle se trouvant devant l'entrée à droite et moi de celle se trouvant devant la sortie à gauche. Lorsqu'on a fini de courir de droite à gauche, je m'écrase lourdement sur la chaise de la salle de repos. Qui a dit que ce boulot n'est pas éreintant ? Hayden me lance un regard amusé.
- Ça se voit que tu n'as jamais travaillé un samedi de vacances scolaires. Dans ces moments-là, tu travailles ton cardio encore mieux qu'à la salle de sport.
Je me relève sur ma chaise, pour éviter de passer pour une grosse patate et ça me rappelle la remarque que je me suis faite la première fois que j'ai rencontré les amis de Chelsea. Ils étaient tous musclés et tous bien formés, et je me suis demandé à ce moment-là s'ils n'allaient pas tous à la salle de sport ensemble. Je vais enfin avoir une réponse à ma question, bien que Hayden n'a pas l'air d'aller dans ce genre d'endroit, du moins fréquemment.
- Est-ce que tu vas à la salle de sport avec les gars du groupe ? j'ose enfin demander.
Hayden se met à rire. C'est vrai que ma question est vraiment bizarre d'un certain point de vue.
- Je n'ai pas vraiment le temps d'aller à la salle de sport, ni l'argent pour payer l'abonnement. Je vais courir ou je fais quelques pompes quand j'ai le temps, mais ça s'arrête là. Mais les garçons y vont ensemble oui, ils ont déjà essayé de me traîner à plusieurs reprises mais être enfermé dans une salle qui sent la transpiration, ça ne me tente absolument pas.
- Comment tu fais pour avoir le temps de faire tout ce que tu fais ? Je veux dire, tu vas à la fac, tu travailles, tu as une vie sociale parce que tu vas à certaines soirées, et tu élèves ta soeur en même temps. C'est encore plus impressionnant que les pouvoirs de Superman !
- Tu trouves ?
Hayden rigole à nouveau lorsqu'il me voit hocher la tête de haut en bas avec vigueur.
- C'est une question d'habitude je suppose, et d'organisation. On a un emploi du temps qu'on respecte, Luna et moi. L'heure du lever, du petit-déjeuner, de l'emmener à l'école. Tout ce genre de choses est écrit dans un planning et les repas sont aussi programmés en avance et se répètent chaque semaine. J'essaie de le changer de temps en temps pour que ça ne soit pas trop répétitif mais comme ça j'arrive à ne pas perdre de temps inutilement.
- Oh, t'as la manie de tout devoir planifier aussi !
- Je ne planifie pas les révisions de mes cours avec chaque heure inscrite pour chaque leçon à réviser.
- Comment sais-tu ça ? je demande, étonnée qu'il ait ce genre d'informations.
- Je t'ai déjà vu le remplir avant un cours de psychologie. Tu serais pas une maniaque du contrôle par hasard ? Ta façon d'installer tes affaires est un autre argument allant dans ce sens.
Je lui fais une grimace plutôt que de répondre. Quel mal y a-t-il à aimer que les choses soient rangées et organisées ? Aucun.
- Elle est en quelle classe ta soeur ?
- Elle est en CM2.
- Tu arrives à l'aider dans ses devoirs ? je demande en plaisantant.
Hayden tente de me lancer un regard noir, comme je le fais souvent, mais cela me fait plus rire qu'autre chose, et il me suit. Ça fait du bien de rigoler. Comme je l'ai deviné, Hayden est différent lorsqu'il est à la fac et lorsqu'il est avec ses amis de lorsqu'il est en dehors et seul avec moi. Je me demande bien pourquoi, mais je n'ose pas demander pourquoi, de peur qu'il reprenne son caractère désagréable.
- Tu as des frères ou des soeurs ? me demande Hayden.
Je lève le syeux vers lui, étonnée qu'il pose une question. Je croirai presque qu'il s'intéresse à moi. La dernière fois, il avait posé une question sur ma vie seulement pour détourner le sujet et éviter de parler de sujets qu'il ne voulait pas abordé. Ou alors il renvoie la question, mais là c'est différent, il pose une question de lui-même. Hayden fronce les sourcils devant mon absence de réponse alors je me presse pour lui en donner une :
- Non, je suis fille unique.
- Ça devait être chouette d'être chouchoutée par tes parents.
Je vois dans son regard de la tristesse. La tristesse de ne pas avoir eu de parents pour prendre soin de lui ? C'est vrai qu'il a dû rapidement devenir adulte pour subvenir aux besoins de sa soeur. Le temps ne lui a pas laissé le temps de grandir, il est passé d'enfant à adulte sans même passer par l'étape adolescent. Il m'impresionne réellement.
Mais il a raison, c'était chouette d'être la seule préoccupation de ses parents. J'ai de très bons souvenirs de ma petite enfance. Mais lorsque mon père est décédé, ma mère a dû travailler beaucoup plus, faisant des heures supplémentaires, travaillant parfois le week-end. Tout est devenu différent après sa mort, ma mère a été poussée à changer radicalement de vie, tout comme Hayden, bien que ça a dû être dur pour elle, ça devait être encore plus éprouvant pour Hayden qui n'était encore qu'un enfant.
- C'est l'heure de se retirer, remarque Hayden. Tu veux que je te raccompagne ?
Je suis touchée qu'il me le propose. Apparemment, il a quand même certaines bonnes manières.
- Non, ça ira, merci d'avoir proposé.
- Tu es sûre ? Ça ne me dérange pas, ce n'est pas prudent de prendre les transports à une heure aussi avancée de la nuit.
Je remarque alors son côté protecteur qu'il doit avoir envers sa soeur. Il doit sûrement lui apprendre ce genre de chose "éviter de rentrer seule tard la nuit", "ne pas parler avec des inconnus", et c'est sûrement pour cette raison qu'il me propose de me raccompagner.
- Je vais boire un verre avec un ami, il me raccompagnera.
- Un ami ? Kyle ?
- Non, un garçon que j'ai rencontré lors de la journée d'intégration.
- Léo ?
Je suis étonnée qu'il ait retenu son prénom. Je hoche la tête.
- Et il vient te chercher ici, au cinéma ?
Je hoche à nouveau la tête, ne voyant pas où il veut en venir.
- Tu ne pouvais pas lui donner rendez-vous ailleurs ? Si je t'ai demandé de ne pas dire aux autres que je travaille ici, ce n'est pas pour ramener des débiles pour qu'ils le découvrent par eux même !
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