2.
Jamais la mère de Kaleb ne réclamait sa présence. Celle-ci possédait une patience sans limite, attendant, le premier samedi de chaque mois, la visite de son fils aîné avec le reste de sa famille. Cette femme avait toujours inspiré Kaleb pour son sang-froid à toute épreuve et sa gentillesse sans frontières. Elle ne faisait aucune différence entre humains et Loups, à la différence de son fils qui les traitaient le plus gros du temps comme de la vulgaire nourriture, et faisait partie de cette minorité de Loups à bien vouloir changer de régime alimentaire pour faire la paix avec la race humaine. Une de ses nombreuses qualités tout comme son plus grand défaut aux yeux de son premier né.
A peine Nina avait-elle énoncé sa phrase que le jeune homme s'était déjà habillé en quatrième vitesse avant de quitter leur appartement commun en un clin d'œil. Si sa mère devait lui parler, cela devrait être surement important et, surtout, si cela ne pouvait pas attendre une semaine de plus, il y avait de fortes chances pour qu'il se soit passé quelque chose de grave ...
Les parents de Kaleb ainsi que son plus jeune frère vivaient dans une petite maison dans la ville d'Harrow, une banlieue nord-ouest de la Grande Londres. C'était un endroit plutôt calme et sympathique qui ne plaisait aucunement au jeune homme qui préférait de loin l'effervescence du centre-ville. La maison ne différait pas tellement de ses voisines, encore une chose qui écœurait le jeune homme qui ne comprenait pas le principe de construire des maisons identiques côte à côte.
Kaleb gara la moto que lui avait offert son père à son dix-huitième anniversaire devant l'habitation avant de se diriger à pas rapides vers l'entrée. Comme toujours, à peine avait-il posé un pied sur le perron que son frère âgé de quinze ans lui ouvrit la porte. Ils s'échangèrent de vagues salutation sachant aussi bien l'un que l'autre la raison de la venue de l'aîné.
"Jim, je dois parler à maman." annonça néanmoins Kaleb pour confirmer les pensées de son unique frère.
Sans un mot, Jimmy - appelé Jim par tout le monde - fit entrer le jeune homme à l'intérieur avant de lui indiquer que leur mère était à l'étage, dans sa chambre. Il le prévint aussi de faire attention ; en ce moment la femme perdait la tête, il ne devait pas croire aveuglément tout ce qu'elle disait.
Montant quatre à quatre les marches de l'escalier menant vers l'étage du domicile, Kaleb entra rapidement dans la chambre de sa mère avant de fermer la porte et de poser son regard sur elle, ayant un léger pincement au cœur en faisant cela.
La jolie jeune femme aux cheveux ébènes et aux beaux yeux bleus qu'avait été sa mère dans le passé, avait laissé place à une vieille femme allongée sur un lit deux places aux draps rose pales. Encore la femme avait-elle son sourire de jeunesse qui vous réchauffait le cœur à un simple contact visuel, mais l'homme ne put s'empêcher de déglutir en se rendant compte à quel point la maladie de sa mère la rongeait, réduisant son espérance de vie brutalement, malgré son jeune âge d'à peine cinquante-cinq ans ...
Kaleb s'installa à côté de sa mère avant de prendre sa main et de la porter à ses lèvres pour y déposer un doux baiser emplie du plus pur amour maternel. Elle leva les yeux vers son fils et le scruta. Celui-ci avait toujours horreur de se faire mettre à nu par cette femme qui l'avait mis au monde, il n'aimait pas se comporter comme s'il avait un cœur en guimauve. Il savait que la vie était horrible et préférait ne pas perdre de temps avec les sentiments. Néanmoins, son cœur d'enfant était toujours présent quand il avait sa maman à ses côtés.
"Maman ... Tu vas bien ? Pourquoi voulais-tu me voir ? Demanda-t-il d'une voix douce en serrant la main de la femme.
- Mon chéri, murmura-t-elle. Elle recommence ..."
Le jeune homme fronça les sourcils tout en demandant à sa mère de s'expliquer. Il ne comprenait pas où elle en voulait en venir.
"La chasse, elle recommence ...
- Quelle chasse maman ? Ce n'est pas la saison du gibier, tu dois sûrement te tromper, tu ne penses pas ?
- Kaleb, écoute-moi ... articula-t-elle et posant sur lui un regard empli d'amour. Tu te rappelles de l'histoire de ma grand-mère que je t'ai racontée quand tu étais petit, n'est-ce pas ?
- Celle où tu disais qu'elle était née en pleine guerre entre humains et Loups ? s'enquit le jeune homme.
- En effet, celle-ci. Eh bien figure toi que cette guerre a décidé de recommencer cette année, un siècle après le premier massacre. La revanche de la race humaine face aux Loups, la deuxième chasse aux Loups de l'histoire de Londres ... Avec des moyens beaucoup plus puissants qu'il y a cent ans ..." déblatéra la femme en fermant les yeux.
Elle tremblait.
Tout en essayant de tout éclaircir dans son esprit, Kaleb se pencha pour embrasser le front de sa mère tout en lui murmurant que tout allait bien se passer.
"Tu ne comprends pas mon chéri, reprit-elle, tu n'es plus en sécurité. Nulle part ... Désormais tu vas devoir te nourrir dans la plus grande des discrétions et tu devras aussi bien choisir ta cible, fais bien attention à ne surtout pas t'attaquer aux chasseurs !
- Je ferais attention maman, le rassura le jeune homme. Mais comment les reconnaître ? Je veux dire, ces mecs ne doivent pas avoir écrits "chasseur de Loups" en plein milieu de leur front non ?
- Je te fais confiance, mon fils, je sais que tu arriveras à les reconnaître ... Mais je t'en prie, ne les tus pas ... Même s'ils tuaient Nina, par exemple ...
- Pardon ? Rétorqua Kaleb en clignant les yeux plusieurs fois, incrédule.
- Ne te rabaisse pas à leur niveau ... Ne les laisse pas te donner une raison de t'appeler monstre, tu n'en es pas un. Tu es mon fils, ma plus belle réussite avec ton frère ..."
Une larme coulait le long de la joue ridée de la femme tandis qu'elle regardait désormais l'homme à ses côtés avec une fierté maternelle. Il n'était peut-être pas parfait, elle le savait, mais il était néanmoins devenu un bel homme honnête et intelligent. Elle ne le lui disait peut-être pas assez souvent car elle vit les yeux de celui-ci se mettre à briller tandis que sa lèvre inférieure se mettait à trembler.
"Je t'aime mon chéri ..." annonça-t-elle tout en prenant le jeune homme dans ses bras.
Kaleb se laissa aller contre ce corps contre lequel où il s'était réfugié tant de fois auparavant durant ses jeunes jours. Il se souvenait qu'elle sentait toujours les gâteaux car elle passait sa vie à faire plaisir dans sa pâtisserie qu'elle avait dû fermer quelques années plus tôt pour cause de faillite. Toujours elle avait cette petite phase qui remontait le moral instantanément, ou bien celle qui faisait rire même lorsque l'on était triste... Comme la fois où Jimmy et Kaleb avaient perdu leur hamster alors qu'ils s'étaient occupés de lui avec attention, elle était arrivée derrière eux, avait sorti une phrase qu'ils appelaient "phrase magique" et tout le monde avait rigolé, oubliant totalement l'histoire du pauvre rongeur ...
Relevant la tête, la femme sourit avant d'annoncer d'un air presque mélancolique :
"Tu sais Kaleb, la maladie me prends un peu de ma vie un peu chaque jour ... Je commence à perdre la tête, à avoir des hallucinations ou même à perdre la mémoire de temps en temps ... Je n'en ai surement plus pour longtemps ... Je peux très bien quitter cette planète demain comme dans deux ans, je ne sais pas ... Je souhaite donc te dire une chose que je ne veux jamais que tu oublies, d'accord ?"
Le jeune homme hocha la tête sans un mot, à son écoute.
"Je veux que tu sois heureux et que tu vives ta vie sans regrets. Je souhaite aussi que tu n'abandonnes pas ton père après mon départ, même si vous n'avez jamais été très proches ... Ma disparition va le chambouler, c'est chose sûre, empêche-le de faire des bêtises. Ton frère et toi êtes ses protecteurs, annonça-t-elle tout en sanglotant légèrement. Et surtout, soutenez-vous et vivez longtemps dans le bonheur et l'amour. J'aurais tellement voulu voir mes petits enfants en chair et en os mais je suis trop pressée n'est-ce pas ? Je les verrais de là où je serais et je veillerais sur vous, sur mes trésors ..."
Kaleb reprit sa mère dans ses bras, les larmes inondant désormais son visage, dans une ultime étreinte. S'il avait su qu'en venant ici, il aurait été en proie à tant d'émotions, il aurait peut-être réfléchi à deux fois avant de quitter sa douche ...
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