Chapitre 7: Pour mieux embrasser la mort
- Mais t'es folle ?! Pourquoi tu me dis ça ?!
Pandora s'arrêta juste devant Morgane, les poings sur les hanches. Elle avait les yeux rouges, des traces de larmes sur ses joues, et l'air furieuse. Morgane ralentit, et s'arrêta. Elle posa ses mains sur ses genoux, et reprit son souffle:
- Quoi ?
- Il y a ce... Ces tributs qui meurent, et toi tout ce que tu trouves à me dire c'est ça ?!
Elle se sentait mal, son estomac se tordait dans tout les sens depuis qu'elle avait vomi. Ce n'était pas habituel pour elle de rejeter ainsi ce qu'elle avait mangé, et elle ressentait un mélange de dégout et de faim. De plus, son coeur battait la chamade et ses poumons étaient fatigués de ces brusques marathon entre les arbres d'un endroit à un autre. Ses pieds étaient surement enflés, et elle remerciait le ciel de lui avoir confectionné de solides souliers.
Morgane leva les yeux au ciel, et soupira. Elle fit un geste de la main comme pour chasser une mouche énervante et répondit:
- Écoute, c'est bon.
- Non c'est pas bon ! C'est vraiment...
La blonde chercha ses mots, à court de souffle. Elle posa son sac sur le sol et lança d'un ton colérique:
- T'as raison, je suis qu'une putain de gosse de riche. D'accord ? Je sais, ça. Je suis née avec une cuillère en argent dans la bouche, mon père aime tout ce qui se rapporte au Capitole. Je ne sais pas me battre, je n'ai pas de muscles, bref, c'est super. Seulement, tout le monde n'est pas habitué à voir des cadavres ! Tout le monde ne voit pas des adolescents mourir devant ses yeux tout les jours ! Tu fais comme si c'était normal alors que ça ne l'est pas, et t'es hautaine avec moi !
- Arrête de crier ! Je sais !
- Pourquoi tu m'as dit ça alors ? Pourquoi ça t'es venue à l'idée, dans ton crâne d'imbécile, de me lancer cette phrase ?!
- Mais je sais pas ! Il fallait qu'on parte ! Tu restes toujours scotchée devant les gens comme si c'était des téléviseurs... Mais non ! On est dans la réalité.
- Parce que toi tu vois des gens mourir tout les jours, toi ?
- Si c'était le cas, tu le saurais, cracha Morgane.
Elles se regardèrent longuement comme deux loups sauvages. Pandora s'était approchée agressivement, et Morgane la regardait avec une lueur de défi dans les yeux. Sa mâchoire était crispée, et une veine pulsait à son cou. Elle dévisagea sa coéquipière de haut en bas.
- T'es vraiment qu'une conne, Morgane.
- T'es vraiment inutile, Pandora, laissa échapper celle-ci.
La blonde écarquilla les yeux, mais se retint de montrer la douleur que cette phrase engendra.
- Parce que tu te crois utile, toi ? S'il n'y avait pas eu ce gars avec cet arc-
- Et si tu avais eu la décence de m'aider..
- Et si tu avais gardé les deux sacs près de nous...
- Et SI TU T'ÉTAIS PAS ENDORMIE SUR MOI !
- OU ALORS SI TU N'AVAIS PAS ÉVITÉ LA CONVERSATION !
- QUELLE CONVERSATION ?! répondit Morgane, en criant comme le faisait sa partenaire.
- CELLE OÙ JE TE PARLAIS DE NOUS ! hurla cette dernière, le visage tout rouge.
La brune marqua un temps, étonnée. Elle s'approcha de Pandora, et demanda d'une voix calme:
- Tu veux vraiment parler de ça ? Ça te tenais à coeur ?
L'abcès qui s'était créé entre les deux filles se creva d'un coup. Quelle était l'étrange bulle de colère dans laquelle elles s'étaient engouffrées ? Sortie de cette folie post-traumatique, elles en ressortaient blessées. Face à l'autre, elles se regardaient dans les yeux. Celle qui baisserait le regard en premier perdrait surement, mais quoi ?
- Oui ça me tenais à coeur, avoua Pandora avec rancoeur.
Ça me tient à coeur de comprendre pourquoi tu m'attires et pourquoi tu trouves ça absolument normal.
Les mots sortirent de la bouche de la jeune femme avant que Morgane la prenne par le col et ramène le vêtement contre elle.
Toute l'attention de Pandora fut soudainement concentrée sur une seule chose, cet événement. Plus rien ne comptait, le décor disparaissait pour se réduire uniquement au visage de sa coéquipière. Morgane resserra son étreinte, pour venir coller la blonde à elle, leur deux visages si près qu'ils se touchaient déjà. Sans lui laisser le temps d'ajouter quelque chose, elle fondit sur ses lèvres et y planta la pulpe de ses lèvres.
Pandora sentit un frisson d'énergie traverser tout son corps. Elle appuya le baiser, et passa ses mains autour de la nuque de sa partenaire.
Les lèvres de Morgane étaient un étrange mélange d'arômes subtils et complexes que la blonde ne pourrait décrire. Elle devait sûrement être aveugle, car ses yeux s'étaient clos et elle ne pouvait voir que par ses doigts et ses lèvres. Tout son être était absorbé par le corps de Morgane, qui l'enveloppait comme un cocon. Elle était ivre de cette sensation, et lorsqu'elle se fut finie elle en ressentit le manque.
- Est-ce que ça répond à ta question, princesse ?
Pandora bredouilla quelques mots sans queue ni tête. Son visage était si proche, ses prunelles l'aspiraient, n'offraient pas d'autre salut qu'un profond désir.
- Pandora ?
Elle grommela finalement, et posa sa tête dans le cou de Morgane avant de souffler:
- Je suis désolée. Je t'ai crié dessus.
Morgane la porta jusqu'à une souche d'arbre et décréta:
Faisons une petite pause, mademoiselle.
Morgane faisait des rêves étranges.
Lorsqu'elle s'était endormie dans cette petite planque du désert, le corps endormi de Pandora contre le sien, elle n'avait pas senti la fatigue la prendre. Peu à peu, sa respiration s'était calée à celle de la blonde, sa vision s'était troublée. Le cours incessant et angoissant de ses pensées s'était tari un court moment pour lui permettre de tomber dans un sommeil profond.
Morgane n'était pas quelqu'un qui rêvait beaucoup, elle ne se souvenait que très rarement de ses rêves. Les seuls songes qu'elle avait encore en tête étaient les cauchemars poignants qui l'assaillaient depuis qu'elle savait que ses parents n'avaient jamais voulu d'elle. Des cauchemars qui en soi n'avaient rien de très originaux: elle rêvait constamment que quelque chose la poursuivait, qu'elle se noyait ou qu'elle tombait indéfiniment. Pour en avoir parlé avec ses frères, elle savait ce genre de rêve courant et banal. De plus, ces cauchemars ne traduisaient pas un mal, elle se sentait très bien et n'avait jamais eu de réels états d'âmes.
Elle rêva qu'elle était bergère et que son troupeau était entièrement composé de chèvres de montagnes. Leurs longues crinières blanches frottaient la jambe de leur maîtresse lorsqu'elles passaient à côté d'elle, elles bêlaient doucement. Le bruit de leurs clochettes se mêlaient au vent des altitudes. Morgane était debout entre elles, et tenait contre son sein un enfant. Était-ce réellement un enfant, ou une sorte d'animal ? La seule chose qu'elle aurait pu prédire de cette forme vivante était qu'elle lui appuyait fortement sur la poitrine et gênait sa respiration.
Plus Morgane essayait de palier cette insuffisance d'air, plus elle s'avérait compliquée à gérer. Respirer devint un fardeau, le décor verdoyant et accueillant se muait et se troublait comme la surface d'un lac. Les chèvres étaient loin, maintenant, ne restait plus que l'enfant qui serrait ses côtes.
Dans le rêve, Morgane essaya de se débattre, se libérer de ce poids si angoissant. Rien ni faisait, elle ne faisait pas un geste contre alors que tout son esprit le souhaitait.
Arriva le moment où elle ne put respirer du tout. La tête de Morgane dodelina, et permit à la rêveuse de voir quel était l'étau qui la détruisait ainsi.
Le corps démembré d'un enfant gisait dans ses mains, autour de son cou, de son poitrail. La tête défigurée d'une fille aux cheveux blancs gisait au milieu de ses deux bras joints. Déformée, coléreuse, la tête du district qu'elle avait tué seulement quelques jours avant. Il n'y avait pas de sang sur le corps de la chose, laissant voir les membres atrocement atrophiés. Le cri qui avait poussé Morgane à la tuer résonnait entre les montagnes. Un écho qui détruisait les tympans de la brune, condamnée à croiser le regard de sa victime pour toujours.
Le monde était noir encre, et rouge sang. Tout tournait, ne restait plus que le visage de sa victime.
Elle avait tué un tribut.
Elle s'était réveillée pantelante, couverte de sueur. Cependant, la jeune femme posée contre elle dormait encore. Elle joua avec de la ferraille en attendant son réveil. Malgré le fait que la présence de Pandora était rassurante et synonyme de sûreté, elle se rendait de plus en plus compte à quel point celle-ci pouvait être un poids.
Un poids mental. Morgane était une fille simple, elle ne se posait pas trop de questions. Si elle avait quelque chose à faire, elle le faisait. Si on lui disait de faire quelque chose, elle réfléchissait à cette action, puis elle la faisait. Les choses allaient dans son sens et c'était bien comme ça.
Sauf que soudainement, une adolescente débarquait dans sa vie, en plus de la Moisson, et bouleversait son quotidien. Ajouté au fait que Pandora lui plaisait mais que sur ce point elle avait l'air d'être compliquée.
Ce qui l'avait particulièrement énervée était l'air si soucieux que la blonde avait affiché lors de leur dispute, ce jour-là. "Cette conversation", que Morgane avait si admirablement détournée. Voilà que le sujet revenait au galop, et elle détestait ça. Pourquoi toujours chercher, se poser des questions ? Tout se complexifiait, et elle n'aimait pas voir les conséquences que ça avait sur Pandora. Les nerfs à fleur de peau.
Elle l'avait donc embrassé, et l'avait sentie se détendre. C'était l'effet escompté. Morgane aussi s'était détendue, et elles avaient discuté calmement, posées sur un rondin de bois.
Les Hunger Games étaient une question de stratégie, et elles avaient de la chance d'être en vie pour l'instant. Leurs dires furent coupés par quelques coups de canon, macabres annonciateurs que les Jeux continuaient toujours autour d'elles.
Puis, elles avaient aperçu dans la forêt le jeune homme qui ressemblait tant à la fille que Morgane avait tué. Pandora, sociable, s'était élancée vers lui et avait échangé quelques mots avec lui. Il était le tribut du district 8, et avait perdu sa soeur jumelle au début des jeux.
Sa soeur jumelle... Morgane comprenait mieux. Seulement, elle restait en retrait. Le tribut, même s'il les avait sauvé du ver de métal, n'en restait pas moins un ennemi. Et surtout...
Le frère de celle qu'elle avait tué, et qui revenait la hanter.
Chapitre 10393°02 :
Pandora fut soulagée lorsqu'elle se rendit compte que le tribut du district 8 n'avait pas d'intentions malveillantes. Son premier réflexe avait été de lui sauter dessus et de lui parler, ce qui avait déplu à sa coéquipière. De plus, elle était soulagée de voir que le tribut n'était pas aussi affreux que les premiers districts. Il était un peu timide, il avait un bon sens de l'humour et il était réactif.
Elle commença par le remercier pour ce qu'il avait fait pour elles, il en fut gêné. En effet, il avait suivi son instinct. Sans réfléchir, il avait été guidé par leurs cris et n'avait pas attendu avant de décrocher des flèches contre le monstre. Le remercier lui paraissait étrange.
Lui aussi s'était retrouvé contre son gré dans l'arène, et il ne souhaitait pas se battre. Son mentor, par la même occasion, n'était qu'une femme dépressive qui ne leur avait incultés que l'art d'enchaîner les shots de vodka sans vomir.
La seule arme qu'il avait sur lui était un arc, et il était peu musclé. Malgré les grondements de Morgane, qui restait en arrière, l'intimidant, la blonde incita le tribut à s'asseoir avec elles. Il raconta alors qu'il s'appelait Gabriel, qu'il venait du district 8 et qu'il avait une soeur jumelle du nom de Gadjeel. Alors qu'il s'était fait prendre par les premiers districts à la Corne d'abondance, en voulant prendre un arc, sa soeur avait disparu dans la forêt. Il la cherchait encore.
- J'avoue que se perdre dans l'arène, c'est très angoissant, affirma Pandora en regardant Morgane avec un sourire.
Morgane ne répondit pas au sourire et détourna les yeux. Gabriel, intimidé par la présence de cette grande fille mutique, continua de parler avec Pandora. Et celle-ci appréciait cela. C'était la première personne à qui elle parlait en dehors de Morgane, et il était gentil, courtois, beau et agile. C'était reposant de pouvoir se plaindre, et rire de ses malheurs. Et c'était un garçon.
Ils discutèrent longtemps, assis l'un à côté de l'autre. Il en oublia presque le regard noir, posé sur lui, de la brune. Ils partagèrent leurs vivres, et il montra à la blonde comment il tirait à l'arc.
- C'est mon père qui m'a appris à faire ça, dit Gabriel en plantant ses iris électriques dans les yeux de Pandora.
Des petits frissons revenaient dans les joues de Pandora alors qu'elle rougissait un peu et qu'elle répondait:
- Tu as de la chance. La seule chose que mon père m'a apprise c'est de faire confiance au Capitole.
Morgane sourit, dans la pénombre. Elle regardait les deux silencieusement, en position foetale.
Gabriel sourit, et prit la main de Pandora, pour la mettre sur l'arc. Il passa une flèche sur la corde tendue, prit l'autre bras de Pandora pour lui faire suivre le mouvement. Il était juste derrière elle, collée à son dos. Son souffle dans sa nuque lui procurait des petits frissons agréables. Il lâcha la pression sur ses doigts, et la flèche partit et s'enfonça dans le bois mou un arbre pourri, au sol. Pandora sourit:
- C'est super compliqué, en fait !
- Pas tant que ça. Il faut avoir le coup de main, c'est vrai...
Il répondit à son sourire et continuèrent à parler. Peu à peu, la conversation dériva sur les petites choses de leur quotidien. Pandora avoua qu'elle n'avait jamais eu de relations et que ça lui manquait, qu'elle ne rencontrait pas souvent de garçons. Il lui répondit qu'il n'avait pas de petite amie non plus et qu'il aimerait en avoir une aussi.
- Bon ! Excusez-moi mais faut qu'on avance, dit sèchement Morgane. Je peux apercevoir le brouillard se rapprocher.
- Quoi ?! Pourquoi tu ne nous l'as pas dit plus tôt ?! S'étonna Pandora, en se relevant.
La brune leva les yeux au ciel et prit le sac sans faire de commentaires. Gabriel fit de même et commença à marcher vite, derrière elles:
- Il va vite... Vous aussi vous l'avez vu ?
Les fleurs s'ouvraient comme au grand jour, sous les pas rapides des trois adolescents. Pandora se tourna vers lui et dit:
- Oui. Est-ce que c'est un système de poursuite ? J'ai l'impression qu'il est là certains soirs. Peut être qu'il nous traque.
- Dès que vous trouvez un arbre adapté, vous montez, dit Morgane sèchement.
Ils suivirent ses indications, et montèrent dans un des pins les plus hauts qu'il trouvèrent. En haut de l'arbre, Morgane s'installa sur une branche toute seule. Les deux autres parlèrent pendant la nuit, avant de s'endormir.
Le lendemain fut doux et agréable. Pandora fut réveillée par les doux rayons du soleil qui perçaient ses paupières, et l'odeur de viande. Elle descendit de sa branche, s'était détachée de l'endroit où elle avait dormi -une précaution nécessaire pour ne pas trop remuer pendant la nuit et tomber de l'arbre-. Elle faillit se briser le cou entre les branches et tomba, sauf que Morgane la rattrappa. Elle ne put lui témoigner sa reconnaissance car elle aperçut Gabriel tremper un lièvre mort dans la rivière et cela la surprit.
- Que fais-tu ?
- On a chassé, elle et moi.
Il désigna Morgane, dont il avait sûrement oublié le prénom. Celle-ci détourna le regard et fit un sourire. Ce sourire, Pandora commençait à le connaître. C'était un sourire contrit, hautain, en colère. C'était l'énergie bouillonnante éternellement contenue de sa camarade, mêlée d'une tristesse confuse.
- Je fais prendre un bain à la proie, comme ça on pourra la dépecer plus facilement.
Il essuya sur son pantalon le pelage mouillé de l'animal, inanimé. La blonde eut l'air dégoûtée, mais ne fit pas de commentaire. Morgane le prit des mains de Gabriel et enleva la peau.
- Ce qu'on va faire, c'est qu'on va le faire chauffer.
- Comment ça ? S'étonna Pandora. Faire du feu c'est...
- J'ai un petit briquet assez pratique. Il ne fera pas de fumée, expliqua Gabriel, enjoué. Ça fera un plat plutôt pas mal. Ni vous ni moi n'avez de conserves...
Voilà donc l'alliance que Pandora avait tissée avec le district 8. C'était juste parfait, elle était aux anges. Gabriel était pratique, enjoué. À peine levé qu'il ramenait de la nourriture, sans contrepartie, joyeusement. De plus, s'il avait une soeur jumelle, elle devait sûrement être aussi débrouillarde que lui, et c'était parfait.
Ils firent cuire le lièvre. Cette action fut compliquée, car le briquet de Gabriel déconcentrait totalement la jeune femme. Celui-ci représentait le corps d'un dragon en fer blanc, la gueule noircie. Avec son doigt, il actionnait les aigrettes de l'animal et sa bouche s'ouvrait, pour laisser une flamme d'une trentaine de centimètres s'échapper. Il avait deux ailes devenues vertes par la rouille et le contact avec l'humidité du corps humain, qui permettaient de le prendre entre l'index et le pouce. En plus de son aspect fantastique, il venait de son Mentor, Ibis. C'était à peu près le seul présent qu'elle leur ait fait, et c'était son briquet personnel. Nul doute qu'il lui était cher car elle enchaînait les joints avec. Certes, Gadjeel l'avait presque forcée à leur donner, réprimandant l'adulte, mais la valeur de l'objet était précieuse.
- Jamais je ne le donnerai, pour sûr ! Avait plaisanté Gabriel en le remettant dans sa poche.
Cette phrase avait laissé Morgane pensive.
C'était certain: Morgane détestait cet inconnu. Si spontané, si agréable. Si beau, si masculin ! Rien qu'à voir son visage fin, ses cheveux blancs qui tombaient dans sa nuque comme de la neige fondue, ses yeux rieurs et son sourire rebelle, elle en avait des nausées.
Il s'était immiscé entre Pandora et elle, avec l'aplomb d'un combattant, devant ses yeux. Connaissait-il sa faiblesse, la fixait-il juste pour lui rappeler qu'il avait les mêmes yeux que Gadjeel, sa soeur ? Les regards en coin qu'il lui lançait étaient-ils une vengeance personnelle, pour garder le silence ?
À première vue, elle s'était dit qu'elle devrait le tuer immédiatement. Elles se débrouillaient bien pour le moment, et n'avaient besoin de personne. De plus, c'était avant tout un ennemi et une menace pour elles. Plus il y avait de gens en vie dans l'arène, plus il y avait plus de risques pour elles. Mais, Pandora ne lui avait pas laissé le temps de réfléchir et d'établir une stratégie: elle était complètement sous le charme de cet inconnu insupportable.
Malheureusement pour elle, Gabriel s'avérait plutôt utile. Comme elle était matinale, elle était allée faire des rondes autour de leur arbre. Celui-ci l'avait rejoint, et avait essayé de discuter. Pour l'en dissuader, elle lui proposa d'aller chasser avec lui, et ils ramenèrent un lièvre.
Le petit jeu entre Pandora et Gabriel revint. Il lui montrait son briquet avec fierté, elle était très curieuse. Il lui faisait des petits sourires charmeurs. Morgane aurait voulu mettre les points sur les i avec cet inconnu: Pandora était à elle et entièrement à elle. Cependant, au vu de la dispute qu'elles venaient d'avoir, de ce baiser qu'elles avaient échangées juste pour que Morgane échappe à la conversation que Pandora voulait avoir avec elle, c'était compliqué.
C'était compliqué d'autant plus que Pandora semblait intéressée par Gabriel, proportionnellement au désintéressement qu'elle montrait pour la brune. S'en rendre compte était extrêmement douloureux et elle détestait la sensation de serrement de coeur qu'elle ressentait.
Elle ne voulait pas aimer Pandora. C'était bien trop complexe de l'aimer.
En plein milieu de ses ruminations, elle ne fit que suivre Gabriel et Pandora. Ils sortirent de la forêt, en émiettant le nom des districts encore en vie:
- Il y a le district 12, celui qui avait mit à terre les premiers districts, fit remarquer Pandora.
- Le 10 et le 8, puisque c'est nous, renchérit Gabriel avec un sourire.
- Le 1, le 2, le 3, dit la brune sobrement. Mais il doit sûrement y en avoir d'autres.
Le paysage qui s'offrit à Morgane la surprit profondément. L'eau était claire, quelques petites vaguelettes troublaient la surface du grand lac bleuté. Comme une plage des tropiques, le sable au bord de l'eau était presque blanc, fin, et des arbres se penchaient vers l'eau comme des amants esseulés. Sur l'eau, au lointain, des îlots flottaient. Comme des patates douces, ils se trouvaient-là. Plus ou moins grand, allant de plusieurs mètres à de petits ronds de terre dans l'eau.
C'était un beau paysage. La seule chose qui dérangea Morgane fut les cris et les coups qui se donnaient sur le plus grand des îlots. Hésiter serait la plus grande des erreurs. Ils n'avaient plus de conserves et plus beaucoup d'eau, un seul sac à dos et elle se coltinait un garçon.
Elle sauta sur un carré de terre et se retourna pour dire à ses deux compagnons:
- Venez vite. On prend part au combat, on les tue tous et on prend ce qu'ils ont sur eux.
Le regard que Pandora posa sur elle lui fit des frissons dans la nuque. Résistant à l'envie de l'embrasser et de la mettre à l'abri, elle sauta d'un îlot à un autre. C'était fort étonnant car, contrairement aux icebergs, la terre flottait juste en surface, artificiellement. Elle résista très bien au poids des trois adolescents, qui se retrouvèrent sur l'îlot principal.
Six personnes se battaient, dans un amas de sable et de poussière. Leurs corps étaient si bien entremêlés que Morgane n'aurait pu voir que c'était le district 6, attaqué par le district 2 et 3...
Morgane sortit son poignard et se lança dans la mêlée.
Elle évita le fil d'une épée, et en profita pour sauter sur le dos d'une adolescente à la peau foncée, luisante de sueur. Elle enfonça son poignard dans son cou, n'importe comment. N'importe quel coup était bon à prendre, elle enfonçait sa lame là où son adversaire baissait sa garde. Morgane ne voulait pas voir, elle était aveugle face au sang qui jaillissait des plaies béantes qu'elle faisait dans la nuque de son adversaire. Celle-ci hurlait, se débattait. Le poids de son assaillante les avaient projetées au sol et elle se faisait parfois marcher dessus par Gabriel, en train de lutter contre un garçon des premiers districts.
Le coup de canon fit sursauter tout le monde, la jeune femme que Morgane avait sous son poignard était morte, suite à un coup d'épée dans le thorax, oeuvre d'un des premiers districts. Rakia, du district 3, venait de mourir sous les coups de Morgane et de Esteban. Voyant sa camarade morte, le seul tribut du district 3 hurla de peine:
- Non !
Morgane resta sourde face à ses lamentation et lui faucha la jambe. Il tomba à genoux, dévasté.
- Rakia !
Son visage plein de larmes devint soudain une bouillie de sang, sous les yeux écarquillés de Morgane. Elle se recula d'un bond, devant l'horreur de son physique. Derrière lui, le colosse blond donnait de grands coups de matraque sur sa tête, comme s'il n'était qu'un jouet qu'on enfoncerait dans le sol. Tout ses os craquaient, sous la pression et la force de Franck, du district 1.
Le coeur de Morgane battait à toute allure, il semblait se délecter de la mort atroce du tribut. Un autre coup de canon retentit.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro