Iris soupira, avant de regarder sa main inerte, sur le rebord de la fenêtre. Elle tenait entre ses deux doigts une cigarette, mais ne l'avait pas allumée. Elle n'avait d'ailleurs pas de briquet, mais c'était le geste de la porter à ses lèvres qu'elle aimait. La grande brune ne fumait plus depuis des années.
- Tu es très élégante.
Elle se sentit rougir agréablement lorsque la voix de son inconnu retentit sur la pierre froide. Elle ferma les yeux, appréciant ce parfum qu'elle commençait à reconnaitre, et à aimer. Combien de nuits avait-elle passées à parler avec lui ? C'en était devenu un rituel, matin, midi, soir. Accoudée à la fenêtre de sa chambre, elle s'amusait à l'imaginer. C'était peut-être un homme timide, ou complexé sur son apparence. Peut-être était il très laid, ou avait-il une grosse pustule sur le nez. Elle rit à cette idée et répondit:
- Je te remercie.
Des mois entiers les séparaient de leur première rencontre. Elle n'avait parlé à personne de cette étrange connaissance, qui semblait maintenant faire partie d'elle. A part Cassiopée, qui l'avait remarqué, personne n'avait semblé demander à Iris ce qu'elle faisait de ses après-midi. Même Valentin, qui avait toujours été un petit fouineur lorsqu'il était petit, ne lui parlait presque jamais. Il n'était jamais là, de toute façon.
- Comment s'est passée cette journée ? demanda gentiment la voix.
- Très bien, dit Iris, sa peau dorant au soleil.
Les rayons de lumière passaient entre ses cils, et s'accrochaient à ses cheveux décidément raides. Ils se balançaient doucement au rythme de la brise qui caressait son visage. On aurait dit une déesse grecque, une douce et mutique Athéna. Conquis par cette beauté humble, l'homme déclara:
- Et cette pauvre Pandora Lane ?
- Oh, toujours la même chose. Ca fait des jours qu'elle pleure. Elle ne veut voir personne, c'est à peine si elle se nourrit. C'est son Mentor qui prend soin d'elle mais il n'est pas souvent là. Quel lâche.
- Oh, dit la voix, un peu gênée.
- Dis-toi que même Cassiopée, sa meilleure amie, n'a pas le droit de venir la voir. Moi, je me fais discrète, je n'ai pas envie d'être dans cette histoire. Ca m'a l'air très compliqué, ces histoires de cœur. Il y a des choses qui ne se disent pas, mais on raconte comme quoi Morgane et Pandora se sont disputées à propos de Cassiopée. Pas la première fois.
- En effet, dit l'homme, qui avait longuement entendu Iris parler de leur triangle compliqué.
- Dommage que tu n'aies pas été là avec moi pendant ce temps, je lisais dans la salle de gym à côté, et j'ai moi-même entendu les cris.
Elle soupira et porta l'objet à ses lèvres à nouveau avant de l'humer.
- Mais j'ai appris quelque chose dont je ne suis sûre. Valentin n'est pas un Rebelle.
- Tu en doutais encore ? Moi, je pensais depuis le temps que ce n'était pas le cas.
- Maintenant, ça me parait clair, avoua-t-elle en regardant le ciel de ses yeux bleus.
Après un long moment, l'inconnu déclara:
- Comment vas-tu faire, maintenant ? Retourner chez Servilus ?
- Je ne sais pas. Je compte lui en parler mais...
La jeune femme tourna son visage vers un certain nuage avant de produire un certain son de gorge, visiblement contente. On aurait dit un gros chat content, elle déclara doucement:
- Je crois que j'ai envie de rester ici. Je me plais dans cet endroit.
- J'avoue que... Je suis soulagé de savoir que tu n'iras plus voir cet horrible personnage.
- Je sais. Et puis, tu sais... Je crois que je suis tombée amoureuse de toi.
✺
- Bonjour, Cassiopée, dit Zachary Servilus.
Elle regarda l'homme avec une lueur de petite fille sage, mais derrière ce sourire poli brillait l'insolence et l'intelligence qui la caractérisait. Elle savait très bien qui était le doyen, ce "formidable doyen". En réalité, elle connaissait surtout sa réputation, celui d'être un porc suant. Et sans vouloir offenser personne, Cassiopée n'aimait pas les porcs suants.
- Bonjour, dit-elle froidement, le regard dans le vide.
Ces derniers jours n'avaient pas été amusants pour elle. Privée de sa confidente, de sa plus grande amie, Cassiopée se rendait peu à peu compte qu'elle avait pu, peut-être, légèrement, faire des erreurs. Elle avait été privée de père, d'argent, de famille et de renommée, et cela ne l'avait pas touchée. Enfin, peu à peu elle avait guéri de ses blessures. Pourquoi voir Pandora si mal la rendait ainsi ? C'était atroce comme sentiment, cette sensation appelée "culpabilité".
- Je suis un grand ami de ton p.... d'André Price.
- De mon père.
Il déglutit. Décidément, la petite Price avait les yeux de son père, et cela le déstabilisait.
- Exact. Est-ce qu'il t'a parlé de moi ?
- Non, dit sèchement la jeune femme avec toute l'assurance et la dignité dont elle faisait preuve. Je ne l'ai pas vu depuis des mois.
- Et bien, je me présente, je suis Zachary Servilus, le doyen du...
- Je sais qui vous êtes.
-... Et je suis votre fiancé.
- Pardon ?! Vous ?
Elle le regarda de la tête aux pieds avant d'éclater d'un rire abasourdi, rabaissant. Elle le regarda dans les yeux, tout simplement éberluée. Puis, elle mit une main devant sa bouche, sous le choc.
- Pardon ? répéta-t-elle.
- Sur ordre de votre père.
- Il... Me pardonne ? demanda avidement Cassiopée en s'approchant, balançant ses longs cheveux blonds lorsqu'elle parlait, ce qui avait quelque chose d'hypnotisant.
- Si vous vous mariez avec moi, oui. De toute façon, vous n'avez pas le choix.
Comme un étrange vertige qui la prenait, une poussée d'excitation qui tordait ses entrailles, sa gorge qui se nouait, Cassiopée explosa de joie.
- Oui ?
- Oui, répéta lascivement Servilus en la regardant avec un peu plus de mépris. Etait-elle idiote ?
- Bordel. Je crois que c'est la meilleure chose qui me soit arrivée cette année.
Elle reprit un air impassible, mais paraissait ébranlée. Un tel dérapage sur son contrôle concernant ses émotions était étonnant, surtout de sa part. Ses mains tremblaient d'énergie, qu'elle ne pouvait contrôler.
- Un mariage ? C'est rien, marmonna-t-elle. Je peux faire ça, et je pourrais revoir père.
- Un mariage avec moi.
Le doyen la regarda avec colère, vexé de voir que la jeune femme acceptait le marché pour une autre raison qu'il n'avait pensé. Elle ne désirait pas Zachary ! Quelle ignominie.
- Parfait, on fait ça quand ?
Servilus parut soudain déconcerté, étonné par la soudaineté de sa question. L'air impassible, mais désireux de la jeune femme le fit bafouiller légèrement. Il tendit un index couvert de bagues, mais avant qu'il ait le temps de dire un mot, une voix grave et masculine demanda:
- Excusez-moi ?
Le gros petit homme eut un sursaut lorsque, au dessus de la tignasse dorée de celle qu'il convoitait, un homme s'était avancé. Deux yeux clairs cernés de longs cils ardent clignèrent, partagés entre colère et questionnement. Il semblait jeune, du même âge que la Price.
- Ness ? s'écria Cassiopée en se retournant, enfonçant brutalement son épaule dans son torse.
Elle posa sa main sur le haut du jeune homme en terme d'excuse, alors que celui-ci grimaçait de douleur. Il demanda d'un ton de fer à Servilus:
- Vous parliez avec ma petite amie ? Vous avez besoin d'un renseignement, peut-être ? Je travaille ici.
L'air plus menaçant, et le ton lourd et chargé de sous-entendus de Ness de Saint-Vaast, ne découragerent pourtant pas le doyen. Il lui fit face, levant le menton pour essayer d'être à sa hauteur:
- Et bien, jeune homme, je vais vous demander de retourner à vos fonctions. Cassiopée Price est maintenant en ma possession.
Les bras musclés de Ness passèrent autour de la taille de la blonde qui les regarda, impassible, tout deux. En réalité, elle était choquée par l'émotion que son petit ami, ou désormais ex petit ami, présentait. Elle savait que c'était un garçon calme, doux, un peu bête mais attachant. Là, il avait les sourcils froncés et semblait en colère. Elle n'aima pas le voir en colère ainsi, son petit agneau.
- C'est hors de question, gronda le rebelle.
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P
- Ness, murmura Cassiopée. Je t'expliquerais plus tard, promis.
- Je vais donner tout de suite une explication, déblatéra Servilus avec suffisance, pour que ce jeune homme comprenne. Cassiopée Price est fiancée à moi.
- Quoi ?! S'écria le brun, en serrant compulsivement la blonde dans ses bras.
- Ness ! s'écria Cassiopée en essayant de se dégager de l'étreinte étouffante de l'adulte.
- Pourquoi on ne m'a rien dit ? Ça fait combien de temps ?!
- Mon père m'avait déjà fiancé. Je suis désolée, Ness. C'est la seule façon pour moi de retrouver ma lignée. De retrouver mon unique famille.
- Pourquoi ? murmura Ness, l'air étrangement déçu.
- Il est temps de cesser vos enfantillages. Cassiopée, le mariage se fera dans trois jours. D'ici-là, je suis chargé de te communiquer l'information suivante: ton paternel t'autorise à venir le voir.
Cassiopée en eut les larmes aux yeux. Son père. André Price, l'autorisait, elle ! Quelle chance elle avait ! Quel... Quel honneur ! Elle trembla de joie, et se laissa choir dans les bras de Fran-... Ness.
✺
"Allô !"
"Ness ! Ne crie pas ainsi dans le combiné, je ne sens plus mon oreille droite."
"Alors tiens le téléphone de ton autre main, et changé d'oreille, voilà. J'ai des informations intéressantes, Anne-Lise."
"Sympa. Qu'est ce qu'il t'arrive ?"
"Mais la Louve ne sera pas contente, je t'assure. Quelque chose d'inexpecté est en train d'arriver. Tout est en train de s'écouler. Déjà, Dimitri qui se fait cramer..."
"La Louve a dit que c'était bon parce qu'il a réussi sa mission"
"Ah bon ? Bref... Je veux dire, moi aussi je suis en train de perdre ma couverture."
"Quoi ?"
"Oui ! Figure-toi que Cassiopée Price est en train de se marier."
"Oh ? Je suis contente pour toi, Nessou ! Je pourrais venir, et être votre demoiselle d'honn-"
"Tu n'as pas bien compris, Anne-Lise. Elle se marie, mais pas avec moi."
"Oh... Oh merde ! Non ça on l'avait pas vu. Bordel. Qui ?"
"Un doyen. Un vieux gars bizarre."
"Ok... Je vais prévenir tout de suite la Louve ! C'est... C'est la cata !"
✺
Pandora poussa un gros sanglot, et balança sans grande conviction un coussin sur la tête de Valentin, qui ne réagit même pas, mais remit en place ses lunettes qui s'étaient délogées de leur place.
Elle avait les yeux rougis d'avoir tant pleuré, avait l'air dévastée. Ses cheveux blonds habituellement impeccablement brossés étaient en bataille, retenus en un chignon vaseux. Elle se sentait faible, avait un étrange goût de bile dans la bouche. Son estomac se tordait à chaque fois qu'elle voulait manger quelque chose, et il n'était même pas nécessaire de raconter ce qu'il se passait dans sa tête.
- Je suis une horrible personne, dit-elle en pleurant, frappant mollement le matelas de ses poings.
- Il faut que tu manges, dit Valentin avec douceur.
Il tenait dans ses mains un plateau repas, contenant une assiette avec de la purée et du poulet, ainsi que plusieurs fruits en rondelles. La blonde n'avait jamais autant détesté la nourriture qu'à cet instant-même. Elle n'avait jamais détesté Valentin plus fort, jamais détesté tout le monde.
Elle souhaitait maintenant que le monde s'écroule sous ses yeux, qu'un incendie se déclenche et la prenne, sans douleur. Ou alors, qu'un homme vienne tirer une balle dans sa tête, maintenant. Qu'elle rejoigne Gabriel et sa sœur. Pandora Lane avait si froid, intérieurement. Si froid et pourtant la sueur dévalait de son front. Elle se sentait comme après un mauvais rêve, mais elle savait que tout cela était réel.
Morgane était partie.
Jamais plus les bras réconfortants de sa petite amie ne la prendraient dans ses bras, jamais plus elle ne veillerait sur ses nuits. Jamais ses mains calleuses et habiles ne se poseraient sur son corps, ses yeux ne la regarderaient avec amour. Les mots qu'elle avait prononcés agissaient comme de l'acide dans toutes les parties de son corps, la rongeaient. Elle voulait mourir, terriblement.
C'était son regard impénétrable, la douceur de ses lèvres, sa douce chaleur et son aura protectrice. Ses insultes, ses ricanements, ses défauts et ses qualités. Pandora s'écroula à nouveau sur son lit en un pur cri de douleur, qui sembla ébranler son Mentor. Il s'approcha avec douceur et posa une main sur son épaule en murmurant:
- Il faut que tu manges.
- J...Je ne peux pas, dit la blonde, recroquevillée.
Elle releva le menton. S'ensuivit un long moment compliqué où le brun l'aida à manger, mais elle ne cessait de s'effondrer, des sanglots pleins la voix. Pendant ce temps, apaisant, l'adulte lui apprenait des petites choses de la vie courante, sans mentionner une seule fois leur dispute, ou sa deuxième élève. Pandora ne savait pas si elle trouvait ça exécrable ou reposant.
- Les Jeux ont commencé. Les participants se débrouillent bien, l'un des districts est parti pour gagner, je pense. Je trouve la fille très débrouillarde et intelligente, mais ils ne se parlent pas trop entre eux. C'est impressionnant comme ce garçon, avec elle, est timide. Au début, je croyais qu'il ne parlait pas. Mais qu'est-ce qu'il est musclé...
Ses pensées dérivaient parfois, retrouvant toujours leur point de départ à chaque fois. La dispute, Morgane, son départ. Ses larmes ne se tarissaient pas, malgré que ses pleurs avaient diminués en intensité. Comme une poupée de chiffon molle, elle se laissait manipuler, mangeant avec amertume.
- Où est-elle ? prononça-t-elle, défaite.
Valentin la regarda, indécis. Après un grand silence, tendu, il déclara d'une voix précautionneuse, pleine de soucis:
- Je ne sais pas bien. Elle est partie.
Pandora recommença à pleurer à chaudes larmes, bruyamment. Pourquoi avait-elle dit cela ? Pourquoi s'était-elle embarquée dans quelque chose qu'elle n'assumerait pas ? Elle se sentait si coupable d'avoir insulté en premier lieu sa petite amie, qu'elle se sentait mal. Repenser à cela lui fendit le cœur, elle se laissa tomber contre le matelas, inanimée. Rien ne la consolerait, et Valentin semblait le savoir.
- Où est Dimitri ?
- Il me semble... Qu'il est parti avec elle. J'ai alerté le Capitole de sa nature mais... Je suis désolé de ne pas l'avoir vu avant. Je suis désolé pour vous.
- Laisse-moi, murmura Pandora, la voix entrecoupée de sanglots.
Valentin poussa un énième soupir, avant de se prendre un coussin en pleine figure. Malgré le fait qu'il n'avait pas été lancé avec beaucoup de force, il fut surpris par le geste, et fit un bond en arrière. Pandora avait visiblement besoin d'être seule. Sans préambule, il décida de quitter la pièce. La jeune femme regarda le dernier rai de lumière disparaitre, et la voilà dans le noir.
Le souffle court, elle s'étendit sur le dos. Puis, elle ferma les yeux. Elle eut un haut-le-corps, avant de respirer lentement, tremblante. Elle se sentit soudain mal, une douleur perçante dans son thorax apparut, et elle eut à peine le temps de se mettre au bord du lit, pour vomir son repas.
Elle eut un espèce de rire hystérique, reconnaissant les aliments mal mâchés qu'elle n'avait visiblement pas digéré. Quelle journée de merde...
✺
Dimitri jeta un coup d'œil furtif à Morgane. La prestance et la dignité de celle-ci l'étonnait toujours aussi grandement. Elle était assise, les jambes croisées, et regardait au loin. Bien que Dimitri lui avait demandé avec insistance d'enlever le masque de Loup qu'elle lui avait prise, il était sur son visage, lui rajoutant une aura mystérieuse et sanguinaire.
Comment s'était-il embarqué dans tout cela ? Cela faisait un certain temps qu'il était en filature au Capitole, obligé d'affronter les étonnants et richissimes personnages là-bas. Tout les jours il se faisait violence pour paraitre comme eux, et il avait finalement réussi à incorporer leur "équipe". Et voilà que soudain, il arrivait cet évènement.
Il rentrait d'une journée passée dans son district, fatigué, et avait entendu des cris dans le couloir. Croisant une Iris intriguée, il avait ouvert la porte, pour se prendre de plein fouet une Morgane plus qu'en colère. Elle était tellement furieuse qu'elle faillit piétiner le pauvre Rebelle. Sans préambule, elle lui avait dit de venir avec elle, et l'avait prit par le col et emmené.
- Et... On va où ? demanda Dimitri en la regardant avec méfiance.
- Dans ton lieu, grommela-t-elle, ses yeux noirs le dévisageant.
- Mon lieu ? demanda Dimitri, inquisiteur.
- Ouais. Ton truc de Rebelle.
- Oh. Mon QG, marmonna-t-il, pour éviter de se faire entendre par l'homme qui conduisait la calèche dans laquelle ils étaient. Alors c'est vrai ? Tu veux devenir une Rebelle ?
- Ouais. Ta technique a bien marché, regarde.
Elle soupira, et le cœur de Dimitri s'emplit d'une amertume et d'un remords profond. Il n'avait pourtant fait qu'obéir aux ordres... Mais il en voyait maintenant les conséquences. Il avait comme détruit une vie.
- Je suis désolé, dit-il, d'une voix chagrine.
- C'est pas grave. Ca se voit que t'es pas un enculé, Dimitri. T'es un soldat, voilà tout.
L'air calme et fatigué de la brune l'étonna. Lui la connaissait mordante, en colère, bouillonnante de rage et de vie. Seulement, c'était comme si une étoile s'était éteinte. Elle était là, imperturbable, silencieuse, son masque de Loup cachant son visage. Dimitri était profondément impressionné par son attitude. Quelle classe.
- Et pourquoi tu veux devenir une Rebelle ?
- Ca te regarde pas.
- Tu es toujours avec ta petite amie ?
- Ca te regarde pas, je te dis !
Elle le regarda avec fureur, avant de le prendre par le col et le décoller du sol. Il eut un hoquet de surprise, et essaya de lui faire lâcher prise avec ses mains. Mais sa poigne était telle que ses pieds se balançaient dans le vide sans autre effet que de le faire osciller dangereusement. Sans état d'âme, elle le fit basculer de l'autre côté de la rambarde qui séparait la route de leur calèche, et de le suspendre à quatre mètres du sol.
Le souffle coupé, Dimitri bredouilla:
- Qu'est-ce que...
Si elle le lâchait, il avait de grandes chances de se blesser gravement, au vu de la distance et la vitesse de la calèche. Elle retira son masque de Rebelle, et le corps de Dimitri Vlaskoff se glaça alors qu'elle disait simplement:
- Ca ne te regarde pas. Tais toi ou je lâche.
Elle le tint quelques instants ainsi, et, lorsqu'elle eut considéré que c'était bon, elle le balança sur la couchette en face de la sienne, dans la calèche. Il déglutit, respirant à nouveau normalement. Pris d'une quinte de toux, il leva les bras pour se protéger d'éventuels coups... Qui ne vinrent pas. Comme si rien ne s'était passé, Morgane regardait indifféremment la route qui défilait devant ses yeux.
Le temps passa plutôt lentement. Contraint de ne pas lui parler, de peur qu'elle ne veuille le tuer, Dimitri regarda lui aussi passer le paysage pendant tout le trajet. Le chemin pour aller à l'endroit précis où la Louve et les rebelles se retrouvaient ne fut pas très long, et bientôt, Dimitri conduit Morgane au travers d'un étroit escalier de pierre en colimaçon.
Il essuya la sueur qui dévalait son front, et ouvrit la porte en marmonnant:
- Bonjour à tous.
- Dimitri !
Une tornade rousse lui sauta dessus. C'était son amie, la jeune adolescente Anne-Lise, qui le regardait avec des yeux surexcités, comme toujours. Elle agita un carnet, remplit d'écritures impossibles à lire. Dimitri grogna, sa tête sonnait. Il se tourna vers Morgane, qui avait enlevé son manteau et qui regardait la jeune femme avec méfiance.
- Qui... commença la Rebelle alors qu'une voix retentissait, dans le silence de la pièce.
- Bonjour, Morgane Clay. Je suis... Ravie de voir là ?
- Bonjour, répondit elle sans même la regarder.
L'aura de Morgane semblait tant imposante que même la cheffe fit silence, le temps pour la brune de relever un regard cerné et noir vers elle.
- Je veux faire partie des Rebelles. Je souhaite donner tout mon argent.
Le regard, derrière le masque de bois de loup, de la vieille femme se posa sur Dimitri, inquisiteur. Celui-ci acquiesça d'un air désolé:
- Elle ne ment pas.
- Que s'est-il passé ? demanda doucement la Louve en s'asseyant autour de la table ronde élimée par le temps.
- Rien. Alors c'est bon ? demanda agressivement la Clay.
- Et bien, oui, nan ? dit Anne-Lise, étonnée. C'est bon, ma grande, t'es une Rebelle.
- Super, dit-elle d'un ton morne en regardant sous toutes les coutures la pièce.
Morgane Clay avait un but précis en venant ici. Et c'était assurément... Le début de la fin.
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