✺Chapitre 16: Servilus, l'infâme
Ses yeux bleus s'ouvrirent et papillonnèrent quelques instants. Un plafond couverts de moulures de mauvais goût lui fit face un instant, le temps qu'elle reprenne contrôle de son corps.
Elle sentait la fraîcheur sur son corps entièrement nu, seul un drap la cachait légèrement. Ses cheveux étaient étalés sur son oreiller, il fallait d'ailleurs qu'elle les lave, songea-t-elle. Elle leva une main, rassurée de voir que tout allait bien physiquement pour elle, et vit avec étonnement qu'il y avait une trace blanche de quatre doigts autour de son poignet, comme si quelqu'un l'avait attrapée et empêchée de partir, l'avait ceinturée avec force. Oh... Elle se rappela soudain ce qui l'avait amenée à être ici, dans le lit de Servilus.
Elle se tourna, redoutant de le trouver à côté d'elle, endormi, ronflant comme un porc, mais elle était seule. Elle se releva en gardant le drap contre elle pour cacher sa poitrine. Elle regarda autour d'elle, c'était bien la chambre de quelqu'un d'autre qu'elle.
Elle se leva, et se regarda dans la glace. Ses cheveux dévalaient ses épaules, en bataille, ses yeux étaient cernés par le stress. Elle avait quelques bleus sur les cuisses. Elle chercha ses habits, qui devaient certainement être par terre, mais ne trouva rien. Elle entra dans la salle de bain et trouva là ses habits de la veille, qu'elle enfila avec habitude. Elle se sentait si lasse, si lourde. Ses hanches étaient engourdies, cachant ce lourd secret qu'elle ne pouvait dire. C'était une femme sérieuse, concentrée, droite dans ses bottes. Elle devait continuer à jouer ce rôle, même s'il le dégoûtait. L'éthique n'avait plus d'importance. Elle jeta un regard noir à sa poitrine fatiguée, et trouva enfin des habits neufs. Elle enfila la tenue que Servilus avait laissée là pour elle, une tunique longue qui s'enlevait et se remettait au moyen d'une ficelle noire qui entrelacait son dos nus. Elle regarda le tissus dans le miroir. C'était plutôt joli, malgré son teint pâle comme la mort. Elle laissa ses anciens vêtements dans la salle de bain et sortit de la pièce.
- Et comment s'est passé le voyage ? Demanda Servilus d'une voix gourmande.
Il était assis sur le même fauteuil qu'hier, une main sur l'accoudoir. De l'autre, il tenait un verre et ses doigts boudinés tapotaient le liquide lorsqu'il le portait à sa bouche. De ses yeux porcins, il regardait cinq personnes debout devant lui comme s'il était un monarque et que c'était des demandeurs d'asile. Il les regardait, hautain, faussement sympathique. Il se tourna vers Iris et haussa un sourcil:
- Iris, je te présente nos invités, Kaloss Manson, Pandora Lane, Morgane Clay et Pandora Price.
Elle fut surprise en entendant ces nom. Kaloss était un tailleur renommé pour avoir fait presque toutes les tenues pour les Hunger Games du district 10, et les deux adolescentes étaient les gagnantes de cette année. Quand à la blonde qui regardait Servilus avec un éclat de poison dans les yeux... Tout le monde connaissait les Price. Seulement, lorsqu'elle se tourna, elle se rendit compte que quelqu'un manquait à l'appel... Valentin.
Lorsqu'elle croisa ses yeux, un frisson la parcourut. Depuis le temps qu'ils ne s'étaient pas vus, il avait grandi. Ses lunettes, autrefois noires et rondes, étaient dorées et relevaient ses yeux d'un marron or. Ses cheveux étaient rejetés en arrière avec un peu de gel, c'était classe. Il plongea son regard profond dans ses yeux, un courant d'air chaud traversa Iris en partant des jambes jusqu'à la tête. Elle s'apprêta à esquisser un sourire, avant qu'il ne regarde sa tenue du bas jusqu'en haut.
Elle était ainsi, pieds nus, jambes découvertes, seule la tunique pas plus basse que les cuisses cachait son corps, pourtant moulante. Elle regrettait maintenant de l'avoir mise, car le décolleté était trop grand à son goût. Elle comprenait maintenant pourquoi Servilus avait daigné lui préparer un change, c'était seulement un acte intéressé. Elle sentit ses joues s'empourprer, elle était état confuse et humiliée de se présenter ainsi à tant de gens et ce regard de fer qui la dévisageait. Elle répondit seulement avec sa voix sérieuse et impropre:
- Bonjour. Je vais aller ch...
- Reste là, lui ordonna Servilus en la regardant comme si elle n'était d'un ennui total. Que disiez vous, chers amis ?
- Morgane est blessée, nous voudrions savoir si rester au Capitole était possible avant de reprendre la tournée de la Victoire.
- Mais bien évidemment. Pourquoi Cassiopée Price est-elle avec vous ?
- Je suis ici pour mon plaisir, dit-elle détachée.
Elle hocha la tête envers Iris, lui montrant un signe de respect. Servilus le remarqua et dans son regard brilla une pointe d'agacement, de mépris et de jalousie. Il sourit, d'un sourire faux et carnassier, qui effrayait très souvent celui qui était visé par cette figure. Mais Cassiopée soutint son regard avec toute la rage de son regard méchant, et souffla:
- Merci bien. Autre chose ?
- Je me demande qui est bien l'autrice de l'attentat dans le premier district, dit Servilus, faussement songeur. Si je la prenais, elle passerait un mauvais cart d'heure.
- Vous n'irez pas loin avec l'epave qui vous sert de corps, railla la blonde.
- Oh, dit Servilus, destabilisé.
- Iris, Servilus, au plaisir de vous revoir.
Elle eut un sourire ironique et tourna les talons, suivis par tout les autres, un peu gênés.
✺
- Les voici donc au Capitole, dit Snow songeusement en liant ses mains.
- Exactement, dit Servilus en essayant son front.
- Et la petite Price... Savez-vous la nouvelle que l'on m'a fait parvenir, Zachary ?
- N-non ?
- Elle est déshéritée. Cassiopée Price n'est plus de la famille.
Le gros homme debout au milieu de la pièce ouvrit grand les yeux, la stupéfaction se lut sur son visage. Il bredouilla:
- Mais...
Et dire que ce matin même j'aurais pu essayer de la posséder, il ragea.
- Je ne sais que trop à quoi vous pensez, soupira le président Snow. Et c'est hors de question que vous touchiez à cette fille. Malgré le fait qu'elle soit sans argent et sans pouvoir, je vous rappelle qu'elle n'est pas seule. J'ai bien l'impression que le couple de gagnantes et elle sont devenues proches. Si vous touchez à elle, les caméras du Capitole se braqueront sur vous.
Il montra un écran de téléviseur derrière lui qui montra les images de Pandora Lane et Cassiopée Price, la blonde aux cheveux bouclés dans un lit et l'autre lui prenant la main. Servilus le regarda, et déglutit.
- Je ne les toucherais pas, assura Zachary Servilus.
- Vous tenez toujours autant votre parole, n'est-ce pas ?
Il hocha la tête fébrilement alors que le président levait sa tasse et prenait une gorgée de thé.
- La jeune Mentore Iris en est même le gage. Je suis déçu de vous.
- Je ... Enfin...
- Vous croyez que les caméras dont le Capitole regorge n'ont pas vus vos ébats nocturnes ? J'ai bien honte de vous. Vous jouez avec le consentement d'une jeune adulte.
- Elle était c-consentante !
- Elle disait oui sous la contrainte. Je suis légèrement agacé par votre comportement, Zachary Servilus, lorsqu'il s'agit de me mentir. Je suis au courant de l'histoire de cette fille du district 5.
- Mais écoutez moi... Elle s'est offerte à moi...
- En échange de votre protection. Ce n'était pas par pur état d'âme, vous êtes un grossier personnage.
Il se liquéfiait sous le regard méprisant de Snow, qui tenait cependant à garder un ton calme et froid. La tasse se posa sur son socle dans un petit bruit, le silence était de plomb.
- Mais après tout, Servilus... Faites ce que vous voulez, mais ne venez pas me voir lorsque cette petite tombera enceinte à cause de vos infamies.
✺
- C'est Iris, cette fille ?
Morgane tourna la tête vers Valentin avec inquiétude. Le long coup d'œil que les deux adultes s'étaient échangé ne lui avaient pas échappé. Elle avait vu entrer cette grande jeune femme dans la pièce et remarqué le contraste avec l'homme en surpoids déjà assis là. Tout en ces deux personnes contrastaient. La femme avait une carrure de sportive, des bras musclés et une mâchoire carrée. Elle avait un regard pénétrant, froid, imperméable et sérieux, malgré une tenue presque indécente tant elle était courte au niveau des jambes. L'homme, Servilus, n'était qu'un gros sac affalé dans un fauteuil, dévorant des petits gâteaux et de l'alcool, ses yeux decortiquaient chaque personne dans la pièce avec avidité, il mettait mal à l'aise Morgane.
Elle avait prit la main de Pandora derrière le dos de Valentin, entre eux, et s'était tournée vers son Mentor en l'écoutant parler. Cassiopée, à droite de Pandora, avait salué Iris de la tête. S'était ensuit ce long regard qu'ils avaient echangé, Iris et Valentin.
- Iris, oui... Répondit Valentin à voix basse.
Ils s'installèrent dans le petit salon de l'appartement que leur avaient prêté Servilus, qui comportait quatre chambres. Pandora et Morgane, tout naturellement, s'installèrent dans une chambre avec un lit double, et la brune songea à la fréquence de ses cauchemars et de ses angoisses nocturnes, qui pourraient réveiller Pandora. Elles en avaient vaguement parlées ensemble mais depuis sa blessure et le soupçon d'affection que Pandora et Cassiopée se portaient, Morgane ne lui parlait moins.
Cette dernière leur avait révélé qu'elle ne pouvait partir sans eux par soucis d'argent, qu'elle était à présent démunie et déshonorée par son père. Avec grand plaisir, Morgane l'avait vue humiliée et à leurs pieds, ce qui lui sembla une bonne vengeance contre la violence des coups mortels qu'elle lui avait porté. Depuis cet épisode, elle se tenait tranquille. L'épisode de l'alcool avait complètement été passé sous silence.
- De retour au Capitole... Je vais pouvoir voir Léonore.
- C'est qui, Léonore ? Demanda Morgane.
- Une amie. C'était une fille qui me maquillait pour les Hunger Games.
Morgane l'attira contre elle, assise sur le lit, et l'embrassa. Assise sur ses genoux, elle posa sa tête sur son épaule, et ferma les yeux:
- Tu n'as plus mal ?
- Ça va. Un petit pincement, parfois. La plaie est presque refermée.
- Ah. C'est cool. J'ai vraiment eu peur quand...
- Ne t'inquiètes pas. Et comment va ton... Amie ? Cassiopée ?
- Oh, bien.
Pandora ouvrit les yeux et releva la tête. Elle regarda Morgane dans les yeux, son visage contre le sien et demanda:
- Pourquoi tu as cet air bizarre ?
- Je trouve ça étrange que tu sois amie avec elle. Je... N'aime pas ça.
Elles se regardèrent dans les yeux, et Pandora caressa la mâchoire de la brune, qui était crispée. Peu à peu, elle se détendit et sa petite amie dit:
- Tu sais, à la fin des Hunger Games, quand on se faisait soigner ? Je suis sortie pour aller chercher Valentin. Tu sais sur quoi je suis tombée en ouvrant une porte ? Cassiopée.
- Quoi ? Au Capitole ?
- Ouais. Il y avait un homme avec quelque chose dans la main, et elle avait des bleus sur les bras. Elle a toujours des bleus sur les bras.
Morgane ne sut quoi dire, et gardait le silence.
- Je crois qu'elle se fait battre. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas par qui, parce que je ne connaissais pas l'homme, mais il lui arrive des trucs.
- Tu essaies de m'apitoyer sur son sort, c'est ça ?
- Mais c'est vrai ! Se défendit Pandora. Je te jure que... Mais je n'avais pas compris, à ce moment-là. Je commence seulement à me dire qu'il y a un pépin avec Cassiopée.
- C'est peut-être simplement une fille méchante, et puis voilà.
- Non. Je suis sûre que... Quelqu'un de mauvais ne peut pas avoir été amoureux, non ?
Morgane hésita:
- Je ne sais pas.
- Elle était vraiment amoureuse de Franck. J'ai vraiment de la peine pour elle.
Une voix claire se fit entendre:
- On parle de moi, ici.
La blonde aux cheveux bouclés, aux reflets dorés, s'était accoudée à la porte. Elle regardait le couple, l'air goguenarde.
- Salut Cassiopée. Ouais, on parlait de toi, répondit gentiment Pandora.
- Pourquoi ? Je suis si importante pour vous, c'est ça ? Ne me jetez pas des fleurs...
Elle ricana, mais s'avança dans la pièce. Morgane lui lança un regard noir.
- Oulah, y'en a une ici qui ne m'aime pas.
- Et avec raison... Tu ne t'es pas excusée pour lui avoir fait mal, dit Pandora posément. Tu peux le faire.
- Non.
- Pourquoi ? Grogna Morgane en fronçant les sourcils, la mâchoire serrée.
- Parce que je n'ai pas à le faire. Comment ça va ? Oh, je viens de me rappeler que je m'en fiche, en fait.
- Très drôle. On aurait dit un enfant.
- Génial, coupa Cassiopée en regardant Pandora. De quoi vous parliez ?
- Tu ... Te rappelles quand je t'avais vue, derrière cette porte ?
- Quelle porte ?
La blonde déglutit et posa une main sur l'epaule de sa petite amie, et lui dit doucement:
- Tu te faisais étrangler par un homme.
Cassiopée rougit, blêmit, le même éclat de transparence qu'elle avait vue plus tôt en elle, lors de leur conversation en face à face, reparut. Morgane, aussi témoin de ce changement brutal de comportement, haussa un sourcil. Une longue conversation devait s'ensuivre, et elle ne serait pas plaisante pour Cassiopée.
✺
Nicolas regarda la Louve, éberlué, et répondit sèchement:
- Non.
- Ecoutez, Nicolas Lane... Je ne vous demande pas cela pour le plaisir.
- Ma soeur n'est pas un outil pour cette guerre !
- Vous tenez donc à perdre votre place à nos côtés dans l'équipe des rebelles du district 10 ?
- Mais non ! Pourquoi ma soeur ? Vous pourriez prendre mes frères aussi, et sauf votre respect, je ne vois pas la différence.
- Premièrement, l'argent. Deuxièmement je suis tenue au secret. Vous commencez à dépasser les bornes.
- Excusez moi. Je suis attaché à ma famille.
- C'est parce que vous êtes une famille recomposée ? C'est très peu courant, autant d'amour fraternel pour une petite qui n'a pas de lien de sang dans une famille peu riche.
- Tout mes frères et sœurs ont étés abandonnés, vendus, traités de la pire des façons. Ne venez pas chercher de logique. Je les aime tous comme mes frères et soeurs.
- Et votre père ?
- Il se fait vieux. C'est moi qui m'occupe de la famille maintenant... Et j'aimerai ne pas mettre ma soeur dans la sauce. Elle est bien où elle est.
- Au Capitole. Aux côtés de Snow. Vous savez que si elle ne revient pas bientôt, elle sera complice de tout leurs crimes. Elle participe, indirectement, à toute la souffrance des districts.
- Je sais mais... Vous me posez un dilemme impensable. Demander à ma soeur de rejoindre les rebelles, ou la laisser se salir les mains près des grands tueurs du Capitole ?
- Je vous laisse une semaine pour l'appeler et faire votre choix. Je ne serais pas responsable de sa vie par la suite.
Nicolas fut parcouru d'un frisson, il regarda la Louve, derrière son masque. Aucune émotion. Il détourna le regard et soupira profondément.
- D'accord. Pour Panem.
- Pour Panem.
✺
Morgane avait décidé de prendre sa vie en main. Depuis qu'elle avait été désignée à la Moisson pour participer aux Hunger Games, depuis qu'elle avait fini de tuer tout les tributs de l'arène, elle s'était sentie si vide de se laisser diriger ainsi. C'était sa vie, bordel ! Pas celle de son Mentor ou celle de Kaloss, ou encore celle de Caesar Flickerman ou Snow.
Faussant compagnie à sa troupe, elle s'était engouffrée à l'extérieur de leurs appartements. Le monde du Capitole s'était alors ouvert à elle, aussi étrange et fantastique que ce qu'elle s'était imaginée.
Là-bas, avait-elle écrit à sa famille, tout le monde a une histoire plus ou moins extraordinaire dont ils sont le héros. Tout les jours ils se réveillent pour manger des tonnes, boire des litres et vivre dans l'euphorie la plus totale. Ils sont inconscients de ce qu'ils font, ce qui se passe en dehors. La plupart me disaient que les gens qui travaillaient dans les districts n'étaient que des machines sans émotions et sentiments. Chaque jour ils ont de nouveaux habits luxueux, de nouvelles peaux faites par les meilleurs chirurgiens qui sont trop occupés à satisfaire des gens que d'en sauver d'autres. Personne n'est vraiment heureux mais dire qu'ils sont tristes est faux. Ce sont tous des morts-vivants pleins de vie qui marchent sur la montagne de cadavre de districts.
Elle se promena, regarda des hommes aller vomir dans des toilettes pour se remplir le ventre à nouveau de plats délicieux. Lasagnes au saumon, fricassée de petits pois à la sauce de boeuf, oeufs de poissons frits dans une sauce d'huile et de sperme de taureau, pieds de porc servis avec des pommes au four, tartines de caviar sur un lit de perles de tapioca, pommes de terre servies avec des harengs frais cuits avec des ailes de poulets élevés dans la meilleure des conditions.
Les senteurs des cuisines n'alléchaient pas Morgane qui préférait de loin ce qu'elle pouvait cuisiner elle-même, quitte à ce que cela soit du pain rassis dans l'huile. Elle hésita à prendre une pâtisserie pour sa petite amie, mais s'était décidée à marcher les mains vides.
- Alors, ma jolie ? Dit une voix aiguicheuse.
C'était un homme de grande taille pourvu d'un maquillage sensé le rendre attirant. Il était pourvu d'un body faisant ressortir son corps avantageux, et regardait Morgane avec indécence.
- Euh, je suis déjà prise, marmonna la concernée avec malaise.
Elle s'écarta de cette personne qui semblait être un travailleur du sexe, mais celui-ci était déjà passé à autre chose. La brune continua son chemin.
Déjà, le soleil se couchait, elle sentit qu'elle s'éloignait vraiment de ses appartements. Les gens ne la regardaient plus lorsqu'elle passait, ils commençaient à chuchoter et le silence emplissait les pièces, les couloirs et les balcons fait d'or. Les couleurs, rouge, jaune, vert, bleu, devenaient grises, bleues, noires et blanches. Les pièces se vidaient peu à peu, Morgane se retrouvait souvent seule. Elle décida donc de rentrer chez elle, mais se souvint qu'elle ne savait ni le nom ni l'emplacement de sa chambre. Elle chercha donc autour d'elle, et appuya sur l'épaule un inconnu qui passait furtivement à grandes enjambées.
- Excusez-moi ?
Elle décida de demander l'emplacement des appartements de Servilus, vu qu'elle ne savait pas comment identifier les siens, et espérait que le doyen était assez connu pour que tout le monde puisse l'aider.
La femme à qui elle avait demandé se retourna vers elle, et Morgane eut des frissons. La brune se pensait grande, elle l'était d'ailleurs plus que Pandora et Cassiopée mais celle-là faisait bien une tête de plus qu'elle. Son visage était taillé au couteau, une mâchoire puissante qui rendait sa diction hachée et directe. Ses lèvres étaient rosées, pulpeuses, légères et contrastaient avec la profondeur et le sérieux de ses yeux bleus comme une rivière.
- J'y allais. Suis-moi.
Morgane lui emboîta le pas, et dût courir pour être à sa hauteur.
- Vous êtes Iris ?
- Oui.
- Vous étiez Mentore n'est-ce pas ?
- Oui.
- Pourquoi vous ne l'êtes plus ?
- J'ai autre chose.
- Vous faites quoi maintenant, alors ?
- D'autres choses.
Iris sembla ennuyée par les questions et changea de sujet après un long silence.
- Et toi tu es Morgane Clay.
- Gagnante des Hunger Games, grimaça la brune. C'est moi.
- Alors, heureuse ? Tout le monde ici rêve de l'être, devant les projecteurs et le devant de la scène.
- C'est horrible, confia Morgane. J'imagine que vous l'avez vécu aussi.
- C'est comme ça. Après les Hunger Games, tu reviens changé. J'imagine que tu n'as pas échappé à la case: "Cauchemars"
- Comment savez-vous ? S'écria Morgane, stupéfaite.
- Ce n'est pas sorcier. J'ai vu ces 95èmes Hunger Games... À part Franck et Cassiopée Price, il n'y a presque que toi qui t'es bougée et qui a tué des tributs. C'était courageux, mais tout cela a un prix.
- Vous avez fait des mauvais rêves vous aussi ?
- Oui... J'en fais parfois. Mais avec le temps, ça passe.
Un grand silence s'installa encore entre les deux femmes qui marchèrent l'une à côté de l'autre.
- C'est quelqu'un de votre famille le doyen Servilus ?
- Non.
- Pourquoi étiez-vous dans sa chambre alors ? C'est votre mec ?
- Non.
- Ouf. Il est... Euh, un peu spécial. Il me met mal à l'aise.
Iris la regarda longuement mais ne dit rien. Morgane se sentit obligée de relancer la conversation, intriguée par cette femme d'une beauté étrange. Elle semblait comme bloquée dans une bulle, un espace-temps où elle revivait toujours les mêmes choses de la même façon sans s'en départir.
- Mais pourquoi vous étiez avec lui comme ça ?
- Je t'en pose des questions, moi ?
- Non, mais vous pouvez, se défendit la brune avec un sourire.
- Je trouve ça inutile, soupira Iris. Et je n'ai pas besoin de choses inutiles pour avancer et avoir une grande carrière.
- Vous voulez faire quoi ?
- Devenir doyenne.
- Waw ! C'est stylé.
- Merci.
Morgane tourna la tête vers la brune et croisa son regard grisâtre.
- Pourquoi vous êtes triste ? Vous savez je ne suis ni bavarde, ni curieuse, ni spécialement intuitive, mais vous m'intriguez vraiment.
- Je ne suis pas triste.
- Pourquoi vous ne souriez pas alors ?
- Parce c'est inutile.
- Vous croyez ? C'est un peu triste. Ce n'est pas parce que vous êtes sérieuse que vous devez être triste.
- Je t'ai déjà dit que je n'étais pas triste.
- Je ne vous crois pas.
- D'accord, soupira Iris pour la troisième fois.
- Vous savez, la Mentore d'un ami s'appelait Ibis. Vous la connaissez ?
- Ce n'est pas parce que son prénom ressemble au mien que nous sommes proches. Je ne sais pas qui c'est.
- Apparemment, elle était alcoolique. Et Cassiopée a dit que tout les Mentors étaient alcooliques. C'est vrai ? Demanda songeusement Morgane.
- Et bien... C'est une bonne question. Je ne connais pas la réponse à cela.
- Et vous avez de la famille au Capitole ?
- Non.
- Vous n'êtes pas bavarde, hein.
- Non.
- Pourquoi ?
- C'est inutile.
- Donc vous allez me laisser parler jusqu'à ce qu'on arrive ?
- Oui.
- Vous avez quelqu'un ?
- Non.
- Ah oui. Ca ne m'étonne pas, vous ne dites rien.
- Par choix personnel, rectifia Iris, légèrement agacée.
- Ha ha ! Je vous ai vexée. Mais non, vous êtes très jolie, vous trouverez très rapidement si vous le voulez.
- Et toi ? La petite Lane, c'est ça ?
- Elle n'est pas petite, se défendit l'adolescente. Ouais, c'est ma meuf.
- À quand le mariage ?
Morgane rougit et éclata d'un rire gêné. Se remettant de sa surprise, elle bafouilla:
- Pas prévu du tout.
- Soudainement c'est toi qui perd ta langue. Tu devrais te marier avec elle. Ça te protégerait de beaucoup de choses.
- De quoi ?
- La tentation d'ouvrir la boîte de Pandore, de te piquer ta blonde... Tu n'es pas à l'abri de te faire embaumer par une autre qui t'éloignerais d'elle.
- Pardon ? Si ça arrivait, c'est que l'on était plus faite l'une pour l'autre
- Mmh.
Elles se turent, et continuèrent de marcher.
- Vous avez une vision étrange de l'amour.
- Je suis directe. C'est différent.
- C'est un peu triste. Vous pensez que vous êtes triste naturellement ?
- Je. Ne. Suis. Pas. Triste, articula l'adulte avec une moue ennuyée.
- Ah oui, pardon, j'avais oublié. Mais vous l'êtes quand même un peu ?
- Non.
- Donc vous passerez votre vie à faire la gueule comme ça ? Qu'est-ce que la vie vous a fait ?
- Elle a fait que j'ai guidé la mauvaise adolescente et qu'elle n'arrête pas de me poser des questions.
- Vous n'aimez pas les questions parce que vous ne savez pas y répondre. Pourquoi vous avez perdu de vue mon Mentor ? Vous étiez du même district pour les Hunger Games, pourtant.
- J'avais des choses à faire. Être Mentor c'est l'être à plein temps.
- Mais vous ne l'étiez pas cette année.
- Je suis fatiguée de tes questions.
- Et moi j'en ai pleins. J'essaie de comprendre comment ce lieu marche, pour mieux tout faire péter.
- Tout faire péter ?
- C'est de la merde, tout ça. On le sait toutes les deux... Personne ne tient debout à cause de l'alcool, de la malbouffe, de la merde partout.
- Cela fait plus de vingt ans que tout le monde essaie de faire tomber ce systeme. Personne n'y arrive. Et toi, tu arriverais et tu ferais tout péter ?
- Ouais. Je suis Morgane Clay, putain, et je vais tout casser.
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