Chapitre 7: Lunettes à immersion
Le Valet de coeur ouvrit la porte, sans ménagement. Alors que le gond grinçait, et que le bois de la porte venait taper le mur à sa droite, Cassiopée sursauta.
Elle était assise dans le lit double à l'autre bout de la pièce, une couverture cachant le bas de son corps jusqu'à sa taille. Ses yeux noirs regardaient les lueurs vives de la télévision. Elle était captivée par ce que les informations racontaient, mais le bruit de la porte l'avait fait sursauter.
Le Valet de Coeur se demanda s'il fallait dire quelque chose, mais la regarda plus longtemps. Derrière son masque brouilleur, personne ne pouvait voir son visage, personne ne pouvait savoir où il regardait. Ainsi, il l'observa sans être inquiété.
Ses cheveux n'étaient jamais en bataille, des boucles blondes bien définies. Elle avait des créoles, et une mèche de cheveux descendait de devant son oreille jusqu'à son épaule. Ses lèvres étaient roses...
Le Valet de Coeur concentra son regard sur autre chose. C'était ridicule.
- Qu'est-ce que tu fais là à me regarder comme un con ?
Le Valet regarda ces yeux froids posés sur lui. Il n'esquissa pas un mouvement.
- Tu veux quand-même pas que ça soit moi qui t'enlève ton manteau ? dit-elle avec ironie, ne bougeant pas du lit.
Le Valet leva les yeux au ciel, et, malgré l'épaisse apparence qui le cachait du regard extérieur, on sentait son agacement. Il s'installa sur une chaise, rangea son sac quelque part et s'affaira derrière le comptoir. Cassiopée posa son regard ardent sur lui:
- Arrête de faire du bruit.
Elle se trouva une nouvelle passion: l'agacer. Ainsi, il ne pourrait l'ignorer. Si ça se trouve, il la renverrait chez elle, tant il en aurait marre ! Elle sourit rêveusement à cette pensée.
- Et c'est pour quand, cette progéniture ? M'est avis que tu ne fais pas ton devoir conjugal.
Le fait de se faire toucher par un homme, à ce moment-là, lui inspirait les plus grandes frayeur. Lorsqu'elle sortait avec Ness, elle avait eu un peu de mal à lui inspirer des envies charnelles. Le garçon était bien innocent et ne voulait pas passer pour un accro en lui donnant toujours ce qu'elle voulait. Seulement, là, elle se sentait simplement blessée.
Repenser à cela lui monta les larmes aux yeux. Elle baissa les yeux, et se cacha derrière la couverture pour qu'il ne voie pas son inconfort. Elle respira un bon coup, crispant ses yeux fermés. Puis, elle les rouvrit, et vit le cadavre de Franck, dans son lit, près d'elle. De ses yeux laiteux de mort, il la regardait. Une moue cadavérique de mort couvrait son visage horrifiant, couvert de sang...
Elle hurla. Pour une fois, elle n'avait pu se retenir, affolée par ce que son esprit lui faisait voir. Le Valet et elle sursautèrent, alors qu'elle se levait du lit, comme brûlée.
Elle avait le souffle en pagaille, les yeux écarquillés. Ses mains tremblaient légèrement, agitées de spasmes. La vision du corps, près d'elle, du souffle chaud de Franck dans sa nuque lui donnait la nausée. Elle était si dérangée par cette vision qu'elle ne sentit pas le Valet près d'elle.
- Ça va ?
- O-oui.
- Je vois bien que ça ne va pas.
- Mais est-ce que je me mêle de tes affaires de fou, à toi ?!
Elle se retourna vers lui. Vers la main entourée d'un épais gant qui s'était posée sur son épaule et qui la brûlait. Elle ne voulait pas qu'il le touche. Ça lui était insupportable. Et la peur et la surprise dans son esprit faisaient place à de la colère. De la colère pure, vive, contre le Valet de coeur.
- Laisse-moi tranquille ! Est-ce que je pose des questions sur toi, d'abord, en te faisant chier ?! Non !
Elle enleva d'un coup de main sec le gant du Valet.
- Espèce de sale bonhomme. Connard !
Il recula d'un pas. Malgré son masque, on devinait son incompréhension.
- Va te faire ! Laisse-moi tranquille.
Avec des bruits de chat furieux, elle claqua la porte, laissant le Valet seul, confus.
✺
- Il est quelle heure ? demanda Pandora en regardant le réveil, dont elle ne pouvait voir les aiguilles.
- Sept heures, dit Morgane en passant une main dans ses propres cheveux.
- Mon dieu, dit la blonde en posant sa tête contre un oreiller.
Elle dit d'une voix étouffée, fatiguée:
- J'en peux plus. Gueule de bois...
- La même chose pour moi.
Elles rirent de leur mésaventure. Depuis une semaine, elles buvaient tant qu'avoir un mal de crâne terrible le matin faisait partie de quotidien. La dernière fois que Pandora se rappelait avoir entré dans cette chambre, c'était coiffée d'un panneau publicitaire, avec trois personnes qui la soutenaient pour marcher.
- Merde merde merde. On devait voir Bang Lee ce matin, dit Morgane en se massant le crâne.
Dans un soudain accès de surprise, Pandora se releva, chancelante:
- Bang ? Bang Lee ? C'est le nom d'un fusil ?
Elle éclata de rire, tombant au sol sous l'hilarité.
- Oh, c'est bon. Je me suis trompée, c'est Dan Lee. Arrête de parler aussi fort ça me nique les oreilles, dit la brune, vexée.
Elle se leva à son tour pour s'habiller rapidement. Puis, elle jeta à Pandora un coup d'oeil irrité:
- Relève-toi ! Ce n'est vraiment pas le moment de rigoler. Tu sais bien que si on est en regard, il va nous faire chier.
- Il fait tout le temps chier, de toute façon, dit Pandora en se poilant au sol.
- J'y vais sans toi, déclara alors sa petite amie d'un ton acerbe.
Elle replia sur elle les pans de son kimono et sortit de la pièce. Après quelques temps de marche, où elle craint de croiser quelques personnes qu'elle connaissait, elle arriva à la bonne porte...
Ou plutôt, elle s'était trompée de porte. Les yeux lui piquant, la tête bourdonnante, elle n'avait pas l'esprit clair et s'était totalement emberlificotée dans son chemin. Elle soupira et se massa les tempes.
Lorsqu'elle eut enfin trouvé le bon local, elle toqua, déjà énervée et à fleur de peau.
- Ah, tu es là. Je vous attend depuis vingt minutes, dit l'ingénieur en fronçant les sourcils.
- Ouais... Pandora ne sera pas là. C'est pas grave non ?
Dan la regarda avant de soupirer.
- Mon dieu. Si on te faisait passer un test d'alcoolémie, tu ferais dérailler l'appareil.
- J'ai décuvé, avoua la brune de sa voix grave.
- Bon. Ce n'est pas grave, dit-il d'une voix lourde de reproches. Je voulais VOUS voir à la base pour vous proposer une idée, un prototype qui serait plus qu'intéressant.
Il l'emmena à travers tout un fatras d'objets en tout genre. Elle contempla une étrange machine reliée à la pièce avec des câbles. En enjambant une grosse liasse de câbles qui ressemblaient à un serpent qui glisserait sur le sol entre leurs pieds, elle écouta l'homme parler.
- Tu vois, les Hunger Games. Tu les regardes ? demanda Dan Lee.
- Ouep, dit Morgane en se grattant le crâne, curieuse de ce qu'il allait lui présenter.
- Et bien il faut savoir que tout le monde s'affole chez les doyens en ce moment. Il y a beaucoup de gens qui ne regardent pas, qui ne regardent plus. Problématique, non ?
- Euh...
- Donc voilà. J'ai inventé, à titre de prototype encore, des lunettes 3d. Elles permettront à tout ceux qui regarderont les Hunger Games d'avoir une vraie vue en plongée sur les participants ! Une expérience immersive !
Morgane ne paraissait pas trop emballée par l'affaire, malgré l'air très content de l'homme asiatique, qui s'affairait.
- Euh...
- C'est la gueule de bois qui te fait aligner ces "e" comme ça ? demanda-t-il au bout d'un moment, vexé par son air dubitatif.
- Non mais... Enfin j'y réfléchis, dit-elle en faisant un effort pour ne pas dire non. Je ne prend pas tout de suite ma décision.
- Mmh.
Dan plissa les yeux, remarquant son détachement par rapport à son projet.
- Tu sais quoi ? Je vous en donne 2 prototypes, une chacune. Vous les essayez pendant le temps que vous voulez pour les prochains Hunger Games, et vous me dites. Vous serez convaincues d'ici là, on parie ?
- Ah... Bah merci.
Peu convaincue, au contraire, elle prit mollement les étonnantes lunettes qu'il lui donna.
- Allez, ouste maintenant. Tu reviendras avec Pandora.
- Hé...!
Il lui claqua la porte au nez.
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