Chapitre 49: La fin des Jeux
Cassiopée se figea en regardant la mort en direct de son cousin.
Voir son cadavre s'écrouler, le sang s'écouler de ses plaies, alors inconscient. Ses pupilles s'écarquillèrent en voyant ses assaillants, ses meurtriers, se relever courageusement. Elle serra les poings, n'arrivant pas à détacher ses yeux d'Azur. Le jeune Price partageait son nom, mais aussi sa couleur de cheveux très blonde, et sa richesse. Elle et lui étaient pareils.
Elle ne savait pas que dire, sa gorge était nouée, sans voix. Un rythme sourd battait à ses tempes. Cela faisait bien peu de temps qu'elle n'avait pas perdu un proche. D'abord sa mère, puis Franck, puis Ness... Un nœud déchira son ventre alors que chacun d'eux apparaissaient à ses côtés, défigurés.
- Laissez-moi tranquille, marmonna-t-elle à l'intention de Ness et Franck, ceux qui la tourmentaient le plus pour être aux côtés du Valet.
Angelina, les yeux rivés sur la télévision aussi, tourna son visage parsemé de taches de rousseur vers elle d'un air intrigué. Cassiopée avait sa tête habituelle, renfermée, hautaine, méprisante. Mais la rousse ne s'arrêta à pas à au coup d'œil condescendant qu'elle lui adressa:
- Quelque chose ne va pas ?
- Nan, répondit sèchement Cassiopée en baissant les yeux, essayant de faire abstraction des exclamations de combat provenant du poste devant elles.
Le Valet de coeur plissa les yeux à nouveau. Elle qui était tournée vers la foule de gens qui se tenaient dans la pièce, elle se redressa face à la blonde pour plonger ses yeux muets dans les siens, lui arrachant un frisson. Elle corrigea son ton, lui adressant à nouveau sa question:
- Quelque chose ne va pas.
- Rien, je te dis, répéta Cassiopée en faisant claquer sa langue contre son palais dans un langage impérieux.
- Tu fais cette drôle de tête quand tu es triste.
- Je fais toujours cette tête.
- Tu es toujours triste.
- Nan. Laisse moi tranquille.
Angelina se pencha vers elle et passa son pouce sur la joue gauche de Cassiopée, essuyant un brin de plâtre qui collait à sa peau. Passant sa langue sur ses lèvres pour les dessécher, elle la sonda longuement en disant d'une voix douce:
- Je vais t'embrasser.
- Hors de question, dit Cassiopée en sentant son pouls s'accélérer furieusement.
- Tu vois, que tu n'es pas bien. Tu veux qu'on sorte ?
- Non je... Je ne veux pas rater la fin des Hunger Games. Rien que pour Morgane et Pandora... souffla-t-elle.
- Assied toi sur mes genoux, proposa la grande rousse, enveloppant son aimée dans ses grands bras vêtus de nombreuses couches de tissus.
Le bisous qu'elle déposa sur son front fit immédiatement fondre la blondinette qui, conquise, se blottit contre elle avec gratitude. Gênée de sentir le regard attentif de Angelina sur elle, la Price concentra son regard sur l'écran.
A côté d'elles, Dan Lee se tenait debout, fusillant tout ceux qui regardaient d'un air intéressé le petit couple se câliner. Cependant, personne n'y faisait vraiment attention.
Pandora pleurait à chaudes larmes de la mort de son disciple, Morgane faisait la pierre (c'est à dire faire semblant que ça ne l'atteint pas mais être pâle comme la mort), Kaloss commentait bruyamment chaque action, Amos Dolorès restait de marbre et regardait presque avec ennui. Léonore semblait ravie d'être là et choquée de voir Pandora pleurer, et Iris avait une main sur la bouche, sûrement pour cacher sa peine.
Dan Lee reconcentra son regard sur l'écran. La fille aux cheveux noirs coupés en carré court venait de planter sa lame dans le coeur de son ennemi, nommé Cléon. Iris retint son souffle, et regarda Kaloss avec inquiétude.
- Il ne reste que Salomé et elle.
- Impossible de la voir pour l'instant, elle doit être hors champ des caméras, répondit Kaloss à voix basse. J'espère qu'elle s'est relevée.
Pandora redoubla de larmes lorsqu'elle entendit le coup de canon retentir à l'écran, inondant plusieurs paquets de mouchoir que Morgane lui tendait, tremblante de tout son long. La photo de Cléon apparut à l'écran, ainsi qu'une courte biographie. Il n'en fallut pas plus pour déclencher des larmes de la part de Cassiopée qui disparut sous la chemise de sa rousse, cachant sa faiblesse aux yeux de tous. Iris aussi avait la vue brouillée par des larmes mais elle les chassa bien vite, se reprenant.
Ces enfants sont des victimes et laisseront un vainqueur couvert de leur sang.
Elle chassa ses pensées et se leva avec lenteur pour épargner son état de femme enceinte, et vint poser ses deux mains sur les épaules de Pandora.
- Tout va bien... Salomé s'est relevée.
Un murmure passa dans l'appartement, Cassiopée releva sa tête cachée dans la poitrine d'Angelina, Kaloss se tut soudain, Amos Dolorès pâlit et fit un pas en arrière, Léonore était occupée à se sortir une crotte de nez et Morgane réprima un haut-le-coeur.
Salomé faisait face à la meurtrière du district 2... Salomé contre Gladys, le district 1 contre le district 10.
*
Gladys calma son souffle, pataugeant dans une boue qui semblait suspecte... Et bien trop proche des deux cadavres qu'elle venait de tuer. Le corps sans vie, agité de soubresauts de Cléon l'horrifiait. Si c'était elle qui lui avait fait tout ce qu'on voyait sur son corps désarticulé... Elle était réellement le monstre qu'elle voyait dans le reflet des yeux de Salomé.
Cette dernière était ici, chancelante, au milieu du sang et des membres éparpillés. Des éclaboussures de sang entachaient son visage habituellement moqueur. Gladys déglutit en la voyant si déroutée.
Comme un ange tueur, annonciateur de la mort, elle était au milieu des corps du district 2, la regardait fixement comme si elle venait de voir une nouvelle proie à se repaitre.
- Il ne reste... Que nous, dit Salomé d'un air incrédule et horrifié.
- Azur est mort... Je suis désolée. Vraiment désolée.
Elle bredouilla ces mots sans vraiment savoir si elle était réellement touchée par sa mort. Mais la peine et le choc qui se répercuta sur le visage de la brune lui fit l'effet d'une bombe à retardement. La métisse recula, comme brûlée.
- Ce n'est pas moi qui l'ai tué. Je te jure... Je ne pensais pas qu'ils s'attaqueraient à lui... J'ai essayé de le prévenir. Je l'ai vengé... Je...
Elle marmonna les derniers mots, les yeux écarquillés. Elle venait de prendre conscience de l'horreur de la scène. Du fait qu'elle avait tué deux personnes de sang froid et que Salomé la rendait coupable de trois.
La brune se tenait immobile au bord de la clairière. Elle se tenait là, le visage marqué par la fatigue, ses vêtements tachés de sang et de terre. Salomé sentait sa gorge se nouer à la vue de son ancienne collaboratrice, la douleur et l'incompréhension mêlées à une colère qu'elle peinait à contenir.
Gladys la regarda, ses yeux rencontrant ceux de Salomé avec une intensité presque désespérée. Elle ouvrit la bouche pour parler, mais Salomé la devança, sa voix trahissant l'ouragan d'émotions qui l'habitait.
- Comment as-tu pu ? lança Salomé, les mots jaillissant comme une flèche.
- Je ne l'ai pas fait.
Gladys baissa les yeux, son visage exprimant une tristesse écrasante. Les larmes inondèrent les yeux de Salomé alors qu'elle réalisait l'ampleur de la situation. Son cœur se serra sous le poids de la douleur et du remords, ses épaules s'affaissant légèrement. Elle savait, au fond d'elle-même, que Gladys ne mentait pas. Mais la vérité était une pilule amère à avaler.
- Gladys, murmura Salomé, sa voix se brisant. J'espère qu'il n'a pas souffert.
Gladys s'approcha doucement, tendant une main tremblante vers Salomé.
- Je suis désolée. Je suis tellement désolée.
Salomé hésita un instant, puis, lentement, elle prit la main de Gladys. La chaleur de ce contact, aussi fragile soit-il, réchauffa un peu la froideur qui s'était installée entre elles. La brune ferma les yeux, mais bientôt elle sut que tout cela n'était qu'un piège.
Se saisissant de son poignet, la métisse le fit tourner pour bloquer le bras de Salomé jusqu'à l'épaule. Puis elle tournoya sur elles, pour se retrouver dans le dos de la carrière du district 1.
- QU'EST CE QUE TU FAIS ?! rugit Salomé, essayant à tout prix de se libérer.
- Je suis vraiment désolée... L'une de nous doit vivre.
- TU M'AS TRAHIE ! hurla Salomé, emplie de rage.
Gladys n'en menait pas large. Elle déglutit, usant de toutes ses forces pour contenir la jeune fille qui se débattait.
- GLADYS ! NE ME LAISSE PAS !
Celle-ci laissa échapper un sanglot d'épuisement, et secoua la tête:
- Pour mon petit frère, Salomé... Je dois le faire pour lui.
A ces mots, son assaillante écarquilla les yeux et hocha la tête, se mordant la lèvre. Elle n'avait plus rien, elle. Sa mère était morte, anonymement assassinée par le président Snow. Azur était mort lui aussi, et ses deux Mentores n'étaient plus qu'un vague souvenir heureux.
Elle, elle avait son frère. Une famille, peut-être. Des gens qui tenaient à elle autant qu'elle tenait à eux. C'était injuste de penser que sa vie devait valoir plus que la sienne, autant injuste que de participer aux Jeux.
Mais Salomé avait décidé de jouer aux Jeux de la faim. Jusqu'à la fin. Et elle tirerait sa révérence devant toutes les caméras avec courage et brio.
- Are you, are you, coming to the three... murmura-t-elle.
Gladys avait des larmes dans les yeux, l'impression que tout son corps était spongieux et mou. Mais elle ne pouvait pas faiblir. Pas se remémorer les moments qu'elles avaient passé ensemble, leurs baisers, les regards qui ne trompaient pas... Elle ne pouvait plus aimer cette fille qu'elle était destinée à tuer de toute façon. Elle ne devait plus réfléchir.
Elle lui donna un gros coup de pied dans le bas du dos, et Salomé s'écroula sur le sol en couinant de douleur. Gladys, les yeux couverts d'un voile gris, signe qu'elle déconnectait sa propre conscience de ce qu'elle prévoyait de faire, leva son poignard déjà ensanglanté.
Salomé tourna son regard et déglutit. Malgré le fait qu'elle aurait pu ramper pour lui échapper quelques secondes de plus, quelques minutes de plus, elle n'était pas idiote au point de nier la réalité.
L'une d'entre elles allait mourir aujourd'hui pour sauver l'autre. Et Salomé serait ce sacrifice, elle s'y était résignée.
Le poignard s'abattu sur elle.
Mais fut retenu par la personne qui le tenait elle-même. Ses yeux semblaient soudain figés, elle ne semblait plus respirer. La tension dans l'arène était palpable, un silence lourd pesant sur la clairière où Gladys et Salomé se faisaient face. Autour d'elles, le paysage avait pris des airs de cauchemar, la végétation dense semblant se refermer sur elles comme pour assister à la scène qui allait se dérouler.
Depuis les imposants écrans de contrôle, les yeux avides du Capitole observaient chaque mouvement, chaque souffle. Ils avaient décidé que le temps était venu de transformer cette amour tragique en un ultime spectacle de soumission et de désespoir. Les tributs n'étaient, après tout, que des pions dans leur jeu cruel.
Gladys avait l'esprit embrouillé. Une douleur lancinante pulsait à l'arrière de son crâne, une sensation qu'elle n'arrivait pas à dissiper. Elle se tenait immobile, les yeux dans le vague, tandis que la voix métallique du Capitole résonnait dans sa bouche.
- Salomé Snow est officiellement reconnue par son père, Coriolanus, comme sa fille.
Salomé, en état de choc, sentait quelque chose d'étrange dans le regard de Gladys. L'asiatique semblait absente, presque comme si elle était en transe. Gladys cligna des yeux. Elle luttait pour reprendre le contrôle, mais c'était comme si une force invisible lui enserrait l'esprit. Ses propres mains tremblaient, luttant pour rester immobiles. Elle pouvait sentir l'influence du Capitole, omniprésente et implacable, qui cherchait à guider ses actions.
Elle sentit sa main se lever lentement, armée du couteau, la peur montant en elle comme une marée noire. Salomé vit le mouvement et fit un pas en arrière, incertaine de ce qui se déroulait sous ses yeux.
- NON ! GLADYS !
Dans l'esprit de Gladys, c'était le chaos. Des images de sa vie passée et des souvenirs de ses moments partagés avec Azur et Salomé tourbillonnaient, se heurtant aux ordres froids du Capitole.
Mais le Capitole avait perfectionné l'art de la manipulation mentale. Un dispositif implanté dans son crâne au début des jeux s'était activé, envoyant des impulsions dévastatrices à son cerveau. Elle pouvait entendre les murmures insidieux lui ordonnant de mettre fin à sa vie, de transformer sa mort en spectacle pour divertir une audience avide de drame.
Salomé recula, rampant dans l'herbe, le cœur battant à tout rompre.Gladys trembla, luttant contre elle-même alors que sa main agrippait le couteau. Les larmes lui montèrent aux yeux, un cri de douleur et de frustration menaçant d'éclater de sa gorge. Elle était piégée dans son propre corps, spectatrice de ses mouvements.
Un souffle de lucidité traversa son esprit, et elle comprit ce qui allait se passer. Le Capitole, voyant qu'elle faiblissait, intensifia les impulsions.
Elle plongea le couteau dans son propre abdomen, entre ses deux seins, légèrement à gauche. Tombant en arrière, elle entendit Salomé crier, puis... Plus rien.
La scène se déroulait au ralenti pour Salomé, comme si le temps lui-même s'était figé dans une ultime tentative de retarder l'inévitable. Gladys était tombée à genoux, son visage blême et sa respiration irrégulière. L'étincelle de vie qui animait ses yeux vacillait dangereusement, luttant contre l'obscurité grandissante.
Une douleur lancinante envahit le cœur de Salomé, se propageant dans tout son être. Elle avait l'impression qu'on lui arrachait une partie d'elle-même. Le spectacle de Gladys s'effondrant devant elle réveillait un chagrin dévastateur, accompagné d'une impuissance insupportable.Chaque souffle difficile de Gladys résonnait comme un coup de poignard dans le cœur de Salomé. Elle sentait la rage contre le Capitole s'enflammer en elle, une colère ardente alimentée par l'injustice de cette tragédie. Mais au-delà de la colère, c'était une tristesse écrasante qui dominait. Elle voyait s'éteindre non seulement une vie devant elle, mais aussi la promesse d'un avenir meilleur, d'une rébellion inachevée.
La gorge de Salomé se serra tandis qu'elle s'agenouillait auprès de Gladys, attrapant ses mains froides. Elle sentait sa propre respiration s'accélérer, chaque battement de son cœur résonnant dans sa poitrine comme un tambour funèbre. Ses yeux s'emplirent de larmes, brouillant sa vision, mais elle refusait de détourner le regard.
Gladys leva les yeux vers Salomé, une lueur de reconnaissance et de gratitude dans son regard faiblissant. Elle ouvrit la bouche pour parler, mais les mots peinaient à sortir. Salomé se pencha plus près, luttant pour capter chaque syllabe.
- Dis... Bonjour à... Mon frère, murmura Gladys, sa voix à peine audible, mais imprégnée d'une force inébranlable.
Salomé hocha la tête, les larmes coulant librement sur ses joues. Elle serra les mains de Gladys avec une ferveur désespérée, cherchant à imprimer ce moment dans son esprit, à garder vivante la flamme que Gladys avait allumée.
- Je ne pars pas sans toi...
Les paupières de Gladys se fermèrent lentement, un souffle léger s'échappant de ses lèvres. Salomé sentit une onde de choc parcourir son corps, un vide immense s'ouvrant en elle alors que l'absence de Gladys devenait une réalité indéniable. Elle resta immobile, les yeux fixés sur elle, incapable d'accepter l'idée que sa compagne d'armes ne reviendrait pas.
"Pour toi, Gladys," murmura Salomé, s'éloignant lentement de la clairière, le cœur lourd mais résolu. Elle extirpa le poignard de sa cage thoracique en poussant un cri, terrifié, horrifié.
Et hurla:
- VOILA POUR TOI, PERE !
Son corps s'effondra près de celui de Gladys, l'enlaçant presque dans une mare de sang qui s'étala dans l'herbe en forme de coeur. Deux coeurs qui ne battraient plus jamais... Mais dont les derniers battements s'étaient accordés sur ces mots...
A bas le Capitole.
*
"Bonjour, mademoiselle Clay. Je sais que ce n'est sûrement pas la bonne période pour vous appeler, après tout ce qu'il se passe en ce moment."
"Que... N-non, j'imagine."
"Mais j'ai une proposition très intéressante à vous faire. Laissez moi vous en dire plus. "
"Vous, monsieur Snow ? J-je... Je vous écoute, je suppose."
"Parfait. Je vais vous offrir ce que vous avez toujours rêvé d'avoir."
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