Gladys s'arrêta net, ses yeux s'écarquillant d'horreur à la vue de la scène devant elle. Azur, gisait sur le sol, le corps sans vie marqué par les blessures infligées par les tributs du district Deux. Le sang avait formé une flaque sombre autour de la dépouille, la lueur vacillante du soleil entre les arbres projetant des ombres macabres sur son visage autrefois plein de vie.

Un cri étranglé mourut dans sa gorge, remplacé par un gémissement étouffé. Ses mains tremblèrent, et elle sentit son souffle devenir court, comme si l'air avait soudainement quitté la forêt dense qui les entourait. Une odeur âcre de fer envahit ses narines, amplifiant son dégoût et sa peine.

Ses oreilles bourdonnaient, chaque craquement de branche sous ses pieds semblant résonner comme un coup de tonnerre. La vue d'Azur, les yeux désormais vides de toute vie la plongea dans une torpeur glaciale. La texture rugueuse de l'écorce contre laquelle elle s'appuyait, cherchant désespérément un soutien, se faisait douloureusement réelle sous ses doigts crispés.

Gladys recula d'un pas, l'envie de fuir et de hurler luttant contre la nécessité de rester silencieuse. Ses jambes menaçaient de la lâcher, mais elle força son corps à rester debout, l'esprit embrumé par une vague de chagrin et de rage mêlés. Azur était parti, Cléon venait de le tuer.

Elle fixait toujours le corps d'Azur, son cœur battant de douleur et de rage.Les poings serrés, ses ongles s'enfonçant dans sa paume jusqu'à ce que le sang perle. Chaque fibre de son être hurlait vengeance. Gladys savait qu'elle devait agir maintenant, avant que sa colère ne se transforme en désespoir paralysant.

L'odeur du sang et de la sueur acre emplissait l'air, rendant l'atmosphère encore plus lourde. Gladys s'avança, le cœur battant à tout rompre, ses yeux fixés sur sa cible. Elle attrapa une pierre au sol, la serrant si fort que ses jointures blanchirent. Elle bondit, la pierre s'abattant sur le crâne d'Iona avec une force brutale.

Le bruit sourd de l'impact fit écho dans la clairière. Iona tituba, son regard trahissant une surprise mêlée de douleur. Avant qu'elle ne puisse réagir, Gladys la frappa à nouveau, plus fort cette fois, chaque coup alimenté par la colère et le chagrin. La pierre éclata le crâne d'Iona, du sang et des éclats d'os volant dans l'air. Iona tomba à genoux, les yeux écarquillés, la vie s'échappant rapidement de son corps.

Gladys sentit une vague de satisfaction macabre l'envahir alors qu'elle regardait Iona s'effondrer complètement, son corps inerte s'étalant sur le sol. Elle lâcha la pierre, ses mains tremblant de l'intensité de l'émotion. Le silence retomba sur la clairière, seulement troublé par le crépitement du feu.

- IONA !

Cléon lâcha la dépouille désormais sans vie de Azur pour se retourner, les yeux écarquillés. Gladys, couverte de sang, se tenait debout, comme un fantôme. D'une voix qu'elle voulait forte et haineuse elle lança:

- Une mort pour une mort. A ton tour. 

*

Cassiopée écarquilla les yeux et la regarda, restant un instant figée, en suspens. Autour d'elle, tout semblait s'être calmé.

La conversation que continuaient son père et sa tante dans la pièce d'à côté n'était plus qu'un murmure, les poussières qui voletaient dans la pièce s'étaient figées en plein ciel, son coeur s'était arrêté de battre.

- Ange ? Angelina ? demanda-t-elle plusieurs fois.

Non, je dois être folle...

- Cassiopée, répondit une voix chuchotée.

- Oh merde !

Elle eut un sursaut, sa voix se brisant. Les larmes aux yeux, le souffle court, elle supplia en serrant les barreaux de la fenêtre entre ses doigts fins:

- Fais moi sortir de là... Pitié. 

Angelina plongea ses yeux verts dans les siens, sourcils froncés en signe de réflexion intense.

- Oui... Bien sûr. Ecarte toi de la fenêtre.

Cassiopée trébucha, faisant quelques pas en arrière, tenant les pans de sa robe large dans ses poings serrés. Il y eut des bruits de botte, Angelina semblait essayer d'enlever le grillage sur la fenêtre. 

- Moins fort... Il va entendre, dit elle en serrant les dents.

Malgré ses dires, ce fut dans une explosion que la grille fut enlevée, dans un nuage de poussière de plâtre.

- Dépêche toi !

Elle sentit qu'une main l'agrippait au bras violemment et la blonde ne put s'empêcher de retenir un couinement de peur. Sa vision se brouilla alors qu'elle se sentait ballotée, prise dans tout les sens.

Et un instant plus tard, elle était dehors, recroquevillée contre la grande tunique rouge du Valet de Coeur. Celui ci lui jeta un regard affolé, ne la voyant pas bouger.

- Cassy ? Bouge !

Mais cette dernière était figée, horrifiée par la simple idée que son père aurait pu avoir, qui venait de lui traverser l'esprit.

- C'est un piège... Angelina, c'est un piège !

Cassiopée agrippa sa manche, la déchirant sous ses ongles longs et coupants. La force avec laquelle elle la tira en arrière, pour la faire lâcher, fit peur à la rousse qui s'exclama:

- De quoi tu parles ? Il n'est pas là !

- Il va venir... Il revient toujours...

Elle tenta de la griffer, les yeux écarquillés, des sanglots hystériques dans la gorge, mais le Valet de Coeur la ceintura et la tira brusquement en avant, la déstabilisant.

- Tu... Viens avec moi, déclara-t-elle sous l'effort.

Cassiopée secoua la tête. Si son père la voyait en train de tenter de s'échapper, encore plus avec celle pour qui elle ressentait des choses, elle pouvait être sûre qu'il ne la laisserait plus jamais sortir. Alors qu'elle expliquait cela à force de cris et de murmures étouffés, Angelina se stoppa, et la regarda:

- Si tu veux rester ici, tu as le droit.

- J-je...

- Cassy ! Si tu ne veux pas venir avec moi c'est okay !!

La blonde comprit alors que ce choix déterminerait pour toujours ce qu'elle ferait de sa vie... Ou ce qu'elle ne ferait pas.

*

Pandora regarda autour d'elle, parlant dans la montre à son poignet. Cliquetant, transmettant la voix de ses amis, elle répondait à mi-voix pour ne pas déranger sa petite amie.

Celle-ci était dans le canapé de leur appartement, enroulée dans un pled avec une tête horrifiée. Ses cheveux étaient coiffés naturellement en arrière avec sa sueur froide -il semblait-, et elle marmonnait des mots dans sa barbe.

Après avoir fini son appel, la blondinette s'approcha d'elle avec douceur.

- Ca va ?

- Bouge, tu es devant la télé, dit Morgane d'un air assez stressé, se mordillant les doigts bien plus fort qu'il n'était nécessaire.

- Tu n'es pas obligée de regarder... Ce sont des images perturbantes !

- J'ai besoin de regarder. J'ai besoin de savoir si Salomé s'en sort. 

- D'accord, si tu veux... Ils arrivent bientôt.

Pandora s'installa à côté d'elle, massant du bout des doigts les épaules contractées de la brune qui regardait avidement le combat entre Gladys et Cléon.

- Putain de bordel de...

Une longue série de jurons s'échappa de ses lèvres affreusement sèches, avant qu'un groupe de gens ne fasse irruption dans l'appartement. Dan Lee, qui semblait aussi blasé et renfermé que d'habitude, Léonore qui affichait son éternel sourire surexcité, Kaloss et Amos Dolorès main dans la main, afin que... Angelina et Cassiopée, couvertes de plâtre des pieds à la tête.

Pandora ne posa aucune question quant à l'étrange apparition des deux jeunes femmes qui semblait essoufflées, catastrophées et complètement dans leur bulle. Elle se tourna vers Kaloss qui avait immédiatement fondu sur Morgane.

- Mon chou, ça ne va pas.

- Nan.

- J'ai ramené un pot de glace et des cookies.

- Je veux ça.

Pandora eut un soupir de soulagement. Le tailleur était un ami proche et elles lui faisaient complètement confiance. S'il y avait bien quelqu'un en ce monde qui pourrait apaiser leur douleur, c'était bien lui. Iris fit irruption dans le salon, l'air fatiguée et alourdie par son ventre rond.

- J'ai entendu la nouvelle... C'est le combat final, n'est-ce pas ?

Amos se releva et lorsqu'il parla de sa voix rauque et grave, tout le monde se tut, parcouru d'un frisson:

- Gladys, Salomé, Cléon et Iona sont les seuls districts en vie.

La fin des Jeux approchait terriblement. Tous savaient parfaitement que le combat serait plus que sanglant, et que le Capitole boirait le sang de ses nouvelles victimes.