Chapitre 46: Être humaine
- Morgane... C'est quoi cette photo ?
Blême, Pandora regarda Morgane, qui prenait jusqu'ici tranquillement un verre de vin rouge. Les lèvres de la brune, teintées d'ocre, se plissèrent alors qu'elle regardait sa petite amie sortir de sa poche une impression en couleurs.
Le corps attaché d'Atalante Price contrastait avec le noir autour d'elle, de ses membres bleuis à cause des attaches et de son regard atterré. Morgane leva un sourcil avant de reposer son verre sur son trépied, prenant une grande lampée d'air.
- Gné ? dit elle simplement d'un air peu suggestif.
Pitié, qu'elle ne me parle pas de ça...
- Morgane, j'aimerai juste comprendre. Pourquoi j'ai trouvé ça dans tes affaires ?!
- Bah quoi, grogna simplement la concernée en posant son menton sur ses bras croisés sur la table.
Pandora eut un roulement d'yeux, elle passa une main dans ses longs cheveux blonds. S'y empêtrant, elle eut un petit sourire amusé quand ce fut sa brune qui y passa quelques doigts pour jouer avec ses mèches.
- Je suis sérieuse. C'est quoi cette photo ?! D'où elle vient ?
- Euh...
- Morgane, je n'ai pas la patience.
- Attend, mais tu me prends de cours ! Tu m'as dit "allons voir Dan Lee pour faire un don à Salomé et Azur dans l'arène" et juste après: "arrêtons nous dans un café, j'ai envie d'un jus de pomme". Je n'ai ab-so-lu-ment pas entendu "faisons donc un interrogatoire super stressant".
- Ce que tu peux être bête, dit Pandora qui ne rigolait plus.
Ses traits étaient tirés, et elle ne semblait pas d'humeur à plaisanter. Morgane inspecta son visage en plissant des yeux, avant de lâcher d'un ton désinvolte:
- Snow. Il voulait leur faire peur avant leur départ dans l'arène.
- SNOW ?
Se rendant compte qu'elle hurlait presque, elle baissa la voix pour dire, chuchotant:
- Snow ?! Pourquoi ? Faire peur aux gamins ?
- Le truc de la mère de Salomé qui meurt subitement, cette photo... Enfin je ne voulais pas leur montrer.
- Leur montrer, ça désigne qui ...?
- Vous tous. Pourquoi tu as fouillé dans mes affaires ?
- Tes affaires sont aussi mes affaires, mon coeur, rappela Pandora avec un air froid.
- Ah non, je refuse que tu prennes ma brosse à dent ou mes culottes, ricana Morgane.
- Je n'ai pas envie de rire. Où est Price ?!
- Cassy ? Dans la nature, je ne sais pas, je ne la trace pas.
- Atalante, dit la jolie blonde d'un ton sévère, assez énervée par le petit jeu plus qu'insupportable de celle qu'elle aimait qui trempait à nouveau ses lèvres dans le vin.
- Ah, je ne sais pas.
- Tu veux dire que tu n'as pas vérifié qu'elle allait bien après avoir vu ce cliché d'elle ?! Mais ça ne va pas bien ou quoi ?! s'énerva Pandora Lane.
- Non, je n'ai pas vérifié ! répondit elle en haussant le ton. Et alors, on s'en fout on ne la connait même pas cette bonniche !
- SI, on la connait, c'est la MAMAN de Azur ! Tu pourrais ne pas être égoïste s'il te plait ?!
- Mais je ne suis pas égoïste, j'avais juste d'autres choses à m'occuper que de savoir si une femme que je ne connais pas est toujours en vie !
- De toute façon, il n'y a qu'une chose qui t'intéresse, dit Pandora d'un air coléreux.
- Ah ouais ? dit Morgane, provocatrice.
- Mon physique, lâcha la blonde.
Elles se lancèrent un coup d'œil énervé avant que toutes les deux, sur un accord commun, se tournent le dos. Pandora fit racler sa chaise sur le sol et se détourna d'elle, en relevant le menton. Morgane enfonça sa tête dans ses bras, l'air ronchon. Au bout de quelques minutes, la brune se releva pour prendre une gorgée de vin rouge en reniflant.
La blonde, croyant qu'elle pleurait, se tourna vers elle:
- Ca va ?
- Mhoui, dit Morgane avec un petit air triste.
- Oh, mon ange.
Il était impossible pour une fille aussi compatissante que Pandora de laisser son grand coeur imperméable aux beaux regards de braise d'une Morgane triste. La brunette mordillait sa lèvre du bas avec de grands yeux humides.
- Je ne voulais pas te disputer.
- C'est rien.
Pandora esquissa un sourire amusé. Morgane avait toujours ce don de se replier sur elle-même et de rejeter l'aide extérieure même lorsqu'elle était blessée. Sûrement qu'elle trouvait ça plus "viril", mais pour l'instant, elle ressemblait juste à un enfant qu'on venait de gronder et qui était vexé.
- Mais si. On peut en parler, tu sais.
- Je sais pas quoi dire sur le sujet.
- Je vais aller en parler à Atalante. Tu viendras avec moi.
- D'accord.
Morgane posa sa joue contre la main de la blonde et la regarda parler d'autre chose, la rassurer sur le fait qu'elle n'était pas fâchée contre elle. Tout ce qu'elle entendait c'était le bruit de ses lèvres, ses beaux cheveux qu'elle pouvait toucher du bout du doigt et la courbe de son nez qui bougeait quand elle parlait.
- ...on était plutôt d'accord. Morgane ? On va voir Dan Lee, dit Pandora en claquant des doigts devant le visage béat de la brune.
- Ah ? D'accord. Allons-y.
Elle se leva pour la suivre, suivant du regard son déhanché lorsqu'elle marchait.
- Cool.
*
Gladys poussa un cri de rage en reprenant conscience. Le souffle court, papillonnant des yeux, elle regarda autour d'elle avec une haine grandissante. Ils avaient pris son ami.
Son compagnon, ce garçon qui l'avait accompagné dans ses premiers jours de survie et que Azur avait assassiné froidement, avant de l'utiliser comme un mannequin pour ses idées personnelles. Son cadavre, au loin, était resté empalé, elle l'apercevait droit devant elle.
Les dents serrées, elle essaya de se relever, mais ses mains et ses jambes ne pouvaient se défaire, empêtrées.
- Je suis vraiment désolée... fit la voix de Salomé, derrière elle.
- Vous l'avez humilié.
- Je suis vraiment vraiment désolée.
Salomé se tenait devant Gladys, la regardant fixement. Cette dernière était attachée, ses poignets et ses chevilles liés fermement par des cordes épaisses. Elle était agenouillée, la tête légèrement inclinée, le visage marqué par des traces de lutte et de sang séché, dû à son combat avec la brune.
Gladys ferma les yeux pour ne pas la voir. Elle ne voulait plus la voir, plus jamais.
- Vous ne valez rien. Je croyais que vos Mentores étaient des femmes respectables.
- Je...
- Tu ne respectes pas ceux qui sont morts. Tu n'es pas mieux qu'eux.
Salomé déglutit et tourna autour de la jeune femme, à terre, pour se poster devant elle.
- Tu as beau être entrainée pour ça, tu te bats mal. Tu es juste une machine de guerre
- J'essaie de survivre, dit Salomé amèrement.
- Alors c'est la fin, comprit la métisse en ouvrant les yeux.
Salomé serrait un couteau dans sa main droite, ses doigts tremblant légèrement. Elle avait imaginé ce moment maintes fois, se convainquant que c'était la seule solution. Durant l'heure où Azur avait assommé leur adversaire, il l'avait convaincue. Mais maintenant qu'elle se tenait là, prête à exécuter son plan, elle sentait son cœur battre à tout rompre, chaque pulsation résonnant dans ses tempes.
- Je dois te tuer.
- Fais-le, alors, murmura Gladys, sa voix faible mais déterminée. C'est le jeu.
Les mots de Gladys semblèrent résonner, chaque syllabe pénétrant l'âme de Salomé comme une lame aiguisée. Elle serra les dents, tentant de maîtriser l'ouragan d'émotions qui menaçait de la submerger. Elle savait que Gladys avait raison. Il y avait trop en jeu, sa propre vie était en danger. Mais cela n'allégeait en rien le fardeau qui pesait sur ses épaules.
- Je... je devrais, balbutia Salomé, sa voix se brisant. Je pensais que je pourrais, mais...
Les larmes commencèrent à couler sur ses joues, brouillant sa vision. Elle regarda Gladys, cherchant dans ses yeux une quelconque étincelle de colère ou de reproche, mais elle n'y trouva qu'un certain désintérêt. Cela rendait la tâche encore plus insupportable.
- Salomé, écoute-moi, dit Gladys en serrant les machoires. Tu dois le faire, non ? Arrête de te prendre la tête.
Salomé secoua la tête, les larmes tombant sur le sol. Elle savait que Gladys avait raison. Elle savait que c'était la seule façon de les arrêter. Mais chaque fibre de son être se rebellait contre cet acte. Comment pouvait elle tuer celle qui avait sauvé sa vie ? Planté ses lèvres sur les siennes ?
Elle leva le couteau, ses mains tremblant violemment. Gladys ferma les yeux, une expression de haine résignée sur le visage. Salomé pouvait presque sentir la lame trancher l'air entre elles, la distance minime qui les séparait s'effaçant sous le poids de la décision qu'elle devait prendre.
- Je suis désolée, Gladys, murmura Salomé, sa voix à peine audible. Dans une autre vie, on serait ensembles...
Elle ferma les yeux, prenant une profonde inspiration. Ses doigts se crispèrent autour du manche du couteau. Elle tenta de rassembler son courage, de puiser dans une force qu'elle n'était pas certaine de posséder. Mais à l'instant crucial, elle sentit quelque chose céder en elle. Ses mains s'affaissèrent, le couteau tombant au sol avec un bruit métallique retentissant.
- Je ne peux pas, sanglota Salomé, tombant à genoux devant Gladys. Je ne peux pas le faire, Azur.
Gladys ouvrit les yeux, une lueur de surprise dans le regard. L'adrénaline de se savoir morte dans quelques instants venait de se lever, et elle se leva d'un coup, donnant un gros coup de tête dans le menton de Salomé. Celle-ci, sur le coup de la surprise, s'écroula, inerte.
- Tu n'as pas oublié qui tu es vraiment, chuchota la fille aux cheveux noirs en la fixant de ses yeux troublants. Humaine.
Maintenant, c'était Gladys qui avait un couteau. Au vu de la silhouette endormie de Azur non loin de là, blottie contre les cendres du feu de la veille, elle pourrait s'emparer d'eux aussi facilement que de leurs affaires...
*
Cassiopée se réveilla en sursaut avec une étrange impression. Elle n'était effectivement pas dans son lit.
D'habitude, elle avait toujours cette étrange impression en se réveillant dans les draps vides du Valet de Coeur. Celui-ci partait habituellement tôt. Maintenant qu'elle avait découvert sa vraie nature, c'était sûrement pour se protéger d'un éventuel câlin matinal de sa part. Et la blonde pouvait affirmer avec fierté que c'était ce qu'elle aurait fait s'il était resté à ses premières heures de réveil.
Quand elle se réveillait dans les draps des appartements Capitoliens de ses amies Pandora et Morgane, elle n'était généralement pas seule non plus. Et en ce moment même, la logique aurait été que les deux femmes s'endorment ensemble la veille.
Pourquoi se trouvait elle dans son ancien lit, habillée en chemise de nuit -elle qui adorait, par des nuits moites, dormir en tenue d'Eve- ? Où était la belle Angelina qui n'aurait pas osé partir sans la prévenir.
Elle se releva, inspectant les alentours, pressentant que quelque chose s'était passé. Elle prit le drap, le retirant de son corps, et fut prise d'une douleur à l'épaule. Tournant sa peau pour regarder ce qui l'avait alarmée, elle trouva une trace de piqure sur son bras.
Sa respiration s'accéléra alors qu'elle écarquillait les yeux. Se relevant avec rapidité, elle se mit debout pour inspecter chaque centimètre de sa peau.
On l'avait droguée.
Pas étonnant, vu l'état de fatigue dans lequel elle et Angelina s'étaient endormies après avoir passé une nuit pleine de rebondissements charnels. Si quelqu'un s'était introduit dans l'appartement, c'était sûrement à ce moment qu'il avait pu entrer.
- Merde, merde, merde.
Elle s'approcha de la porte, la panique serrant son coeur, saisit la poignée. Evidemment, elle était fermée à clef.
- Merde, merde merde...
Cassiopée se mordit l'intérieur de la joue, son stress montant crescendo, emplissant son ventre vide.
- Il y a quelqu'un ?
Et puis elle se tourna vers un mur et reconnut les armoiries de son père. La famille Price était reconnue pour ce signe distinctif, et André Price avait le mauvais gout de l'afficher partout.
- PERE !
- Cassiopée. Ne crie pas ainsi. Les filles de bonne famille ne se comportent pas ainsi.
- Non ! NON !
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