Chapitre 36: Ce sont les choses que nous aimons le plus qui nous détruisent
Alban, ligoté, regarda avec des yeux écarquillés le cadavre de sa coéquipière se faire triturer par Azur. Celui-ci avait pris une large feuille d'arbre et retirait la flèche du cou d'Ayanda, qu'il avait pris soin de briser pour être sûr qu'elle meure instantanément. Le bruit du canon retentit juste après cet événement, leur donnant cette satisfaction.
Les yeux écarquillés de la fille regardaient Alban fixement, et celui-ci frissonna de tout son être en croisant son regard mort.
- Fermez lui les yeux... murmura-t-il, horrifié.
Salomé se tourna vers lui en marmonnant:
- Nan.
Gladys se redressa maladroitement:
- Fais pas ta chieuse, Salomé. Ferme lui les mirettes, elle a bien droit à ça, non ?
Salomé ne la regarda pas, pour fixer la fille au cou brisé, qui se confondait avec l'herbe noire de sang où la lune se reflétait. Elle fixa ses yeux aveugles, la mâchoire crispée, regardant Azur aller laver la flèche dans la boue la plus liquide qu'il trouva aux alentours.
- Tu veux vraiment la déshumaniser à ce point ? cracha finalement la métisse avec colère. C'est ça que tu veux être, une machine à tuer que le Capitole instrumentalise...
Un coup partit. Azur avait tiré avec son arc juste à côté du genou de Gladys qui sursauta en écarquillant les yeux de stupeur, regardant l'arme dans les mains du blond avec colère.
- Parles pas comme ça à Salomé.
Ils s'affrontèrent du regard avant que Salomé ne se place entre eux:
- Calmez-vous. On est dans le même camp, tous. J'vais lui fermer les yeux.
Alban déglutit alors que Salomé se penchait pour s'exécuter avec plus de douceur. Lorsqu'elle revint vers les deux adolescents au sol, attachés par des cordes, elle sentit un frisson la traverser. Gladys, qui était toujours d'une sûreté presque animale, regardait le cadavre sans bruit, la peur faisant trembler sa lèvre du bas. Alban, à côté d'elle, avait les larmes aux yeux.
Elle le regarda plus en détail. C'était un garçon grand et longiligne, sans trop de muscles. Il semblait avoir entre quinze et dix-sept ans, avait une peau moins foncée que celle d'Ayanda et des lèvres craquelées. Ses yeux étaient emplis de terreur, prévoyant déjà de mourir comme sa camarade.
Salomé eut soudain le vertige. Le vertige de se retrouver attachée par des carrières plus performantes qu'elle, à attendre sa mort en voyant tomber à ses côtés Azur. Elle se pencha et détacha les mains de Gladys, leurs souffles se croisant d'une manière surprenante. Reprenant son souffle, elle s'agenouilla devant elle:
- Promis, je détache tes jambes après.
Elle plongea son regard dans ses yeux noirs, ses pupilles terre-à-terre qui avaient repris leur froideur habituelle. Mais la barrière de l'inconnu entre elles avait été franchie et ses lèvres s'étirèrent.
- Okay.
- Tuez moi... dit Alban en parlant à Azur. Tuez moi aussi !
- Nan, grogna Salomé. Lui répond pas, Azur.
- Vous avez pris Ayanda, pourquoi vous me faites ça ?!
Salomé poussa un grand soupir, avant de lever sa botte et d'envoyer un grand coup dans l'arrière de la tête du garçon, qui s'écroula, sonné. Voilà comment on résolvait des problèmes efficacement. Le rire de Gladys retentit dans la clairière.
✺
La salle d'interview était somptueusement décorée, un contraste frappant avec la dureté images diffusées derrière eux, ou l'on voyait des tributs se battre, notamment la mort de la fille du district 8 Ayanda.
Coriolanus Snow, impeccablement vêtu et d'une présence imposante, était assis dans un fauteuil luxueux, prêt à répondre aux questions du célèbre présentateur, Caesar Flickerman. Les caméras étaient braquées sur eux, capturant chaque nuance de l'expression de Snow et chaque mot qui serait diffusé dans tous les districts de Panem. Caesar, souriant et vêtu de son habituel costume flamboyant, commença l'interview avec l'enthousiasme et l'aisance qui le caractérisaient.
- Mesdames et messieurs, nous avons l'honneur d'accueillir aujourd'hui le Président Coriolanus Snow ! Monsieur le Président, c'est toujours un plaisir de vous avoir avec nous.
Snow inclina légèrement la tête, son sourire glacial et calculateur.
- Le plaisir est partagé, Caesar. C'est toujours une opportunité précieuse de parler directement à nos citoyens de Panem.
- Les Jeux de cette année sont particulièrement captivants, poursuivit Caesar avec son enthousiasme habituel. Quels sont vos sentiments à l'approche de la finale, Monsieur le Président ?
Snow prit une pause, comme s'il pesait soigneusement ses mots.
- Les Hunger Games sont un rappel crucial de la paix et de l'ordre que nous avons maintenus à travers notre union. Chaque année, ils montrent la force et la résilience des tributs, ainsi que la justice de notre système. Les tributs restants cette année sont particulièrement... résilients.
Caesar tourna dans son fauteuil élégant à roulettes pour regarder le combat particulièrement violent et impressionnant des districts 5 et 11.
Alors que les spectateurs et les personnes présentes sur le plateau s'étaient tues pour regarder le replay de l'action, un mouvement inattendu attira l'attention de la sécurité. Un homme, visiblement déguisé en technicien de l'équipe de tournage, fit irruption sur scène.
Avant que quiconque ne puisse réagir, il se précipita vers Snow, une lueur de détermination farouche dans les yeux. L'homme brandissait un couteau, et dans l'autre main, une photo froissée. La sécurité, prise de court, se précipita pour intercepter l'assaillant, mais il était déjà trop près de Snow.
Les caméras, captant chaque moment, diffusèrent la scène en direct à tous les districts. Le rebelle se jeta sur Snow avec une force désespérée. Le président, bien que surpris, réagit avec une rapidité étonnante pour son âge. Il esquiva l'attaque initiale, mais l'assaillant réussit à l'entailler légèrement au bras avant que les gardes ne l'attrapent et le plaquent au sol.
La scène était chaotique, les cris et les mouvements rapides des gardes ajoutant à la confusion. Snow se tenait droit, le sang coulant lentement de la coupure sur son bras, mais son expression était de marbre.
Caesar, choqué, tenta de reprendre le contrôle de la situation:
- Monsieur le Président, est-ce que tout va bien ?
Snow, respirant profondément pour maîtriser sa colère, regarda le rebelle qui se débattait sous le poids des gardes.
- Sortez-le d'ici. Immédiatement.
Les gardes traînèrent l'homme hors de la scène, mais Snow les arrêta d'un geste.
- Attendez.
Il se pencha vers l'assaillant, arrachait la photo de sa main. Il la déplia et son visage resta impassible en voyant l'image : une photo de sa nièce chérie, la seule enfant qu'il se reconnaissait à ce jour.
« Ce sont les choses que nous aimons le plus qui nous détruisent »
Snow se redressa, serrant la photo dans sa main ensanglantée. Il fixa Caesar avec une détermination glaciale.
- Continuons l'interview, Caesar. Je crois que ce serait impoli d'en rester là.
Caesar, malgré le choc visible sur son visage, acquiesça et reprit son rôle professionnel.
- Bien sûr, Monsieur le Président... P-pour en revenir aux Jeux: quelles qualités selon vous sont les plus cruciales pour survivre dans l'arène ?
Snow répondit d'une voix ferme, maîtrisant chaque mot, passant sa main valide sur la plaie en hélant silencieusement un agent technique qui vint s'en occuper:
- La tactique, bien sûr, mais aussi l'intelligence et la capacité à former des alliances. Cependant, au bout du compte, c'est la loyauté envers le Capitole et la reconnaissance de notre autorité qui sont les plus cruciales.
Malgré son calme apparent, Snow était en ébullition intérieure. La sécurité avait été compromise de manière flagrante, et cette menace ne pouvait rester impunie. Les rebelles étaient devenus plus audacieux qu'il ne l'avait anticipé, mais il était Coriolanus Snow, et il ne se laisserait pas intimider.
Lorsque l'interview se termina enfin, Snow se leva avec une grâce calculée, serrant la main de Caesar avant de quitter la scène. Dans les coulisses, il donna des instructions rapides et silencieuses à ses gardes du corps et conseillers.
Une enquête devait être lancée immédiatement, et ceux qui avaient osé le défier devaient être trouvés et neutralisés. Alors qu'il montait dans sa voiture blindée, Snow repensa à la photo. Les jeux de pouvoir étaient en cours, et il était déterminé à sortir vainqueur, comme toujours. Mais cette fois, il sentait que les enjeux étaient plus élevés, et que chaque mouvement devait être parfaitement orchestré. Les yeux de Panem étaient sur lui, et il ne pouvait se permettre aucune erreur.
Encore une fois, ce serait la Louve qui serait la victime de cet affront, et il prévoyait bien de montrer à cette nouvelle génération de rebelle qu'elle serait l'exemple de ce qui leur arriverait très prochainement...
✺
Pandora sursauta devant le poste de télévision lorsque l'émission fut terminée. En ébullition, elle se tourna vers Morgane qui était au téléphone avec quelqu'un.
- Morgane ! Je suis désolée de te couper, mais c'est super important.
Elle se leva, bondissant sur place d'excitation et de consternation. Racontant à toute vitesse ce qu'elle venait de voir sur l'émission de Caesar, elle finit par dire, à bout de souffle:
- Tu crois que c'est Iris et Val' ?!
- Nan...
Morgane sembla perplexe et posa ses mains sur les épaules de sa blonde, qui se transformait en boule d'énergie.
- Tu crois qu'il y avait une lettre de menace dans sa main ?! C'était une mission suicide, mais comment ce gars a fait pour rentrer ? C'est fou, tout ça se passe si vite !
- Caaaaalmes toi, dit la brune en sentant une migraine la prendre à l'entendre crier dans ses oreilles d'introvertie.
Pandora arpenta l'appartement, les mains liées dans le dos, une ride se formant entre ses sourcils. Elle commença à fomenter des théories fumeuses comme quoi Snow aurait lui même organisé ce complot pour plonger les rebelles dans la confusion, ou que cet homme était en réalité un animatronique créé grâce au progrès technologique de rebelles ingénieurs...
La porte de leur appartement s'ouvrit, ce qui la déconcentra totalement. C'était Cassiopée, qui n'avait pas l'air tellement plus fraîche qu'hier non plus. D'ailleurs, la ressemblance avec un oeuf passé de date avait soudain une certaine persistance dans l'esprit de Morgane, qui avait une forte envie de rire d'elle.
Elle avait un chignon mal fait, n'était pas maquillée et avait de larges cernes sous ses yeux qui lançaient des regards mi déprimés, mi méchants. Morgane descendit le long de son cou ou collier et suçons faisaient un joli assemblage rouge-or. La blonde portait un large tee shirt qui descendait jusqu'à ses cuisses et un pantalon qui trainait par terre.
Cassiopée sans maquillage et sans robe outrageusement moulante, c'était un peu Morgane sans Pandora -l'inverse était plausible aussi, entendons nous-, c'est-à-dire impossible ou dangereux.
Pandora accourut pour lui faire un câlin, auquel Cassiopée répondit avec soulagement.
- Désolée. J'ai été cassante hier.
- Pas grave, dit Morgane en venant la prendre dans ses bras à son tour. Ça nous surprend pas tellement, venant de toi.
- Je m'en doute, dit Cassiopée avec vanité. Mais j'étais pas dans mon assiette.
- Je comprend. Moi aussi, avec les Hunger Games, je... commença l'autre blonde avant d'être coupée par son amie.
- Je suis allée dormir chez Kaloss, mais je n'ai pas vraiment fermé l'oeil.
- Tu veux bien nous expliquer ce qu'il t'arrive ? dit Morgane avec un sourire en coin.
Dans ces moments-là où Cassiopée tirait la sonnette d'alarme, c'était qu'elle n'allait pas bien. Elle se réfugiait chez ses amies, et ne parlait que d'elle pendant des journées entières. Morgane trouvait cela amusant, surtout qu'elle prenait un malin plaisir à ne pas l'écouter, mais Pandora était plus sensible à cela et la brune sentit sa petite amie être vexée par le peu d'attention que leur meilleure amie lui donna.
Elle fit asseoir les deux blondes dans le canapé alors qu'elle jouait avec ses bagues, adossée à un mur. Cassiopée se tut, laissant un silence tendu pour le briser théâtralement en se lamentant:
- J'ai besoin de votre aide.
- À nous deux ? dit Pandora avec son joli sourire ensoleillé. Tu sais bien que tu pourras toujours compter sur nous, Cassy !
- Non, mais sur un truc... Un peu embarrassant.
- T'as chauffé un centenaire, dit Morgane d'un air affolé.
- Non.
- Ton père a chauffé un centenaire ?
- Non !
- Tu es tombée amoureuse d'un cadavre ?!
- Morgane ! dit Pandora en coupant court aux imbécilités de sa petite amie.
L'interpelée commença à rire de façon incontrôlable, se pliant en deux de rire, Pandora ayant un sourire aux lèvres, l'air de penser "elle est irrécupérable".
- Bah quoi, je demande, dit-elle en s'essuyant les yeux.
- Je veux que vous me disiez comment on fait avec une fille. Au lit.
Le silence de mort entre Pandora, Morgane et Cassiopée à ce moment-là fut mémorable. Pandora paraissait surprise, Morgane avait l'air d'avoir avalé un oeuf cru tout entier -coquille comprise- et Cassiopée venait de rougir d'embarras.
- Mon dieu, j'ai envie de disparaitre sous terre, marmonna-t-elle alors que Morgane n'avait plus du tout envie de rire.
S'ensuivit une longue discussion en détails entre Cassiopée et Morgane des positions, méthodes et moyen de donner et d'atteindre une extase certaine dans les couples de femmes. Pandora, qui se trouva très gênée de voir Morgane crocheter ses doigts dans l'air très démonstrativement, se tapa le plus gros fou rire de sa vie envoyant Cassiopée faire une tête bizarre et essayer de reproduire ce que la brune était en train de faire.
- C'est trop dur, déclara-t-elle au milieu de l'hilarité des deux femmes.
- Ça s'apprend, déclara Morgane qui n'en pouvait plus de rire. Je suis diplômée en la matière.
Après que le rire des trois se soit calmé légèrement, Cassiopée dit d'un ton vexé:
- De toute façon, ça ne me servira pas.
- Parce que tu comptais réellement t'en servir ? s'étonna Pandora.
- Non, bien sûr ! s'offusqua la blonde d'un air outré. Evidemment que JA-MAIS de la vie je n'aurais besoin de savoir ça...
- Bah alors ? dit Morgane en levant un sourcil brun.
- Je voulais me documenter. Je suis bonne élève et c'est ce que Kaloss m'a dit de faire, rechigna-t-elle.
- C'est c'qu'elles disent toutes, pouffa Morgane en s'étirant.
- Clay, je vais te défoncer la gueule.
La blonde se leva pour pourchasser Morgane et lui taper la tête dans le canapé.
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