Dès que les deux adolescents rentrèrent dans leur chambre pour prendre une douche, se vêtir de choses plus confortables, tout le monde se mit à chuchoter furieusement.

Iris s'était fait un thé, et s'étirait gracieusement comme un chat, en dehors de toutes les conversations. Valentin et Kaloss débattaient sur la tenue adéquate pour se présenter aux caméras du Capitole, Kaloss argumentant que Azur était trop petit et Valentin que sa musculature serait plus importante que sa taille. Pandora avait posé ses deux mains sur les épaules de Cassiopée, et Morgane la regardait en croisant les bras.

- Bon. Maintenant que ce différent est réglé, tu comptes faire quoi ? lâcha Pandora avec un petit soupir.

Toute la pression qu'elle s'était mise pour faire bonne figure, mettre en confiance ses disciples, paraître adulte et responsable s'était évacuée. Des rides se creusaient sur son front, signe d'inquiétude et d'anxiété. Morgane passa une main autour de sa taille, lui signifiant avec douceur qu'elle était là pour elle.

- Je compte faire quoi ? C'est-à-dire ? Vous ne voulez pas de moi ?

Cassiopée tourna ses beaux yeux vers Morgane, l'air désorientée.

- Je ne peux pas rester ?

- Si, évidemment. Tu es toujours la bienvenue, la rassura Morgane. Seulement, avec ton mari...

Cassiopée déglutit et une lueur fugace de colère, de peur et d'amertume passa dans son regard. Une fraction de seconde, avant qu'elle ne fasse un grand câlin à Pandora. Seul Morgane avait vu cet éclat dans ses yeux. Avec compassion, elle vint aussi faire un câlin à son amie.

- On est là pour toi, déclara la grande brune.

- Il s'est passé quelque chose ?

- Ne me dit pas qu'il t'a fait quelque chose. Si jamais il a levé la main sur toi...

Le visage de Morgane se teinta d'une fureur et d'une haine si grande que Pandora, qui tournait la tête vers elle, à présent libérée du câlin, eut un petit frisson dans le bas du dos.

- Non ! Non, il ne le ferait pas, déclara Cassiopée.

Les mains dans le dos comme une enfant sage, elle baissa la tête et ses yeux balayèrent le sol. Sa lèvre inférieure tremblait et elle finit par dire après un long blanc, attente insoutenable pour Morgane qui se préparait déjà à aller chercher un pied de biche pour casser la gueule de ce connard.

- C'est moi le problème.

Elle leva le menton, découvrant son délicat cou blanc. Morgane haussa un sourcil, découvrant plusieurs suçons datant de quelques jours. Ils commençaient déjà à s'effacer. Elle se demanda même si c'était ça la cause de la tristesse de Cassiopée. C'était plutôt courant de voir Cassiopée se ramener avec des suçons sur le dos, le cou ou les jambes. Au début, ça mettait Pandora dans tout ses états, plus pudique que sa partenaire, mais tout le monde s'y était habitué à présent. Pourquoi ces suçons étaient la cause d'un problème particulier ?

- Je ne compr-

- Ce ne sont pas ceux du Valet de Coeur, enfin ! Je veux dire, c'est un autre gars qui me les a fait !

Cassiopée était au bord des larmes, et Pandora et Morgane se regardèrent avec incompréhension. En effet, ce n'était pas la première fois que depuis que Cassiopée était mariée, elle sortait avec un autre homme. Pandora, qui était la plus proche de la jeune femme, parlait souvent avec elle de ses multiples conquêtes de ça et là. Ce n'était pas choquant, pourquoi ...?

- Il va être fâché ? demanda Pandora de sa voix douce.

- Non. Oh, il s'en fout. Il s'en fout de tout, surtout de moi, dit Cassiopée avec amertume.

Elle devrait être contente qu'il lui foute la paix, non ? Pourquoi elle réagit comme ça ? Morgane plissa les yeux. Décidément, les histoires hétéros, ce n'était pas son truc. Elle réprima un bâillement.

- Je suis sûre que non, assura Pandora. Peut-être qu'il a une maitresse.

- Certainement pas. Sinon, il se serait mariée avec elle plutôt que moi.

- Attend, réalisa Morgane. Tu ressens quelque chose pour lui ?

- Moi ?! Absolument pas ! gronda Cassiopée.

Son regard se referma alors que des teintes plus sombre faisaient miroiter son regard. Elle s'écarta d'un pas. Visiblement, l'amour et le Valet de Coeur étaient deux sujets que Cassiopée ne supportait pas, ou plus.

- Bon, dit rapidement Pandora pour apaiser la tension qui allait bientôt suivre, tu vas l'appeler et lui dire que tu restes ici pour quelques nuits, histoire de ne pas le faire paniquer et qu'il appelle ton père. Et après, tu nous tiendras au courant de ce qu'il fait.

- Si il te touche une seule fois, menaça Morgane avec une voix rauque, je te jure que je le tue.

Cassiopée éclata d'un rire peiné, mêlé d'un sanglot qu'elle réprimait depuis tout à l'heure. Elle se laissa choir dans les bras de ses deux amies en pleurant silencieusement, son corps agité de sanglots et de spasmes. Morgane lui tapota le dos, la blonde lui faisait des petits bisous sur les cheveux en murmurant que tout allait bien. Je suis amoureuse de la plus fantastique des filles, pensa la brune en observant l'effet apaisant que sa petite amie avait sur leur amie.

- Merci... souffla Cassiopée avec reconnaissance. J'ai vraiment de la chance de vous avoir.

✺

"Allô ? Ange ?"

"Oui."

"J-je t'appelle pour te dire que je suis dans le train de la Moisson avec mes meilleures amies. Je reviens pas ce soir"

"D'accord."

"..."

"Tu reviens quand ?"

"Je ne sais pas. Peut-être dans deux ou trois jours."

"Je te préparerais ce que tu aimes manger."

"Euh... Non ! Enfin, je... Oui ? Je ne sais pas."

"D'accord."

"..."

"Au revoir."

✺

Azur sortit de la douche avec une serviette autour de sa taille. Il se regarda une seconde dans le miroir, avant de prendre la combinaison qu'on lui avait donnée pour s'habiller.

- T'es bien gaulé pour un gamin de 13 ans dit moi ! s'exclama Salomé.

Elle était déjà habillée. La combinaison permettait de voir à quel point elle aussi était musclée. Elle avait dû faire des sports de combats, ou des activités manuelles. Ses épaules étaient larges, ses mains grandes et calleuses. Elle avait déjà cette démarche de conquérante.

Lui était petit, mais rapide et athlétique. Courir était son point fort, il faisait un marathon toutes les semaines, et suivait un entrainement intensif.

- Je fais de la course et du tir à l'arc.

Elle accueillit la nouvelle avec un long sifflement impressionné.

- Pas mal, Superman ! Moi j'ai fais pas mal d'escalade. Mes cons de darons disaient que ça servirait... Si on m'avait appris à manier le couteau, là, je dis pas, mais l'escalade ?

- Ca doit servir à monter sur les rochers et les arbres, argumenta Azur en souriant.

Il était content qu'elle soit gentille avec lui. La plupart des plus grands ne lui adressaient pas la parole. Aussi, il n'avait pas encore mué, et ses cuisses musclées étaient le seul atout physique qu'il avait. On aurait dit un petit ange lorsqu'il parlait.

- C'est nul, de monter à des arbres, répondit Salomé en haussant les épaules. Moi j'veux tuer tout le monde, pour être la vraie première première, t'vois ? J'veux qu'on dise mon nom en pensant aux 100èmes Hunger Games, tu captes le bail ?

- Et tu pourrais tuer des gens ?

Azur se prépara à la réponse. Evidemment que tout les enfants du district 1 répondraient oui. Ils étaient presque tous entrainés à cela. Tuer, pour ne pas être tué. Ce n'était pas une règle morale, c'était instinctif, animal.

- Comme toi, mon grand, répondit elle après un instant de silence.

- Oui.

- On va leur montrer, aux autres districts, que c'est nous qui gagneront !

Ils se firent un check, en souriant.

- Et toi t'es la fille de qui ? demanda Azur alors qu'il s'habillait impudiquement.

- Mes parents tiennent toutes les mines de la plupart des districts.

- Woah ! Ca fait beaucoup non ?

-J'sais pas. Je suis jamais allée visiter, mon père veut "préserver ma santé". Quel abruti !

Elle grommela, en croisant les bras.

- Et toi, le nabot ?

- De la doyenne Atalante Price, dit il d'un ton fier.

Il bomba le torse.

- Elle travaille pour Snow et le voit souvent.

- Oh. Sympa.

- C'est cool, hein ?

- Et pourquoi t'es là, alors, si elle travaille pour lui ?

- ... Je sais pas ?

- Chelou. D'ailleurs, je pense qu'on est désavantagés.

- Hein ? Pourquoi ?

- C'est deux filles ! Pourquoi on a pas les deux plus vieux, là, Valentin et trucmuche ? Eux, au moins, ils ont l'air plus potables !

- C'est pas un problème, non ? s'étonna Azur. On s'en fiche, de toute façon on sait déjà ce qui va se passer, pas besoin d'elles.

- C'est vrai. On a étudié ça mille fois, pas vrai ?

Elle lui mit une claque dans le dos en souriant.

- C'est clair ! On a pas besoin d'elles !

Ils rirent ensemble.