Chapitre 2: Vie nocturne
Les lumières agressèrent les yeux bleus de Pandora. Lorsqu'elle entra dans la pièce, une brise fraiche souleva sa jupe, et elle éclata de rire en la retenant. Tout les regards se tournèrent vers elle, et c'était étonnamment agréable.
Elle avait toujours été une fille discrète, agréable, qui ne faisait pas de remous. Aujourd'hui, c'était tout l'inverse. Son visage était éclairé par les différents spots de couleurs, elle resplendissait. Ses cheveux étaient tressés derrière sa tête, comme une couronne. C'était exactement la coiffure que lorsqu'elle était partie de son district, bien des années avant.
Elle tournoya sur elle-même, s'attirant quelques exclamations de la part de femmes présentes là.
Dan, un homme noueux qui n'était pas très bavard, mais qui rappelait parfois Iris dans certaines de ses réactions, tenait un verre entre ses doigts et le faisait rouler, visiblement ennuyé. Il n'avait pas lancé un regard à la blonde, ce qui aurait pu être vexant. Cependant, tout le monde connaissait son caractère un peu grognon et solitaire.
Elle fixa son regard sur les quelques personnes présentes ici. Léonore s'amusait avec un grand garçon noir efflanqué, certainement un Muet, car il avait un étrange rire aspiré très étonnant. Deux femmes, qu'elle ne connaissait pas non plus partageaient une étrange pizza verte, et regardaient avec intérêt et admiration l'ancienne gagnante des Hunger Games.
Elle leur adressa un petit sourire, avant de lancer à Dan Lee, dans le seul but de l'embarrasser un peu, le connaissant introverti:
- Tu apprécies la fête, Dan ?
- Beaucoup, répondit celui-ci en grattant sa barbe poivre et sel.
C'était visiblement faux, il paraissait sur le point de partir, et Pandora pouffa. Elle aimait rire de lui.
Depuis quelques temps déjà elle le connaissait. Dan était un homme d'un âge mûr, il était grand et râblé, musclé par son travail d'une façon étonnante. Dans ses cheveux noirs en brosse, quelques mèches blanches pointaient parfois, et il laissait un peu de barbe parsemer ses joues.
Dan, au même titre que Cinna ou Kaloss, était chargé de travailler pour les gagnants des Hunger Games, ou les anciens gagnants. Seulement, ce n'était pas pour le maquillage, ou l'apparence physique qu'il était chargé d'épauler les couples de deux. Non, c'était un ingénieur.
On sentait dans son regard l'étincelle vive d'un génie incompris. Lui-même se considérait comme bien au dessus de la moyenne, et il fallait avouer qu'il n'avait pas tord. Lorsqu'on rentrait dans son antre, on tombait souvent sur beaucoup d'objets en tout genre, en vrac.
Morgane et Pandora l'avaient découvert deux ans plus tôt, lorsque la brune cherchait désespérément quelqu'un pour l'aider à voyager dans la mémoire. Ce projet, qui paraissait complètement fou et irréalisable, se trouva être une simple partie de plaisir pour l'ingénieur Dan Lee. Quelques branchements plus tard, et une bonne somme d'argent dans les mains, Morgane récupérait les souvenirs, et la recette du remède de la maladie de Chwartz.
Elles étaient folles de joie. Depuis ce jour, malgré le caractère un peu ronchon, et renfermé de l'homme, elles l'avaient comme adopté, allant le voir, le tirant de sa solitude morose. Quelques jours, elles rentraient dans son atelier poussiéreux, pleins de bric et de broc, et lui amenaient un thé. D'autres jours, munis d'une bourse remplie, elles lui demandaient des petits services qu'il se hâtait de remplir, avec une vivacité étonnante pour son âge.
Dans ses pensées, Pandora avait quitté la première pièce, qui donnait sur le grand salon dans lequel elle et sa petite amie aimaient organiser des fêtes. Alors, le bruit, la fête, la foule, tout l'emplit avec une vitesse phénoménale.
Elle retint son souffle, cherchant du regard la belle brune qui partageait son coeur.
- Bonjour, fit une voix.
Heureusement que Pandora avait une bonne ouïe. Sinon, elle n'aurait entendu. La voix était profonde, éthérée, comme une brise dans son oreille. Les sens aux aguets, elle se retourna:
- Oui ?
Une jeune femme à la chevelure rousse se tenait devant elle. La première chose que Pandora remarqua fut la couleur éclatante de ses cheveux. Elle semblait légèrement perdue, et regarda la blonde de ses yeux globuleux.
- Je suis Céleste Néolisse.
- Oh mon d...
Pandora se retint au mur d'elle, légèrement étonnée de la voir là. Elle regarda de haut en bas la jeune femme.
Son visage était décharné, elle avait une petite cicatrice en dessous du nez. Ses yeux étaient grands, presque larmoyants. En dehors de ses cheveux roux d'une beauté étonnante, son corps était frêle, nageait dans ses habits grands, surprenant. Elle avait l'air de s'être réveillé à l'instant.
- Vous êtes la gagnante des derniers Jeux, dit Pandora, éberluée.
Mais qu'est-ce qu'elle fait là ?
- Exactement, répondit Céleste d'une voix brumeuse. C'est votre petite amie qui m'a invitée.
- Oh...
Pandora eut un sourire de malaise. Depuis un an, elle et Morgane s'étaient remises à regarder les Hunger Games. Comme un simple jeu télévisé stupide, sans morale ni éthique. Elles regardaient les tributs se faire tuer, en criant de joie, en pleurant, comme si c'était un simple film.
Mais Pandora ne voulait pas de remontrances sur ce sujet. Elle se gérait comme elle aimait, et regarder les Hunger Games permettait de se divertir, et de se mettre au courant. C'était ainsi qu'elle avait donc copieusement craché sur le couple de carrières du troisième district, Céleste et Bane, pendant tout leur Hunger Games. Elle avait été très déçue de voir Céleste gagner, marchant sur le cadavre de son ami, mort pour sa gloire.
- Et bien, c'est super, déclara la blonde après un effort de sociabilisation. Vous êtes là depuis longtemps ?
- Non. D'ailleurs, je ne vais pas rester. Je dois me coucher à vingt deux heures et trente quatre minutes, sinon je n'arrive pas à dormir.
A ces mots, elle fit un signe de politesse en sa direction, et s'effaça dans la foule, certainement pour aller se reposer. Dès qu'elle fut partie, Pandora se sentit légèrement dégoutée, une mine sombre s'affichant sur son visage.
Elle tourna la tête en avançant dans la foule. Peut-être étais ce son imagination, mais elle sentait un regard sur elle. Oh, se dit-elle, j'ai pris la grosse tête. Tout le monde n'a pas les yeux rivés sur moi. Ca doit sûrement être Morgane. Dieux, qu'elle est belle...
Pandora fendit la foule pour retrouver son aimée, un grand sourire sur le visage. Une belle soirée, en perspective.
✺
Morgane regarda Pandora approcher. Et son coeur s'emballa, comme si c'était la première fois qu'elle la voyait. Comme si c'était la première fois que son regard se posait impudiquement sur cette personne.
- Ta robe est exquise.
- Je ne pourrais pas dire la même chose de toi, répondit malicieusement sa compagne. Un baggy ? Sérieusement ?
- Quoi ?
Alors que Morgane s'offusquait, Pandora éclata de rire en tournoyant sur elle-même au rythme de la musique.
- Mais non, tu es parfaite comme tu es, déclara finalement la blonde après un court débat sur ce que mettait la brune.
- Même Kaloss m'a fait un compliment sur ce que je portais, dit Morgane d'un ton qui se voulait bourru.
Seulement, le sourire qu'elle avait au lèvres trahissait. Pandora, amusée, décida de la trainer avec elle sur la piste de danse, malgré les grommellements de cette dernière. Sans surprise, Morgane ne savait pas vraiment danser, et se laissait entraîner.
Pandora, hilare de cet air pataud qu'elle prenait, redoublait d'efforts pour la faire un peu tournoyer sur elle-même, posait ses grandes mains baguées sur sa taille. Rien n'y faisait. Morgane, visiblement fatiguée par cet effort qu'elle n'avait pas fait, posa sa tête sur l'épaule de Pandora, qui sourit, soupirant.
Elles dansèrent un slow, accompagné de caresse et de tendresses douces qu'elles s'attribuaient souvent. Autour d'elles, dansaient d'autres gens, d'autres couples. Lorsqu'elle regardait autour d'elle, charmée toutefois par les attentions de sa brune, elle voyait de plus en plus de femmes danser ensemble, se tenir par la main.
Cela faisait retentir dans son coeur une étrange mélodie, comme de la fierté. C'était peut-être grâce à elle que des gens come Kaloss, ou ces femmes, avaient maintenant tellement plus de place dans sa vie.
- Je suis tellement contente d'être avec toi, murmura Pandora avec un sourire ému.
- Moi aussi, mon amour.
Pandora rougit, émoustillée par ces mots qu'elle prononçait.
- Je suis heureuse d'être avec toi... Tu es super.
- Mais toi aussi.
- Mais ! Tu peux me faire des compliments, au lieu de dire des choses insipides !
Elles se chamaillèrent toute la soirée.
✺
- Je veux une augmentation !
La voix de l'homme résonna dans toute la pièce. Son cri était si puissant, si étonnant, que plusieurs personnes se retournèrent pour voir la scène. Elle paraissait cocasse. Une grande femme assise sur un trône regardait d'un air ennuyé un homme habillé en fonctionnaire.
La grande femme avait des cheveux blonds, blancs tant ils étaient clairs. Ses cils aussi étaient clairs, rendant son regard plus pénétrant encore. Sa peau était d'un blanc laiteux, elle avait l'apparence d'un ange. De ses doigts fins, elle tenait un étrange bâton couvert d'or. Au bout se tenait un coeur sculpté dans un cristal pur, rouge sang. Elle l'agitait tout en disant d'une voix négligente:
- Vous ne travaillez pas.
L'homme eut l'air effaré, puis consulta une carte d'entreprise sortie de sa poche. Il releva son regard sur la femme, qui replaçait sa couronne sur sa tête. Ses sourcils broussailleux se relevèrent, alors qu'il bredouillait, terrifié:
- J-je ne...
- Vous êtes viré. Depuis dix minutes, alors j'aimerais que vous quittiez immédiatement ce lieu.
- Non !
La détresse dans la voix du fonctionnaire aurait pu déchirer le coeur d'une personne normale, mais la femme ne semblait pas intéressée par cela. Sur ses doigts blancs, elle cherchait du regard une imperfection, ennuyée par la situation.
- Valet ? Où est mon Valet de coeur ?
Elle leva son beau regard. Ses yeux bleus glacier se posèrent sur la porte, qui s'ouvrait dans un grincement.
- Non ! Pensez... Pensez à ma famille ! Comment je vais nourrir mes deux enfants, moi ?!
- Ce sera le moment de prendre des vacances forcées, monsieur... Comment, déjà ? Monsieur Francis.
Un grand homme s'était introduit dans la pièce. Il portait sur le visage une épaisse gaine de métal, qui produisait un étrange sentiment de danger lorsqu'on essayait de découvrir le visage caché dessous. Son corps était drapé dans une longue robe rouge sang, couverte de pièces de métal. Il ne fallut pas plus de trois secondes pour que le Valet de coeur s'empare de l'homme, le ceinturant par les épaules. Désespéré, monsieur Francis se débattait, hurlait. Sous les yeux de tous, il fut trainé dehors.
La lourde porte s'abattit, le claquement résonna dans la pièce. Gracieusement, la femme se leva et s'étira, puis regarda d'un air mauvais toutes les personnes qui s'étaient retournées pour admirer la scène.
- Et bien ? Qu'est-ce qu'il y a ?
Elle descendit les quelques marches avant d'agiter son sceptre doré, et de prononcer d'une voix claire:
- Valet ?
- Je trouve que tu l'embêtes beaucoup, en ce moment, déclara un homme qui s'approchait.
Il semblait avoir le même âge que la femme, avait une couronne sur ses cheveux bouclés. Il était noir, et avait des yeux expressifs et pénétrants. Sa voix était profonde, digne d'un chanteur. Pourtant, il n'en était pas un, et tenait un pan de sa cape de fourrure dans sa main. Son menton était relevé, et l'expression dans ses yeux montrait son dédain.
- Moi ? Oh, tu exagères.
Un sourire diligent se peignit sur les lèvres de la grande femme.
- Valet ! Où est-il encore ? Insupportable.
Quelques badauds sursautèrent lorsqu'une porte claqua brutalement. Deux personnes avancèrent dans la pièce à pas de course. Le Valet de coeur s'inclina en s'approchant de la femme, il était suivit d'un autre homme.
Celui-ci avait des cheveux blancs et des yeux clairs scrutateurs. Il regarda la femme à la peau laiteuse, puis l'homme noir, avant de dire d'un ton affairé:
- Enchanté. Je suis André Price.
Il tendit sa main, mais aucun des deux ne bougea. Sans embrassement, il la baissa. Son regard ne lâcha pas les deux. Il y eut un grand silence tendu, avant que le grand homme noir demande d'une voix prudente au Valet:
- Sous-fifre, qui nous amènes-tu ?
- En réalité, ce n'est pas avec vous que je dois m'entretenir, coupa André Price.
Les deux hommes s'affrontèrent du regard, mais aucun ne jugea bon de se lever et d'aller mettre une claque à l'autre.
- Avec qui, monsieur Price ?
- Le Valet de coeur.
- C'est moi.
Le concerné s'inclina devant l'homme aux cheveux blancs, qui garda son port droit et galant.
- Et bien, allez discuter, dit la femme d'un air visiblement agacé.
Elle les chassa de sa main baguée, en baillant. De ses yeux semblables à des papillons albinos, elle regarda les deux silhouettes s'éloigner d'elle.
- Reine de coeur, déclara l'homme en dardant ses yeux sombres sur elle.
- Roi de coeur ? répondit-elle malicieusement sur le même ton.
- Je suis curieux de savoir ce qu'il se passe.
- Moi de même. Nous le saurons bientôt, qui sait ?
- Je l'espère. Sinon...
- Des têtes tomberont.
Ils rirent diligemment.
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