Azur leva ses iris affolées vers sa mère. Il la regarda, la bouche close, la peur se lisant dans son regard muet. Cependant, la doyenne n'avait jamais semblé aussi calme et sereine. La foule autour du jeune adolescent bruissait, parlait à voix haute. Les habits colorés et les parures du district 1 n'avaient jamais autant resplendi.

Ils savaient tous pertinemment qu'ils passeraient en direct, les caméras à parapluie étaient déjà installés sur l'arrière de la grande scène devant eux. Les Pacificateurs n'avaient même pas eu besoin de réprimer la foule, elle était sagement là. Tous étaient attentifs, les chapeaux melons et les toques reflétaient les nuages grisâtres dans le ciel. Les fourrures aussi étaient répandues parmis les habitants du district 1, c'était l'un des meilleurs habits contre le froid.

Azur portait lui-même une longue cape bleue sertie de fourrure au niveau de son cou et de ses pieds. Le vent qui sifflait entre les habitants du district l'épargnait ainsi. Il tourna la tête autour de lui, croisant parfois des visages qu'il connaissait.

Il regarda deux voyageurs au visage pâle et plus sale que ceux des résidents. À vrai-dire, ils faisaient vraiment tache. Leurs vêtements semblaient usés, boueux, grisâtres. Leurs mines étaient fatiguées, terre à terre. Leurs regards fuyants erraient du piédestal à la foule avec insécurité. Leurs sacs à dos étaient usés, ils ne portaient pas de bijoux. Seul l'homme portait deux objets de valeur, une montre connectée dorée au poignet, et une chaine d'or au cou. Azur regarda ses lunettes briller d'un éclat peu rassurant alors qu'il tournait la tête vers la brune à côté de lui.

Azur releva à nouveau le regard vers sa mère. Elle ne le regardait toujours pas, concentrée à regarder une femme légèrement ronde monter sur scène. Des applaudissements retentirent. Ce n'était pas les Pacificateurs ou les Capitoliens présents qui les avaient poussés à montrer un tel signe de respect envers la présentatrice.

Celle-ci était d'un rose flamboyant. Ses sourcils étaient complètement rasés, pour laisser un large maquillage fait de paillettes et de perles. Son air était figé, refait de la tête au pied. Elle regarda chaque personne avec insistance, un grand sourire sur ses lèvres brillantes. Azur sentit son dos devenir moite lorsque son regard rencontra celui d'Effie Trinket.

- Mesdames et messieurs, garçons et filles de Panem, c'est avec un cœur rempli d'excitation et de solennité que je me tiens devant vous aujourd'hui pour présenter les 101èmes Hunger Games !

Des applaudissements accueillirent ses paroles, les yeux de plusieurs s'allumaient avec intérêt. Les jeunes hommes et jeunes femmes du district étaient poussés en avant, vers la scène. Il fallait à tout prix qu'ils soient pris, qu'on les tire du bocal...

- Ces Jeux, symbole de la puissance du Capitole et de notre unité en tant que nation, représentent bien plus qu'un simple divertissement. Ils incarnent la tradition, l'héritage et la nécessité de maintenir l'ordre établi par notre chère patrie.Depuis des décennies, les Hunger Games ont été un rappel brutal de notre devoir envers le Capitole, un devoir qui exige le sacrifice et le courage des tributs sélectionnés dans chaque district. Nous les honorons pour leur dévouement et leur volonté de se battre pour notre glorieux avenir. Aujourd'hui, alors que nous entrons dans cette nouvelle édition des Jeux, nous honorons également les tributs qui se tiennent devant nous, prêts à se mesurer dans l'arène. Leurs noms, tirés au hasard, représentent l'esprit de notre nation et la diversité de nos districts.

Effie Trinket se dirige vers le bol des noms, prenant une profonde inspiration avant de plonger sa main dans la grande jarre. Elle joua avec les noms, se délectant des mines variées du public. Bien différent des autres districts, les districts 1, 2 et souvent 3 étaient enthousiastes à la Moisson. Effie afficha un grand sourire avant de dire:

- Et maintenant, sans plus attendre, permettez-moi de révéler les noms des tributs courageux qui représenteront leur district dans les 101èmes Hunger Games. Les femmes d'abord ! (Elle tira un papier). Le premier tribut féminin est... Anna Sanders !

L'attention de la foule se tourne vers la tribut désignée, tandis que Effie se prépare à tirer le nom du tribut masculin. La jeune femme était brune, petite, le regard affolé et complètement perdu. Malgré le fait qu'elle était au premier rang, sans doute mise ici par sa famille dans le but de la mettre en valeur, elle ne semblait pas préparée à cette opportunité.

- Et pour accompagner Anna dans cette quête, le tribut masculin sélectionné est... Azure Price !

Un frisson d'anticipation parcourt l'assemblée alors que les noms des tributs sont annoncés. Effie laisse échapper un soupir de soulagement mêlé à une touche d'appréhension, consciente de la gravité de ce moment pour les jeunes tributs et leurs familles.

- Que les cieux nous protègent et que la fortune soit avec vous, chers tributs. Que votre détermination et votre courage guident vos pas dans l'arène. Que les 101èmes Hunger Games déb...

- JE ME PORTE VOLONTAIRE !

La voix d'une jeune femme perça la foule déjà bruyante. Une jeune femme écarta le couple voyageur en hurlant presque sa déclaration. Azure, dont le coeur battait déjà la chamade, se tourna avec surprise et horreur pour voir une fille brune presque rousse, l'air rebelle et furieuse.

- POURQUOI C'ÉTAIT PAS MOI ?! ON AVAIT DIT QUE C'ÉTAIT MOI !!!

Elle poussa la pauvre Anna Sanders qui poussa un couinement terrifié. Au vu de son ton et de son tempérament, la fille qui venait de passer devant tout le monde était entrainée depuis des mois et des années pour ce moment... Mais n'avait pas été sélectionnée.

- Salomé !

La voix d'un homme âgé dans la foule fit sursauter tout les autres. L'attention était déjà rivée sur la jeune femme qui montait à présent sur la scène. Toutes les têtes se tournèrent, pour regarder un homme essayer de se frayer un chemin dans la foule.

- Salomé, revient ici tout de suite ! Allez la chercher, bon sang !

Il vit bien qu'il n'était pas possible de se faufiler dans la foule compacte, qui se refermait sur lui. Salomé était jeune, elle devait être légèrement plus âgée que Azur, pas plus. Elle avait réussi à courir pour lever le poing et crier à la foule:

- JE SUIS LE TRIBUT DU DISTRICT 1 !

Azure sentit une main dans son dos. On le poussait, on lui donnait l'injonction de rejoindre la scène et de brandir le poing aussi. Les Capitoliens se regardèrent sur la scène avec un air mi surpris mi amusé. Deux grandes femmes le dévisagèrent et Azure déglutit, il avait une impression de déjà-vu.

Mais il prit son courage à deux mains, et ses pieds étaient si lourds qu'il avait des fourmillements à chaque pas. Il monta les marches une par une et finit par se poster à côté d'Effie Trinket, de l'autre côté de la fille très sûre d'elle.

Et il brandit le poing.

- Je suis le tribut du district 1 ! dit il à la foule en brandissant le poing, dévoilant aux habitants du district 1 son bras musclé et sa stature petite mais athlétique.

✺

Dans l'obscurité étouffante de la cellule, la Louve, autrefois connue sous le nom de Primrose Everdeen, se tenait debout, les mains enchaînées au plafond. Ses yeux, naguère étincelants de détermination, étaient désormais ternes, reflétant la douleur et la résignation. La silhouette sombre du Président Snow se dressait devant elle, un sourire cruel étirant ses lèvres.

"Ma chère Louve, ou devrais-je dire Primrose," murmura-t-il d'une voix glaciale qui résonnait dans les sombres cavernes de la cellule, "comment te sens-tu aujourd'hui ?"

Prim ne répondit pas, ses lèvres serrées dans une ligne mince de défi muet. Snow s'approcha lentement, laissant traîner ses doigts sur les murs humides, comme s'il savourait chaque instant de son pouvoir sur elle. Il s'arrêta juste devant elle, si près qu'elle pouvait sentir son souffle froid sur son visage.

"Tu as été un obstacle gênant pour moi, Primrose. Ta petite rébellion insignifiante n'était rien de plus qu'une mouche irritante que j'ai dû écraser. Et maintenant, il ne reste plus que toi."

Un frisson d'effroi parcourut le corps de Prim, mais elle tint bon, refusant de lui donner la satisfaction de la voir briser son esprit. Snow la contempla un instant avant de poursuivre d'un ton doucereux, presque amical.

"Tu sais, j'admire ta force. Mais je crains que cela ne soit pas suffisant pour te sauver cette fois-ci. Tu vois, j'ai des moyens de te faire parler, même sans utiliser la torture physique."

Il fit un geste et un écran holographique s'alluma devant eux, révélant des images de ceux qu'elle aimait, ceux qu'elle avait menés dans la bataille, ceux qui avaient péri sous la tyrannie du Capitole. Les visages ensanglantés, les corps sous les décombres, la mort d'Anne-Lise, de Ness... Leurs yeux pleins d'horreurs.

La Louve détourna les yeux, mais Snow insista.

"Regarde-les, Primrose. Regarde ceux que tu as condamnés à la mort. C'est à cause de toi qu'ils sont morts."

Les larmes ne montèrent pas aux yeux de la Louve qui le regardait lui, avec haine, alors qu'elle voyait du coin de l'oeil les visages de ses compagnons disparus, tués, la culpabilité la submergeant. Mais elle se reprit rapidement, refusant de se laisser briser devant lui.

"Ce n'est pas moi qui les ai tués, Snow. C'est vous, avec votre soif de pouvoir et votre cruauté sans limite," voulut-elle déclarer d'une voix tremblante mais résolue. Mais aucun son ne sortir de sa bouche. Snow grinça des dents, souriant doucement. Il saisit son menton avec un calme brutal, forçant leurs yeux à se rencontrer.

"Tu es une Muette, Primrose Everdeen. Tu es insignifiante. Tu es déjà morte."Primrose Everdeen détourna le regard, une lueur de défi brûlant dans ses yeux sombres. Même dans l'obscurité oppressante de sa cellule, elle refusait de se laisser éteindre.