V. Premiers pas. (VI)
Samedi 26 Août, 17h18 :
Je pris en main la tablette qui gisait près de mon lit. Un "cadeau" comme aimait l'appeler les membres du gouvernement. Pour les riches, ce n'était qu'un objet à ajouter à la collection déjà importante de nouvelles technologies, tandis que pour les pauvres, ils pouvaient effectivement appeler la tablette de la sorte mais ils savaient pertinemment que s'ils échouaient à la formation, ils pouvaient lui dire au revoir.
La prise en main de l'appareil n'était pas plus difficile qu'utiliser le bracelet d'information. Ils avaient la même page d'accueil, complexe en apparence mais facilement manipulable. Chaque dossier était classé et chaque document était présent pour une bonne raison. Je suspectai d'ailleurs que les habitants des zones du dessus ait plus de liberté que la zone 16. Les orphelins n'avaient sûrement pas d'accès à des applications qui permettaient d'en savoir plus sur la classe supérieure.
Je fis glisser mes doigts sur la surface lisse, appréhendant le contact avec cet objet. Je me posai des milliers de questions. Le bracelet enregistrait déjà nos faits et gestes. La tablette recueillait-elle toutes nos pensées et nos recherches ? La réponse était probablement oui. La société stockait ainsi les informations nécessaire à la bonne conduite de chacun, connaissait toute sa vie et pouvait ainsi savoir qui était susceptible de compromettre le bon fonctionnement de L'Abris.
Je suspendus mon index quelques secondes dans le vide. J'hésitai à lancer la recherche. La curiosité était un mauvais défaut, mais c'était tellement plaisant de découvrir les secrets de chacun. Et si, pour une fois, j'osai ?
— Hermione Eveningsun, qu'as-tu à me révéler ? marmonnai-je aussi bas que possible.
Comme si j'avais fait une bêtise, je cachai ma tête dans l'oreiller après avoir appuyer sur le document portant son nom. Le noir, ma propre pensée, les ténèbres m'envahirent pour me laisser seule dans l'obscurité de mon action. J'avais osé. Je l'avais fait. Un combat s'éveillait en moi, opposant mon ange et mon démon. Je savais très bien lequel des deux avaient gagné, mais le côté protecteur n'avait pas abandonné. Il se battait pour me faire entendre raison. Je ne devais pas céder à la facilité de connaître quelqu'un par quelques chiffres dans un processeur.
A quoi pouvait me servir le binaire dans la vrai vie ? A rien. La réponse était claire et précise, ce n'était pas grâce au binaire que j'allais apprendre à connaître les gens, leur façon de penser, d'écouter et de parler. Je devais aller de l'avant mais comment le faire lorsqu'on a peur d'être abandonné ? Ma gorge se serra à l'entente de mes propres pensées. J'étais une contradiction à moi toute seule. Je détestais les personnes de mon âge sans les connaître mais je faisais semblant d'être sociable, pour paraître plus naturelle aux yeux de la société.
Je sortis la tête du coussin pour me concentrer sur le texte qui déroulait sur l'écran. Le reflet bleuté de ce dernier ne me dérangeait plus, il donnait un certain cachet à la pièce en se réverbérant sur les murs clairs.
'Hermione Eveningsun,
30/06/2516 (20 ans)'
Sa longue chevelure blonde, aux lignes dorées, ornait fièrement sa photo d'identité. Sa pose semblait sortir tout droit d'un magazine que les riches s'arrachaient d'avoir. Mes yeux s'arrêtèrent sur son mantra. C'était un pur cliché de la fille de riche qui se croit seule au monde : 'Je suis unique, mon parcours est unique', mais il ne m'étonnait que très peu.
J'étais déjà au courant de nombreuses informations sur sa famille, mon côté curieux prenant souvent le devant de la scène quand je me retrouvais seule. Il fallait dire ce qui était, j'avais toujours été fascinée par ces riches, qui tentaient de dissimuler tous leurs secrets aux yeux de la société, tout en pensant que personne ne s'en rendrait compte. Ils étaient si naïfs de penser cela ! Je ne comptais plus le nombre de faux-semblants que j'avais réussi à percer.
J'ouvris le lien qui était accessible depuis sa fiche d'identité et d'un glissement de doigt à la surface de l'écran, je lus la vidéo. Il s'agissait simplement de sa manière de combattre lors de la phase de sélection pour la formation. Je la regardai se débattre face à ses adversaires avec une telle difficulté. Voilà pourquoi elle était arrivée en dernière position du classement ! En effet, le reste des tests avait prouvé qu'elle méritait amplement sa place ici, malgré son caractère imbuvable lié à son rang dans la société et son air haut-perché dû à sa famille grandement reconnue.
Je cliquai sur les autres liens, souhaitant en découvrir davantage. C'était à la fois plaisant et dangereux. J'appuyai de nouveau sur les longues lignes grisâtres. Rien ne se passa. Je réessayai une fois, deux fois, trois fois mais toujours rien. La tablette vibra néanmoins à chacune de mes tentatives.
"ACCÈS REFUSÉ.
Votre rang ne vous permet pas
d'accéder à cette information."
Cette phrase me mit hors de moi. Malgré l'entrée dans cette formation, nous, les sans-familles, restions toujours des pions aux yeux du gouvernement. A cet exact moment, je sus que la survit du peuple ne dépendait que d'une poignée d'homme en réalité. C'était une blague, évidemment. Je ris nerveusement au fond de moi-même. Mon rang... L'importance de nos origines, de si l'on a des parents ou non, de notre vie tout entière. En quoi cela pouvait influencer nos pensées ? En quoi être orpheline pouvait nuire à la société ? Pourquoi eux et pas nous ?
J'entendis la porte se déverrouiller. En une fraction de seconde, j'éteignis l'écran, effaçant le plus possible les traces de mon passage sur les dossiers. Je me levai aussi vite que possible de mon lit et tenta de faire croire que je rangeai le peu d'affaire qu'il me restait dans les cartons. En réalité, tout était déjà à sa place, que ce soit dans l'armoire, l'étagère ou encore sous le lit. J'avais essayé d'investir chaque parcelle de ma moitié de chambre, ou du moins ce qu'il en restait. Hermione avait gentiment laissé un micro-espace pour que je puisse y placer des babioles issue de ma misérable existence, prenant le reste des lieux comme propriété privée.
— Bien le bonjour, noble demoiselle ! s'exclama une voix joviale.
— Bien le bonjour à vous aussi, messire Jodfull ! rigolai-je à mon tour, après m'être aperçu qu'il s'agissait simplement d'Ayden.
Je retournai m'asseoir sur le lit et buttai contre ma tablette, éteinte près de mon coussin. Ayden tombait à point nommé. Si je n'arrivai pas à accéder aux informations, lui le pourrait sans soucis. Je lui faisais confiance sur ce point-là.
— Je... commença-t-on en chœur. Vas-y... Non, toi... Okay, je me lance...
Nos mots se chevauchaient et aucun de nous ne parvenait à prendre le dessus sur l'autre. Fermant ma bouche rapidement, je lui fis signe de la main de parler et dire ce qu'il avait à annoncer rapidement. Je le connaissai trop bien pour savoir qu'il se perdrait dans un monologue sans fond ni forme dont lui seul avait la recette.
— Eh bien ! Je n'y croyais plus ! Je pensais que nous allions plus pouvoir causer sans que l'autre ne sorte également un mot de son gosier.
Je fis mine de bailler pour lui faire comprendre de se dépêcher. Cela eut l'effet inverse de ce que je pensai. Il se mit à babiller davantage, sans faire attention à un seul de mes gestes. Fermant les yeux à de nombreuses reprises, il se déconnectait lui-même du monde qui nous entourait pour prendre part à son univers onirique.
Les minutes passaient et se ressemblaient de plus en plus. Même le son de mes mains n'avait plus d'impact sur son monologue. Le claquement de mes doigts devant son regard pour le faire émerger n'eut aucun incident sur ses paroles, à mon plus grand désespoir. Mon ultime recours arriva peu à peu à me démanger le bout de mes mains. Je ne voulais pas en arriver là, mais si je n'avais plus de choix, j'allais bientôt devoir mettre en action mes pensées.
Je m'excusai déjà auprès de la chambre. La pauvre n'avait rien demandé mais je ne donnais pas cher de sa peau, ou plutôt de ses murs, d'ici quelques minutes. Je soufflai légèrement avant de me lancer. L'hésitation entre refaire la décoration des cloisons de métal et sauver mon meilleur ami de ses propres paroles grandissait en moi. Je caressai délicatement la couverture qui revêtait mon lit. Sa douceur exemplaire différait de notre zone 16. Elle était à la fois réconfortante et rassurante. Sa chaleur pouvait, j'en étais certaine, combattre n'importe quel chagrin. Pourtant, tout comme les murs, elle n'allait pas survivre longtemps face à la situation qui allait survenir.
Je m'approchai lentement des côtes d'Ayden, évitant à l'air de l'informer de ma venue. Je me mouvai tel un ninja des temps modernes pour parvenir jusqu'à lui. J'y étais presque. Cette surface de tissus était la seule séparation restante face à sa peau, aussi lisse qu'harmonieuse. Je fus stoppée dans mon mouvement.
— Bien tentée, Rav' mais c'est non.
Surprise, je ne pus décocher qu'un simple mot de mécontentement.
— J'ai fini de parler, annonça-t-il impassible.
Il regarda sa montre et remonta ses yeux immédiatement. Ça ne sentait rien qui vaille. Je connaissais bien trop ce regard. Celui de la personne qui n'est plus maîtresse de son corps car l'estomac venait de prendre le relais. Je n'avais donc plus le choix. Ma demande devait attendre que l'on marche vers le réfectoire.
Il se leva d'un coup sec, et se fendit d'un sourire.
— On part manger, c'est l'heure !
Face à la moue que je faisais, il s'arrêta net et compris instantanément que je n'avais toujours pas exprimé ce pourquoi je l'avais laissé parler. Il me désespérait. C'était franchement une cause perdue ce jeune homme. Pourtant, il allait me suivre pendant un bon bout de temps.
— Je te raconterai en route. De toute manière, j'ai l'habitude, p'tit boulet !
— C'est moi que tu traites de boulet ?
Je ne répondis pas, laissant le silence approuver à ma place.
✷ ✷ ✷ ✷ ✷ ✷ ✷ ✷ ✷
Hello hello ^^
Comment allez-vous ?
Un petit chapitre léger vient de voir le jour ! J'aime beaucoup cette relation entre Raven et Ayden (#Rayden).
Avis sur le chapitre, juste ici ➡️
Dites moi ce que vous en pensez et n'oubliez pas que les petites étoiles valent tout l'or du monde dans l'esprit d'un auteur, quelque soit son genre.
Xoxo <3
Ptitgibilin ✧
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