IX. Les yeux dans les yeux. (III)
Vendredi 29 septembre, 11h08 :
Je me fis bousculer dans le couloir. C'était devenu une habitude. Je n'avais plus besoin de me retourner pour savoir de qui ça venait. La réponse était déjà toute trouvée et malgré ce qui s'était passé quelques heures plus tôt, il n'avait aucun remord à continuer de me faire vivre un enfer.
— Ayden, Jace...
Oui, les deux étaient toujours fourrés ensemble, c'était également devenu une habitude.
— Je vous rejoins d'ici quelques minutes. Quand vous irez à la cantine, gardez-moi une place !
Les deux loustics continuèrent d'avancer sans trop se poser de question. L'ombre de Treegof se détacha de la foule avant de bifurquer dans un couloir. Je savais exactement ce que je devais faire. Sur mes gardes, je m'approchai du croisement et laissai passer les derniers qui trainaient. Après un bref coup d'oeil sur ma gauche puis sur ma droite, je m'engouffrai dans le couloir, qui bizarrement n'avait pas envi de s'allumer au vue de nos mouvements. L'air devint moite, et l'ambiance pesante.
Mes ongles tapotèrent le métal réverbérant un son aigu et perçant. En écho, trois courts mais sourds bruits de poing contre le mur revinrent dans ma direction.
— C'est bon Treegof. Je sais que tu es là !
Un bras me surprit par l'arrière et me poussa contre la paroi gauche. Ma tête alla taper légèrement contre le métal. La délicatesse Treegof... La délicatesse, tu connais ? Je grognai faiblement avant d'entrouvrir ma bouche pour parler.
— Cette fois, me coupa-t-il, c'est moi qui parle.
Son ton était différent. Sa voix était à la fois éraillée et décontenancée de toute sa puissance.
— Plus jamais tu ne me bats comme tu l'as fait. Plus jamais ! Je suis le plus fort de nous deux. Tu n'es qu'une...
Les mots se bloquèrent à l'entrée de sa gorge.
— Orpheline... Vas-y dit le ! Tu ne changerais pas de tes insultes ordinaires.
Lorsqu'il desserra son emprise, je me retournai avec fureur et ne pris pas le temps d'analyser mes gestes. Je le poussai vers la paroi opposée et bloquai mon avant-bras sous sa mâchoire. Je pris le dessus sur lui. Un éclat de lumière passa devant ses yeux et éclaira sa peur le temps de quelques secondes.
— Je vais t'apprendre une chose Treegof.
Je mesurai mes mots. Je ne devais lui faire plus peur qu'il ne l'était déjà. Je devais le garder dans la formation, mais lui faire comprendre qu'il n'en était pas le patron.
— Arrête de me voir comme ton ennemi. Je suis loin d'être celle que tu crains le plus !
Je fis un rapide mouvement de tête pour m'assurer qu'il saisissait bien ce que je lui expliquais. Il voulut rétorquer ouvrant sa bouche telle une carpe en pleine action. Aucun son ne sortit. Une barrière invisible venait de s'immiscer dans son esprit et l'empêcher de faire quoique ce soit.
Mes yeux se fixèrent dans les siens et malgré la pénombre qui englobait les lieux, je pus percevoir sa pupille se dilater puis ses iris se tinter d'une couleur émeraude. Ses longs cils encadraient d'une manière bien singulières ses yeux en amandes. Sa mâchoire se contracta et fit apparaitre sur une courte période une forme plus carrée.
Mes yeux remontèrent progressivement, me laissant juste assez temps pour apercevoir ses pommettes rosies par l'action que nous avions menée. Je reposai mon regard au centre de son visage parfait. Il avait baissé le sien et observait avec attention mes lèvres. Dans une incroyable finesse, je descendis également le mien. La rougeur des siennes m'attirait. Je ne savais pas comment expliquer cette vision des choses. Je le détestais, il me détestait. Et pourtant, sur l'instant, nous étions deux âmes en peine, en proie à la colère qui se déversait sous une autre forme.
De faibles secousses nous sortirent de notre transe, brisant l'infime chance qu'une quelconque amélioration ne perce le jour. Deux semaines s'étaient déjà écoulées depuis cette soirée au bar. Deux semaines qu'une grande majorité des agents avait du rejoindre la surface. De notre côté, personne ne nous avait informé de la situation. Nous restions dans le flou alors qu'il s'agissait de notre futur. Nous nous détachâmes et nous mîmes en route le plus rapidement possible. Nous courûmes à en perdre haleine avant de rejoindre le couloir principal où les lumières rouges s'agitaient dans tous les sens.
Quelques agents des ligues internes s'ajoutèrent à la foule, dans des mouvements bien trop incertains qui ajoutaient de l'angoisse à la scène. Des bras vinrent se coller à moi et m'enserrèrent.
— Tu es vivante ! s'exclama Ayden soulagé.
Je fronçais les sourcils. Je ne comprenais pas cet excès de douceur soudain.
— Oui... Ça me semble logique... On ne s'est éloignés que quelques minutes mais il n'y a pas de raisons pour que je meurs pendant ce laps de temps...
— Tu n'es pas au courant ? Pourtant, le lumières rouges, les secousses...
En un instant, je pris conscience de l'ampleur de la situation. C'était comme si la foudre avait décimé le petit nuage de bonheur sur lequel je naviguais depuis... depuis que j'avais pu remettre Treegof en place.
— Fais moi le topo sur la situation, Ayd.
Il me regarda, ses yeux aussi grands que des soucoupes, puis s'exécuta avec la plus grand précision possible.
— Les chefs des ligues Un, Deux, et Quatre viennent de rentrer de leur mission mais elle ne s'est pas déroulée comme prévue. Deux agents ont perdu la vie et un élément extérieur à L'abri a réussi à pénétrer dans notre forteresse. On ne sait pas qui il est, ni à quoi il ressemble mais nos détecteurs sont formels, il y a une chose ici qui ne devrait pas y être.
Mon cerveau se mit à tourner à toute vitesse. Je cherchai un moyen de comprendre et d'analyser avec exactitude chaque donnée pour mieux les exploiter.
— Comment elle est rentrée, cette chose ?
Ayden se mura dans le silence. Il savait. Il connaissait beaucoup d'informations sur le sujet mais il ne les avait pas apprises de manière légale. Je lui lançai mon fameux regard "Tu as intérêt à répondre ou je t'en colle une". J'aimais bien ce regard, Ayden moins car il savait qu'il ne pouvait pas résister face à une telle puissance.
— Tu craches le morceau ? Je ne t'en voudrais pas pour avoir pirater la base d'information du gouvernement central.
— Une brèche, exprima-t-il la voix chevrotante. Il semblerait qu'il y ait une brèche, trois mètres au Nord de la porte centrale qui mène vers l'extérieur.
Les murs étaient censés empêcher une telle catastrophe. Comment cette venue avait-elle été possible ?
— Où est cette chose maintenant ?
— Personne ne sait.
— A quoi ça ressemble ? Quelle race ?
— Personne ne sait, se désola Ayden.
— Qu'est-ce que tu sais d'autre ?
— Les barrières de sécurité ont été abaissées pour protéger la population et piéger cette chose, souffla silencieusement Ayden, mais...
— Est-ce que cela servira vraiment à partir du moment où elle a pu détruire notre mur extérieur ? terminai-je avant de me faire couper par un tintement.
"Veuillez vous regrouper en salle 4-112."
Le message était clair. Il ne désignait pas seulement les agents externes en formation, mais bien à chaque élève, interne ou externe, et chaque agent de chaque branche de se concentrer en salle principale d'accueil et d'échange. La salle 4-112 était un lieu neutre, sous forme d'amphithéâtre où chacun avait une place, les interlocuteurs se retrouvaient au centre où leur voix était grandement augmentée par des micros dissimulés dans le sol, ne captant que les ondes vocales.
Les traits tirés par la fatigue, Fallsbeck s'avança sur l'estrade centrale.
— On parie combien qu'ils vont vouloir faire passer ça sous un 'entrainement' ? glissai-je doucement dans l'oreille de mon meilleur ami.
— Raven ! Ils nous ont tous convoqués. Je doute qu'ils puissent faire passer l'événement sous la forme d'un entrainement comme tu le dis.
Il n'avait pas tord, mais je sentais l'entourloupe arriver. Je ne reconnaissais pas les agents de ligues externes. Pourtant, nous étions tous contraints de venir ici. Je jetai un coup d'oeil vers Treegof. Ses pieds et ses mains croisés trahissaient de son état émotionnel quotidien depuis deux semaines qui s'était fortement renforcé avec mon comportement de la veille. Mais il avait ce regard, cherchant à comprendre ce qui se passait à l'instant présent.
— Silence ! instaura Fallsbeck. La panique qui a été créée aujourd'hui ne devra plus se recréer à l'avenir. En un mois, on croirait que vous n'avez rien appris ! Lorsque la lumière rouge s'allume et que des secousses se font sentir, vous vous rassemblez par petits groupes et vous attendez les ordres !
Je pris une grande inspiration. Je ne connaissais pas Fallsbeck sous cet angle. Il semblait dangereux : de manière puissante, comme si rien ne pouvait l'arrêter.
— Nous préférons trouver un groupe mort que toute une ligue. Vous êtes des agents, vous savez vous défendre entre vous. Mais vous n'avez jamais rencontré ce qui peuple la surface. Vous ignorez encore beaucoup de choses, alors à l'avenir, réfléchissez ! Il ne s'agissait aujourd'hui que d'un exercice, vous vous en sortez bien.
Bingo ! Je tapai faiblement dans la main d'Ayden. Je le savais. Rien de tout ce qu'on vivait n'était qu'entrainement. L'attitude des agents chargés de nous surveiller dénotait avec leur comportement d'ordinaire. Les informations qu'Ayden avait dénichées. Tout concordait pour prouver que ce n'était pas qu'un exercice, comme il le disait si bien.
— Retournez à vos activités. Vous avez encore beaucoup à apprendre.
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Hello hello ^^
Comment allez-vous ?
Oui... je poste pendant mon stage et alors ? Fallait bien que je vous mette votre chapitre à un moment de la journée !
Ici pour la FAQ (tous les personnages sont autorisés) :
N'hésitez vraiment pas à poser des questions pour le chapitre spécial 500 votes (qui arrivera sous peu) ^^
Ici pour les avis sur le chapitre et vos théories :
Dites moi ce que vous en pensez et n'oubliez pas que les petites étoiles valent tout l'or du monde dans l'esprit d'un auteur, quelque soit son genre.
Xoxo <3
Ptitgibilin ✧
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