IX. Les yeux dans les yeux. (BONUS II.)
Vendredi 6 octobre, 23h20, Clayton Treegof :
Je me levais et fis le tour de ma chambre. Il y avait une chance sur deux pour que je trouve dans les couloirs Raven. Elle aussi avait l'habitude de déambuler de nuit quand le sommeil ne la prenait pas, ou quand son meilleur ami la délaissait et qu'elle se sentait seule. En fait je me demandai bien comment elle faisait pour tenir à ce rythme. Elle dormait très peu, se dépensait beaucoup et vivait pour deux.
— C'est une machine en fait. Un robot prêt à anéantir notre espèce, rigolai-je en silence.
Elle avait tout d'un androïde. Elle était forte. Elle apprenait vite. Elle était toujours au courant de tout, à l'affut de tout. Sauf les émotions. Elle semblait les ressentir au plus profond d'elle.
Elle n'était pas un robot. Je retirai ce que j'avais dit.
Mes pas me guidèrent de nouveaux sans que je n'eus à ordonner directement à mon corps de suivre un chemin donné. Je ne savais pourquoi j'avais atterrit dans la salle cylindrique, j'avais envie d'y mettre mes pieds. Une envie, qui à la seconde où mon regard s'était porté au loin, avait anéanti toute sensation dans mon coeur.
Quatre personnes me faisaient face. Trois d'entre elles affichait un ton froid et dur alors que la dernière semblait terrifiée. Ses magnifiques cheveux bruns fuyant par leurs boucles volatiles étaient reconnaissables entre mille, tout comme ses yeux noisettes qui s'écarquillaient de peur à la vue de la scène qui se déroulait au ralentit.
— Raven ! m'empressai-je de crier avant de voir la main de mon père l'attirer contre le mur et l'y plaquer dangereusement.
— Doucement, fils. Dois-je te rappeler quelle est sa place ?
Ici... pensai-je tout bas. Elle mérite sa place en ces lieux. Je m'apprêtai à me démener pour la sortir des griffes de mon père, mais c'était peine perdue. Des bras m'enserrèrent la taille et me retinrent avec force. Je n'avais plus d'autres choix que de me laisser faire. Je ne pouvais plus lutter.
— Regarde là ! Et dis tout haut, ce que nous, porteur émérite du gène de la société, pensons et démontrons.
Ma gorge se serra. J'étais incapable de sortir de tels mots après l'avoir connue. La peur me paralysait totalement. Aucun de mes muscles ne répondait. J'avais envie de riposter, de rendre les coups qui m'avaient été portés quelques années plus tôt.
— Regardes-là ! Montre lui que nous sommes supérieurs !
Je me sentais comme une guimauve. Ils pouvaient faire de moi ce qu'ils voulaient et en échange, j'étais incapable de bouger ne serait-ce que le petit orteil. Je n'avais la force mentale de Raven, ni sa force physique. Je n'étais pas capable de concentrer une telle puissance. Je fermai les yeux. Ce n'était qu'un cauchemar et j'allais me réveiller. J'étais dans un cauchemar.
Ma respiration se fit douloureuse et pénible. Je serrai ma mâchoire aussi fort que possible et priai pour que les deux scientifiques cessent de me maintenir. Prit entre quatre murs, mes réflexes finirent par prendre le dessus. Je refermai mes poings jusqu'à ce que mes jointures devinrent blanches. Dans un insurmontable effort, je fis en sorte que mes bras se rapprochent l'un de l'autre pour que le poids des deux êtres qui m'enchainaient encore disparaisse et que je redevienne libre.
J'avais l'impression d'avoir la force d'une mouche. Je luttai mais rien n'y faisait. Personne ne bougeait, tout restait en suspens comme une scène passant au ralenti devant nos yeux. Lorsque la délivrance se fit enfin ressentir, mon souffle reprit alors un cours normal. Enfin... moins saccadé. Je le sentais encore pesant mais moins difficile, plus profond.
Le visage de mon père s'incrusta alors dans ma mémoire. Son regard féroce et déstabilisant. Ses yeux noirs et perçants désarmaient quiconque osait le regarder, y compris moi. Je perdis alors pied. Tout mon assurance prise à l'instant venait de s'évanouir dans la nature.
D'un geste furtif, je le vis retourner Raven pour la mettre face à moi. Sa manière de la tenir me rappelait la façon dont la brune m'avait maitrisé lors des premiers combats. La position de mon paternel, une main sur le cou enserrant sa peau, l'autre sur son ventre, l'empêchant d'esquisser le moindre mouvement, fit stopper en moi tout ce que j'avais oser entreprendre.
La rage en moi montait mais rien ne ressortait. J'étais pétrifié sur place. Je savais très bien qu'il pouvait la blesser comme il le souhaitait. Elle ne méritait pas de subir un tel choc par ma faute. Deux mains revinrent contre mes bras et me plaquèrent au sol. Ma tête claqua contre le métal froid laissant mon corps au service des deux scientifiques. Mon regard remonta le long des jambes de Raven, puis se posèrent sur son ventre parfait avant de terminer leur course au creux de ses yeux, effrayés. Ses noisettes, d'habitude pétillantes de vie, de joie, d'une heureuse malice, s'était comme éteintes. Un épais voile de peur les obscurcissant. Je pouvais y voir une peur pure et dure. Une peur que je ne connaissais que trop bien. Raven...
— C'est pour elle que tu te bats ?
Il lui porta un coup dans les côtes, lui arrachant un cri fulgurant. Jamais, je n'avais été traversé par tant d'horreur dû à ma personne. Elle subissait tout ce que j'aurais du subir car en réalité, ils savaient parfaitement comment m'atteindre.
— Affirme que nous sommes supérieurs, tonna mon père. Affirme-le !
— Nous ne...
Je reçus un premier coup à l'arrière du dos. Cette douleur enfouie au plus profond de moi refit surface immédiatement, comme si elle ne m'avait jamais quittée. L'emprise qu'ils avaient irradiait mon corps, m'empêchait d'entreprendre quoique ce soit.
Dans un ultime espoir, je relevai la tête pour croiser le regard de Raven, une nouvelle fois. S'il le fallait, je me sacrifierai à sa place. Elle méritait cette place bien plus que moi.
— Affirme que nous sommes l'élite, que nous sommes au-dessus des orphelins.
— Jamais, crachai-je tant bien que mal malgré le goût de fer qui commençait à apparaitre dans ma bouche.
Mon père resserra sa domination sur Raven, dont le visage se tordit immédiatement de douleur. Ses lèvres se pincèrent entre elles, minimisant le son qui s'évadait de son gosier. Sa mâchoire se contracta violemment tant elle voulait se retenir de hurler sous l'horreur que lui faisait vivre mon père. Elle jeta un dernier regard en ma direction avant de fermer les yeux et de crier mon nom.
Ce fut à moi d'ouvrir brutalement les miens, les larmes dévalant mes joues. Ma respiration se fit difficile tant le réveil avait été brusque. Mon buste relevé alors que je venais de m'asseoir dans mon lit laissait glisser des perles de sueur le long de ma peau. Je pris ma tête entre mes deux mains. Pas encore... Pas maintenant... Mes tremblements reprirent de plus belle. Mon poing se replia sur lui-même, laissant les jointures devenir blanche, pour contrôler ce que mon corps décidait de faire pour moi.
— Inspire, Clay... me répétai-je à moi-même. Expire.
Ma respiration chevrotante allait de paire avec mon état. J'étais incapable de penser clairement, de savoir ce que je devais faire, là où je devais aller. J'étais perdu.
— Je ne suis qu'un humain !
Je pestai seul dans ma chambre, l'envie de tout retourner montant en moi. La gorge serrée, je sentais les larmes s'intensifier sous le poids de l'incompréhension. J'avais besoin d'aller faire un tour, m'aérer la tête ou encore vérifier que ce n'était qu'un rêve. Ça ne devait être qu'un rêve.
Pieds nus, il était temps que j'ai le coeur net. Rien de tout ça ne serait arrivé si j'étais resté bien sagement dans ma zone de confort, en lieu sûr. Pourquoi avait-il fallu que mon opposé en matière de passé ait un niveau égal au mien, de façon à ce que tout mes plans soient remis à zéro ? Raven... Pourquoi avait-il fallu qu'elle se retrouve à mes côtés alors qu'elle aussi devait se battre pour prouver à elle-même qu'elle avait le droit de vivre ? Pourquoi ?
Les couloirs me semblaient bien plus longs et exigus que d'ordinaire. J'avais l'habitude de me pavaner, de jouer un jeu. Le temps passait vite. La solitude reprenait le dessus quand la nuit tombait, quand je me retrouvais sans chaleur humaine à mes côtés. Tout semblait m'oppresser, m'écraser, m'étouffer. Je passais d'abord devant les portes des chambres, longeant avec douceur et discrétion chacune, ne voulant déranger personne.
Les escaliers s'offrirent enfin à ma vue, haut et trop lumineux. Chaque bout de métal qui s'entrecroisait pour former le sol meurtrissait mes pieds. Les étages se succédaient seulement à ma vue. Un grand trois symbolisait notre étage, inscrit en une couleur cobalt qui contrastait avec les parois d'un blanc immaculé. Seul les reliefs liés au planche de métal ressortait de cette nuance pâle. Chacune des marches semblait rajoutait un poids à mon être.
Et si ce cauchemar n'avait été qu'un aperçu du futur ? Alors me retrouver en ces lieux viendrait confirmer ce que j'avais vu. Il ne fallait pas que j'y aille. Je ne devais pas y aller.
Un son titilla mon oreille. Quelqu'un tentait de déverrouiller la porte depuis l'autre côté pour venir vers moi. Mon coeur se mit à s'accélérer frénétiquement, la peur me tordant les entrailles. Avant que quiconque n'entre dans le sas de sécurité, je descendis quelques marches et me plaquait contre le sol. . Avec un peu de chance, la personne monterait pour aller vers des salles diverses ou pour rejoindre une autre zone de l'Abri. Il ne fallait pas qu'elle descende, je n'étais pas prêt à jouer mon meilleur jeu d'acteur...
La porte du couloir s'ouvrit doucement, couinant légèrement comme à chaque ouverture. Il était temps qu'il se charge de la réparer... Prenant mon courage à deux mains, mon regard se releva légèrement pour découvrir qui se baladait à une heure aussi tardive de la nuit. Ses cheveux fuyant, brun, flottant dans les airs me prirent de court.
Raven ?
Oh non ! Pas maintenant, pas ici.
Elle esquissa un mouvement de bras au niveau de ses yeux. Je pouvais le voir d'ici, son souffle était saccadé, comme si elle était énervée, blessée ou encore... Non, ce n'était pas possible. Ayden n'était pas à ses côtés, depuis quand n'avait-elle pas Ayden à ses côtés ?
Quand elle eut fini de monter l'étage, —car oui, elle n'avait pas prévu d'aller à la piscine et heureusement !— je la suivis avec encore plus de discrétion qu'un chat lors d'une partie de cache-cache. Mes pas se faisaient léger et pour la première fois, je me réjouissais de pouvoir me mouvoir comme bon me semblait sans avoir peur que mes agissements ne me portent préjudices.
Je l'entendis renifler avant de débloquer la deuxième porte menant aux salles diverses. Je me précipitai pour la suivre. Il n'était plus question que je la laisse seule. Elle avait besoin d'être entouré. Je ne savais pas pour quelle raison elle allait mal mais je devais la rejoindre. Je passai mon bracelet devant le capteur et attendis de percevoir le déverrouillage associé. Le cliquetis qu'émit la porte me rappela à quel point j'étais prêt à faire n'importe quoi pour cette fille.
Je pris alors du recul sur la situation. Si je passais cette porte, la suite allait peut-être me changer à tout jamais. Que ce soit du bon ou du mauvais côté. Je me retournai, prêt à redescendre. Je vins finalement m'asseoir sur les premières marches pour réfléchir. Si jamais mon père faisait son apparition maintenant tout de suite, je le saurais.
La cage d'escalier était calme, silencieuse comme lors d'un vendredi sombre. Aucun mouvement, aucun son, personne. Seule ma respiration venait troublait l'air des lieux. Je fermai les yeux et me concentrais, ralentissant les battements de mon cœur. J'essayais de me fondre dans le décor avant de disparaître totalement dans mon esprit.
Un seul mot me revenait en tête, inlassablement, comme indissociable de ma vie. Raven. Elle avait besoin d'aide. Je n'étais pas le mieux placé pour l'aider, ni le plus qualifié après ce que je lui avais fait vivre, mais Damn ! Si je ne changeais pas aujourd'hui, je ne changerais jamais.
Je me relevais et me mis en marche pour passer cette foutue porte et atterrir dans le sombre couloir. Contrairement aux autres espaces, ce couloir possédait des murs noirs où de fines lignes de lumières bleues éclairaient légèrement les alentours. Elles guidaient chacun vers les salles disponibles.
Je tendis l'oreille. Une seule voix rauque et je faisais demi-tour. Au contraire, un petit reniflement s'éleva dans les airs et parvint jusqu'à moi. Je suivis ce son, discret et surtout tâchant d'être compréhensif et dans l'empathie. Ces deux mots de vocabulaires me faisaient bizarre. Jamais un riche n'avait à les sortir ou à s'en servir. Nous étions au-dessus de tout ça. Pas besoin de s'en soucier, pas besoin d'accompagner son prochain, l'égoïsme comme seule et unique valeur et force.
Arrivé proche de la salle, je m'arrêtai un instant, juste le temps d'inspirer un grand coup. Raven était adossée contre un mur, les genoux repliés contre sa poitrine et laissant seulement ses épaules tressauter à mesure que ses larmes perlaient à la surface de son visage.
— Tout va bien ? demandai-je alors que la réponse me semblait évidente.
Elle releva sa tête et dévoila son état, qui semblait bien plus catastrophique que ce à quoi je pouvais m'imaginer. Ses yeux étaient rougis, faisant ressortir avec intensité ses merveilleuses pupilles noisettes. Elle remonta son doux regard jusqu'à moi et fut surprise de me trouver en ces lieux. Quant à moi, je me surprenais à la trouver encore plus forte que d'habitude. Ses joues rosies lui donnait un air mignon et attendrissant qui traduisait de son mal-être. Elle aussi jouait un jeu, positionnant son masque à chaque fois qu'elle était de sortie quelque part.
— Je suis là si tu veux en parler.
C'était la moindre des choses que je pouvais faire après ce qui s'était passé à la suite des résultats. Ma voix s'était adoucie pour ne pas la brusquer. Elle avait fait de même lorsqu'on avait été à la piscine. Je vins me placer à ses côtés, dans la même position qu'elle avait il y a de ça quelques minutes. Genoux légèrement repliés sous le menton, je calais ma tête contre le mur et me maintenais les jambes doucement avec mes avant-bras.
Le silence envahissant dans un premier temps la salle circulaire, fut remplacé par les explications touchante de Rav' qui me firent progressivement rendre compte qu'elle et moi n'étions pas si différent l'un de l'autre. Plus la discussion avançait, plus je me sentais confiant à ses côtés. Mon cauchemar était resté loin de moi, alors qu'elle m'avait changé les idées en me rendant bien plus utile que d'ordinaire. Je l'entendais encore renifler de temps en temps mais jamais je ne l'interrompais. Elle aussi avait besoin de vider son sac...
Un fois qu'elle avait fini de se poser trois milliards de question, dont mes réponses étaient en majorité : je ne sais pas, ou encore j'aurais fait pareil, je me relevai. Nous n'allions pas rester une éternité de plus sur ce sol gelé. Je me surpris de tendre ma main vers elle pour l'aider à se relever, sous son regard interrogateur. Elle mit un certains temps à réagir avant de l'accepter, à mon plus grand plaisir.
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Hello hello ^^
Comment allez-vous ?
Ça y est le chapitre bonus est fini (et comme promis, il est arrivé avant ce soir ;D), j'aurais pu le recouper encore en deux pour le faire durer plus longtemps mais bon 2500 mots, ça passe encore pour un chapitre.
Mercredi on commence une nouvelle partie ! Elle va aller vite (enfin tout est relatif !)
Si vous faites attention aux dates sur les chapitres, sachez que des bouts du chapitre bonus reviendront prochainement ;) Je dis ça je dis rien...
Ici pour les avis sur le chapitre et vos théories :
Dites moi ce que vous en pensez et n'oubliez pas que les petites étoiles valent tout l'or du monde dans l'esprit d'un auteur, quelque soit son genre.
Xoxo <3
Ptitgibilin ✧
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