IX. Les yeux dans les yeux.
Lundi 25 Septembre, 7h41 :
Je ne comprenais pas pourquoi nos maillots se tenaient fièrement sur nos lits. La natation ne devait commencer que d'ici quelques semaines. Je me décomposai sur place, comprenant ce qu'il venait d'arriver. Encore une fois, la possibilité d'être première sur le classement du vendredi allait encore être reporté. J'eus envie de hurler. Pourquoi le ciel n'était-il pas avec moi ? Pourquoi devais-je toujours avoir de la mal chance ? Je ne demandai qu'une chose : être première, une fois. Une seule fois ! Ce n'était pas la mer à boire ! A croire que l'ange qui me surveillait de là haut ne me facilitait jamais la tâche...
Je pris le morceau de tissu entre les mains. Sa légèreté contrastait avec la force du textile en question. La couleur bleutée s'accordait parfaitement à notre uniforme dont le sigle de notre formation avait été placé non pas sur la poitrine gauche, comme sur nos débardeurs, mais sur la hanche droite. La couronne de laurier argentée trônait ainsi précisément au même endroit que ce soit pour les femmes ou pour les hommes.
Après avoir enfilé la tenue, celle-ci s'adapta à chacun des contours de ma peau, moulant mes côtes et mes abdos. Le maillot remontait jusqu'au ras du cou et profitait de cet endroit pour disparaitre. Je sentais la matière me picoter délicatement la peau mais elle était suffisamment transparente pour que je ne vois pas où sa course se terminait. Ce maillot était un pur chef-d'oeuvre, une pure merveille de technologie. Je ne savais pas vraiment si j'allais lui faire honneur en la portant aujourd'hui. L'eau n'était pas mon fort, loin de là. Je devais surement me classer parmi les pires de mon groupe, alors que pour une fois Treegof se tiendrait largement devant moi. Treegof... Je me demandai si l'avancement de nos sessions de piscines n'avait pas un rapport avec lui.
Je pris cinq secondes pour me poser la question. Dans un sens, il pouvait en être la cause car pour rester premier et montrer sa supériorité, c'était le meilleur moyen qu'il pouvait avoir. Son père avait dû demander l'avancement des séances, sûrement en sous-entendant que nous avions besoin d'entrainement pour survivre à la surface. L'influence qu'il possédait, par son rang et son image, n'était qu'un avantage et pouvait lui servir dans des moments pareils. Un coup de pression par-ci, un autre par-là et le tour était joué. Je me rappelai du jour du recrutement et des propos tenus par Clayton face à la dame d'accueil. Ça avait du beau de faire parti de l'une des familles les plus riches de l'Abri.
D'un autre côté, pouvais-je encore remettre en question Treegof ? Certes il n'était pas neutre à cent pour cent, mais ce n'était pas une raison pour lui rejeter tout le temps la faute sur lui. Si ça se trouve, ce n'était qu'un concours de circonstances dans lequel, de manière totalement hasardeuse, je me retrouvais à avoir désormais des cours de piscines.
J'essayai de me convaincre moi-même, encore une fois. J'étais impossible comme fille. Incapable de savoir laisser faire le destin. Toujours à vouloir trouver un coupable. Si ça se trouve, cette fois-ci, il n'y avait pas de coupable. C'était décidé ainsi, je devais me plier au temps présent.
La vaste salle qui nous entourait nous rappelait à quel point nous n'étions qu'un petit petit pois dans l'univers. La piscine s'étendait sur de nombreux mètres, et contrairement à l'image que je m'en faisais, l'eau semblait plutôt agréable à pénétrer. Une faible buée s'était légèrement déposée sur les vitres de verre à l'entrée de la pièce et permettait de garder en mémoire le différentiel entre la température de l'eau et celle de l'air. Il n'était pas question que je me fasse surprendre par le caractère glaciale de cette eau transparente.
Munis de nos serviettes, nous fûmes tous mis en ligne, attendant le discours du jour de notre référent. Qui disait nouvelle activité, disait également nouvelles consignes. Samuel, le petit vieux qui accompagnait nos moindres faits et gestes, attendait patiemment que les discussion se terminent avant d'ordonner un salut franc et sincère que l'on se devait de réaliser chaque matin. Main droite sur la poitrine, en parfait alignement de notre coeur, nous répétâmes : Force, courage et honneur.
— Bonjour à vous. Comme vous avez pu le remarquer ce matin, avec beaucoup de surprise j'imagine, nous allons commencer nos cycles de piscine. Je ne m'éterniserai pas sur le pourquoi de l'avancé de vos séances, mais sachez qu'il vous est indispensable de bien savoir nager.
Ne pas s'éterniser. C'est bien ce que je pensais. Le fait de ne pas vouloir en dire trop, cachait mal la présence d'une tiers personne influençant l'avenir de la formation. Il n'y avait que très peu de personnes capable de le faire et encore bien moins qui avait une raison potable de le faire. Je sentis mon sang bouillir. J'avais raison depuis le début. Treegof père était derrière tout ça. Comme on dit : la première intuition est toujours la meilleure.
Et puis, depuis quand nager était indispensable ? La Terre bien que la surface ait été envahie restait une surface en dure, composée de roche et de végétaux. Certes, il y avait de l'eau mais pas abondamment pour qu'on se noie à chaque pas réalisé. De toute façon, personne n'avait son mot à dire sur ce que nous racontait Samuel.
— Aujourd'hui, nous allons analyser votre niveau. Certains n'ont découvert la piscine qu'il y a quelques semaines, alors que d'autres se débrouille avec suffisamment d'aisance. Il n'y a aucune honte à ne pas savoir nager. Bien au contraire, vous êtes à la meilleure école pour apprendre.
A peine eut-il le temps de finir sa phrase que hommes et femmes sortirent de nulle part et nous prirent comme de vulgaire sac de pomme de terre pour nous jeter dans l'eau.
Le contact fut violent. Presque choquant. Non préparée, je manquai une bonne dizaine de fois de boire la tasse, remontant et redescendant trop rapidement dans le liquide devenu flou à ma vision. Instinctivement, mon corps commença à effectuer des mouvements et je me stabilisai doucement. Même si l'envie de couler me prenait à quelques, souhaitant abréger mes souffrances en laissant la pression comprimer mes poumons, je me motivai à retrouver mes esprits pour remonter et nager jusqu'au bord de la piscine.
La phrase de notre référent se répercuta dans mon cerveau. Analyser notre niveau. Il y avait quand même des manières bien différentes de le faire. Depuis quand on jetait des personnes dans une eau froide et glaciale, par surprise, pour savoir comment ils s'en sortent ? A la limite en fin de formation quand tout le monde sait parfaitement nager mais pas au tout début quand les niveaux sont bien trop hétéroclites. Sauf si noyer les personnes les plus insignifiantes devenait un moyen pour écrémer les rangs.
Je me débattis du mieux que je pus. J'agitai mes bras dans tous les sens, n'arrivant pas à donner un sens clair à ce que je faisais. Mes poumons me brûlaient de l'intérieur. Je n'arrivai plus à avoir assez d'air dans mon organisme. Je commençai à sombrer.
Tu dois vivre... souffla une voix à dans mon esprit.
Je sentis me pousser des ailes puis l'air glissa à nouveau sur mon visage. Le temps d'une bouffée, je repris mon souffle et gonflai mes poumons. Je replongeai ma tête dans l'eau mais cette fois-ci de manière consciente. Instinctivement, mes muscles s'actionnèrent pour me permettre de rejoindre le carrelage qui longeait le bord de la piscine.
Un semblant de nage m'accompagna puis dans un ultime mouvement, je me hissai hors de l'eau. Mes bras tremblaient sous mon poids. J'étais essoufflée, à bout de force. Un main se glissa alors proche de ma hanche. Je me raidis immédiatement. Je n'avais certes plus d'énergie, mais il me restait encore mes réflexes.
— Doucement, Greydale. Cette fois-ci, c'est à toi de perdre...
— Ton père en sera très heureux, je suppose.
Son poing droit se referma sur mon biceps, m'écrasant une bonne partie de mon muscle qui souffrait déjà beaucoup, tandis que sa main gauche se crispa et pinça ma peau. J'avais touché la corde sensible et j'étais loin de m'arrêter là.
— Tu ne sais rien de mes parents, jura-t-il aussi doucement que possible.
— Suffisamment pour te faire regretter de t'en prendre à moi.
— Qui es-tu ?
— Tic tac... fredonnai-je.
— Ne joue pas à ça avec moi, Greydale. On sait très bien qui est le plus faible de nous deux.
— Toi ?
Battu par K.O. Treegof venait d'être écrasé comme une vulgaire mouche. Mon bras aussi d'ailleurs, mais c'était annexe. Il finit par me lâcher et sans mentir, je faillis me rétamer sur le sol. Gérant approximativement mon équilibre, je rejoignis le banc, où logeait déjà les trois-quarts des agents.
Ayden !
Je me mis à le chercher du regard. L'analyse fut rapide. Sa petite tête ne dépassait pas de la masse qui se trouvait à mes côtés. La peur m'envahit. Les yeux dans le vague, je commençai à voir flou. Je vais bien. Il faut juste que j'inspire et que j'expire tranquillement. Une voix parvint à mes oreilles. Grave et sensible, je perçus la joie s'émaner de ce doux son. Je me figeai avant de me détourner vers la personne en question.
Les gouttelettes perlaient le long de son visage fin et lisse. Ses cheveux trempés retombaient en fines mèches pour finir leur course devant deux orbes émeraude qui pétillaient de malice. Le sourire aux lèvres, Ayden s'amusait devant les paroles de Jace qui ne pouvait s'empêcher de répondre lui-même par une blague.
J'étais soulagée, avant de comprendre qu'il était sorti avant moi, qu'il ne s'était pas occupé de savoir si j'allais bien. Un sentiment d'abandon me prit tristement le coeur. Je ressentis un pincement au fond de moi. Jace prenait de plus en plus le pas sur Ayden, l'éloignant progressivement de moi.
J'essayai de me convaincre, d'enterrer mes sentiments à l'égard de mon meilleur ami. Jace et Ayden étaient simplement amis, je n'avais pas à m'en faire. Face à Jace j'étais plus importante aux yeux d'Ayden. Il n'y avait aucun doute. Je le connaissais depuis plus longtemps. Nous avions également une histoire entre nous, un passé. Rien ne pouvait être balayé aussi vite. Ce n'était qu'une coïncidence de les voir s'amuser alors que j'avais essayé de me débattre dans l'eau. Je devais me ressaisir. Ayden avait toujours été mon point faible, il était donc normal que je me sente mise en danger lorsque je n'ai pas avec lui.
Tandis que j'essayais de contenir toutes les émotions qui me traversaient, les derniers sortirent de l'eau, non sans aide. Ils étaient tous issu d'une famille de pauvre et n'avait, comme Ayden et moi, pas eu la possibilité d'avoir des cours de natation. L'eau ne leur était pas aussi familier que pour les riches.
D'ailleurs, une question me traversant l'esprit, comment avait fait Ayden pour sortir aussi rapidement de l'eau ? Il était comme moi, novice... A moins que... Mon coeur se serra une deuxième fois. Il n'avait pas quitter Jace une seule seconde depuis l'arrivée à la piscine. Il était presque évidant que ces deux loustics s'étaient entraidés lors de la plongée. Ou du moins, Jace habitué à l'eau avait juste été un appui supplémentaire pour Ayden. Il lui avait suffit que son camarade de chambre lui donne un petit coup de main pour le remonter à la surface pour qu'il évite de se noyer.
Je me sentais encore plus inutile dans cette situation. Jace offrait à Ayden la possibilité d'être une aide sans faille à tout moment de la journée alors que j'étais bien moins utile à seulement pouvoir lui donner des conseils que j'adoptai sur le moment.
Sortant de ma rêverie, Samuel MacMiller s'approcha de nous, un sourire aux lèvres. Il m'exaspérait... A quel moment, après avoir balancé tes élèves dans l'eau tu arbores un sourire digne des publicités de dentifrices ?
— Bien, il semblerait que vous soyez toujours en vie !
Les derniers à être sorti de l'eau le regardèrent avec une envie de meurtre dans les yeux, à la différence des riches qui avaient parfaitement réussi le test.
— Il semblerait aussi que vous ne soyez pas si novice que ça. La natation est un processus complexe mais vos instincts sont toujours ancrés dans vos muscles.
Il se tourna alors vers ma droite, et afficha un sourire bien plus fort en direction de Treegof. Même dans ses yeux transparaissait la joie.
— Félicitation à Treegof, qui a réussi à sortir en moins de temps qu'il n'en faut pour dire « à l'eau ». Un record.
Je levai les yeux au ciel. En aurait-il été de même si un rang inférieur avait battu ces petits prétentieux de riche ? La réponse était non. Il n'y aurait pas eu d'applaudissement et d'ovation. L'eau aurait coulé sous les ponts ! Il y avait définitivement eu un accord de passé entre le père de Treegof et les administrateurs de notre formation. Je ne voyais pas d'autres possibilités. J'étais catégorique là-dessus.
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Hello hello ^^
Comment allez-vous ?
Je viens de me prendre une claque dans la figure en voyant un 9 s'afficher dans le titre. Déjà le 9ème chapitre de l'histoire. Ça passe super vite, surtout que je suis entrain d'écrire le 10-11, le temps passe encore plus vite. Je vais profiter de mes semaines de stage pour avancer, normalement, je devrais avoir le temps ^^
Ici pour la FAQ (tous les personnages sont autorisés) :
N'hésitez vraiment pas à poser des questions pour le chapitre spécial 500 votes (qui arrivera sous peu) ^^
Ici pour les avis sur le chapitre :
Dites moi ce que vous en pensez et n'oubliez pas que les petites étoiles valent tout l'or du monde dans l'esprit d'un auteur, quelque soit son genre.
Xoxo <3
Ptitgibilin ✧
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