I. Au commencement (III)
Mercredi 23 Août, 18h57 :
La guerre avait fait rage dans la chambre d'Ayden. Tout était sans dessus dessous et pourtant, allongés sur le lit, la tête dans le vide, nous rigolions. Ayden était un véritable rayon de soleil. Nous subissions, au moins une fois par jour, les attaques de l'autre en sachant pertinemment comment cela finirait.
Comme à chaque fin de bataille, c'était la sonnerie de nos bracelets qui signait l'armistice entre nous. L'heure de manger. La délivrance pour nos ventres, affamés par l'écoulement du temps (et par les chatouilles !).
Nous mangions tôt me diriez vous. Mais c'était comme ça dans l'Abris. Les repas étaient servis à heures fixes et notre rang social déterminait le moment et le contenu du repas en fonction des activités. Œuf bacon ou pain le matin, un repas complet le midi (mais peu cher et sophistiqué) et un repas léger le soir qui variait selon les saisons. En ce qui concernait les horaires, les orphelins et les pauvres mangeait en premier. Les moyennement pauvres suivaient notre repas. Puis le service finissait sur les plus riches des pauvres.
Vous vous demandez alors où mangeaient les riches et la classe supérieure ? Certainement pas avec nous, la basse classe. Les cantines communes n'étaient pas réservées aux riches qui avaient le luxe de manger dans leur espace privé, digne d'un appartement de milliardaire au centre de New-York. Contrairement aux autres habitants de l'Abris, les riches avaient la capacité de posséder un étage du bâtiment. Il était donc "normal" qu'ils aient un espace à eux, pour eux, chez eux.
— Raveeeeeen ?
Ce long appel de la part d'Ayden ne pouvait signifier qu'une chose...
— On va mangeeeer ?
Ses yeux jetaient des étoiles vers une nourriture imaginaire. Ayden n'était plus en état de parler correctement. Son estomac venait de parler à sa place. Et le mien n'allait pas tarder à faire de même si je ne me dirigeais pas assez vite vers la cantine.
— S'il te plaiiiiit...
Je fis mine de réfléchir alors que je savais ce qu'il me rester à faire. Lever mes fesses du matelas et courir dans les couloirs pour arriver le plus rapidement à la zone 118-C.
— Mon ventre dépérit. Le manque de nourriture me pousse à...
— Ayden, stop. Tu as vraiment cru que j'allais dire non ? On bouge d'ici.
Il n'en fallut pas plus pour qu'il déverrouille sa porte en pianotant sur le clavier de contrôle. Il l'ouvrit et, alors qu'il piétinait sur place comme un enfant face au sapin de Noël, je pris un malin plaisir à marcher aussi lentement que possible. De toute façon, il devait reverrouiller sa chambre avant de partir. Rien n'était plus drôle que de voir sa tête impatiente changer d'expression à chacun de mes pas.
A peine mon pied eut-il quitté le seuil de la porte que Ayden ferma avec fureur cette dernière. Il était aussi incontrôlable que ce même enfant face à son cadeau entrain de déchirer le papier pour y voir la surprise.
Mercredi 23 Août, 19h25 :
— Et du coup...
Ayden faisait une fois de plus la conversation à lui tout seul. En soit ça ne me dérangeait pas, sauf en ce qui concernait la durée du repas. Il en était encore à son bol de salade que je venais de finir mon plat principal, un semblant de gratin de courgette sans forme et sans goût. Peu appétissant je vous l'accorde mais il contenait les nutriments essentiels à notre santé.
— Et du coup... continuai-je à sa place... tu manges pendant que je te dis ce que j'en pense.
Un sourire barrait mon visage. C'était tellement plaisant d'avoir un moment de répit dans cette tempête de mots humain. Il avala sa salade le plus rapidement possible puis enchaîna avec son plat et fit de même. Je n'eus le temps d'aligner cinq mots dans une même phrase qu'Ayden reprit la parole. Incorrigible cet enfant ! Il avait fini par me raconter sa journée.
C'était peu palpitant, quoique drôle parfois, mais c'était notre rituel. Notre moment à nous en quelque sorte.
— Bougez les Orph ! C'est notre place ici !
Je tournai la tête pour apercevoir une personne ayant peu d'importance pour moi. Simon... un riche parmi les pauvres. Sa famille avait été discrédité et en un rien de temps, ils étaient passés d'un niveau de vie excellent à un niveau de vie moyen. Simon avait gardé son aspect jeune riche qui se permettait tout. Son attitude était détestable. Ce qui, bien évidemment, me donnait une envie de le tuer à chaque fois que je le voyais. Il était irrespectueux des valeurs et des mœurs, mais aussi des convenances.
Ayden m'effleura le bras car il savait très bien que je ne savais pas garder mon calme dans ce genre de situation. Avant que la scène ne dégénère, je pris en main mon plateau et me déplaça pour le ranger.
— Vous sentez pas que ça sent l'abandon ici ? Ça pue ! Venez on change de table !
La colère montait en moi et mon plateau en ressentait les effets. Je serrais au maximum mes poings. Si seulement la roue de la vie pouvait tourner...
— Ne les écoute pas, me susurra Ayden. Au fond d'eux, ce ne sont que des épaves vides qui essayent de se donner une contenance en critiquant les magnifiques bateaux.
Il fit glisser son plateau le long de la rampe de rangement, avant de continuer :
—Le dernier devant la porte de ta chambre a perdu !
C'était injuste vu que son plateau avait déjà été enregistré mais j'aimais les challenges. Je le posai en vitesse et couru le plus rapidement possible dans les couloirs. Ce qu'ignorait Ayden, c'était le fait que je connaissais un raccourci pour y parvenir. J'avais hâte de voir sa tête quand il me verrait. J'avais découvert ce passage lors d'une de mes excursions de nuit il y a deux mois. Je n'arrivais pas à trouver le sommeil. Il faut dire que je venais d'apprendre qui étaient mes parents. Alors j'avais erré de nuit. J'avais vu ce passage et je m'y étais engouffrée. C'était plaisant de voir de nouveaux paysages.
Je tapai sur ma montre électronique qui se déplia comme une carte. Comme prévu, elle n'indiquait pas ce que j'avais vu. Mais en remontant dans les archives, je synchronisais les deux cartes que j'avais et j'obtenus le point d'intersection symbolisant l'entrée du passage. C'était étroit et peu accessible. Les murs n'étaient pas éclairés et paraissaient norcit par le temps. Sur le sol, s'étendait une couche de poussière dont mon passage fit virevolter quelques grains. On ne va pas se mentir, le quartier des orphelins n'était pas la partie la mieux entretenue de l'Abris.
Je ressortis de la ruelle pour m'engouffrer dans un deuxième passage peut attrayant. Il était plus propre certes, mais plus sombre. J'allumai la lampe connectée à ma montre. Un faisceau bleu vient parcourir l'air avant de venir se dissiper. J'aimais allumer les lampes des bracelets. C'était rassurant et ludique !
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