Mercredi 23 Août, 12h 00 :

Je soufflai un grand coup. Mes joues devaient sûrement être rosie par l'effort. Un filet de sueur dégoulina le long de mon front, collant par la même occasion mes cheveux bruns à mon visage fin. J'étais au bout de ma vie.

Rectification.

Ayden était au bout de sa vie. Face à lui, la mienne allait parfaitement. La souplesse n'était pas son fort. Tout comme l'endurance. Il faut dire qu'il était plus passif que actif, en ce qui concerne le sport en tout cas.

— Plus jamais de séances comme celle-ci.

Je fis un petit sourire en coin. S'il savait que demain je remettais cela, en testant mes capacités pour essayer d'intégrer les combattants externes. Si je lui disais, je l'achèverai.

— Demain je t'accompagne pour passer le test. Je ne te laisserai jamais seul, Raven !

— Autant de détermination dans une seule phrase... Tu as oublié de préciser que tu feras demi-tour quand tu verras le test !

— Hilarant Rav'...

— Je rigole pas Aydounet ! Tu feras vraiment demi-tour. 

J'ajoutai un clin d'oeil à mes paroles, puis le pris dans mes bras, en sachant pertinemment qu'il n'aimait pas ce surnom. Au vu de son regard, j'avais touché en plein dans le mille.

— Ne m'appelle plus jamais comme ça !

— Alors rigole ! Sinon ce sera ton surnom jusqu'à la fin des jours !

Je lui fis un clin d'œil et il se mit enfin à esquisser, d'abord, un sourire puis vint le rire franc et clair d'Ayden, reconnaissable à dix mètres à la ronde. Mon bracelet tinta le son d'un rappel.

"Présence obligatoire en section 76B, zone 11."

Le devoir m'appelait. Un simple et banal travail de tri dans un branche d'analyse de la Société. J'enfilai mon habit de travail. Une combinaison typée uniforme avec une chemise blanche et une jupe en bi-matière, du cuir et du coton bleu. Le symbole de notre travail se reflétait dans notre chapeau. Il était composé des mêmes matières que la jupe, avec une broche intégrée sur le côté gauche. Elle représentait un corbeau, les ailes ouvertes sur un fond de globe terrestre.

Je rejoignis mon rang, connectée à mon flux. Je plaçai mes lunettes sur le bout de mon nez et en profitai pour faire un tour sur les nouvelles du jour.

« La sélection des nouveaux agents se tiendra dans un jour au centre de recrutement. »

C'était véritablement l'information du jour. Toutes les chaînes d'information ne parlaient que de ça. Au plus grand bonheur de la population.

« La loi n°2785-A-325 a été accordée dans la nuit. »

La loi consistait à favoriser l'insertion des orphelins dans la vie de tous les jours. Une chose futile pour les riches qui ne voyaient pas l'intérêt porté sur les classes inférieures. C'était d'ailleurs pourquoi les quelques voix contre au cours du vote avait été marquées par les gouverneurs associés aux hautes populations.

« La cérémonie des grades pour les agents internes aura lieu le vendredi 25 Août au centre de commandement. »

Le centre de commandement... Ce rêve d'y arriver un jour et de pouvoir partir en mission. Ayden avait raison. C'était le métier d'agent qui me faisait vibrer.

Les trois quarts de nos informations dérivaient souvent sur les agents et le travail fabuleux qu'ils faisaient pour protéger la population. Mais rien sur l'état de la population, les infrastructures à venir, l'état du monde en général.

— Début du travail dans cinq secondes.

Les informations à analyser arrivèrent en masse. Mes mains positionnées sur le clavier, je triai aussi rapidement que je le pouvais, car chaque information, correctement triée, rapportait un peu d'argent. Je n'étais pas la plus rapide. Mais pour mon âge et mon expérience, je ne me débrouillais pas trop mal. Sur le tableau des classements, j'étais la sixième plus rapide du jour.

L'argent que je gagnais me permettait de payer mes études. Apprentissage des langues étrangères de la surface et des inférieurs. C'était plutôt cool !

Mercredi 23 Août, 17h35 :

— Comme vous le savez tous, dès demain se tiendront les sélections. Ainsi, pour faciliter le futur de ce qui voudrait intégrer la ligue des agents, les cours seront annulés. Profitez-en pour réviser.

C'est ainsi que s'acheva mon cours de langues. Je ne voyais plus que des symboles à la place des lettres. Mais cela ne me dérangeait pas. Au contraire, j'aimais les choses nouvelles et les langues autres que notre anglais bas de gamme qui n'avait aucune forme. J'aimais la réflexion des symboles de la langue du dessus et son écriture si spécifique.

Je retrouvais Ayden à la sortie du cours. Il venait d'enchaîner deux heures de codage informatique avec une heure de manipulation de matériel de la surface. Ses études, plus chères, lui permettait d'entrer par la suite dans une branche hautement placée de la société, ou même pour les meilleurs, d'entrer au centre de commandement pour superviser les opérations de maintenance et d'amélioration des matériels servant aux agents externes.

Quoi qu'il en soit, nous avions prévu de nous suivre tous les deux quoi qu'il advienne. C'était dur de rallier le haut du bâtiment, mais pas infaisable.

Après un périple de dix minutes dans les couloirs entre les étages trente-cinq et quarante-sept, nous rejoignîmes la chambre d'Ayden. Elle était légèrement plus petite que la mienne mais tellement plus accueillante ! Ma petite étoile, surnom que je lui avait trouvé en cours d'astronomie au vue sa personnalité (pétillante et pleine de lumière), avait retrouvé sa place sur son lit, enroulé dans un plaid molletonné.

— Journée ? Demandai-je assise proche de ce qui ressemblait à un bureau rangé.

Ayden ouvrit la bouche doucement.

— En trois mots.

— En trois mots.

Si je ne lui mettais pas une limite, Ayden était capable de parler sans jamais s'arrêter. Je me demandais même si parfois il ne parlait pas en apnée.

— T-trois ? Fit-il les yeux ronds.

— Plus que deux...

J'avais glissé un petit sourire sur mes lèvres. Le petit démon qui sommeillait en moi venait enfin de se réveiller. Mes yeux pétillaient. Sûrement moins que ceux d'Ayden face à un gâteau aux triples chocolats et glace à la vanille mais mes yeux étaient pleins de malice.

— Raveeeeeen ?! Rala-t-il.

— Un...

— Je te déteste.

— Ça fait trois mots. Félicitations !

Il fit mine de bouder, chose qu'il savait faire à merveille. Je le voyais me regarder du coin de l'œil. Ses yeux bleus ressemblaient aux mers qui bordaient le sud de l'Europe. D'après ce qu'on nous racontait dans les livres de légendes, le bleu était intensément profond, transparent et clair sur les bords des rives ; de quoi faire pâlir un enfant ici des souterrains.

— Attaque de chatouiiiilles !

Spontanéité. Je n'en attendais pas moins de lui. Il y avait bien une chose que j'adorais autant que Ayden lui-même : les batailles de chatouilles. Car même si je détestais la sensation, je connaissais une personne qui les craignait bien plus que moi.