S07 - EP 52 ✧ part II
Partie 2/3
Les jours suivants, les excursions sur différentes îles furent agrémentées des discussions intéressantes de Duncan. Contrairement à ce taiseux de Mikael, il était volubile. Sur Frégate, Rudy apprit de lui une dizaine de noms aviaires, vulgaire échantillon des centaines d'espèces tropicales qui peuplaient l'archipel. Il parvint même à se faire tirer le portrait en compagnie de serins à gorge rouge fluo et de frégates, espèce surabondante sur l'îlot auquel elles donnaient leur nom.
Malgré sa taille réduite, leur lieu de villégiature ressemblait à un échantillon de paradis sur deux kilomètres de large, avec ses plages à la beauté indescriptible, ses collines et sa petite forêt dense. Le fond marin fabuleux regorgeait de poissons, et Duncan les fit pêcher. Rey et Rudy découvrirent le plaisir de manger le poisson attrapé par ses propres efforts, car l'une des restaurants du resort proposait de les cuisiner selon la tradition locale. Rudy n'avait jamais ressenti autant de bonheur !
Évidemment, la photo du fruit de sa pêche avait été envoyée à Dean et Red. Ouaip, son poisson, pêché par ses soins ! Rey en avait profité pour envoyer son lot de clichés et vidéos à sa mère. Elle s'était amusée des réactions enfantines de Rudy.
Le lendemain, la Vallée de Mai, surnommée tantôt « Jardin d'Eden », accueillait le quatuor. Le parc naturel de l'île de Praslin, classé au Patrimoine mondial de l'UNESCO, abritait des merveilles du monde, dont la plus troublante pour Rudy appartenait au règne végétal : le fameux cocotier de mer au fruit appelé « cocofesse ». Les plus jeunes n'eurent pas besoin d'un dessin devant la forme singulière du fruit.
— Je n'aurais jamais pensé que les plantes pouvaient être visuellement érotiques ! exhala Rudy.
Leur guide leur apprit qu'on le nommait aussi « coco indécent ». À raison ; il ressemblait à s'y méprendre à des fesses quand il n'imitait pas un pubis féminin.
— Longtemps, on a cru ce palmier originaire des Maldives, mais il est bien de chez nous, révéla la guide, pas peu fière. Le cocofesse est la spécificité du parc. La rareté de cette espèce de palmier dans le monde justifie qu'une seule de ses graines vaut plus de cent-vingt-mille roupies seychelloises, soit la modique somme de neuf-mille euros.
— Sérieux ?! hoqueta Rey.
La femme se plaisait à les choquer. Elle ne tarissait pas en anecdotes.
— Ce sont les graines les plus grosses du monde végétal. Certaines peuvent atteindre jusqu'à vingt kilos.
Les garçons ne manquèrent pas de s'immortaliser avec cette singularité de la nature. La jungle préservée dépaysait avec violence et les catapultait à une époque presque préhistorique. La vingtaine d'hectares rendait impossible l'exploration du parc entier en une journée. Mais les deux couples emmagasinèrent le maximum de souvenirs.
Samedi, Duncan joua au pilote de hors-bord et les emmena aux larges de récifs coralliens, au milieu de lagons idylliques, avant d'accoster sur une île sauvage inhabitée. L'endroit était le refuge de tortues géantes, qui vivaient d'ailleurs en toute liberté sur l'ensemble de l'archipel. Mikael avait l'œil pour repérer celles qui se dissimulaient dans le paysage durant leur randonnée.
Rudy s'écouterait, il manquerait volontiers son semestre, raterait ses études afin de prolonger le rêve. Quand il ne crapahutait pas dans la nature ou ne barbotait pas en eaux salines, il fainéantait sur un transat et admirait la course de jet-skis entre Rey, Mikael et Duncan. La nuit, il se régalait au banquet d'Éros. Paresse et luxure n'avaient plus rien de péchés capitaux. C'était la belle vie !
Soi-disant pour qu'il ne prenne pas « du gras », Mikael lui imposa de l'exercice le septième jour de leur séjour. Ils n'avaient pas arrêté de barouder à gauche et à droite ; de quel gras parlait Blacky ? Rudy n'accepta qu'à une condition.
— Seulement si c'est un cours d'art martial. Et comme j'ai la grâce d'avoir deux experts, je veux une démonstration !
Mikael grogna. Duncan fut partant. Il était toujours volontaire parce qu'il fixait les règles du jeu. Rudy commençait à le soupçonner d'être du genre à toujours tout contrôler, en plus d'être un farceur incurable.
— Le perdant aura un gage, déclara Duncan. Je décide de la discipline : pencak-silat.
Mikael se plaignit.
— Pourquoi pas krav-maga ? Dakota lui enseigne déjà le pencak-silat.
— Tu rêves si tu crois que je vais choisir la discipline dans laquelle tu excelles.
— Tu veux dire, dans laquelle je te bats à plate couture, railla Mikael.
— Seulement dans mes mauvais jours, mon mouton noir. Comme ça, Dakota est ta prof de silat, dit Duncan à Rudy.
— Elle refuse de m'enseigner le krav-maga.
— Je suppose qu'elle a ses raisons. Il y a une vingtaine d'années, la législation de notre pays interdisait son enseignement aux mineurs. Donc, que sais-tu du pencak-silat ?
— C'est un art martial pratiqué à l'origine par les commandos indonésiens.
— Littéralement, c'est « l'art de combattre avec des mouvements variés et habiles du corps ».
— Rey, personne ne t'a sonné, lança Rudy à son petit ami qui les rejoignait sur le sable.
Rey continua d'étaler la confiture de ses connaissances.
— Pencak peut se traduire par « mouvements variés et appropriés du corps », silat étant « l'art de combattre ».
— Excellent ! apprécia Duncan.
— Quelle est la différence avec le krav-maga ? questionna Mikael.
Rudy soupira. Il se tapait en plus une interro surprise. De quoi garantir sa frustration face à un Rey qui frimerait avec sa science infuse ! Cela ne rata pas.
— Déjà, l'origine. Krav-maga est hébreux et signifie « combat de contact ». Les deux disciplines mettent l'accent sur l'autodéfense et sont pratiquées par les groupes d'élites des forces armées et forces de l'ordre. Mais la différence relève de la pratique. Le pencak-silat est un art martial à part entière. Ce qui implique différents courants, différentes écoles et idéologies, des codes et rituels spécifiques ainsi qu'une forme de spiritualité rattachée à son enseignement. Certains peuples malaisiens ou javanais le pratiquent même en danse, à l'instar de la capoeira, par exemple.
— Tu as avalé une encyclopédie ? fit Mikael.
— Je m'y suis intéressé quand mon mec a commencé à prendre des cours.
— Je parie que tu en sais plus que le concerné, remarqua Duncan.
— Ça n'a rien d'un pari risqué, grommela Rudy.
Rey poursuivit son exposé :
— Le krav-maga se conçoit plus comme une réponse efficace et rapide à une situation de danger ou d'agression. On tape dans l'autodéfense pure et dure, qui n'attend pas qu'on respecte « l'énergie interne », pour ne pas dire le chi, de son adversaire. En bref, au krav-maga, tu peux péter la gorge de ton agresseur sans la moindre considération morale si te préserver du danger l'exige. Ça met hors d'état de nuire de façon radicale, quand le pencak-silat est une école qui possède de nombreux courants dont l'application des techniques et arcanes aboutit néanmoins au même résultat.
— Je valide cette analyse. L'un est une « méthode », l'autre un « art », résuma Duncan. Autrement dit, s'ils ont la même brutalité, le krav-maga reste plus barbare que le pencak-silat parce qu'il manque de noblesse.
On devina où allait sa préférence. Mikael renifla, dédaigneux.
— C'est tellement flagrant que t'es biaisé. Et puis, qui a besoin de dimension spirituelle et du développement de soi pour ratatiner un adversaire ?
— Voilà pourquoi tu as craché sur mes nobles enseignements en silat et m'a cocufié avec cette satanée Dakota ! Je savais que je me faisais baiser quand elle t'a initié au krav-maga.
— C'est Dakota qui t'a appris le krav-maga ? releva Rudy. J'avais cru comprendre que tu étais meilleur qu'elle.
— Elle me l'a fait découvrir mais c'est au dojo du Général Delsin Parker, son père, que j'ai été formé.
— Oh.
Voilà qui en disait assez sur les liens étroits que partageait cette clique. Rudy s'intéressa à Duncan.
— Et toi, tu l'as appris comment, le pencak-silat ?
— Je le pratique depuis l'âge de dix ans. Mon père m'a inscrit dans le dojo d'un ami, et ça a rendu ma vie tellement fun !
— Parce que tu changeais les autres en cobayes ou poupées d'exercice.
Le sourire de Duncan s'étira.
— Puisque tu le sais, en place ! ordonna-t-il.
La démonstration d'autodéfense via l'art martial du pencak-silat débuta. Le ton soudain solennel, Duncan expliqua :
— Ce que tu vises, c'est l'efficacité de ta riposte. Le but : rendre l'affrontement le plus bref possible. Mais ce n'est qu'en dernier recours. Que fais-tu en premier recours ?
— Euh... éviter le conflit ? douta Rudy.
— Correct. Tu ne te défends que si tu as épuisé toutes les options. Fuir étant la première. Quant à l'attaque, elle n'est pas censée se trouver sur la liste de tes options. Compris ?
— Chef, oui, chef !
— Il se paye ma tête ?
— Ça n'arrive jamais avec moi, se gorgea Mikael.
— Parce que tu me tapes ! le vendit Rudy.
Duncan s'esclaffa. Il reconnaissait bien là les méthodes barbares de Mikael. Ce type et la pédagogie faisaient deux !
Quand Duncan passa à l'action, Rudy se rappela plusieurs fois de fermer la bouche. Même avec ses yeux profanes, il voyait la différence de niveau entre Duncan et Dakota. Et pourtant, sa professeure possédait une ceinture noire. Mais l'explosivité de Duncan se situait à un autre niveau. Il était si rapide que Rudy peinait à comprendre certains de ses coups. Heureusement, il les déconstruisait au ralenti.
— Comme je disais, tu dois faire en sorte que ce soit vite fini. Soit tu endors ton adversaire en le mettant KO s'il se révèle moins résistant, soit tu le repousses assez pour prendre la fuite. Si un coup suffit à calmer ton agresseur, inutile de le terminer. Là, c'est toi qui deviens l'agresseur. Mais la théorie est une chose. En situation réelle, ça peut vite déraper. D'où l'importance de travailler son mental. La tête commande. Le corps n'est que le soldat qui exécute les ordres. Si le capitaine là-haut perd les commandes, fit Duncan en tapotant sa tempe, c'est la débandade.
— Plus important, habitue-toi à la violence au moment où elle se produit, ajouta Mikael. Tu dois accepter de faire mal à quelqu'un, sinon c'est toi qui auras mal.
Les conseils fusaient. Ne pas toucher son adversaire tant qu'il n'y avait pas agression. Protéger son visage et son tronc génital durant le corps à corps. Maitriser trois ou quatre techniques basiques, plutôt qu'essayer d'en apprendre des plus élaborées. Viser les points vitaux et, contrairement aux idées reçues, les gonades n'arrivaient pas en tête de liste, précédées par les yeux, la gorge et les oreilles. Plus inattendu encore par l'adversaire : travailler les articulations et les zones molles du corps – tendons, points de jonction des nerfs.
Duncan adorait particulièrement les méridiens au creux du coude, au poignet et à la clavicule. Au visage, il visait la pointe du menton, la jointure des maxillaires et les endroits du cou « non viandeux », pour le citer. Mikael affectionnait le genou et les techniques de « gunting ». Rey et Rudy se montrèrent particulièrement intéressés par cette dernière découverte. Il s'agissait de frappe paralysante, ciblant les creux de la musculature dans le but d'anesthésier les membres de l'adversaire.
— L'astuce est d'utiliser ses mains ou ses jambes, plus précisément le haut du tibia, comme des fouets, exposa Mikael. Toujours en frappe descendante ou ascendante et non directe. Il y a moins d'impact si vous y allez à l'horizontale. Frappez de manière presque relâchée et non frontale. Je l'admets, c'est pas évident en situation de stress, le corps a tendance à se crisper ou se contracter. Mais l'efficacité de la technique repose sur l'ondée de choc. Le coup va se diffuser dans le muscle, voire jusqu'à l'os. Et vous verrez à quel point le corps humain est fascinant.
Il donnait l'air d'expliquer une merveille de la biologie. On sentait à son ton exalté que c'était son dada.
— Rien qu'en ciblant le creux entre le biceps et le triceps, l'engourdissement va se balader dans tout le bras, amoindrir la force de préhension de l'agresseur qui aura les doigts en mousse, remonter jusqu'à l'épaule, et même provoquer un mal de crâne en fonction de la violence et de la précision. Un gunting répété sur la cuisse pourrait endormir le nerf sciatique et couper le lien entre le tronc et toute la jambe.
Les deux élèves grimacèrent.
— La précision sur certaines de ces techniques demande beaucoup de travail, temporisa Duncan. Pour maximiser vos chances, frapper avec les parties coupantes. Le tibia, la tranche de la main, l'avant-bras, la jointure des phalanges. Avec votre poing, le risque est de louper sa cible à cause de la surface réduite. Évidemment, c'est beaucoup plus efficace quand vous travaillez un membre tendu. S'il est bien contracté, la boule de muscle servira de coussinet et encaissera le coup. Mais s'il est tendu, ce qui se passera, c'est que vous allez écraser les muscles et pressuriser les nerfs contre le support dur de l'os. Et si vous écrasez de la chair molle contre une surface solide, ça fait mal.
— L'euphémisme du siècle, marmonna Rudy, qui souffrait rien qu'en l'écoutant.
— Vous pouvez même aider votre adversaire à tendre son membre en tirant dessus.
Chaque précepte s'appuyait d'un ou plusieurs exemples, accompagnés de massage. Le pauvre Mikael se faisait molester stoïquement. Duncan insistait sur la nécessité de stimuler la circulation du sang des parties souffrantes, en empruntant au principe des postures et contre-postures du yoga. L'étirement des membres meurtris limitait ainsi la stagnation sanguine et réduisait l'apparition des bleus. Après avoir subi, corrigé, répété, déconstruit, évalué, réexpliqué, le duo d'agents s'adonna enfin à un face à face, pour le plus grand plaisir de leurs spectateurs médusés.
Rudy se dit qu'il appréciait de plus en plus Duncan parce qu'il lui rappelait que l'Agent Blacky n'était pas un surhomme.
— Tu as plus d'années d'expérience que moi !
— Tu en as moins que Dakota au krav-maga et tu la bats. Une défaite est une défaite, Mika. Tu me dois un gage.
*o*o*
TBC ● LAST EPISODE - part 3
J'ai toujours voulu écrire une séquence sur ces 2 disciplines. C'est chose faite.
*MEDIA*
Intro vidéo : Nightcore - Heart Of A Champion.
No pain
No gain
No flame
No fame
Start over again
No sin
No win
Ignite
The fight
And do it again
Standing idly by
And let the hatred
Come our way
Crying envious eyes
As we overstep
The people
Who want it the most
We fought
You did not
Prevail now you
Look into the
Eye of a champion
We're the ones
Who never give in
And a fire that's burning
Within
Conquer life
Stand the test of time
It's the dawning of the
Champions
No spine
No sign
No name
No frame
All over again
No hope
No faith
Despise
Demise and
Blaming the game
Pour la version originale : Silver End - Heart of a Champion ( Feat. Paul Bernard )
https://youtu.be/xDkl8gXdkiw
Supports visuels gunting/pencak-silat/self-defense/krav-maga
gunting (self-defense)
https://youtu.be/Bm92KgMuVeU
Hugo Tronche, qui m'inspire assez pour l'explosivité de sa gestuelle et la vitesse de ses enchainement. (Pencak-silat, self-défense)
https://youtu.be/urTzrunrO_A
https://youtu.be/Y0_vuToTrYc
Franck Ropers, une des figures de proue du Pencak-Silat en France. Fondateur de l'AFR, l'Academie Franck Ropers. J'adore le style presque "chill" de sa pédagogie.
https://youtu.be/6fSAjZO1kls
https://youtu.be/4mM5pkRZIEs
https://youtu.be/XxHkR8sERXo
Comparaison krav-maga vs pencak-silat
https://youtu.be/yZdJwwDBypI
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