S07 - EP 47 ✧ part I
Partie 1/2
Son régime émotionnel câblé sur le stress, Lou-Ahn était probablement la seule ouaille pétrifiée dans le flot d'adorateurs. L'heure tournait. D'ici quelques secondes, le show débuterait. L'instant de vérité, les cinq minutes qui chambouleraient sans doute le reste de sa vie approchaient.
Autour d'elle, ses amis hurlaient, inconscients du sort qui l'attendait. À la recommandation des Beat'ONE, elle était restée vague sur ses activités afin de ne pas gâcher la surprise. De toute façon, elle s'était épargnée la corvée des explications en embarquant deux bagages pipelets qui distrayaient l'attention des autres : Gia et Memphis.
La première l'avait suivie car elle ne voulait pas se retrouver seule au festival. Débarquée en catastrophe au Sinéad, sans téléphone, Gia avait collé aux basques de Lou-Ahn comme un caneton suivait sa mère. Le second s'était disputé la veille avec sa petite amie, apparemment rentrée à Saunes. Gia avait consolé Memphis en disant qu'il ne perdait rien au change.
— Une future rockstar n'a rien à faire avec une meuf qui ne saisit pas l'importance historique du Rock'n'Rumble !
Junior avait relevé :
— Future rockstar ?
Rien n'échappait à celui-là !
— C'est mon rêve. Je fais des reprises sur ma page ownet©. Tu veux voir ?
Noyage de poisson en beauté, comme ils se penchaient sur le téléphone de Memphis. Plus intéressée par Gia, Lou-Ahn n'en avait que faire des états d'âme du jeune homme. Elle trouvait ironique, au demeurant, qu'il se soit fait larguer le jour de la Saint Valentin. Le grand dadais soutenait mordicus que son couple connaissait simplement un passage à vide, mais Lou-Ahn compatissait plus à la peine de la fille qui s'était coltinée un abruti imbu de sa personne. Le melon de Memphis pesait une tonne !
Sven n'avait pas quitté son poste de roadie, sans doute rassuré de suivre les évènements en arrière-plan plutôt que mêlé à une foule dans laquelle il ne comptait aucun ami. De fait, il n'était pas en vacances comme les Darneyens, ni au chômage comme Gia, encore moins en pleine année sabbatique comme Memphis.
Durant trois jours, Gia et Memphis avaient en partie satisfait la curiosité des étudiants sans piper mot sur le programme de jeudi. De fil en aiguille, Junior les invitait à séjourner dans leur hôtel. L'ambiance euphorique aidant, ils s'étaient vite intégrés dans la bande. Excepté Mir, qui restait difficile à lire, la glace s'était brisée quand Memphis avait demandé à Saïd les références de son look emo-cyberpunk et les adresses de ses fournisseurs. Gia craquait sur Timothy : elle le trouvait mignon, il lui rappelait son cousin « trop choupinet ». Au grand dam du modèle d'un mètre quatre-vingt-dix, qui déchantait en atterrissant dans la friend zone.
À l'heure officielle du début des lives, les deux métis de la bande leur faussaient compagnie et se rendaient à Rock Xtrem. Leur raison : n'en déplaise à leurs potes Holy Suckers, leur premier amour restait Naytray. Timothy pronostiquait la victoire de son groupe favori. Candice avait déploré son manque de réalisme.
— S'il y a un groupe capable de remporter ce marathon de popularité, c'est Mad Babiz ! C'est l'héritier direct de la légende Dius Core. La Génération D.C. se reconnait plus à travers les œuvres d'Owlz et son groupe, qu'à travers les dernières productions trop proprettes des nouvelles générations.
Appuyée par Inna, Teddy et ses copains de promo, elle avait provoqué un tollé, car chacun avait tenu à défendre les couleurs de ses idoles. Conséquence : ils s'étaient séparés. Le groupuscule de Candice s'était rendu à Rock Pride, celui de Minami et Miharu avait rejoint Rock Blade où performait Grey Zone, une autre poignée avait mis le cap sur Rock Sanctuary réservée à Иeologism et le reste avait fini à Rock Buster. Que le meilleur l'emporte !
*
Sans crier gare, la scène arachniforme fut plongée dans le noir. L'éclairage provenait désormais de la pollution lumineuse dense du parc des Expositions. L'anticipation inocula sa fièvre au public ; on l'entendit presque retenir son souffle. L'hystérie explosa quand s'allumèrent les six écrans géants fixés aux pattes de la tarentule d'acier. L'annonce de l'arrivée d'un messie aurait eu le même effet ! Les damnés vibrèrent à l'unisson.
En parfaits adeptes du phénomène mouton, ils se tuaient les cordes vocales pour accueillir les rockstars. Lou-Ahn se contint. Préserver sa voix était impondérable. Contrairement à elle, Gia et Memphis passèrent la consigne à la trappe. Le comble : les Beat'ONE n'avaient même pas encore montré le bout de leur nez et les gens s'égosillaient déjà devant de stupides écrans géants. La lumière projetée devint bleue, puis verte, blanche, rosée, rouge et enfin stroboscopique. Tout au long de la semaine, l'application de la Rock-Feast s'était assurée de déconseiller les spectacles aux personnes à risque.
Un grondement déchira les tympans, mélange de tonnerre et Auto-Tune. Suivit une seconde déflagration. Comme s'ils s'étaient passé le mot, les fans frappèrent dans leurs mains en se calant sur le tempo des percussions de dubstep. La musique d'intro prit une allure cinématique quand s'y greffa une orchestration classique. L'audience crut assister à un trailer de jeu vidéo à la bande son épique. En trente secondes à peine, une impression de majesté imprégnait les esprits.
Plusieurs plans aériens du public et de la scène furent diffusés. Le jeu de caméra insinuait une prise de vue par des drones, que certains identifièrent en levant les yeux. Le spectacle vu du ciel, retransmis en temps réel, renforçait l'impression d'immersion à 360°. Une certitude : le show ne manquerait pas de cachet ! La musique s'emballa. En police sanguinolente, « THE BEAT'ONE » s'afficha en lettres capitale sur les six écrans. Brusquement, le son mourut. Dans ce silence subit, naquit une bête.
— HOLY!
Le public répondit à l'appel :
— SUCKERS!
La musique reprit. Annoncée par un bruitage de moteur ionique, la plateforme de la batterie s'éleva lentement, échappant du ventre de la tarentule métallique. Un second appel fut lancé :
— HOLYY!
La pollution sonore frisa l'outrage :
— SUCKEERS!
Les percussions de la batterie introduisirent la plateforme du guitariste, actionnée par un son distordu, alien. L'apparition de Korgan, guitare dans le dos à la manière d'un long sabre de samouraï, désinhiba davantage les cordes vocales. Le staff souffrirait d'acouphènes à ce stade, et il ne fallait pas compter sur le chanteur pour calmer le jeu.
— HOLYYY!
— SUCKEEERS!
Le peuple se surpassait à chaque invocation. Toujours plus de cohésion, toujours plus de décibels. Prêtant main forte à la foule, Korgan fit pleurer sa guitare. Au son de riffs endiablés, craché par des fumigènes rouges, un feu-follet bondit sur scène, aidé d'un trampoline. Avec l'assurance de la maitrise, Red se réceptionna sur un caisson grillagé. Les fans malmenèrent leur larynx.
— Le meilleur pour la fin, susurra-t-il. Ouais, vous l'attendez de pied ferme.
Jamais bassiste en kilt ne fut autant demandé !
— HOLYYYY !
— SUCKEEEERS !
Tandis que les haut-parleurs du Sinéad annonçaient l'entrée des Beat'ONE dans le marathon, leur bassiste émergeait du squelette de Rock Buster avec une nonchalance étudiée, un pied posé sur une caisse-palette métallique d'où jaillirent des étincelles.
— Hélas, il n'est pas à poil en-dessous, déplora Red, au grand dam des groupies. Mais vous avez la permission de zieuter. À ceux qui ne le peuvent pas : il porte un boxer X-Trem® bleu marine, taille M. Maintenant vous savez quelles mensurations choisir si vous avez des velléités de lui en offrir.
Jeff se retint de se frapper le visage. Comment ruiner une entrée classe, demandez le service « Red Kellin ». Il était certain qu'à la prochaine collecte du courrier de fans, il se payerait une cargaison de boxers X-Trem® taille M. Dolche© Wear, détentrice de cette collection, ne sponsorisait pas les Beat'ONE, même s'ils avaient posé pour la campagne publicitaire de sa ligne de sous-vêtements masculins. Red pouvait-il éviter d'en grossir gracieusement la clientèle à ses dépens ?!
Cerise sur le gâteau, ce commentaire décalait toute l'équipe : le staff à la sono et aux projecteurs, Jay qui s'apprêtait à frapper sur ses baguettes pour donner le tempo, les cadreurs censés mettre la scène en boîte. Heureusement, ils avaient l'habitude de travailler avec ce trouble-fête. Comme tout le monde, Jeff s'adapta au jeu du chanteur. Il feignit de soulever un pan de kilt. Le retour du public fut à la hauteur.
— Du calme. On ne va pas tout dévoiler maintenant. Si vous êtes sages... Quoique, ce soir on n'attend pas de vous que vous soyez sages.
Cela ne tomba pas dans les oreilles de sourds.
— On veut que vous profitiez à fond, rebondit Korgan. Ça implique de ne pas suivre tout le spectacle à travers la caméra de vos téléphones, plantés sur place comme des épouvantails. Ce cher John Cerni se retournerait dans sa tombe !
— C'est clair, approuva Jeff. Difficile de faire un circle pit accroché à son téléphone.
L'assistance rit. Certains rangèrent leur téléphone, au grand ravissement des musiciens.
— Le live entier sera gratuitement mis en ligne sur notre site, annonça Red. On ressuscite le Rock'n'Rumble, les gens ! Prouvez-nous que vous êtes d'authentiques membres de la Génération D.C. ou leurs légitimes héritiers ! lança-t-il, habité.
L'enthousiasme de l'audience lui fit écho. D'autres portables disparurent. Il suffisait de les prendre par les sentiments.
— On veut que vous fassiez les fous ! les excita Jay. Sans casse, évidemment.
— Sans rien casser d'autre que votre voix, nuança Jeff. Les seuls autorisés à casser des choses sont les musiciens sur cette scène. Korgan prévoit un « cassé de guitare ».
Le concerné le dévisagea, choqué, comme la foule ne se sentait plus de joie. Il n'avait jamais promis un tel non-sens ! S'il y avait un homme qui vénérait ses guitares, c'était Korgan Mineli. Ses fans le savaient. Dans leur bande, le seul « casseur » portait une crête écarlate. Le guitariste prodiguait à ses bébés un soin monomaniaque, au point de rendre son épouse jalouse. Mais le regard sadique de Jeff lui apprit qu'il n'y couperait pas cette nuit-là. Froide vengeance du bassiste des Beat'ONE pour le port forcé du kilt. C'est sous la pression des fans que Jeff avait cédé à ce pari ridicule, l'obligeant à se peler le fion en hiver ! Avec les Holy Suckers en témoins, Korgan ne se déroberait pas.
Et merde !
Red capta le regard narquois de Jeff qui lui disait : « ouais, toi aussi ». Il ne sut pas pourquoi il lui attribua mentalement la voix d'un méchant psychopathe de film cyberpunk. En voilà de l'imprévu ! Les Beat'ONE donnaient souvent leurs meilleures prestations sous le sceau de l'improvisation. Cette touche d'aléatoire apportait toujours une note pimentée au spectacle. À cet instant, Jeff était le nom d'un terrain miné. Ses acolytes étaient susceptibles, à tout moment, de marcher sur une charge explosive. Red en frissonna d'impatience. Lui, masochiste ? Tant que l'autre ne lui demandait pas de casser Mademoiselle Red, ils resteraient amis !
— Ça n'a sans doute rien à voir avec le rock, mais un mec décédé a dit un jour : « Ne craignez jamais de vous faire des ennemis. Si vous n'en avez pas, c'est que vous n'avez rien fait. » À la fin de ce show, je vous garantis que les Beat'ONE auront beaucoup d'ennemis.
— Le mec décédé s'appelait Clemenceau, Red, dit Jeff, las.
Ce n'était pas faute de le lui avoir répété en coulisses.
— C'est bien ce que je disais, ça n'a vraiment rien à voir avec le rock.
Sur cette réplique philosophique de Red, devant des Holy Suckers hilares, Jay débuta les hostilités.
*o*
Mainstage – Rock Buster
Les Beat'ONE démarrèrent officiellement le Rock'n'Rumble avec CATCH ME IF YOU CAN. Message dédicacé aux concurrents : « suivez le rythme si vous pouvez ». Jamais lyrics ne furent autant en adéquation avec leur état d'esprit.
This song is a about arrogance
Show the wind how to fly
I'm indefectible
Tonight, I bring you hell
Catch me if you can
[...]
La qualité de la sono mettait une claque dans la gueule. La basse de Jeff se calait sur les rythmes cardiaques. La guitare de Korgan injectait de l'adrénaline aux fatigués. Red se conduisait en pyromane armé d'un micro.
La majorité de la setlist se jouerait façon « Redless », sans la guitare rythmique. Désireux d'habiter l'entièreté de la belle scène, le chanteur comptait exploiter au maximum sa configuration. Mademoiselle Red aurait gêné cet objectif sur les titres très dynamiques. Afin de compenser l'absence de sa fiancée, il avait voulu un micro bien rouge. Les amateurs de sensations fortes furent ravis lorsqu'il se suspendit d'une main à la barre métallique plantée sur le rebord de sa plateforme et se pencha vers la foule en contrebas, les doigts serrés autour de son arme de destruction massive.
Rock-Feast oblige, les Beat'ONE ne jouaient pas devant un public entièrement acquis. La convention rassemblait des aficionados de tout horizon, et certains se retrouvaient devant une scène par simple curiosité. Le challenge : les fidéliser. Pour ce faire : l'éponyme HOT CHILI. À sa sortie sur les ondes, les radios l'avaient tant diffusé qu'elles avaient formaté l'oreille de l'auditoire. De manière quasi-conditionnée, même sans savoir qui en était l'artiste ou sans l'apprécier, on y était réceptif. En bien ou en mal. Ce soir, les auditeurs furent surtout réactifs dès les premières notes.
Hey Hot Chili
I guess you've been told
Babe, no need to grow old
You've already got
Your mama's butt
And just one touch
And I've got enough
To go crazy about that tiny, tiny... (ass)
Yeah you're really hot chili, chili
[...]
Le public au top ponctuait les rimes avec Red et reprenait le refrain en chœur. Les fans jouaient bien le jeu, ayant compris que cela s'inscrivait dans une compétition de drague. Plus ils s'amuseraient, plus cela tenterait les spectateurs des autres scènes de rejoindre la fête. Car plus on était de fous... Nul besoin d'expliquer aux fanatiques que c'étaient eux qui réécriraient l'histoire du Rock'n'Rumble.
Comme tous les artistes performant au Sinéad, les Beat'ONE avaient donné la consigne via les réseaux sociaux de rendre le concert mémorable. Public ou backliner, chacun devait apporter sa pleine contribution. Les Holy Suckers accueillirent chaque piste avec le même enthousiasme, que ce soit des vieilleries connues et appréciées comme BABY BOMB et DILUVIUM de Brent, ou une nouveauté enregistrée en studio il y a moins d'un mois comme PANDORA BOX.
Animé d'une vitalité contagieuse, le quatuor assurait le show. Ils étaient au sommet de leur forme, carburant sans doute à l'énergie nucléaire. Red, sous pile à haut voltage, sautait plus qu'un gymnaste olympique sur un programme libre. Il casait des sauts carpés à tout va, des sauts de voleur à gauche et à droite, et même un salto durant un solo de basse. Ses impulsions n'enviaient rien aux athlètes de haut niveau, mais ses réceptions... Disons en deux teintes : impeccables ou casse-gueule. Il donnait bien plus de sa personne qu'on en attendrait d'un simple chanteur.
Par des fans peu objectifs, il fut adoubé The best Frontman Ever, car il continuait de chanter entre ses cabrioles, avec une aisance témoignant de son endurance, d'un parfait placement de sa voix et d'une maîtrise des temps de respiration. Ses cris et ses borborygmes étranges accompagnaient une gestuelle frénétique mais sous contrôle. Red avait ce don de rendre facile la technicité de sa prestation. Peu importait l'enjeu. Devant un appareil photo lors d'une session de shooting ou face aux caméras filmant une performance scénique, il jouait brillamment avec l'objectif. Les retransmissions sur écrans géants en mettaient plein la vue. Quid de la future version éditée, travaillée spécialement pour un rendu spectaculaire ?
Jeff n'était pas en reste. Le bassiste avait avalé une toupie avant de monter sur scène. Cela expliquait sans doute comment il maintenait sa ligne de basse en tournoyant aussi vite qu'une girouette soumise au mistral. Il avait sûrement pris goût à faire le tourniquet avec les effets de volant de son kilt...
Korgan, lui, faisait tourner sa guitare. S'aidant de sa sangle, il la passait dans le dos, la ramenait entre ses mains et enchainait ses riffs les doigts dans le nez. Les fans en raffolaient. C'était quitte ou double : soit l'instrument restait coincé dans son dos – bonjour, la louze –, soit il réussissait son coup et bonjour, la frime. Pour le bonheur du public, il faisait un sans-faute. Après tout, il avait répété le numéro.
Le beau mohawk de Jay coiffé avec soin n'était plus qu'un souvenir. Ses headbangs fleuraient la possession démoniaque. Il finirait probablement avec une minerve à l'hôtel... On avait tendance à aduler le chanteur et les guitaristes. Mais un bon fan de rock savait que la batterie portait tous les titres dynamiques, décidait des accélérations et décélérations du tempo. Le batteur était le garant du fun, il payait la caution de la récréation. Les mains claquaient en suivant son rythme. Le chanteur calait ses sauts de kangourou punk sur les caisses claires. La foule entamait un pogo au roulement des grosses caisses. Le slapping de la basse et de la guitare se mariait aux percussions.
Voici que Red s'improvisait coach sportif dans la spécialité « folie physique ». Il exigeait ici des sauts, là des headbangs, là-bas des mains en l'air. Incitant la marée humaine à hurler au ciel son euphorie à la manière d'une meute de loups, il déclencha une ola lors du sixième titre, DR MABOUL. À la septième piste, ALL HER DOING, il s'adonna à un strip-tease. Sans aller jusqu'à se défroquer, il se limita à tomber le chandail au mépris de sa frilosité, son T-shirt bazardé au profit d'un fan heureux. Désormais vêtu d'un jeans déchiré aux genoux et de Doc'M®, il courait de plateforme en plateforme, produisant assez d'énergie pour repousser le froid. En outre, les projections pyrotechniques des lance-flammes tenaient l'hiver en respect.
Dans l'assistance, les suiveurs l'imitèrent. Les drones s'en donnaient à cœur joie sur les filles en soutif, les mecs bien gaulés torse à poil, celles et ceux qui se foutaient des complexes attribués par la société. Certaines images, projetées par flash sur écrans géants, reçurent tantôt des compliments, tantôt des commentaires tendancieux des musiciens. Il s'agissait de « tableaux racoleurs ». Sous la supervision du directeur artistique autoproclamé des Beat'ONE (Dean) et des vidéastes de Coop-Com Record©, la régie d'Emy Event© diffusait une sélection de ces images sur les écrans des autres mainstages. Il en allait de même pour les concurrents, le but étant de donner aux différents challengers une idée de la température des shows adverses.
De fait, le Rock'n'Rumble était une grosse opération de racolage :
« Venez chez nous, c'est plus cool ! »
« Venez de ce côté, on sait s'amuser ! »
« Venez donc nous voir, c'est chaud par ici ! »
Et pourquoi pas : « viens du côté obscur, on a des cookies ! »
Tous les attrape-nigauds étaient brandis. Malheureux cliché, mais une paire de seins en soutien pigeonnant attirait pas mal d'individus bulbaires. En dépit de leur moralité discutable, les statistiques comptabilisaient les voyeurs dans les résultats finaux. D'aucuns ne dénigraient point les pervers assouvissant leur penchant, du moment qu'aucune agression sexuelle n'était perpétrée. Néanmoins, Red calma le zèle des exhibitionnistes.
— Hey, c'est cool que vous soyez à l'aise avec votre nudité, ou que vous espérez attirer la concurrence en vous dénudant. Mais restez « tout public » et pas « interdit aux moins de douze ans ». Notre mascotte joue ce soir.
Les drones n'accentuaient pas simplement l'effet d'immersion. Certaines de ces machines appartenaient au service de sécurité et à la police, à des fins de surveillance et dissuasion. Quant au reste, les règles interdisaient toute attitude à caractère pornographique. Mais entre une charte et son respect scrupuleux, il y avait divorce quand s'en mêlaient l'alcool et la fumette. Des images du public de Rock Sanctuary, où performait Иeologism, montraient des spécimens féminins seins à l'air, quand elles ne faisaient pas tournoyer du string. Jusque-là, les flashs visuels des autres shows, bien qu'affriolants parfois, n'avaient pas réussi à débaucher un seul Holy Sucker.
Il fallut compter trois-quarts d'heure de spectacle avant les premiers remaniements significatifs de foule. Des scènes se désemplissaient drastiquement au profit d'autres. Rock Buster connut un nouvel arrivage fort encourageant. Red mit à l'honneur ces « déserteurs de l'ennemi », en empruntant à la devise de Paradise City :
— Welcome to Rock Buster, the mainstage you won't leave![1]
Sur les réseaux sociaux, la phrase ferait fureur. Soudain, la régie d'Emy Event© prit en otage tous les écrans géants du parc des Expositions. Chaque scène reçut un visuel de la globalité des musiciens en compétition. Alors que les yeux étaient rivés sur les panneaux compartimentés par les shows adverses, une voix électronique féminine s'éleva des haut-parleurs :
— Mesdames et messieurs les artistes, faites vos jeux.
Cette nouvelle règle du Rock'n'Rumble avait été instaurée par Tessa. Tous les groupes participants avaient dû signer les clauses de cette version deux point zéro. La voix robotique annonçait les battles. Frissons garantis. Le principe, expliqué sur la page officielle de la Rock-Feast et accessible via l'application téléphone, disait que durant cinq minutes, deux groupes s'affrontaient en duel. Interdiction de décliner un défi lancé par l'adversaire. À l'issue du « combat artistique », les fans plébiscitaient le vainqueur en se rendant à sa scène. Que leur décision soit fairplay ou non, les musiciens devaient s'y soumettre.
Étaient prohibés tout propos raciste, homophobe, antisémite, islamophobes, etc. Les injures étaient donc exclues, sauf lorsqu'elles étaient déjà incluses dans les lyrics d'une chanson dont la sortie officielle datait d'avant la XIIème édition de la Rock-Feast. Rien n'empêchait d'user de rhétorique et figures de style pour marquer des points, en taclant verbalement l'opposant ou en séduisant directement son public. Selon Tessa, les groupes rivaux règleraient leurs comptes de manière « saine » par cette méthode.
En théorie, musique et spectacle restaient les maîtres mots. Ça, c'était dans le meilleur des mondes. Le show ne serait pas interrompu si un groupe ne respectait pas cette règle. Bien entendu, il risquait la disqualification. Néanmoins, Emy Event© y réfléchirait à deux fois au manque à gagner avant de sortir un gros bonnet du marathon. La présence de super rockstars contribuaient à la popularité du festival, que celles-ci soient grossières ou non.
Tandis que Red consultait ses amis, la voix androïde déclara :
— The Beat'ONE, vous avez deux challengers : Deathwish et NITRΩ.
Ils avaient été lents à réagir. Leurs adversaires les attendaient au tournant vu leur promptitude à les provoquer en duel. Le public hua, assimilant ces défis à de l'acharnement. Les Beat'ONE ne pouvaient qu'accepter désormais. Qui affronter en premier ?
*o*o*
TBC ● EPISODE 47 - part 2
[1]Bienvenue à Rock Buster, la scène que vous ne quitterez pas !
*MEDIA*
Intro vidéo : Halestorm - ''I Like It Heavy''. Parce que ces lyrics sont carrément la quintessence du Rock'n'Rumble !
Some like beautiful, perfect and pretty
I see the good in the bad and the ugly
I need the volume one louder than ten
Put the pedal to the metal, needle into the red
If the windows ain't shaking
Making my heart race
If I can't feel it in my chest
I'm in the wrong damn place!
Got a demon in my soul and a voice in my head
Saying, "Go, go, go, I can sleep when I'm dead."
There's a sonic revelation bringing me to my knees
And there's a man down below that needs my sympathy
I got a ringing in my ears
Getting ready to burst
Screaming, "Hallelujah motherfucker
Take me to church."
I like it louder than the boom of a big bass drum
I need it harder than the sound of guitar grunge
I love to crank it up
Make it thump
And evil to the core
Head-banging in the pit
And throwing my horns
And just like old-school Sabbath, Zeppelin and Lemmy
I need to drop it down low
And make it heavy
I like it heavy
I like it heavy
I ride the lightning, roll with the thunder
Going down down down with my sisters and brothers
I fell in love with the darkest parts
Standin' on the side of the wild at heart
I plucked the feather off a crow so I could fly
Since I was 13 years old I've had my fist to the sky
I like it louder than the boom of a big bass drum
I need it harder than the sound of a guitar grunge
I love to crank it up
Make it thump
And evil to the core
Head-banging in the pit
And throwing my horns
And just like old-school Sabbath, Zeppelin and Lemmy
I need to drop it down low
And make it heavy
I like it heavy
I like it heavy
I like it, I like it, I like it heavy
I like it, I like it, I like it heavy
I like it, I like it, I like it heavy
I like it, I like it, I like it heavy
Some like beautiful, perfect and pretty
I see the good in the bad and the ugly
I like it heavy
I like it heavy
I like it, I like it, I like it heavy
I like it, I like it, I like it heavy
I like it, I like it, I like it heavy
I like it, I like it, I like it heavy
Take me home tonight I'll do anything with you
Buy a bottle of whiskey, we'll get matching tattoos
Tell me that you love me, oh let me drive your car
We can sit 'til morning light just count every star
'Cause if there's a Hell I'll meet you there
And if there's a Heaven they're servin' beer
And if you're an angel then I must be high
Oh if there's a church it's rock and roll
If there's a Devil I sold my soul
And it's alright whatever we do tonight
'Cause if there's a God
Dammit she won't mind
If there's a God
Baby she won't mind
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