S07 - EP 38 ✧ part I
Partie 1/2
Un instant, Regan compatit à la douleur d'un homme soumis au supplice de l'écartèlement. S'il décrochait, il finirait dans la peau du traitre. Pourtant, répondre à l'appel de Jonathan ne devait pas lui poser un cas de conscience... Cela soulignait à quel point Vince muselait sa volonté. N'était-il qu'une marionnette aux actions conditionnées par le bon vouloir de son « propriétaire » ? Et puis, fichtre ! Prendre un appel ne devrait pas être une question d'audace.
— Allô ?
— Quoi, je te réveille ?
Jonathan jugeait sans doute son temps de réaction lent, mais Regan n'était pas tenu de répondre au premier sifflement non plus !
— Bonjour, Jonathan, dit-il avec emphase.
Jonathan renifla. Voilà où le menait son impulsivité. La conversation avec Dean l'avait déstabilisé au point de laisser un jeunot lui faire la leçon.
— Dis-moi, saurais-tu où se trouve Rudy ?
Regan se pinça les lèvres. Où était le piège ?
— Et si je te demandais de lui poser directement la question ?
Il avait résilié le contrat de rapporteur ; quelqu'un devait en informer le camp adverse. Jonathan s'agaça :
— Si je t'appelle, c'est parce qu'il ne répond pas, benêt !
— Même s'il le savait, le benêt ne serait pas disposé à te révéler des pans de la vie privée de ton filleul. Repasse un autre jour, « Tonton Nat ».
— Petit con !
Regan ravala un sourire. L'autre partie n'appréciait pas son aplomb. C'était jouissif.
— Cette conversation est inconvenante. Si je ne te suis plus d'aucune utilité après ce discours, tu peux raccrocher. Je ne t'en tiendrai pas rigueur.
— C'est ta carte MIP qui t'octroie ce genre de « zèle » ?
— Non, j'ai simplement démissionné du job de « complément circonstanciel de moyen ». Désolé de ne pas avoir fait une publication dans le journal officiel de la famille. Puis-je te souhaiter une bonne fin de weekend ?
— Petit impertinent ! gronda Jonathan, royalement frustré. (Le gamin avait dû subir un reformatage express de Vince !) Profite tant que tu peux. Tu t'en mordras les doigts !
Sauf si je me rallie au camp des vainqueurs. Puisqu'il n'était pas stupide, Regan tint sa langue. Cette fois, il mènerait la dance. Aussitôt l'appel terminé, il se connecta à ownetwork© et rédigea un message privé à Rudy.
« Pourquoi n'es-tu pas joignable ?! Ta vie décadente intéresse ton parrain, il m'a demandé où tu étais. Mais j'en ai soupé qu'on attende de moi des infos à ton sujet, je ne suis pas ton crieur. Au fait, dois-je demander à la famille de suivre religieusement l'émission W.H.Y? de ta mère ? »
Fier de son texte, il l'envoya avant d'hésiter. Aux Parques de décider du reste. La réponse vint quelques heures plus tard.
« Salut !
Désolé pour la réponse tardive, je n'étais pas joignable au téléphone pendant un moment, j'étais en plein vol Paris-Seychelles. De Saunes aux îles, il y en a pour 22 h de vol, l'horreur ! Le jet-lag de malade. Il doit être 2 h du mat ici. Je suppose que c'est l'aprèm, là-bas.
Tu seras gentil, Reg', tu les mettras sagement devant la télé, ce soir ? (^_^) Je te revaudrai ça. En réglant ton problème avec Nola, par exemple. Vous vous reverrez sûrement au gala de Darney. Autant éviter une possible gêne, ce sera naze pour l'ambiance. Je te tiens au courant. »
Le cœur battant, Regan relut le message et se convainquit qu'il n'y accordait aucune importance. Il se passerait de l'aide de son cousin pour emballer une fille ! Que Rudy se garde de croire qu'il lui en serait redevable.
*o*o*
De l'avis de Côme, le régisseur de Coop-Com Record©, le projet de scène de Dean n'était pas audacieux mais démentiel ! En découvrant le concept et les plans, les Beat'ONE s'étaient excités comme des gosses à l'approche de Noël. L'envergure du chantier et les délais courts imposeraient un rythme de travail drastique. À présent, Rebecca comprenait pourquoi le staff avait embarqué autant de monde, comme s'il avait anticipé la chose. Non, pas « comme si », Dean avait tout prévu ! Mais à contrario du reste de l'équipe, la manager nourrissait de l'inquiétude.
— C'est possible en trois jours ?! On m'a appris à me « hâter lentement », ça donne de bons résultats. Bien réaliser les choses ne se fait pas vite.
— Un Leblanc ne connait pas cet adage.
— Ben voyons, exhala-t-elle, vannée par la réponse donnée avec platitude.
— Si cela peut te rassurer, je compte jouer sur tous les tableaux et actionner les leviers à ma portée.
Il ne suffisait pas de maîtriser son outil de travail, il fallait aussi savoir jongler avec son carnet d'adresses. Jay devina les intentions de Dean.
— Quelles relations, professionnelles ou non, comptes-tu exploiter ?
— Voyons voir... White Enterprise©, un artiste-façonnier de Soslë, le directeur d'Emy Event© et le maire de Nior.
Il n'y avait pas grand lien entre les éléments de cette liste, mais Dean s'attela à démontrer le contraire. Tout d'abord, la paperasse. Face à son patronyme, le maire de Nior, Beau Pipes, ne présenta aucun challenge. Une fois le politicard dans sa besace, il entreprit d'assouplir Emy Event©. Son siège social se trouvant à Narven au même titre que celui de LFC©, Dean supputa que leurs patrons respectifs évoluaient dans le milieu fermé des riches entrepreneurs.
— Il s'avère qu'un de ces patrons a facilité notre shooting pour la ligne Gentlemen® de MTM.
Jeremiah Mc Nelly, devina Rebecca, admirative. Jeter une passerelle entre la mode grand luxe et l'évènementiel, il fallait le faire ! Lorsque Dean eut Jeremiah au téléphone, celui-ci le surprit par une meilleure proposition.
— Je te mets directement en relation avec le patron de M. Entertainment©. Rowan est une accointance. La direction se trouve à Nior, cela vous facilitera la tâche. J'y pense, je m'y rends mardi soir. Cela ne fera pas de mal de convenir d'un rendez-vous, tous les trois, suggéra-t-il. Plutôt en fin de semaine, afin de ne pas contrarier nos potentielles Valentines.
Quoi de plus normal que trois membres du MIP-Club programmant de refaire le monde ! Prévenu par Jeremiah, Rowan Mc Lauren ne s'offusqua pas d'être dérangé un dimanche. Dean s'attaqua ensuite à l'aspect technique.
— Ah, Dean, j'attendais ton appel ! démarra Anouk Diesel. D'après Pierre, la faisabilité de ton projet n'est pas impossible... Il a émis des doutes au début, j'ai dû lui rappeler qu'impossible n'est pas Leblanc.
Les Beat'ONE découvrirent que Dean lui avait envoyé une maquette numérique 3D. Aussi surprenante soit sa familiarité avec la sœur du styliste Laz, elle n'avait rien d'insolite. Ce type changeait ses rencontres en aubaine dont tirer profit. De plus, en vue de l'inauguration de Tekhnopolis©, Dean démarchait des artistes et artisans à la moindre occasion.
Anouk, sculptrice et designer d'intérieur, était en réalité un intermédiaire. Dans l'optique d'une future collaboration, Dean avait effectué ses recherches sur la jeune femme et découvert une énième preuve de la petitesse du monde. Le mentor d'Anouk Diesel, diplômée de l'Académie des Beaux-Arts jumelé au Grand Conservatoire de Soslë, portait un nom familier : Pierre Sainsbury. L'homonymie avec celui du garde du corps de son fils n'était pas une coïncidence...
L'artiste façonneur se payait une petite réputation dans le milieu et roulait bien sa bosse. Dean avait confié à son ancienne élève la mission de lui transmettre les plans de la scène. Via une impression-laser 3D, Sainsbury aurait un aperçu rapide de la miniature.
— Je n'attendais pas vraiment de lui qu'il statue de la faisabilité ou non du projet à l'échelle réelle. Je voulais une expertise sur une façon de procéder qui allie rapidité, efficacité et sécurité, afin de la confronter à la mienne. J'ai besoin de son aide pour définir la méthode possédant la plus faible marge d'erreur.
— Ouais, il le sait, il va t'appeler. Je lui fais une piqûre de rappel, il est du genre tête en l'air ! Mais tu peux déjà donner le feu vert à ton équipe pour poser les bases de ta scène psychédélique. Une tarentule, faut être fou ! souffla Anouk, impressionnée.
De quoi anticiper une allure déjà bien délirante en fin de journée. La paperasse réglée, la technicité en pleine mise au point, Dean enclenchait l'étape suivante : la formalité. Prochaine destination : Tessa Mommsen. Rapide, efficace.
Les Beat'ONE ne s'y habituaient pas, malgré le nombre élevé de leurs collaborations. Certes, Dean trichait grâce au poids de son nom, mais son patronyme seul ne suffisait pas à initier et coordonner toute la procédure derrière le projet, en si peu de temps. Jay le soupçonnait d'avoir mûri l'idée bien avant leur départ de Balmer. Le dossier ronronnait dans son disque dur depuis un moment, attendant l'heure de sa translation du virtuel au réel.
Red béait d'admiration. Son homme était magique !
— Il a surtout du nez, nuança Korgan. Son secret est de flairer les bonnes occasions. Quand il en tient une, il l'exploite au maximum.
Dean ne s'investissait qu'à cent pour cent, voire plus ; jamais moins. Son rythme éprouvait les techniciens sur le terrain, mais le plaisir de travailler sur les projets loufoques nés de sa folie restait gratifiant. Bien que peu glorifient sa rigueur et son génie en sa présence, afin de lui épargner un melon gigantesque.
*
Tessa Mommsen ne saurait dire laquelle de l'irritation ou de la béatitude prévalait sur son humeur. Une somme des deux, sans doute, dont le résultat donnait une frustration innommable. Depuis un quart d'heure, elle se tapait un mec imbuvable, mais Dieu qu'il était beau ! En outre, la présence de l'homme à Nior, la ville où avait été enlevé son fils, intéresserait les médias. Tenait-elle un scoop ?
Pacha en terrain conquis, Dean Leblanc l'informait qu'Emy Event© ne verrait aucun inconvénient à ce qu'il remodèle une partie des infrastructures du parc des Expositions. Le culot ! Sa raison d'agir ainsi ?
— Exiger des Beat'ONE une battle au Rock'n'Rumble ne se fait pas sans conséquence. Et je suis cette conséquence que vous allez désormais assumer !
Le culot ! L'avait-elle déjà dit ? Eh bien, Tessa le redirait encore : le putain de culot ! D'après des bruits de couloirs, les Beat'ONE lui facturaient son attitude garce en lui envoyant leur directeur artistique teigneux. Au grand dam de Tessa, le bougre hautain sortait d'une corne d'abondance ; elle n'avait aucune influence sur lui.
— Aviez-vous conscience d'opposer des maisons de production de calibre différent en mettant leurs artistes phare sur le ring ?
AMP© et Coop-Com Record© ne boxaient pas dans la même catégorie. Il n'y avait aucune équité à opposer un poids lourd contre un poids léger. Tessa s'impatienta. Les groupes de rock incriminés commençaient à la gonfler ! Certes, en une seule journée, les Beat'ONE faisaient plus parler d'eux que la moitié des formations invitées au festival. L'engouement médiatique bénéficiait à l'évènement. Mais il n'y avait pas qu'eux à la Rock-Feast, et les privilégier risquait de nourrir des jalousies qui, à la longue, donnerait mauvaise presse au festival. Soumise au régime NITRΩ/Beat'ONE depuis la veille, Tessa frisait l'indigestion.
— Quel est votre propos ? Êtes-vous ici pour remettre en question ma façon de procéder ? Là, maintenant, en ayant parfaitement conscience que je suis overbookée ? De quel droit ?! Je n'ai sincèrement pas le temps pour ça !
— Vous avez pu me recevoir, je subodore que vous avez ce temps, renvoya Dean, sarcastique. Par politesse, je vous annonçais simplement que la prise en charge scénique des Beat'ONE pour le Rock'n'Rumble m'incombe. J'en endosse l'entière responsabilité, afin de vous donner un nom à qui destiner vos réclamations. Du moins, s'il y en a, mais j'en doute. Comme vous le savez, mon équipe est déjà sur le terrain.
Tessa avait été prise de court par l'arrivée de camions et bus frappés des logos White Enterprise® et White Park©. L'homme la mettait sur le fait accompli, ne lui laissant que le « choix » de se plier à ses doléances. Une part d'elle voulait l'envoyer paître, l'autre se délectait d'inscrire ce spécimen dans son répertoire d'adresses. Et peut-être, plus tard, dans son tableau de chasse. Peu d'hommes lui résistaient.
En attendant, elle maudissait la faiblesse de ses ovaires, car Dean Leblanc l'impressionnait. Elle apprécierait son charme s'il ne prenait pas ce ton paternaliste. La première chose que Tessa remarquait chez un « homme qui s'y croyait » était sa posture. Dean l'avait altière ; une assurance masculine consciente de son « pouvoir » au sens large. Elle analysait ensuite sa courtoisie, son amabilité et son air distingué. Ce type ferait un sans-faute sans sa condescendance. Heureusement, son allure soignée, à la fois chic et décontractée, rehaussait le niveau.
Elle aimait aussi qu'il soit un homme de terrain. À quelques exceptions près, Tessa avait en horreur les cuistres la jouant grands patrons mais qui déléguaient tout, mains dans les poches, assis derrière leur gigantesque bureau. Elle exécrait carrément ceux qui mettaient les pieds dessus. Il n'empêche, ce bellâtre puait le macho !
— AMP© a un programme promotionnel de grande envergure pour le groupe NITRΩ...
— Je suis au courant, l'interrompit-elle, cassante.
Dean lui sourit avec complaisance.
— Alors n'en veuillez pas à Coop-Com Record© de relever le gant.
Tessa s'agaça.
— Je refuse que le festival soit perturbé par un chantier de dernière minute.
— Il fallait y penser avant de mettre les Beat'ONE et NITRΩ sur le même ring, Tessa, asséna Rebecca.
Tiens, elle est là, celle-là ? N'ayant d'yeux que pour Dean, Tessa l'avait vite occultée. Elle admettait cependant sa curiosité. Comment Miss Twayne-la-copieuse était-elle devenue manager des Beat'ONE, en plus d'avoir des atomes crochus avec un Leblanc ? En virant l'ancienne meuf du batteur ? La présumée rivale, l'héritière Mila Reich, restait un gros morceau. Son couple Jaymila avait beurré les choux de la presse people, tandis que la fille du multimilliardaire Torcy s'affichait avec son boyfriend accessoire, la rockstar Jet Poppy-Garett. Le voilà à nouveau père et managé par la mère de son fils.
Tessa ravala un grognement. Elle digressait. Le sourire un tantinet moqueur de Dean la rappela à ses priorités.
— Les scènes ont été montées longtemps à l'avance, expliqua-t-elle. Vous pouvez éventuellement remodeler la vôtre, mais ce sera au détriment de la durée du concert. Les Beat'ONE ne sont pas le seul set à qui la tente Rock Venom a été attribuée. C'est vous qui voyez.
— La scène que monte mon équipe sera opérationnelle le 15, rétorqua Dean. Elle nécessitera au moins trois jours de montage. Pour ne point contrarier le plaisir des festivaliers, la mairie de Nior alloue à Emy Event©, à titre exceptionnel, des hectares supplémentaires. Vous avez reçu un courriel à ce sujet.
Sceptique, Tessa consulta sa boite de réception. L'écran de sa tablette la nargua d'une motion municipale.
— Ce courrier date d'aujourd'hui. On est dimanche. Depuis quand la fonction publique travaille dimanche !
Pas étonnant que son assistant n'ait pas songé à l'en informer, il n'en avait pas eu le temps. N'en déplaise à son scepticisme, le rapport mentionnait bien une autorisation de permis d'un chantier hors périmètre, à l'extrême limite nord du parc des Expositions.
— Cela arrive quand le maire s'en veut d'avoir une police incompétente.
Tessa n'eut pas besoin qu'il développe. L'héritier Leblanc n'avait pas été retrouvé par la police de Nior mais par celle de Saunes. Elle capitulait. Enfin, presque.
— Tant que la pollution sonore du chantier n'impacte pas sur la sonographie du festival...
— Il va de soi, coupa Dean, qu'il serait regrettable de perturber la routine de la Rock-Feast en montant la scène en plein cœur du Sinéad. Mais parlons sans langue de bois. Le confort sonore des festivaliers n'est pas l'aîné de vos priorités. En réalité, vous voulez surtout savoir si cela pèsera sur la note de frais d'Emy Event©.
Donc zéro frais pour Emy Event© mais revenus garantis ? Difficile de s'y opposer. Cependant, pourquoi Tessa apprenait-elle ces changements de Dean et non du représentant de la mairie ? En outre, la direction d'Emy Event® aurait dû la contacter, maintenant que White Enterprise© s'invitait en sponsor.
— Je ne peux pas me contenter de votre parole.
Sa patience s'étiolant, Dean tendit à la femme les documents qui lui cloueraient le bec. Toute la matinée, il avait œuvré à ouvrir des portes, bafouant le scrupule, quitte à utiliser l'enlèvement de l'héritier Leblanc, puissant levier au passage. Paradise City avait un manque à gagner de la taille du Groenland si la White chain délocalisait ses entreprises et établissements dans des villes ayant grâce à ses yeux. Le maire avait gobé le bluff, trop heureux de complaire à un Leblanc et pas des moindres : le fils du grand patron. Dean avait conclu en achetant le politicien avec l'assurance de sa reconnaissance éternelle. Qui cracherait sur un tel soutien ?
Quant au président de M. Entertainment©, la prise de contact de Dean Leblanc avait plutôt attisé sa curiosité. Mc Lauren voulait surtout savoir comment celui-ci avait pu parrainer trois filleuls MIP sans déclencher l'indignation du Club. Dean lui avait assuré qu'ils auraient le loisir d'en discuter autour d'un verre.
— Voilà qui officialise le partenariat de White Enterprise© avec Emy Event©, dit-il en désignant la pièce jointe associée à un e-mail sur sa tablette. Rebecca vous en transfère une copie. Ce serait navrant de remettre ma parole en doute.
— C'est stupide tout court de remettre la parole d'un Leblanc en doute, enfonça Rebecca.
Tessa ne put choisir entre se sentir idiote ou en colère. Ce duo jouait un sale numéro. Elle était la Directrice des Opérations et Gestion d'Espace d'Emy Event© ; elle gérait le festival. Leblanc ou non, ce type ne la dépossèderait pas des rênes !
Le contrat parlait des conditions du sponsoring de la Rock-Feast par White Enterprise©. Bon sang, ces bobos du Comité Exécutif auraient pu me mettre au parfum ! Pourquoi la ridiculiser ainsi ? La date intrigante de la rédaction du document l'aida à surmonter son embarras. Comme le courriel de la mairie, cela datait du jour même. Un dimanche.
Plus curieux encore, Dean avait directement commercé avec la maison mère établie à Nior. C'était la signature de Rowan Mc Lauren, le Président Général ! Nom d'une Louboutin, c'était du CGV : du Contrat à Grande Vitesse ! Pas étonnant que l'info ne lui soit pas encore parvenue. Le temps de traverser les strates séparant le poste du grand patron du sien, il fallait compter au minimum vingt-quatre heures.
Rebecca vit le moment où ils l'emportaient.
— Avons-nous un deal ?
— Il n'y a pas de deal, Rebecca, pontifia Dean. Quand on organise un combat de coqs, on s'assure d'avoir des coqs comme challengers. Or elle a commis l'erreur de prendre les Beat'ONE pour de vulgaires coqs. Enfin, c'est évident qu'il s'agit de phénix ! Je ne vous apprends pas que le phénix symbolise l'excellence.
Tessa en fut bouche bée. Wow, cet homme croyait chacun de ses mots. Le délire allait loin, à en juger par la suite de son discours :
— Pour ce Rock'n'Rumble, les Beat'ONE décideront du champ de bataille. Ou devrais-je dire du lieu de la mise à mort. N'attendez pas de remerciements de Bosco Record©, d'AMP© ou de NITRΩ, pour votre initiative cavalière de les mettre en duel.
Poinçonnée du regard, Tessa cilla. Pourquoi tant d'antipathie ? D'ordinaire, les hommes ne la regardaient pas ainsi. Même ceux dont le célibat était une histoire ancienne se montraient sensibles à son charme scandinave. Ce type ne lui témoignait aucune sympathie. Plus frustrant encore, le sourire sardonique du connard magnifiait sa prestance.
Elle refusait de l'admettre, mais elle perdait le contrôle de la situation depuis la veille. Jusqu'ici, elle croyait contenir la casse. Ce nouveau paramètre complexifiait l'équation. Tessa considéra Rebecca d'un air accusateur. Tels des enfants fayoteurs, les Beat'ONE avaient rapporté leur conversation à cet homme. La manager buvait du petit lait ; elle ne dissimulait même pas sa satisfaction. Quitte à subir l'humiliation, autant en tirer son parti, songea Tessa.
— Je me soucie du sort de NITRΩ comme de ma première culotte. Les membres de ce groupe se mettent eux-mêmes une balle dans le pied avec leurs déclarations irréfléchies. Leur maison de production n'avait qu'à mieux les encadrer. Quant aux Beat'ONE, qu'ils apprécient ou non mes méthodes, la polémique reste une bonne promotion du dépoussiérage du Rock'n'Rumble. Si White Enterprise© s'en mêle pour en faire un évènement tape à l'œil, ou que sais-je de grandiloquent, qui suis-je pour me plaindre ? ironisa-t-elle.
À la clé, elle gagnerait son lot de lauriers et verrait grandir son cahier de charges au sein de l'entreprise. Si elle relevait ce challenge, ses pairs ne la prendraient plus de haut parce qu'elle était une femme. Dean Leblanc n'en avait pas conscience, mais il personnifiait son tremplin. À elle de ne pas rater l'abordage.
Toutefois, une chose la turlupinait. Qu'avaient ces Beat'ONE de si spécial au point d'inciter des hommes puissants à se mettre à leurs petits soins ? Ces musiciens vivaient un conte de fée rock'n'roll depuis l'intervention de Jeremiah Mc Nelly. Et maintenant, un ressortissant de la bourgeoisie balmérienne apportait sa contribution, validée par Rowan Mc Lauren en personne, la plus grosse baleine de l'océan de l'Entertainment !
Tessa saisissait à peu près les intérêts du président de LFC© et celui de M. Entertainment©. Quels étaient ceux du Leblanc ? Mc Nelly mettait les égéries d'une de ses marques sous les feux des projecteurs. Mc Lauren donnait un coup de boost à un festival en gain de popularité. Que gagnait Dean ? Qu'est-ce qui le liait à ce groupe de rock ? Certes, il portait la casquette de directeur artistique et se disait porte-drapeau de W. Ent. Or l'homme n'était pas à la tête de White Enterprise©. Et il prenait cette affaire à titre personnel, à sa manière de la toiser. Elle finirait bien par en savoir le fin mot, se promit-elle en affichant son plus beau sourire commercial.
— Je ne prends pas les Beat'ONE, ni NITRΩ d'ailleurs, pour des coqs mais pour ce qu'ils représentent pour Emy Event© : une cash machine. On attend de moi du « divertissement productif ». Il s'avère que je suis bonne à ce jeu, dit-elle, suffisante. Vous voulez appliquer vos règles ? Vous avez carte blanche, Mr. Leblanc. Toutefois, vous travaillerez avec un de mes coordinateurs. Si le joueur décide de la manière dont il abat ses cartes, je reste encore la croupière.
— Cela va de soi, concéda Dean.
Elle avait le mérite d'appeler un chat un chat.
*o*o*
TBC ● EPISODE 38 – part 2
*MEDIA*
Intro vidéo : Once Monsters - Heroes Of Today. Parce que Dean et les Beat'ONE sont bien partis pour chanter cette chanson, avec tout ce qu'il se trame en coulisse !
Legends will be told
I know they will
But they're all growing old
It's time to fill up
The history books
Hmmm
Battles have been won and dragon slayed
But we need some He-Eroes Of today
Oh it could be us
Hmmm
And I
Got this feeling in my soul
We'll turn this silver into gold
Ohh i'm just tryna say
We're never giving in
We're always gonna win
We got the heroes
We'll make it either way
Now let me hear you say
We got the heroes
Of Today Day
Heroes
Of Today Day
Heroes
If it's heads or tails
We'll only lose
Make our own luck now and see it through
Be the champions
Hmm
We can make mistakes
It's doesn't matter
Cuz we got what it takes
To climb the ladder
All the way back up
Hmm
And I
Got this feeling in my soul
We'll turn this silver into gold
Ohh i'm just tryna say
We're never giving in
We're always gonna win
We got the heroes
We'll make it either way
Now let me hear you say
We got the heroes
Of Today Day
Heroes
Of Today Day
Heroes
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