S07 - EP 37 ✧ part III
Partie 3/3
La place froide à ses côtés doucha Red. Ce constat amer finit de le libérer de l'emprise de Morphée. Il s'assit brusquement dans le lit, puis retomba dans les oreillers, soulagé, lorsque la porte de la salle de bain s'ouvrit sur Dean. Le sourire servit à l'homme en peignoir et aux cheveux mouillés ne convainquit pas, à en juger le froncement de sourcils de ce dernier.
— Hey, beau blond !
— Tu as pensé que j'étais parti comme un voleur.
— Je n'aurais pas employé « voleur »... Ta place était froide ! se justifia Red.
Il se désola de son propre cas désespéré comme il essuyait un soupir éloquent. Le genre « que vais-je faire de toi, Andy ? » Me jeter à la poubelle ? Dean lui prit la main et le fit asseoir dans le lit. Red enroula les draps de soie autour de sa taille, se sentant soudain exposé. Il n'aimait pas sa vulnérabilité à cet instant. Du pouce, son partenaire caressa ses doigts. Une inquiétude irrationnelle assiégea les entrailles de Red face à l'expression préoccupée de Dean.
— On ne devrait plus remettre en question notre couple, Andy.
Celui-ci se mordit l'intérieur des joues. Bonjour, la conversation super sérieuse !
— Tu n'as pas confiance en moi.
Le stress de Red lui interdit d'ouvrir la bouche. Il démentit en remuant la tête. Bien sûr qu'il avait confiance en Dean ! Il ne s'abandonnerait pas dans ses bras sans l'assurance de ce sentiment. Dean reformula :
— Tu n'as pas confiance en nous. Cette défiance te fait tout remettre en cause. Au moindre vacillement, j'ai l'impression que tu remets les pendules à zéro et qu'il faille tout recommencer.
Red se sentit pitoyable. Il aurait aimé nier, mais son homme disait vrai. D'un autre côté, le comportement dudit homme générait ces fichus doutes !
— Eh bien, tu sais quoi ? Je recommencerai, affirma Dean.
Il libéra la main de Red, s'assit à ses côtés et saisit tendrement son visage en coupe. Aucun mot ne sut décrire l'émotion dans ses yeux de lagon. Quelque chose d'intense se déroulait dans la pièce.
— Je te l'ai dit, Andy. S'il faut que je renaisse, que je revienne dans ce monde ou dans un autre, c'est toi que je chercherai. Peu importe l'absurdité de mon propos.
Ces mots constituaient les lyrics de la chanson "OVER" LOVED ONE, écrite en réponse à sa déclaration d'amour musicale. Red ferma brièvement les yeux et tenta de contenir son émoi. Il se centra sur le sentiment exquis engendré par ces paroles.
— Élève des murs de doutes entre nous, si tu veux. Je les abattrai jusqu'au dernier et en ferai des ponts qui me mèneront à toi.
Cette fois, Red maudit Dean de le changer en fontaine. Non, il ne chialerait pas comme une madeleine ! Son partenaire n'avait pas intérêt à lui casser la voix. Mais le bougre avait avalé une gélule de romantisme depuis la veille.
— Parce qu'il n'y a personne d'autre que vous, Mr. Rell, souffla Dean en accolant leur front. Cela ne peut être que toi, tu comprends ? Et même si tu ne le saisis pas maintenant, j'ai décidé que ce sera toi.
Peu confiant en sa voix, la gorge nouée d'émotion, Red se raccrocha à son mutisme. Dean lui sourit avec amour puis posa un genou à terre. Le chanteur frôla l'apoplexie, comme son partenaire plongeait son regard hypnotique dans le sien. Le moment était-il arrivé ?! C'était réellement en train de se produire ?! Son cœur affolé rugit et se serait échappé si des os ne constituaient pas sa cage thoracique.
Dean n'était pas sur le point de... à cette minute... à genoux devant lui... cette posture solennelle n'était pas... NON, IMPOSSIBLE ! Oh gosh, il n'arrivait plus à penser ! Black-out total.
— Andy Rell, veux-tu...
Dean se mordit la langue. Il pressentait une facture salée, mais le risque en valait la peine. Il jurerait que la respiration de Red s'était arrêtée ; le pauvre sous-oxygéné bleuissait. Il bâillonna sa Petite Voix qui tentait de le dissuader.
« Tu vas pondre une connerie ! »
Ce ne serait que la énième...
— Veux-tu bien être mon... Valentin ?
Le choc de Red se peignit sur tous les traits de son visage. Ses yeux, son nez, sa bouche, ses joues, ses oreilles. Dean le vit se crisper, devenir livide, puis rougir de colère. Lorsque le chanteur reconnut l'œuvre de Calamity Dean, il explosa.
Red bondit du lit, poussa du pied le malotru hilare qui s'affala sur la tapisserie précieuse. Le drap fluide tomba au sol, révélant le saint Graal, comme le « nudiste » pointait un doigt impérieux sur le facétieux salopard.
— Dean Lightfoot III Leblanc ! gueula Red. Tu es un impie du romantisme, t'entends ?!
Sa gueulante se noya dans les éclats de rire de son camarade. Cet imbécile venait de surpasser Jeff en « cassage d'ambiance romantique ». Hana se plaignait que son homme n'avait pas son pareil pour ruiner une séquence émotion. Le bassiste avait trouvé son maître en la matière. Red réprima ses larmes de déception.
— Va au diable, espèce de Grand Con !
Le regard larmoyant, Dean s'insurgea :
— Hé ! À quoi t'attendais-tu, chéri ?*
Qu'il pose la question était le summum du foutage de gueule !
— Tu te payes ma tête, là !
Fulminant, Red s'enferma dans la salle de bain en claquant la porte. Dean lui courut après, dans l'espoir de réduire les dégâts.
— Andy ! S'il te plaît, Joli Cœur, ouvre cette porte.
— Va te faire voir chez Lucifer, Leblanc ! Va rôtir en enfer !
Plié de rire, Dean peina à retrouver son sérieux. Il déplorait de n'avoir pu immortaliser la réaction de Red.
— Si des verrues te poussaient dans la gorge à chaque fois que tu dis des conneries, tu réfléchirais à deux fois au moment de débiter tes sornettes !
— Ce n'est pas faisable, mon amour.
— Ta gueule ! Va-t'en, Dean. Je te déteste !
— Moi aussi je t'aime.
— Je te déteste encore plus !
Dean sourit. Il validait aussi ce genre de déclaration d'amour. La colère de Red lui passerait. Il déchanta lorsque l'homme libéra la salle d'eau, toujours furieux. Sa douche ne l'avait pas calmé. Aïe... Fumer le calumet de la paix s'annonçait laborieux.
— Allez, Andy, tu ne vas pas me faire la tête..., supplia Dean en passant sa ceinture dans les anses de son pantalon. Je ne t'ai pas tenu rigueur pour ta farce à la radio.
Ce n'était pas comparable !
— Je ne veux plus t'entendre. Tu peux respecter ce vœu ?
— Non, il est injuste.
— Injuste ? C'est le pompon !
Il y avait cru, putain ! Red y avait mis ses foutus espoirs ! Il avait bâillonné ses peurs et décidé d'accepter cette demande telle qu'elle viendrait.
« Bah, telle qu'elle viendrait... Elle est venue sous une forme que tu n'attendais pas. Tu es le seul à blâmer d'y avoir mis autant d'attentes. À farceur, farceur et demi, Andy. »
Au diable, Good Red ! Dean n'avait pas le droit de plaisanter avec ce genre de chose. Ça ne se faisait pas !
« Qui l'a décrété ? Tu t'es monté la tête tout seul. Bien sûr qu'il en a profité ! »
Cela se saurait si Bad Red était un parangon de compassion ! Red s'affligea de ses propres pensées. Seule sa colère l'empêchait de se morfondre. Il s'était fait avoir tel un ingénu rêvant au prince charmant et à la déclaration « genoux à terre ». Il savait pertinemment que Dean n'avait rien de l'homme idéal ! Comment avait-il pu tomber dans le panneau ?!
En outre, même si Dean n'était pas parfait, il subodorait que cet homme ferait sa demande avec une bague. Dans certains domaines, son partenaire appartenait à la vieille école. Sa violente explosion résultait, en réalité, d'un mélange chimique émotionnel assez chaotique : dégoût, frayeur, soulagement et frustration.
Il n'avait pas su gérer ses propres contradictions. Dégoûté que Dean se soit fichu de ses espérances naïves ; effrayé car, au fond de lui, il ignorait comment il aurait réagi face à une demande en mariage un matin de jour de convention ; soulagé de la fausse alerte parce qu'il n'était pas prêt ; frustré d'en avoir pleinement pris conscience sous la douche.
Dean et lui étudiaient encore les arcanes de la cohabitation. De son humble avis, leur couple n'avait pas atteint cet équilibre concrétisé par des noces. Les gens se mariant sur un coup de tête avaient un léger tempérament suicidaire, car on disait « mariage plus vieux, mariage heureux ». Leur relation devait murir. Hélas, une énième dispute n'allait pas dans ce sens. Red s'agaça contre lui-même.
Dean s'en vexa un peu mais le cacha. Il saisit Red par les épaules et le tourna vers lui. L'heure de crever l'abcès.
— Tu veux que je fasse cette... cette... (un instant, il buta sur le mot) cette demande-là, maintenant ?
Sa gravité mâtinée de douceur déstabilisa un peu Red. Il constata que Dean ne le regardait pas dans les yeux, se cachant derrière le prétexte de lui boutonner sa chemise punk. Dean avait fini de rire de la situation. Retour de la super discussion d'adultes. Alerte générale ! La panique revint, confirmant la précocité de cette demande-là ! Red comprit alors que sa moitié partageait son sentiment.
Tant qu'il n'avait pas mis certaines choses au point – White Entreprise©, le MIP-Club et les vertes et pas mûres allant avec – Dean ne pouvait se permettre d'être impliqué dans un évènement aussi tapageur qu'un mariage avec la star Red Kellin. À n'en pas douter, les épousailles de ce phénix se feraient en grandes pompes. Les médias n'en rateraient pas une. Dean voulait être certain de s'y consacrer corps et âme, sans l'interférence de projets parasites.
Il tourna le « problème » dans l'autre sens. Manœuvre vicieuse mais efficace.
— Et pourquoi serait-ce à moi de mettre un genou à terre ? Nous sommes deux hommes, tu me le rappelles assez. J'aimerais qu'il n'y ait rien de « conventionnel » entre nous. Pourquoi ne me ferais-tu pas ta demande, Andy ?
Les restes de fureur de Red se flétrirent. Sacrée parade ! Le regard indulgent et compréhensif de Dean le mit mal à l'aise. Son partenaire savait qu'il n'était pas encore prêt. Cet homme le connaissait trop bien.
D'une forte inspiration, il essaya de retrouver contenance. Il avait été ridicule de s'emporter. Même si Dean avait fait le con, comme d'habitude. La routine ! Il devrait être rodé depuis le temps...
C'est alors que le choix de mots de Dean l'interpella. Rien de conventionnel, hein ? Son partenaire le lui dirait lorsqu'il franchirait l'étape de se laisser prendre. C'était nouveau, mais Red ressentait à l'instant une envie singulière de chambouler leurs acquis. Plutôt déstabilisant, car cela augurait des bouleversements majeurs dans le paysage prédéfini de leur vie de couple. Une pensée insidieuse se fraya un chemin dans son raisonnement.
« Tu ne découvriras jamais certains aspects de ton devoir conjugal si tu ne prends pas les rênes de temps en temps. »
Les « rôles » devaient-ils être figés ? Les clichés et stéréotypes n'avaient pas droit de cité dans leur lit. Cependant, Dean s'accommoderait-il de la position de bottom ?
« Eh bien, propose-le-lui. »
Peut-être Dean se montrerait-il favorable, si Red alignait les bons arguments. Qui savait si l'ego « viril » du grand blond ignorait simplement comment le lui demander ? L'idée gagna en attrait, à mesure que Red observait Dean, les entrailles dévorées par l'envie de le posséder plus intimement.
— Si je te demande de m'épouser, Dean, ce sera, cœur, âme et corps, déclara-t-il, grave.
Il saisit la nuque de son homme et lui interdit de se dérober. Dean prit son souffle, prêt à encaisser une proclamation qui, il n'en doutait pas, secouerait son univers.
— Il n'y aura pas de concession, m'entends-tu ? Je t'enchainerai définitivement à ma personne. À mes envies, à mes blessures, à mes fantasmes les plus inavouables, à mes démons. Je réduirai à néant toute velléité de t'éloigner de moi.
Dean déglutit, étrangement exalté de se sentir piégé. Comme s'il avait attendu que Red le revendique ainsi. Il en bandait presque ! Parce qu'il avait la conviction que seule la mort le séparerait de cet homme flamboyant.
— Il n'y a rien de toi que je ne sache pas, Andy. Et j'accepte tout.
Red le mit en garde.
— Je ne m'avancerais pas dans ces eaux-là, à ta place.
— Tu n'es pas à ma place, chéri. Et quoi que tu insinues, je sais nager.
Il attira Red à lui ; sa possessivité finit le travail. Un baiser voluptueux les laissa pantelant, les lèvres gourmandes. Dean mordilla la lippe appétissante de sa moitié puis susurra :
— Pour ta gouverne, je suis le plus démoniaque de nous deux. C'est toi qui pactises avec le diable. Moi, en revanche, j'ai été béni d'un autre ange. Tu n'as pas conscience de tes ailes, Andy. Dois-je les peindre pour te montrer à quel point elles sont belles ?
Voilà, Dean trichait encore avec ses paroles sucrées ! Red battit des paupières et tenta de contenir son émotivité agaçante. Ce type et ses coups bas ne s'en tirerait pas à bon compte !
— Je dois t'avouer que j'ignore s'il m'est permis d'être ton Valentin, commença-t-il, incertain.
Dean s'outra qu'il casse l'ambiance. Mais hé, c'était de bonne guerre ! Son homme devait bien s'attendre à ce que sa farce conne soit à charge de revanche !
— Vois-tu, j'ai signé un contrat de « célibat médiatique » pour promouvoir le jeu HSM®. Tu étais présent. Je suis donc tenu d'éconduire ta demande. Ne serait-ce que pour voir mes dividendes grimper.
— Tu ne t'es pas privé avec ton barman latino, maugréa Dean. D'ailleurs il va m'entendre, celui-là !
— Ah, parce que ton coming-out médiatique est au programme ?
Dean étrécit son regard. Était-ce un défi ? Red soupira, soudain d'humeur peu palabreuse. Son cœur se remettant à peine de ses loopings, il s'en tint à un seul problème.
— Bon, puisque mon amour est pur, contrairement à quelqu'un dont je tairai le nom... je vais reconsidérer ta demande. T'as de la chance que ça n'ait pas été ce à quoi je pensais. Tu te serais sûrement mangé un refus pour cause de conflit d'intérêts.
Il tapota la joue de Dean qui émit un grommèlement. Soit. Un partout. Red restait un adversaire à sa mesure.
— Je t'aime, Sweet-caramel.
Sa manière de capituler, sans doute, se dit Red, amusé. Il se suspendit au cou de son bel amant.
— Moi aussi je t'aime, Cream-caramel.
— Je t'aime plus.
Le ton goguenard de Dean disait qu'il remportait cette manche de « je t'aime ». Tout n'était que duel dans la vie de cet homme. On ne le changerait plus. Red en rit.
— Tu aurais été un barbare cimmérien dans une autre vie, Dean.
— Je préfère m'imaginer comme un de ces « guerriers orseians » décrits dans la saga Héritiers d'Enera de Frank Hern.
Red rompit leur étreinte.
— Je l'ai pas encore commencée, tu me spoiles pas !
La lueur perfide dans le regard de son homme lui promit un nouveau sujet de tourmente. La peste soit de Calamity Dean !
— Sérieux, je te prive de sexe si tu me spoiles. Je ne plaisante pas !
Dean hésita. Il braverait d'autres menaces, mais celle-ci... Son partenaire ne mettait pas son devoir conjugal et un roman fantasy sur le même pied d'égalité, si ?
*
Ce qu'il aurait dû noter plus tôt sauta aux yeux de Red. Dean n'avait pas frappé à sa porte avec sa valise-trolley. Or elle se trouvait au pied du lit. Son homme l'avait récupérée dans sa voiture, raison de sa place froide au réveil. Et lui avait failli se mettre la rate au court bouillon pour cette broutille ! Il devait vraiment effectuer un travail sur lui. Pour sa défense, le temps n'avait pas été au beau fixe sur la planète Kellin. L'orage était passé ; son soleil illuminait à présent le ciel.
— On déjeune ensemble ?
— Cela va de soi. Ce sera probablement le seul moment qu'on partagera en tête à tête, déplora Dean. Des journées à cent à l'heure nous attendent.
— Je peux te refiler mon tuyau pour tenir la cadence.
— Je suis preneur.
— Je me dope au sexe, confia Red tout bas. Celui synthétisé et mis sur le marché par les labos Dean Leblanc©. Mon Dieu, je peux t'assurer que c'est de qualité ! appuya-t-il d'un ton de commère convaincue. Figure-toi que j'ai eu une pleine dose la nuit dernière, sourit-il, grivois.
Dean feignit la consternation, sentiment à l'opposé de sa satisfaction. Les retrouvailles avaient été torrides ; le premier round en sandwich contre la porte d'entrée, le second dans la couche royale. Il l'avait pris par devant, par derrière, et Red l'avait chevauché en lui faisant face, puis en lui tournant le dos... après avoir ligoté ses mains à la tête du lit king size. Dean avait apprécié de se laisser dominer. Son partenaire lui inspirait des penchants inattendus.
En quittant la suite, Red caressa les roses trônant sur une table basse. Dean leur avait trouvé un vase en verre, tandis que lui voguait dans les limbes d'Éros, loin de ce genre de considération. Ça valait bien un baiser de remerciement ; baiser qui devint avide, enfiévré, manquant de les consumer sur le pas de cette porte témoin et complice de leur délit de luxure.
Ils chargeaient leur batterie pour la journée. Celle de Dean embraya sur une note déplaisante : un appel de Jonathan. Il hésita à décrocher, jugeant que neuf heures étaient horaire peu convenable pour discuter avec un emmerdeur. Son indécision intrigua Red, qui se pencha au-dessus de son téléphone.
— Bouclette ? lut la star, perplexe.
— Le tonton Nat de Rudy, traduisit-il.
— Ton cousin, rappela obligeamment Red, réprimant un rire moqueur.
C'était puéril de l'avoir nommé ainsi dans son répertoire, mais ça restait drôle.
— Il n'est pas que parenté à Rudy. Techniquement, c'est par toi qu'il est lié à Caramel-vanille.
— Tant que ce n'est pas « grâce » à moi, grommela Dean.
— Tu ne décroches pas ?
— Si tu insistes, darling, grogna le blond, un tantinet caustique.
Son partenaire ne lâcherait pas l'affaire s'il laissait son répondeur s'occuper de Jonathan.
— Quoi ? aboya-t-il.
— On dit « allô », chuchota Red à l'oreille libre de Dean.
La grossièreté de cet homme aux allures aristocrates le sidérait parfois. L'intimité de leur position, leur complicité, attira l'attention d'un client de l'hôtel qui crut reconnaitre le chanteur des Beat'ONE. Le regard de ce dernier lui interdit de l'enquiquiner. Il profitait de son amoureux, peu disposé à signer un autographe sur commande.
— Va droit au but, Nat.
— Bonjour à toi aussi, Dean, ironisa Jonathan.
— Mets-le sur haut-parleur, que je lui fasse un coucou, demanda Red.
— Tu as le bonjour de Red Kellin, grinça Dean à contrecœur.
Il refusait d'établir une relation téléphonique « directe » entre son cousin et son homme. Reconnaissant le ton possessif du mâle alpha, Red n'en prit pas ombrage. Il avait l'habitude de ce marquage de territoire bulbaire.
— Tu es à Nior avec lui ? s'étonna Jonathan.
L'intérêt dans sa voix l'irrita. La page Red Kellin était tournée, fichtre ! Quoique, on l'avait tournée pour lui, sinon il ne ressentirait pas cette aigreur au souvenir de la manière dont leur parenthèse sexuelle s'était fermée. Savoir son ex-sex-friend en compagnie de Dean le remettait dans la peau de l'adolescent jaloux du cousin qui monopolisait l'attention lors des repas de famille. Il n'y en avait toujours eu que pour Dean !
Jonathan grimaça. Bon sang, il avait passé l'âge ! Ravalant son atermoiement, il se centra sur l'info. Que faisait Dean de bon matin en compagnie de Red Kellin, à Nior ? La réponse cria l'évidence. Empressé, il lança le moteur de recherche de sa tablette et grappilla des données exploitables.
En lui recommandant d'appeler son frère, Dan comptait-il l'aiguiller sur cette piste ? Jonathan n'en fut pas convaincu. Contrairement à lui, Dan ne s'intéressait pas à l'évènementiel. À moins que Dean ait mentionné la Rock-Feast... Comme d'habitude, ce dernier s'escrima à se montrer désagréable.
— Je ne vois pas en quoi cela t'importe ! Comment sais-tu que je suis à Nior ?
— Qui maîtrise l'information, cousin, s'impatienta Jonathan.
Dean ne fut pas dupe. Les seuls à savoir sa destination étaient son fils, l'Agent Sainsbury, Rey, Uma... et Dan. Ce vautour ! Son frère ne comptait pas lui lâcher la grappe, hein ?
— C'est bien pour la Rock-Feast, avança Jonathan. Tu joues encore au directeur artistique des Beat'ONE.
— La répétition étant la noble mère des sciences, en quoi cela t'importe-t-il ? Et je ne « joue » pas, ne t'en déplaise !
— Réfléchis, Dean, rétorqua son cousin de ce ton hautain si horripilant. Le Rock'n'Rumble prévu jeudi prochain aura des retombées...
— Tiens, puisque je t'ai sous le coude, rends-toi utile, le coupa Dean. Ton équipe de Nior a l'habitude de travailler avec des macro-équipements, vu les parcs à thème gigantesques qu'elle monte et démonte. J'ai besoin d'une main d'œuvre supplémentaire.
Le staff de Coop-Com Record© serait débordé par la réalisation de son projet audacieux.
— J'allais justement te proposer...
— Tu ne me proposes rien, je te la réquisitionne ! trancha Dean, acerbe. Au frais de la maison. Tu dois bien cela à ton filleul, Bouclette, ajouta-t-il, perfide.
Jonathan serra le poing. Dan avait raison. Ils se trouvaient tous sur le banc des accusés, et Dean se permettrait des libertés, car leur seule manière de prouver leur innocence serait de se plier à ses lubies. Cela ne se passerait pas ainsi !
— Dean... Déjà il n'y a aucun lien entre ta demande et Rudy. Ensuite, je n'accepte pas pour faire amende honorable de quoi que ce soit, je ne suis coupable de rien !
— Je ne demande qu'à te croire, même si, excepté mon fils, un Leblanc innocent est une hérésie, persifla Dean. Nous naissons avec ce placard où dissimuler nos cadavres. Mais je peux t'accorder le bénéfice du doute. Tu ne condamnerais pas ton filleul sur la base de son homosexualité, n'est-ce pas ? Après tout, tu ne serais peut-être pas dans le placard aujourd'hui si tu n'avais pas subi le moulage Leblanc.
L'hésitation de Jonathan eut l'âcreté désagréable de la culpabilité. Lorsque vint la réplique de son cousin, Dean sut qu'on lui servait le menu « mensonge laqué au miel truffé du Chef ». Peu disposé à entendre des boniments, il ravit la parole à Jonathan.
— Je veux ton équipe à dix heures sonnantes au Sinéad.
Son ton glacial charria une note d'avertissement que seul un imbécile ignorerait. Jonathan n'avait pas intérêt à le défier. D'ailleurs, il lui refusa le droit de surenchère en raccrochant. Red s'inquiéta.
— Tout va bien ?
Le sourire de son homme l'aurait convaincu s'il n'avait pas entendu l'ire scellée dans sa voix. Venait-il d'assister à un règlement de compte ? Que se passait-il dans sa belle-famille depuis l'enlèvement de Rudy ? Malheureusement, il se heurterait à une énième dérobade s'il posait la question. Refusant de forcer Dean à lui mentir, Red n'insista pas.
— Je vais te construire une scène de la mort qui tue pour le Rock'n'Rumble.
— Vrai de vrai ?
Autant se réjouir de son aubaine !
— Vrai. Alors, heureux ?
— Ta présence suffit à me rendre heureux, tu sais, confessa-t-il en s'accrochant au bras de Dean.
Le reste, ce que tu me caches, n'a pas d'importance. Ce qu'il ne dit pas dut parvenir à son homme, à en juger son regard intense. Cette fois, le sourire de Dean refléta la sincérité de ses sentiments.
*o*o*
TBC ● EPISODE 38
*Dean Leblanc réussirait sans faute le casting de la pub Schweppes. "Hey, what did you expect?"
Ah là là, Calamity Dean a encore frappé ! Mais on ne va pas plaindre Red, hein. Il se tape un demi-dieu.
*MEDIA*
Intro vidéo : Queen - I was born to love you. Parce que ces lyrics sublimes leur étaient destinés !
I was born to love you
With every single beat of my heart
Yes, I was born to take care of you
Every single day...
[chorus:]
I was born to love you
With every single beat of my heart
Yes, I was born to take care of you
Every single day of my life
You are the one for me
I am the man for you
You were made for me
You're my ecstasy
If I was given every opportunity
I'd kill for your love
So take a chance with me
Let me romance with you
I'm caught in a dream
And my dream's come true
It's so hard to believe
This is happening to me
An amazing feeling
Comin' through
[chorus]
I wanna love you
I love every little thing about you
I wanna love you, love you, love you
Born - to love you
Born - to love you
Yes I was born to love you
Born - to love you
Born - to love you
Every single day - of my life
An amazing feeling
Coming through
[chorus]
Yes I was born to love you
Every single day of my life
Go, I love you babe
Yes I was born to love you
I wanna love you, love you, love you
I wanna love you
I get so lonely, lonely, lonely
Yeah, I want to love you
Yeah, give it to me
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