Partie 2/3

— Je ne peux pas faire un tour au Nightshade demain soir, Iris. ...Toi, tu n'as absolument aucune idée du travail derrière un concert, pas vrai ? Nos dernières répétitions sont prévues lundi et mardi. On a un show à assurer le 14.

Red ne réprima pas son bâillement. Contrairement à lui, Iris était un oiseau de nuit plus résistant. Le barman vivait quand le soleil se couchait. Lui avait une journée de folie dans les pattes.

Après MCS-Radio, les studios du Canal 6 invitaient les Beat'ONE sur le plateau du Six-News, sa plateforme de journal télévisé revisité. Ils intervenaient en fin d'édition, comme ambassadeur de la Rock-Feast et de l'évènement mythique remis à l'ordre du jour : le Rock'n'Rumble. Il s'agissait d'une invitation express, non prévue et conséquente du tollé de la matinée avec un chroniqueur phare de la chaine. Le Canal 6 essayait de s'amender, un comportement assez inusité de la part d'un média aussi populaire. Mais au fond, il récupérait simplement de l'audimat. Ayant un album à promouvoir, les Beat'ONE avaient joué le jeu.

Une heure plus tard, ils honoraient un fan-meeting au Garnet, un club-house partenaire du Sinéad. Après un ballet de sourires, poses, selfies, signatures d'autographes et dédicaces, plaisanteries, sourires, selfies, poses, sourires et encore sourires, Red s'étonnait de ne pas avoir mal aux zygomatiques mais aux pieds. Sa suite d'hôtel le voyait enfin à une heure du matin, horaire que choisissait Iris pour l'inviter le lendemain au nightclub.

— Pourquoi tu ne viendrais pas avec moi au Sinéad, proposa-t-il en massant un gros orteil libéré de son bas en laine. Passe me chercher à l'hôtel. ...Écoute, si tu veux que ta mascarade fonctionne sur Jimmy, il faudra me coller aux basques. Les gens doivent nous voir ensemble, mon coco ! I-Jet-Set® et compagnie ont déjà fait la moitié du taf. Mets-y du tien. ...T'as fumé la moquette ou quoi ?! C'est pas moi qui te courre après ! s'indigna-t-il.

Un carillon annonça une visite tardive.

— Room service !

Red se tendit. Il n'avait pas demandé de room service. Mais qu'il soit damné s'il ne reconnaissait pas ce timbre vocal ! Seulement Dean ne pouvait être à Nior, s'il devait préparer son départ pour les îles Galápagos...

« Si tu commences à douter de ton oreille absolue, autant arrêter la musique, Andy. »

— Attends deux secondes, papito.

Il ne s'expliqua pas pourquoi il rejoignit l'entrée sur la pointe des pieds. C'était ridicule ! Son cœur tambourinait, non par enthousiasme mais par culpabilité, pris sur le fait, en pleine discussion du planning de sa Saint Valentin avec Iris pour rendre leurs mecs respectifs jaloux. Ça ne peut pas être Dean à la porte, nom d'un chien ! C'est carrément flippant ! Ce type a un radar en cocufiage intégré ou quoi ?!

Red zieuta à travers le judas. Le sentiment qui germa dans son ventre le terrassa. Dean se tenait bel et bien derrière cette porte. Un battant de bois le séparait de l'homme censé mettre les voiles à l'autre bout du Pacifique.

— Hé Iris, fit-il d'une voix presque éteinte, je me décommande.

Il n'entendit pas l'indignation de son interlocuteur, occupé à savourer la sensation lovée dans son cœur. Chaude, tendre, puissante, euphorisante ; d'une pureté qu'il lui mit la larme à l'œil. Quoi que lui ait fait et lui ferait cet homme, Red ne cesserait jamais de l'aimer. Cela s'imposait avec l'implacabilité d'une évidence : il avait trouvé le bon. Il n'en doutait pas en le disant dans sa chanson SAY IT IN A SONG. Mais elle était douce, cette confirmation d'une chose que l'on savait de manière intrinsèque.

I got something spinning round in my head
You know, the feeling is so strong, I've got no fear
Listen to the truth inside my heart, it's crystal clear
[...]
These words I didn't dare to tell anyone
Let the whole world know you're the one

— Je te laisse pas le choix, mec, souffla-t-il, comme Iris débattait. Tu fais pas le poids contre Dean et il vient d'arriver. ...Oui, c'est ça, vois avec Law. Je pense pas qu'il verra un inconvénient à te consoler de moi, pouffa-t-il.

Évidemment ce queutard d'Iris avait prévu un plan B, pour ne pas dire plan Q.

— Ça ne t'a pas échappé qu'il te mangeait des yeux, hein ? Mais je te conseille de rester correct. Je crois que Law ne drague pas les mecs en couple. ...Ouais, t'es célibataire quand ça t'arrange ! Faut que j'y aille, beau gosse. Tu m'excuseras.

Il raccrocha sans attendre de réplique. Jimmy aussi lui pardonnerait son peu d'implication dans cette opération de rabibochage. Le croupier n'avait qu'à ne pas laisser le phallus ambulant de son mec sans surveillance. Red n'était pas leur chaperon. Il avait ses propres déboires amoureux.

Son homme tambourina soudain du poing contre la porte, jugeant la sonnette superflue. Dean testait sans doute la solidité de ses gonds.

« Ouvre cette putain de porte, Andy ! »

Oui, oui, c'est bon ! Son for intérieur pouvait patienter deux secondes ! Le temps qu'il se recoiffe sommairement, passe une mèche rebelle derrière son oreille, ajuste son T-shirt, tire sur son short pour dégager son boxer glissé entre ses fesses, se débarrasse du second pied de sa paire de bas, se passe la langue sur les dents, vérifie son haleine, s'assure qu'il ne sentait pas des bras, confirme qu'aucun résidu ne s'était réfugié sous ses ongles vernis de noir, et last but not least, qu'il lui restait encore une rémanence de son parfum Kanon® O.

« Tout est en place ? Ta jauge de séduction est toujours pleine ? Maintenant ouvre cette connasse de porte avant qu'il se barre ! »

Décidément, Bad Red était impatient. À moins que ce soit Good Red ? Le Red en chair et en os posa la main sur la poignée, inspira un coup, se traita de tous les noms pour sa réaction d'ado, et ouvrit enfin la porte.

Le soulagement de Dean se lut dans ses yeux. Il commençait à craindre que la suite soit inoccupée.

— Bonsoir, dit-il d'une voix à complexer le plus cavalier des crooners.

Red en frissonna. Oh my! Avec nonchalance, il s'adossa contre le linteau de la porte et adopta une pose sexy. Le regard de Dean coula sur ses longues jambes mises à l'honneur par la courtesse du denim.

— Bonsoir, monsieur. Je ne me souviens pas avoir demandé un room service.

— C'est bizarre, j'ai pourtant une livraison.

— Vous êtes sûr qu'il s'agit de la bonne adresse ?

— Certain.

— Alors on a un problème. Je devrais contacter l'accueil.

— Je crains que l'accueil ait été corrompu par mes soins.

Le sourire de Red s'épanouit devant cet aveu éhonté. Le jeu ne durerait pas. L'impatience grimpait dans sa poitrine. Telle une créature avide de liberté, elle répondait à l'appel impérieux de son interlocuteur car la même voracité se lisait dans le regard concupiscent de son partenaire.

Devant sa porte, Dean était aussi beau qu'une apparition divine homérique. Tant que Dean parviendrait à le surprendre ainsi, quand il ne l'attendait pas le moins du monde, il trouverait en lui de quoi follement retomber amoureux. Et comment ne pas fondre face à ce genre de déclaration si « deanesque » !

— Tu as conscience que ce numéro de charme, je ne le ferai qu'avec toi ? Je suis probablement tombé sur le genre d'homme qui collectionnera les conquêtes en rétribution aux incartades de son partenaire. Mais tu es tombé sur le genre d'homme qui séduira plusieurs fois le même partenaire.

Red refusa d'exhaler comme un vendu totalement éperdu, pour ne pas dire perdu à cette cause nommé Dean Leblanc. Son amant lui assena le coup de grâce en dévoilant ce qu'il cachait dans son dos.

Dans un nid de feuillage vert franc et panaché, de belles roses blanches embrassaient une unique rose rouge. La fleur écarlate ressemblait à une tache de sang au cœur d'un champ immaculé. Le contraste épuré de cette étreinte intime mettait le rouge à l'honneur. Un hommage à l'essence de Red ; un éclat carmin d'amour confectionné afin de captiver un cœur ; un bouquet messager composé dans le but de faire chavirer. Red chavira.

Il porta la composition florale à ses lèvres et se délecta de sa fragrance. Sans prévenir, il se jeta au cou de son homme, manquant les faire tomber. Il en tremblait d'émotion. Dean referma des bras tendres autour de lui, comme s'il craignait de le briser, puis les entraina à l'intérieur de la suite.

— J'aime te séduire, Andy. Parce que tu es et resteras mon unique quête, ma seule conquête.

— Pff, beau parleur !

Du pied, Dean repoussa la porte derrière eux puis continua de susurrer son sortilège.

— Je te séduirai encore et encore... et encore.

Le murmure déclencha les feux de la passion. Envolée, la fatigue, oubliés, les tracas de couple et petits tacles entre amants. Ne subsistait plus qu'un besoin impérieux à satisfaire, le désir de l'autre à assouvir, une soif d'amour à étancher.

Sous le joug d'un baiser fougueux, Dean se tourna et plaqua Red contre le battant, actionnant la clenche et le loquet. À l'abri dans le vestibule, Red gémit tout son content, un chant érotique auquel sa moitié ne savait pas résister. Il aimait que son homme ne le traite pas en chose fragile. La brutalité donnait parfois une saveur particulière au sexe de réconciliation. Avec force, ses jambes ceignirent les hanches de Dean, qui tira sur sa crinière comme pour le punir de lui scier le dos.

Red rit, euphorique, et exposa sa gorge au prédateur qui y mordit avec délicatesse. Au diable la prudence, il voulait être marqué. Il arborerait avec panache ce délit de luxure tant que Dean en serait coupable.

— Ravis-moi comme un sauvage, mon amour !

Dean grogna son assentiment. Le bouton pression du short en jean ne survécut pas à son empressement. Les coutures du T-shirt subirent le même sort barbare, la boutonnière de la chemise capitula dans un craquement. En en tournemain, Red fut nu, à nouveau juché à la taille du mâle qui se frottait sensuellement contre son entrejambe.

Dean comptait lui faire l'amour là, contre la porte de la suite, entièrement vêtu quand lui ne portait qu'un bouquet de roses. Red se souviendrait longtemps de cette nuit. À compter de ce jour, il ne verrait plus l'entrée d'une suite d'hôtel sans se remémorer son orgasme.

*o*o*

TBC ● EPISODE 37 – part 3

*MEDIA*
Intro vidéo : Rotimi - In My Bed (Lyrics) ft. Wale. Parce que ces paroles vont bien à ReDean. Je les vois facilement dire "I feel like your body inspire my intentions".

H-Money
Baby, baby, yeah

[Chorus: Rotimi]
There's a meeting in my bed, oh
In my bed, oh
There's a meeting in my bed, oh
In my bed, oh
There's a meeting in my bed, oh
My bed, oh
There's a meeting in my bed, oh
In my bed, oh

[Verse 1: Wale]
Yeah, hol' up, uh
Dinner for two, that's me and you, that's very simple
Dinner removed, okay we through but I ain't finished yet
Can I slide with you? (Yeah)
Spend the night with you? (Yeah)
Just let me write with the ink drippin' from my signature (Oh-oh)
I feel like your body inspire my intentions (Yeah)
You left the squad hangin', it's only time with us (Yeah)
You know I vibe different 'cause you know my mind different
Her eyes sayin' my room, her body sayin' "heaven", on God

[Verse 2: Rotimi]
Tell me what you want, I go repeat
Tell me what you need, I go knee deep, eh
When I fall in love, I go deep, deep, eh
You could copy that like a CC, eh
You look like you need prop up
Come get this vitamin D power, proper
Be ready to touch, when I reach it, yeah
I go eat it up, I no vegan, yeah

[Pre-Chorus: Rotimi]
I make that ting go wilder
I go make that ting run water
I go make you sing my song

[Chorus: Rotimi]
There's a meeting in my bed, oh
In my bed, oh