S07 - EP 35 ✧ part I
Partie 1/3
Après le clash sur le plateau du Canal 6, les Beat'ONE testèrent plusieurs activités, ne manquant jamais de renvoyer les festivaliers au stand premium de MCS-Radio. Lawson, Rihanne et Dragan bénirent l'aide précieuse du staff et des roadies de Coop-Com Record©. Leur premier jour de convention connaissait déjà un rythme effréné.
Suivis par des caméras officielles, Red Kellin, Jeff Scott, Jet Poppy-Garett, et Korgan Mineli sillonnaient les allées, signaient des autographes, satisfaisaient les demandes de selfies, sollicitaient les vendeurs, enquiquinaient les animateurs, les mascottes et les agents de sécurité. Supervisés par une certaine Pantiz, les Beat'ONE étaient devenus « so cool » !
Pause hot-dog au stand premium : les Holy Suckers firent mieux connaissance avec Mìo Poppy-Garett. Le bébé les gratifia de ses plus beaux sourires. Derrière les barrières de sécurité, son parrain l'exhibait crânement comme s'il l'avait fait. Lawson fut sidéré par le succès du poupon de trois mois, dont la présence au stand en avait doublé les visites.
Après le déjeuner, les Beat'ONE relancèrent le moteur en s'adonnant à une compétition serrée d'air guitar, où il fut ardu de les départager tous les quatre. Red joua ensuite au reporter en herbe pour le compte de Rock'ONE-Radio. Au gré de ses pérégrinations, accompagné par une brigade de sécurité, il interviewa des cosplayeurs puis s'intéressa aux représentants de petites entreprises tenant un stand. Son but : leur donner une visibilité, souvent étouffée par celle des gros sponsors. Ce geste – idée de cette fine marketeuse de Rebecca – fut très apprécié.
Korgan resta dans sa zone de confort de geek friand de jeux vidéo et testa ceux qu'il ne possédait pas chez lui. Jeff eut moins de chance. Rebecca le changea en cobaye prêtant son corps et son talent à la « science », ou plutôt aux délires des festivaliers. On le challengea de jouer cent morceaux de basse sans se tromper, défi glissé à l'oreille des fans par un Red vicieux. Les Holy Suckers proposèrent des titres de plus en plus vieillots ou ardus. Encouragé par Red, le public se révéla un juge impitoyable, jusqu'à vérifier l'exactitude du jeu du bassiste grâce aux tablatures ou vidéos en ligne. Jeff se trompa au quatre-vingt-dix-septième morceau. Ce palmarès impressionnant ne le sauva malheureusement pas du port du kilt sur scène.
En tant que leader, Jay eut la charge des interrogations les plus saugrenues. Non, il n'emmènerait pas Mìo sur scène ; sa mère le tuerait. Peut-être P-G, si sa maman acceptait qu'elle fasse un tour à Nior ; sa fille étant en vacances d'hiver. Expectation des fans.
Oui, ils joueraient tel morceau, ça figurait dans la setlist. Non, on ne pouvait pas passer commande de chansons, là, maintenant. Mais il verrait avec le groupe s'il pouvait recycler l'idée à l'occasion du Rock'n'Rumble. Joie Intense des fans.
Oui, cette épreuve serait à l'ordre du jour. Ils pouvaient le crier sur les réseaux sociaux, Emy Event© avait donné son feu vert. Mais attention de colporter des fake news, la patronne n'était pas commode. Quoique, on s'en fichait ; liberté d'expression ! Rires des fans.
Non, il n'épouserait pas un homme, aussi touchante soit sa déclaration d'amour, il laissait cela à Red. Non, il ne refilerait pas le numéro de portable de Red, ni de Jeff, ni de Korgan, ni de Pantiz, ni de P-G – NON MAIS ?! – sans leur consentement. Pour P-G, ne pas pousser pépé dans les orties non plus ! Déception des fans.
Le quatuor ne fut jamais aussi proche des Holy Suckers. La nouvelle des Beat'ONE jouant les « experts » et « clients testeurs » au parc des expositions circulait sur les réseaux sociaux et attirait davantage de monde au Sinéad, dans l'espoir de rencontrer ces rockstars super cools au détour d'une allée. Leur popularité en hausse inspira d'autres stars qui les imitèrent, au grand dam de Tessa Mommsen. La pauvresse finirait sans doute sous benzodiazépine, mais si elle survivait à ce festival, elle s'en souviendrait comme du meilleur qu'elle ait chapeauté en quatre ans.
Le soir venu, les Beat'ONE réinvestirent le stand premium afin d'honorer leur rendez-vous au Hit Rock de MCS-Radio.
*
L'assistance était sidérante. En principe, les allées se clairsemaient en fin d'après-midi car les concerts siphonnaient le plus gros des festivaliers. Or la présence des Beat'ONE au stand suscitait plus l'intérêt des fans. De fait, le Rock'n'Rumble avait déjà commencé.
Lawson sut que contenir les musiciens, ces enfants terribles, serait un gros challenge de sa carrière. Les Beat'ONE étaient autant survoltés que leurs Holy Suckers. Le chroniqueur remettait la gestion de l'audience au staff de Coop-Com Record© et s'en remettait à son comparse Dragan pour maîtriser leur lot de trublion. Il n'avait alors aucune idée qu'il entendrait longtemps parler de la manière dont l'émission se conclurait...
— Bonsoir, vénérables auditeurs et auditrices, commença Dragan. Comme vous l'avez tous appris sur notre page et sur les réseaux sociaux, aujourd'hui c'est une édition spéciale Rock-Feast qu'on passera tous en compagnie des Beat'ONE.
Ces derniers saluèrent l'auditoire, tandis que Rihanne annonçait à l'oreillette le premier appel. C'était du rapide. Autant ne pas frustrer ce fan zélé.
— On a déjà quelqu'un au téléphone, remarqua Lawson. Bonsoir, Mayhem !
Ne se sentant plus de joie aux salutations des Beat'ONE, le jeune homme exprima son plaisir d'être à l'antenne.
— Je suis super trop content que les Beat'ONE passent à MCS-Radio !
— On entend ça. Et pourquoi ? demanda Red.
— Parce que c'est ma radio et mon groupe préférés. Lawson et Dragan sont géniaux ! (Les concernés l'en remercièrent.) Et MCS-Radio parle de musique, contrairement à d'autres qui se focalisent sur les clashs.
— Allons, ne lançons pas de polémique, recadra gentiment Lawson.
— Avec Red ? Impossible ! soupira Jeff. S'il n'y a pas de polémique, vous ne l'intéresserez pas. Faut qu'il y ait du scandale, sinon il quittera le plateau !
— Ne me prête pas de fausses intentions, s'indigna Red.
— Je suis sûr que Mayhem partage mon avis, contra le bassiste.
— Je ne me permettrai pas de faire un procès d'intention à Red Kellin, rit Mayhem.
— Je l'aime déjà, minauda le chanteur.
— Dis-moi plutôt, Mayhem, intervint Korgan, penses-tu que les « dérives » comportementales d'une star méritent une campagne médiatique ?
Lawson les dévisagea à tour de rôle, sceptique. N'était-ce pas son job de poser les questions ? Selon toute vraisemblance, la polémique signait ce soir-là pour les prolongations.
— Pas le moins du monde, répondit Mayhem.
— D'abord, je ne « dérive » pas ! bougonna Red. Tu m'as pris pour un radeau en pleine mer ou quoi ?
Jay se pinça l'arête du nez et compatit à la peine des animateurs. Lawson et Dragan ne lui semblaient pas inquiets mais ils devraient.
— Tu fais quoi dans la vie, Mayhem ? enchaina Korgan.
C'était officiel, ils avaient départi les chroniqueurs de leur rôle. Déformation professionnelle de la part de Korgan, lui aussi animateur d'une émission musicale sur Rock'ONE-Radio.
— Je viens d'avoir mon diplôme en astrophysique.
— Chanmé ! siffla Red, impressionné. Félicitation ! Mais parlons musique, tu veux bien ?
Seulement, Mayhem avait un autre agenda. Il réagissait aux évènements de la matinée, parlant au nom des Holy Suckers n'ayant pas digéré leur indignation à la suite du face à face NITRΩ vs The Beat'ONE. La réaction de Red avait touché beaucoup de gens et, sans surprise, certains se manifesteraient ce soir-là. Leurs mots d'encouragement avaient appliqué un baume apaisant sur les cicatrices prurigineuses du chanteur.
— J'ai beau ne pas aimer les polémiques, je soutiens que vous devez quand même remettre les points sur les « i ». Que ce soient les journalistes, les magazines, d'autres stars ou les fans, ils doivent apprendre que leur liberté d'expression s'arrête où commence celle de l'autre. Quel que soit le point de vue, je pense que rien ne justifie l'impertinence d'une question qui heurte délibérément la sensibilité d'autrui.
Il s'exprimait avec conviction, le propos soutenu et réfléchi. On n'avait pas affaire au fan immature et réagissant à chaud.
— Je suis d'accord, appuya Lawson. On pourrait avancer que ce genre de questions dépend du bagage culturel et intellectuel d'un individu, mais il y a la manière et l'art de les poser. Personnellement, quand je fais face à ce genre de questions impertinentes, j'opte pour la politique du renvoi d'ascenseur. De préférence avec une belle figure de style. C'est parfois jouissif quand l'autre se révèle incapable de saisir le sarcasme, l'euphémisme ou l'ironie de votre réponse, parce qu'il s'avère intellectuellement moins outillé.
Jeff explosa de rire.
— J'adore !
C'était exactement ainsi qu'il fonctionnait. Lawson ne manquait pas de répondant. De prime abord, il ne payait pas de mine avec son allure preppy inoffensive, mais il cachait bien son jeu.
— Puisqu'il faut remettre des points sur les « i », reprit le bassiste, pour commencer, le groupe NITRΩ n'a pas de fans mais des prosélytes.
Un « ouh ! » moqueur s'éleva du public. Mayhem ricana, approbateur.
— Jeffrey, soupira Jay, las. Pourquoi t'envenimes les choses ? Tu jettes juste de l'huile sur le feu !
— C'est mon droit le plus légitime de soutenir cette opinion, opposa Jeff. Inutile de nous voiler la face. Yuri a fait le con, mais le cœur du problème n'est pas le Canal 6 ni la presse people. Tout part des déclarations osées et parfois irréfléchies des membres de NITRΩ, secondés ou blanchis par leur maison de prod. Et leurs prosélytes de fans les suivent aveuglément.
S'ils n'avaient pas œuvré dans ce sens, les journalistes ne les auraient pas mis en balance contre les Beat'ONE. Comme Rebecca le soupçonnait, cela sentait la machination made in Ethan Bosco™, voire pire. Axis Music Publishing© appartenait à la société d'investissement des Saint Hilaires, qui n'avaient pas certains membres de la Beat'ONE Family en odeur de sainteté depuis le dernier gala Meiridies.
— Je suis convaincu que ce conflit de diva est plus insidieux, et je vote pour une bonne bagarre. Exit les crêpages de chignon ridicules ; j'appelle à une cessation des jeux d'hypocrisie et de faux pacifistes !
Jeff était en campagne. Œil pour œil, dent pour dent, et pas de quartier ! Le peuple attendait du sang, alors on lui servirait un combat de gladiateurs à mort. Le Rock'n'Rumble serait l'arène, mais la bataille avait déjà débuté en coulisses.
Dépité, Lawson se résigna à arbitrer un règlement de compte dans son émission changée en ring de boxe. Afin de respecter l'impartialité et les principes prônés par sa chaîne, la surenchère des Nitro Maniacs mériterait aussi son temps d'antenne. MCS-Radio défendait l'universalité de la musique, la divergence des points de vue et la multiplicité des horizons. Lorsqu'il questionna Dragan du regard, celui-ci haussa les épaules. Ici ou ailleurs, les Beat'ONE trouveraient le moyen de mettre un point final à cette histoire. Autant que ce soit chez eux. La hausse de leurs statistiques concourait au bonheur de Styles ; leur patron ne jurait que par ces pourcentages.
— Encore faut-il qu'ils comprennent ce qu'est le prosélytisme, intervint Korgan. Ils m'ont l'air un peu jeunes, les fans de NITRΩ.
Une manière d'insinuer l'immaturité des Nitro Maniacs. Ce camouflet ne passerait pas. Jeff sourit.
— Oh, je me fais une joie de l'illustrer. Le prosélytisme est l'attitude de la maison de prod de NITRΩ. Sa façon de susciter l'adhésion du public par tous les moyens possibles.
— Techniquement, l'adhésion du public est l'objectif de toute équipe marketing, souligna Lawson.
— Je le conçois, rétorqua Jeff. Sauf que dans ce cas, les Nitro Maniacs qui se disent « puristes » ne m'apparaissent pas comme des fans mais comme des adhérents à une foi. Un peu à l'image des suiveurs naïfs de ces gourous aux intentions douteuses ! Ils agissent sans discernement et pèchent par excès de zèle, dans leur manie d'ostraciser toute personne qui ne se rallierait pas à la doctrine du « NITRΩisme ».
— Tu dis n'importe quoi ! s'esclaffa Korgan.
Mais c'était si bien dit ! Et tant que cela restait dans la joie et la bonne humeur... On leur annonça l'appel d'une Nitro Maniac « puriste » désireuse de répondre aux accusations.
— Je veux dire aux Beat'ONE qui parlent de « NITRΩisme » qu'il n'y a pas meilleur compliment. On l'assume, NITRΩ est une doctrine, leur musique est Religion. La seule et l'unique. Hashtag NITRΩisme ! scanda-t-elle.
— Bien envoyé, mademoiselle ! admit Jeff. Comment t'appelles-tu ?
— Fergie.
— Eh bien, ma belle Fergie, ça sera encore plus jouissif de ratatiner cette religion de faux prophètes. Nous nous targuons d'avoir des messies oints par le Dieu du Rock en personne ! May Rock bless you, my dear child,* termina-t-il d'un ton solennel, caricature de curé.
Red et Korgan lâchèrent la bride à leur hilarité. Il avait beau se contredire, Jeff maîtrisait l'art de casser l'argumentation de ses adversaires avec sarcasme et sourire. Il n'y avait que lui pour donner du tranchant à sa réplique en utilisant le slogan de la Rock-Feast. Les fans étaient aux anges. Lawson peina à contenir son rire, tandis que Dragan offrait à Fergie le lot à gagner de la semaine : le lecteur hybride CD/vinyle Beat'n'Noiz® et l'album LIRM. Elle reçut de Jay l'autorisation de recycler le CD en sous-verre, si sa religion jugeait blasphématoire d'écouter un autre groupe que NITRΩ. Son commentaire souligna l'absurdité du propos de la jeune fille.
— « Ratatiner une religion », je trouve ce choix de mots à la fois dur et audacieux, avança Lawson. Comment comptez-vous vous y prendre ?
— En devenant des légendes vivantes, répondit Red. Les posthumes sont démodées.
Il se délecta de l'agrément du public, puis reprit d'un ton grave :
— Dernièrement, les médias ont acquis le TOC de comparer NITRΩ aux Beat'ONE. Ils parlent de la « relève », renifla-t-il, dédaigneux, comme l'assistance conspuait ladite presse. Ouais, c'est carrément obsessionnel et compulsif. Mais les TOC se soignent, vous savez, dit-il avec sollicitude. Même si on n'en guérit pas totalement. Au cas où vous l'ignorez, j'informe que les Beat'ONE ne ressemblent qu'aux Beat'ONE. Ça nous rend uniques.
Des cris validèrent sa déclaration, dont des « amen » dévots. L'ambiance était géniale !
— Inutile de nous comparer à qui que ce soit, insista Red. Après, les gens sont libres de comparer NITRΩ à notre groupe. Mais de grâce, chers Holy Suckers, comparez-nous à nous.
— Tu t'es passé le mot avec Jeff pour débiter des âneries, hein ? grommela Jay.
— Soigne un peu ta sémantique, Red, conseilla Korgan, blasé.
— Je suis parolier, je gère la sémitique. T'as rien à m'apprendre à ce sujet !
— Euh... Ce n'est pas la même chose, Red, dit Lawson, indulgent.
Jeff et Dragan ricanaient en sourdine. À cette allure, les auditeurs risquaient de se méprendre sur la nature du show. Ça virait au comique.
— Pour boucler la boucle, les Holy Suckers ne « se comparent » pas, statua Red. Ils sont Holy Suckers, point. Ce n'est pas incompatible avec le fait d'être Nitro Maniacs, Mad Monsterz ou encore Naytrayers ! C'est ridicule d'opposer des fanclubs alors qu'ils aiment tous la même chose : la musique. Celui qui vous stigmatisera pour la diversité de vos goûts est un crétin. Qui ignore encore que les goûts ne se discutent pas ?! Franchement !
— Andy, contrairement aux nôtres et à ceux des Mad Babiz, les fans de Naytray n'ont pas de nom officiel, lui apprit Korgan d'un ton patient.
— Ah bon ? « Naytrayers » sonne bien pourtant. (Sa déception ne dura qu'une seconde, le temps de trancher :) J'ai décidé que ce sera Naytrayers ! Hey, Naytray, si vous m'entendez, je viens de vous mâcher le travail et de laver l'affront subi par vos pauvres fans sans nom, jusqu'ici.
Comme Dean, il serait le décideur ! Le soupir de ses acolytes trahit ce qu'ils subissaient au quotidien. Il n'empêche que #Naytrayers circulait désormais sur les réseaux sociaux et remonterait à qui de droit.
— On espère clore ce sujet sur ces paroles pleines de sagesse « kellinienne », railla Jay, désireux de tourner la page. Nous ne reviendrons plus dessus.
— Si ce n'est en musique, glissa Jeff.
Il refusait d'enterrer la hache de guerre, il commençait à la trouver attachante.
— Ouais, on va emmener ça sur un terrain plus fun, entérina le chanteur.
Sentant qu'il ne l'emporterait pas, Jay lança un regard de détresse à Lawson. N'avait-il pas une transition digne de ce nom dans sa besace ? À son grand déplaisir, le chroniqueur surfa sur la vague et aborda le fond du problème.
— Je me demande si la comparaison avec NITRΩ ne vient pas des similitudes de votre démarche.
— Tu trouves notre musique similaire ? douta Red.
Bien qu'il tentât de le masquer, Lawson entendit son outrage. Il grimaça lorsque l'audience le conspua, se repentant de sa formulation.
— Vous m'avez mal compris. Je ne parle pas de l'essence musicale mais du procédé marketing assez identique. D'où cette promptitude des médias à vous mettre sur les plateaux de la même balance. Enfin, ce n'est que mon avis. NITRΩ est dans l'air du temps. Son jeu médiatique du chat et de la souris alimente la curiosité du public. Il utilise la polémique comme un outil promotionnel. Et ça vend. LIRM s'inscrit dans cette optique. Et avant ça, il y a eu RENOVATIO. Vous faites une musique curieuse, aussi bien commerciale qu'engagée. Controversable et vendeuse.
— L'un n'exclut pas l'autre, admit Korgan.
Depuis l'an dernier, les Beat'ONE collectionnaient des coups marketing atypiques. Ils ne pouvaient prétendre en être pionniers ni accuser NITRΩ de plagiat, quand ces méthodes promotionnelles ne portaient point le sceau du brevet. Le showbiz comptaient une infinité de peoples subversifs et controversés. Les circonstances et le timing incitaient la presse à les comparer.
— Pourtant, lors de votre nouveau départ avec RENOVATIO, vous souteniez une position d'anti-mercantilisme, si vous me permettez l'expression, rappela Lawson. Vous prôniez un retour aux sources afin de ne continuer qu'avec les Holy Suckers qui adhéreraient à votre style. Le positionnement de LIRM, aujourd'hui, n'est-il pas contraire à cette politique ?
Qu'il était agréable de discourir avec le bon interlocuteur ! On parlait enfin de leur activité musicale. Lawson avait étudié la question. Il n'accusait ni ne jugeait mais soulignait ce qu'il estimait incohérent à son sens, ou imprécis du point de vue médiatique. Aux Beat'ONE d'éclaircir leurs propos.
— RENOVATIO est avant tout expérimental, avança Jay. La suite a montré que nos coups de poings marketing renforcent l'aspect « commercial » de nos albums. Ça se ressent plus avec LIFE IN RED MOTION. Prêcher le contraire serait absurde, il s'agit de notre gagne-pain. Et il faut rémunérer toute l'équipe grâce à qui ces albums et leur univers ont vu le jour. Les produits dérivés et la machinerie publicitaire font qu'on donne forcément dans le commercial. Mais cet outil sert notre propos et non le justifie, si vous saisissez la nuance.
— Quant à « engagé », je ne résumerai pas tout à fait RENOVATIO en ce terme, émit Red avec réserve.
— « Néo grunge » ? proposa Dragan.
— Je prends, valida le chanteur. Ça colle bien avec RENOVATIO.
— Ouais, notre avant-dernière production a un aspect grunge, reconnut Jeff. On mène une sorte de guerre au consumérisme outrancier dans lequel on était tombés avant RENOVATIO. De la quantité au détriment de la qualité, déplora-t-il en remuant la tête. On évoluait dans une atmosphère qui cultivait nos désillusions et ça engendrait de la frustration. Du coup, notre précédent album a été une manière de rejeter cette société où la moralité et les règles alimentaient nos déceptions. LIFE IN RED MOTION s'inscrit dans un autre registre.
— Comme son nom l'indique, il est quasi-égocentrique, dit Red. Très centré sur ma personne.
— À ce propos, une question revient beaucoup sur les réseaux sociaux, nota Dragan en consultant sa tablette. @Rainbow-Girl l'exprime assez bien :
« @RedKellin : vous ne craignez pas qu'à force de vous mettre en avant, votre image ne finisse par « bouffer » celle de tout le groupe ? »
— Sincèrement, non. Il n'y aurait pas de « Red Motion » sans tous ceux qui gravitent autour de Red Kellin. Seul, je ne serai qu'une imposture. Me mettre en avant ne fera jamais de moi la représentation du groupe. Je ne peux pas phagocyter son image, parce que je suis cet homme aujourd'hui grâce aux Beat'ONE. Et entre nous, Jeff, Jet et Korgan ont trop de charisme pour que je leur fasse de l'ombre.
— Ravi de t'entendre enfin l'admettre ! renifla Jeff.
— Je ne l'ai jamais nié.
— Si.
— Non !
— Mais si !
— Mais non, j'te dis ! Tu te sens complexé ou quoi ?
Le chanteur esquiva le bouchon de la mini-bouteille d'eau du bassiste. Jay ravala un juron. Le batteur en avait marre ! Compatissant, Korgan lui tapota l'épaule, devant un public qui savourait leurs pitreries.
— On dirait une dispute de divas, remarqua Dragan.
Jeff hoqueta, outré.
— Tu me traites de diva... Tu cherches à te faire tuer, c'est ça ?
Dragan leva les mains en signe de paix.
— Bien sûr que t'en es une, Jeff ! affirma Red. Le genre Drama Queen en plus. Il n'y a rien de mal à ça. J'assume mon côté diva.
— As-tu seulement le choix ? Tu ne peux qu'assumer, marmonna Korgan.
— Qui se sent le plus « star » dans votre groupe ? demanda Dragan, amusé.
Korgan estima qu'il s'agissait de Jeff, soutenu par un vigoureux hochement de tête de Jay. Leur bassiste était le plus démagogue dans sa démarche. À toujours comparer sa popularité à celle de ses compagnons, à compter le temps d'antenne ou de tapis rouge, à émuler leur nombre de fans, jusqu'aux statistiques sur leur style vestimentaire. Ça reflétait sa personnalité.
— Et vous, vous ne vous sentez même pas un peu « star » ?
— Je me considère plutôt comme un artisan, rétorqua le lead guitariste. Au même titre qu'un fabricant de bijoux en raphia ou en porcelaine, dont le but est aussi bien de faire plaisir à sa clientèle que d'en vivre. Me mettre en avant, jouer les stars, suivre la courbe de ma popularité, c'est pas ma tasse de thé. Jouer de mon instrument pour le plaisir et celui de le partager, oui.
On ne pouvait le nier. Des quatre, Korgan était le plus discret de la bande. Pourtant, il ne brillait pas moins sur scène.
— On penserait plutôt que le plus « star » serait Red, conjectura Dragan.
Celui-ci fit la moue.
— Star, vedette, icône, célébrité, idole... évidemment, j'en joue dans mes chansons, sur scène, devant les caméras ou les photographes. Mais honnêtement, j'ai parfois du mal avec ces mots qui déshumanisent ce que je suis, dit-il contre toute attente. Je ne me sens pas « star ». Je suis Red Kellin. Voyez la nuance ?
*o*o*
TBC ● EPISODE 35 – part 2
*Que le Rock te bénisse, ma chère enfant !
*MEDIA*
Intro vidéo : NEONI x EGZOD - The Revolution. Parce que les Beat'ONE sont sur le point de révolutionner le game !
[Verse 1]
It's the calm before the storm
Things aren't as they were before
You best start bracing
Did you think you could keep us out
Shut the gates, forget us now
The tides are changing
[Pre-Chorus]
Ooh
Can you hear the sound?
Ooh
Can't stop us now
[Chorus]
We're not backing down, know what we're doing
Things about to change it's evolution
Our voices shake the ground you feel it moving
We're the revolution
[Verse 2]
We're the ground beneath your feet
We're the whisper in the trees
Do you feel us watching
Hunger in our eyes
Victory's on our minds
It's our time to rise
[Pre-Chorus]
Ooh
Can you hear the sound?
Ooh
Can't stop us now
[Chorus]
We're not backing down, know what we're doing
Things about to change it's evolution
Our voices shake the ground you feel it moving
We're the revolution
[Outro]
We're not backing down, know what we're doing
Things about to change it's evolution
Our voices shake the ground you feel it moving
We're the revolution
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro