S07 - EP 32 ✧ part I
Partie 1/2
Il tentait d'agir en digne père de famille, mais Dean se mentait. Il ne contenait plus son irritation. Avoir des nouvelles de Red via des tabloïds de merde les lui brisait ! Le comble : découvrir les talents cachés de son partenaire sur les réseaux sociaux poubelle ! De quoi le pousser à changer sa politique spartiate. Jusqu'ici, il ne possédait qu'un compte ownetwork© lié à son job d'illustrateur freelance. Peut-être était-il temps de s'abonner à toutes les pages qui lui permettraient de garder un œil à distance sur son mec...
Numéro mémorable de striptease et pole-dance... Mémorable ! D'où c'était mémorable ?! Ça ne pouvait pas l'être en son absence ! Red n'avait pas le droit de mémorablement trémousser et exposer son corps à des décérébrés qui ne savaient point apprécier sa beauté ! Diantre ! Dean avait envie de tuer quelqu'un. Ce quelqu'un pouvait aussi bien être Red !
S'il contactait un autre membre de son groupe pour joindre son homme, la tension dans son couple cesserait d'être un secret. Inutile de mêler leurs amis à cette petite querelle. Or la dispute menaçait de finir en holocauste, car les spectateurs du striptease de son partenaire le payeraient de leur vie ! Comment avaient-ils osé savourer une chose que lui n'avait jamais vue ?!
Rebecca se montrerait sans doute plus discrète s'il l'appelait, mais elle avait d'autres priorités que celle de les rabibocher. Dean devinait la charge mentale de la pauvre manager d'une bande d'anarchistes survoltés. Red, impliqué dans une bagarre, pourquoi pas ? On parlait de Red ; non que Dean ait une piètre opinion de son amant. Mais Jay ?!
Que se passait-il dans cette foutue ville ? Il ne l'avait plus en odeur de sainteté. Pour en rajouter une couche, ce salopiaud d'Iris racontait à toute la cyber-planète qu'il passerait une Saint Valentin muy caliente en compagnie de Red Kellin. Son Red ! Leur première fête des amoureux profiterait à un abruti !
Cependant, cela ne justifiait pas complètement les pulsions assassines de Dean. Du moins, pas autant que les commentaires alarmants qui poussaient tels des champignons sur le champ radioactif des réseaux sociaux. Leur point commun : NITRΩ et Red Kellin. Le stand du Canal 6 au Sinéad avait enregistré un clash entre les deux formations, qui devenait viral sur Internet..
Rudy n'en avait pas encore pris connaissance, mais d'ici la fin de la journée, ces infos sordides parviendraient à son fils et l'affecteraient. Plus le temps passait, plus Dean brûlait de mettre les pieds à Nior. Cela lui fendait le cœur qu'autant de baffes se perdent ! Il était tenté de se décommander pour le dîner avec son frère, jusqu'à reporter son vol pour l'Île Seymour.
— Mais appelle-le, qu'on en finisse ! soupira Rudy, excédé. Ce n'est que la cent-vingt-huitième fois que tu regardes ce maudit téléphone !
Irritant, en plus d'être irrespectueux envers Marshall. Ils attendaient dans le couloir que les aides-soignants finissent la toilette du malade, avant de lui souhaiter une bonne soirée.
Voir cet homme, qu'il avait connu robuste et dégageant une force calme, dans un état végétatif avait brisé quelque chose chez Rudy. Sans se l'expliquer, il avait compris que Marshall ne se réveillerait pas. Seulement, il taisait ce pressentiment funeste car il entendait les espoirs chimériques dans la voix de Rey. Pourtant, il jugeait son petit-ami plus lucide. Mais à l'idée de la mort d'un être cher, on ne réagissait pas souvent de manière rationnelle. Le bagage intellectuel de Rey se faisait la malle devant son Dada diminué et dans le coma ; coma qui devenait probablement criminel car l'homme ne reprendrait plus conscience. Cependant, Rey continuait d'espérer.
Nul ne possédait le droit de lui interdire d'attendre. Marshall ayant remis à son fils tout pouvoir décisionnel, celui-ci refusait de trancher, contre avis médical. Or un tel stade de tumeur cérébrale parlait d'un aller sans retour au cimetière. L'équipe soignant veillait simplement à ce que le patient ne souffre plus. Ou pas trop...
Rudy se chapitrait de n'avoir pas appris à mieux le connaitre. Le cocktail horrible de regrets et remords soulignait la sinistre inéluctabilité de la situation, bien que Marshall ne soit pas encore enterré. Voir son beau-père un pied et demi dans la tombe repeignait ses souvenirs de leur séjour aux Taeyand Bay sous les couleurs de la nostalgie.
Marshall avait déjà anticipé la suite, raison pour laquelle il avait profité de ces instants avec son fils. Durant le peu de temps imparti, il s'était arrangé à lui fournir les clés de son destin. Rudy n'avait été qu'insouciance, bête et heureux de batifoler avec son premier amour, quand le père de celui-ci se mourait.
Les larmes étaient montées, offrant un spectacle malheureux à Uma qui entrait dans la chambre. Embarrassé et désolé, Rudy s'était détourné. Elle l'avait surpris en le serrant dans ses bras, puis l'avait bercé contre son cœur et lui avait dit combien elle était heureuse de le voir enfin. Et en bonne santé. Le geste ne l'avait pas consolé. Au contraire, cela avait déclenché les grandes eaux.
De mémoire, jamais une femme ne l'avait étreint de manière si maternelle. La chaleur des bras de sa grand-mère, à l'époque, ne valait pas celle d'une mère aimante. Ses larmes appelant celles d'Uma et de Rey, Rudy avait essayé d'interrompre le flot d'émotions. Il n'aurait pas supporté de voir son petit-ami pleurer. Pas dans son état vulnérable. Il aurait condamné la faiblesse de ses épaules face à un Rey Lee-Cooper qui s'effondrait.
Son homme pourrait pleurer lorsque lui gagnerait en force et en assurance. En stature. Lorsqu'il deviendrait un pilier contre lequel Rey s'appuierait sans craindre de l'ébranler. Rudy s'était donc juré qu'il deviendrait aussi fort que l'avait été Marshall, aussi grand que l'était Dean, aussi courageux que Rey. Plus solide qu'un roc, plus inébranlable qu'une montagne. C'en était assez du petit Rudy, l'héritier si fragile de la puissante famille Leblanc.
Après un tour dans la salle de bain pour retrouver contenance, ils avaient partagé un repas dans un silence pesant, que Rudy avait rompu en révélant à Uma son futur coming-out à la télé. D'abord surprise, elle n'avait plus cessé de rire à mesure qu'il relatait le tournage de l'émission W.H.Y?. La voir rire l'avait rassuré.
Le petit sourire de Rey lui avait dit sa reconnaissance, mais il ne la méritait pas. Ce n'était que maintenant qu'il rendait visite à Marshall. Il aurait dû venir plus tôt. Cela n'aurait rien changé mais il aurait pu se manifester plus tôt auprès d'Uma. Heureusement, elle n'était pas du genre à lui en tenir rigueur. Pas pour ça. Elle était plutôt du genre à décréter qu'elle s'occuperait des festivités du mariage, le jour où il se déciderait à passer la bague au doigt de son bébé.
Rudy avait une belle-mère géniale !
Rey s'était plein d'être vendu par sa propre mère au bagne nuptial. Triste sort, avait compati Dean, avant de commencer son manège avec son téléphone jusqu'à l'arrivée des aides-soignants. Uma en profitait pour payer une visite à un ancien client, hospitalisé dans l'aile opposée. Les garçons attendaient son retour afin de quitter la clinique.
— Il l'a consulté cent-vingt fois, rectifia Rey, pince sans rire. J'ai compté.
— Uniquement si tu n'inclues pas son passage aux chiottes. Vu sa fréquence de « consultation » et le temps qu'il y a mis, je dirais qu'il a dû vérifier son portable en moyenne huit fois. Ce qui fait cent-vingt-huit.
— Accordé.
— Je vous emmerde ! s'offusqua Dean.
Ces deux-là le confondaient avec leur pote ou quoi ?
— Ton langage, p'pa !
C'était le monde à l'envers...
— J'ai reçu un texto d'Andy, enchaîna Rudy.
— Et ? fit Dean, avide.
Son attitude intrigua le jeune homme mais eut le mérite de confirmer ses soupçons.
— Et... c'est faux.
Il le dit en étirant sa réponse comme le faisait parfois Red. Rudy ne s'en rendait pas compte mais à force de vivre sous le même toit, il adoptait lentement les tics de langage du partenaire de son père.
— En fait, je ne l'ai pas eu. Tu viens juste de me confirmer que vous vous évitez.
Rey rit de la tête d'ahuri de Dean, berné par son fils supposé candide. Le père explosa :
— C'est lui qui m'évite !
— Chut ! siffla une infirmière qui passait devant eux.
Rey se tourna vers le mur pour continuer de rire sans se faire pincer. Dean servit un sourire aguicheur à la dame si agréablement ronde qu'elle en était appétissante. La voyant peu charmée, il eut la décence de se montrer penaud. Rudy rejoignit son petit-ami au pays de l'hilarité brimée. Ce n'était pas tous les jours que l'on assistait à ce genre de scène mythique. Dean grommela sa mauvaise humeur dans sa barbe.
— Concrètement, Red est à plus de quatre-cents bornes. C'est difficile de ne pas vous « éviter » dans ces conditions, analysa Rey.
— Il refuse de prendre mes appels, et mes messages ne lui parviennent pas.
— Pour quelles raisons ? s'étonna Rudy, tout en sondant le terrain d'un SMS.
« Tu boudes papa ? »
— Il s'est un peu fâché contre moi...
— Un peu ? douta Rudy. T'as dû le mettre en rogne pour que c'en arrive là !
La réponse à son message le corrobora.
« Il m'a mis en pétard. Je le fais un peu marcher. Ça lui fera les pieds ! »
— Je ne crois pas que son dossier soit défendable, fiston, dit froidement Dean.
— Je te connais, t'es forcément en tort !
Un rictus de colère durcit les traits de Dean. Son fils ne lui accordait même pas le bénéfice du doute.
— Figure-toi que c'est parce que tu voulais à tout prix trouver une alternative à la situation d'Adrien qu'on en est là !
Il se mordit la langue, trop tard. Il ne voulait pas accabler son garçon à ce sujet, mais le mal était fait. N'apprendrait-il donc jamais ? La même chose s'était produite avec Red. Sa réaction du tac-au-tac, sans recul, était responsable de son tourment. Autant il savait se montrer calculateur et patient quand il négociait des contrats, autant il brillait par son impulsivité dans ses rapports avec sa famille.
Un parfait Bélier ! Trop direct, peu diplomate et agressif. C'était sans doute à cause de ce trait de caractère que Dan le jugeait en nuisible incapable de se comporter de façon composée et réfléchie. Raison pour laquelle son frère ne lui accorderait aucun crédit à la tête de White Enterprise©. Enfin, Dan devait réactualiser ses données, il n'avait plus vingt ans.
Par le passé, Dean avait laissé ses humeurs incontrôlées mener la danse. Il avait dû travailler sur sa violence. Ce n'était pas venu naturellement avec la maturité, il avait fallu « apprendre ». Expérimenter, s'exercer, échouer, recommencer. Puis Red avait réveillé ses vieux démons, provoquant une épiphanie chez Dean. Il ne devait plus les considérer comme des monstres à entraver mais des portions de lui. Vivre en harmonie, en adéquation avec lui-même, nécessitait de trouver un terrain d'entente avec ses démons.
— Qu'est-ce qu'Adrien vient faire là-dedans ? demanda Rudy, perdu.
Dean signait pour une longue explication s'il voulait tuer le quiproquo. Il soupira.
— Il a un casier judiciaire ici. Son implication dans ton enlèvement ruine ses chances d'insertion professionnelle. Si ce n'est pas moi qui m'en charge, un autre fera de sa vie un enfer une fois sa peine purgée.
Rey en chef de file. Validation des yeux d'obsidiennes.
— J'étais pour qu'on allège sa peine.
— Et pourquoi ? grogna Rey, désapprobateur.
— Il est aussi victime dans cette affaire ! s'insurgea Rudy. J'estime être celui qui en veut le plus à Adrien. Et si je décide que sa peine est injuste, personne n'a le droit de remettre ça en question.
— Cela ne marche pas ainsi, opposa Dean, las. Bref, c'est en cours.
L'altruisme de son fils l'éreintait. Il ne se décarcasserait pas autant si cela ne tenait qu'à lui.
— Mais son allègement de peine ne règlera pas « l'après ». S'il est relaxé, sa vie sera plus tortueuse que s'il reste logé et nourri aux frais de l'État. L'idée est donc de « l'excommunier ». Lui donner la chance de construire quelque chose ailleurs, où il n'est pas connu des services administratifs, pénitentiaires ou des médias. Il doit être en mesure de reprendre ou poursuivre ses études et de trouver du travail sans une épée de Damoclès sur le crâne. C'était tes conditions, si je ne m'abuse...
Rudy opina du chef.
— Du coup, où est-ce qu'il ira ?
— Les Gordini parlent espagnol, leur fils ne sera pas trop largué aux îles Galápagos.
— On l'envoie dans un cadre paradisiaque, quoi, renifla Rey, désabusé.
— Il n'y bénéficiera d'aucun traitement de faveur, souligna roidement Dean. La seule concession a été d'inclure ses parents dans la procédure. S'ils veulent s'y établir avec leur fils, ils en auront la possibilité. Mais je pense qu'ils feront le choix de rester et de lui rendre visite de temps en temps.
— Tu parles d'un « non-traitement de faveur » ! maugréa Rey.
— Il s'agit de l'Île Seymour Sud, glissa Dean.
Rey sourcilla. Rudy voulut l'interroger mais Se@rch© fut son meilleur ami sur ce coup-là. Son mec n'était pas disposé à répondre. Il apprit que le nom de Seymour était donné aux deux territoires les plus inhabités de l'archipel : l'île Nord complètement déserte, et l'île Sud, encore appelée Île Baltra, habitée à hauteur de seulement 25 %. Cette dernière était principalement occupée par un aéroport et une base militaire, les trois-quarts restants protégés et certifiés « zone de Conservation et de Restauration des Écosystèmes ».
Adrien aurait la possibilité de rejoindre par le ferry Santa Cruz, bien plus vivante, mais il n'en serait pas moins choqué de débarquer dans un milieu si peu accueillant. Le prix à payer pour avoir contrarié un Leblanc. Dean ne plaisantait pas en disant que cela n'avait rien d'un traitement de faveur.
— Quand partira-t-il ? s'enquit Rudy, balayant les états d'âme des deux autres.
— Ce n'est pas encore déterminé. Il y a trop d'entorses à la procédure pour que cela soit expédié en un claquement de doigts. Et je me doute que tu voudras le voir avant. Je t'en tiendrai informé.
Le sourire reconnaissant de son fils passa un baume sur le cœur irrité de Dean.
— Je ne vois toujours pas le rapport avec Andy.
— Ses parents et moi devions nous rendre sur l'Île Seymour Sud pour une sorte d'état des lieux. Andy est tombé sur leurs billets d'avion et s'est persuadé qu'ils étaient miens. Je n'avais pas besoin de ces fichus billets pour commencer, je m'y rendrai en Gulfstream ! Aussi ai-je en quelque sorte nié que ces titres étaient à moi. Enfin non, ce n'était pas du déni, c'était la stricte vérité, rectifia-t-il, sentant qu'il s'emmêlait les pinceaux. Qu'à cela ne tienne, cette buse endimanchée a tout monté en mayonnaise !
— J'en connais un qui a encore joué les cachotiers, l'accusa Rudy, bras croisés. Il faut que tu cesses avec cette manie, p'pa. C'est un sale défaut !
Dean ravala un grommèlement et imita le geste de son fils, fermé. Quoi qu'il fasse, il serait toujours reconnu coupable dans un procès contre les hommes de sa vie. Ces deux-là lui opposaient toujours un front uni. En outre, on ne se refaisait plus à trente-cinq piges. Il comprenait que son fils ne l'ait pas encore saisi, mais il se montrerait moins indulgent envers Red.
Le spectacle qu'ils donnaient déroutait. Les familles en visite et les professionnels de santé sillonnant le couloir observaient cette scène, tantôt perplexes, tantôt béats. Sans les cheveux argentés de Rudy, la puissance du « combo clone » aurait été démultipliée. Les traits du garçon, qui durcissaient peu à peu, rendaient presque parfaite l'illusion du reflet avec son père. À bien y regarder, on verrait Vince jeune à travers Rudy. Et cela troublait même Dean.
*o*o*
TBC ● EPISODE 32 – part 2
*MEDIA*
Intro vidéo : Nathan Wagner - Veins. Des lyrics qui reflètent bien l'agitation interne de Dean.
I hope it's not too late
But I just need to say what's on my mind
Before you go
Something takes control
And I can't feel my bones
Demons coming for my soul
Try to tell myself I'm gonna be ok ok ok ok
Voices in my head driving me insane insane insane
It's running through my veins
It's rattling my cage
It just won't go away this feeling
Deep inside of me
I bury my mistakes
But it's shaking me awake
It's running through my veins
I see you on the shore
But you can't hear me anymore
I'm drowning in the undertow
Millstone on my neck
Darkness does its' best
To pull me down this endless hole
Try to tell myself I'm gonna be ok ok ok ok
But your perfect light it starts to fade away away
It's running through my veins
It's rattling my cage
It just won't go away this feeling
Deep inside of me
I bury my mistakes
But it's shaking me awake
It's running through my veins
Shackles on my wrist
Losing consciousness
My faith is wearing thin
(save me save me!)
Breaking Breaking Breaking Breaking
Breaking Breaking Breaking Breaking
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