S07 - EP 29 ✧ part I
Partie 1/2
Le Physalis Hotel était l'un des ventricules du cœur de Nior. Le Nightshade constituait l'entièreté de sa terrasse. L'endroit, particulièrement indiqué pour contempler le coucher du soleil, rendait les nuits magiques. L'excellente durée d'ensoleillement et les hivers doux de Nior justifiaient la forte fréquentation du club en toute saison. Il n'y avait pas meilleure adresse pour dominer le centre-ville en soirée, un verre de cocktail à la main.
Déjà, il ne fallait pas craindre le vertige en mettant les pieds au sommet de l'hôtel. Seuls les clubbeurs téméraires vivaient la véritable expérience « Nightshade » : la sensation de « flotter » vingt-cinq étages au-dessus de Paradise City. Le bar où officiait Iris se trouvait sur un promontoire transparent, avançant dans le vide.
Red tira sur les pans de sa veste lorsqu'une bourrasque lui arracha des frissons. Il aurait aimé se tenir au sommet du monde dans les bras de Dean. De là-haut, on embrassait une vue panoramique superbe, quand on n'était pas allergique aux néons. La beauté du spectacle tenait du contraste entre les lumières artificielles et la chaîne naturelle de montagnes en filigrane, entourant la cuvette un peu désertique de la région. Le décor valait son pesant de photos.
La forêt d'hôtels à grande capacité, tout autour, se trouvait non loin de l'adresse de Heath Milner. En reconnaissant les environs, Red l'invita par SMS à les rejoindre au Nightshade, si possible avec son mec, Ran. Le bassiste de Naytray embarquerait sans doute le reste de sa bande.
Convention rock oblige, les artistes d'un groupe la jouaient souvent collégial. Difficile de tomber sur un membre sans ses acolytes dans les parages. Les invitations individuelles passaient pour celles de toute la formation, et plus on était de fous, plus la soirée promettait du fun !
Les Beat'ONE avaient été sollicités de tous côtés dès leur arrivée, aussi bien par les fans que par d'autres peoples. Le nombre élevé de célébrités présentes dans le club avait surpris Red.
— On se croirait à une after-party de gala de Brown Alley.
— Le Nightshade est un incontournable de Nior, expliqua Iris. Le luxe des lieux attire du VIP.
Le faste s'étendait des comptoirs à la piste de danse et aux différents carrés VIP. La salle aux allures de loft accueillait parfois de petits concerts ; on s'abreuvait sur un air de soul ou rockabilly. Les trois bars de différents styles permettaient plusieurs ambiances ; on y sirotait une ribambelle de cocktails à la mode. La piste de danse inspirait des orgasmes aux DJs. Dans sa globalité, le concept vendait de l'Entertainment musical.
Ce soir-là, le Nightshade revêtait sa plus belle robe de discothèque au design flashy. Red comptait se trémousser jusqu'au bout de la nuit. Les murs de l'espace de danse s'habillaient d'un panel coloré de fines lampes barrettes LED raccordées au son. Les danseurs avaient l'illusion d'évoluer dans un égaliseur audio gigantesque. Le mobilier bardé de néons réagissait à la musique. Les pieds des sièges s'illuminaient au rythme des percussions. Le rebord du plateau des tables pulsait au son des basses. Le comptoir du bar circulaire flashait quand un piano ou un synthétiseur figurait dans l'instrumentation. Les boules à facettes se calaient sur les arrangements électroniques. Le club offrait une véritable orgie visuelle. Épileptiques, s'abstenir !
— Avec une déco pareille, la facture d'électricité doit être insultante, remarqua Korgan.
— Apparemment, c'est couvert par l'hôtel, dit Jay.
— Vu le prix exorbitant des bouteilles, la gérante n'a pas de quoi s'inquiéter, avança Red.
— C'est le facteur « wow ! » du Nightshade, ce qui fait de lui LE club du centre de Nior, pérora Iris.
— C'est une gérante ? s'étonna Jeff. J'ai cru voir un mec.
— Cameron veut qu'on dise « elle », rétorqua Iris. Et tu feras mieux de la considérer comme une femme si tu veux rester poli. Je vous laisse.
Stupéfaits, Jeff, Korgan et Jay questionnèrent Red du regard. Le chanteur, qui avait échangé avec le personnage, haussa les épaules.
— C'est une trans qui préfère s'habiller en mec.
Visuellement, Cameron ressemblait à un homme androgyne de taille moyenne, en costume Gilano et chaussures de ville rutilantes. D'aucun dirait travesti, mais Cameron se définissait femme à l'expression de genre masculine.
Soudain, un visage attira l'attention de Red. La jeune femme qui venait de passer devant leur carré VIP arrivait du fond du couloir et rezippait sa chemise blouse laissant deviner l'absence de soutien-gorge. Sa mini-jupe-shorty, ses talons-paillettes, son maquillage ultra-brillant, changeaient la Darneyenne en oiseau de nuit sexy. Seulement, son geste devenait équivoque comme un homme patibulaire la suivait de près. Un membre du staff de sécurité ?
La scène laissa Red dubitatif. Faisait-elle une gâterie au doberman, il y a quelques minutes ? Ses joues rougies, son souffle court, les quelques mèches échappées de son bandeau de tête en perles, indiquaient une activité peu catholique en coulisses. Or aux dernières nouvelles, elle était lesbienne. Pourquoi s'y adonnerait-elle avec un homme ? Ce salaud l'avait-il forcée ? Alarmé, Red se lança à sa poursuite.
— Shelly ?
Il la saisit par le bras et la retourna. Le vigile tenta de s'interposer.
— C'est quoi ton problème ? grogna Red.
Il le toisa de la tête aux pieds, peu impressionné malgré sa carrure de brindille. Le visage de l'homme s'éclaira en reconnaissant la star. Shelly s'excita :
— Oh my God, Red Kellin ?! Le monde est petit !
Lorsque le vigile prit ses distances, Red fronça les sourcils.
— Tu sors d'où comme ça ?
— J'étais dans une strip box.
Shelly désigna l'un des grands tubes en verre blanc fumé, disposés en hauteur autour de la piste de danse. À l'intérieur du tube au beau milieu on devinait une barre de pole-dance. On y accédait en quittant la salle principale. Le sol des strip box s'abaissait et libérait son occupant au niveau inférieur, puis remontait avec un nouveau candidat. La semi-opacité du verre et l'éclairage intérieur renvoyaient l'image d'une silhouette noire sur fond blanc, offrant aux spectateurs un striptease en ombre chinoise. Pros et amateurs se déshabillaient selon leur convenance derrière les vitres traitées et égayaient le public de leurs prouesses.
Le club exigeait de bonnes notions de danse ou de show. Y assouvir une simple pulsion d'exhibitionnisme vous octroyait un ticket vers la sortie. C'était l'expulsion sans autre forme de procès pour tout tordu se contentant d'exposer ses « parties ». L'on pouvait se dévêtir entièrement, du moment que l'on masquait son intimité d'un accessoire. Voilà qui expliquait l'air échevelé de l'étudiante. Cela ne justifiait pas la présence de Doberman, que Red toisa, soupçonneux.
— Tu le connais ?
— C'est Tripp, mon garde du corps, révéla Shelly. Papa ne me laisse pas sortir sans, dit-elle en roulant des yeux. J'aimerais bien m'en passer, mais depuis l'affaire de l'héritier W. Ent, il est un peu devenu parano, conclut-elle, indulgente.
Red se rembrunit à la suite de ce rappel sordide.
— Je ne l'en blâmerai pas. C'est à l'occasion d'un évènement « grand public » dans cette même ville, que Rudy s'est fait enlever.
Il fut soulagé de sa méprise. Désignant une strip box au hasard, il demanda :
— C'est comment dedans ? Celle à la barre verticale me tente.
Il remuerait les souvenirs d'une époque peu gratifiante de sa vie, mais il avait toujours aimé danser. Red était épanoui aujourd'hui. S'adonner à un striptease sur scène, cette fois pour son seul plaisir, conjurerait peut-être le sort...
— C'est assez spécial. T'as un meilleur retour du son. Je savais pas que Red Kellin venait au Nightshade.
— Tu dois être la seule.
Les réseaux sociaux s'étaient chargés d'annoncer leur arrivée. Se savoir autant attendus les avait impressionnés, compte tenu du fait qu'ils n'étaient pas les seules célébrités foulant le sol suspendu du Nightshade. Dans ce lieu bondé de personnalités et fans privilégiés, les Beat'ONE semblaient à l'honneur. De quoi caresser leur ego.
Red soupçonnait l'œuvre d'Iris derrière leur accueil particulier. Les vigiles, sensibilisés, se montraient plus exigeants que d'ordinaire. Après avoir reçu au dos de la main le tampon phosphorescent d'une fleur de morelle*, le chanteur avait été conduit dans la loge du DJ. Le Nightshade « se faisait un kiffe » en exploitant son fameux « HOLY! », auquel les clubbeurs avaient répondu « SUCKERS! ». La soirée ne pouvait pas mieux commencer. De toute évidence, Shelly était arrivée plus tard.
— Et toi, tu es à Nior pour quoi ? s'enquit Red.
— Bah, la Rock-Feast ! C'est le cadeau de Ria pour la Saint Valentin. Attends, vous y jouez aussi ! réalisa-t-elle, surexcitée.
— Je suis déçu que tu ne le saches pas.
Shelly se décomposa et s'en voulut d'avoir loupé une information aussi capitale.
— Quelle fan indigne je fais ! On a acheté nos pass depuis janvier, vous n'étiez pas à l'affiche. On n'a pas pensé à vérifier récemment.
— Et vous êtes censées faire un jeu, genre sur ma vie, c'est ça ? Vous surfez vachement sur l'actualité !
— Pardon, je suis confuse ! pleurnicha-t-elle, mortifiée.
C'était amusant de la mener en bateau. Il l'invita à les rejoindre et s'enquit des nouvelles de Ria. Sa petite-amie ne l'accompagnait pas ce soir à cause d'un mal de ventre. Après quelques secondes de « fangirlisme » saupoudrées de « kyaaa ! » stridents face aux Beat'ONE, Shelly s'installa dans la banquette, près de Red. Rebecca la traitait de pimbêche, mais elle restait une Holy Sucker authentique.
Les animateurs de MCS-Radio l'étudièrent, curieux, lorsque Red la présenta comme une programmeuse de jeu PC étudiant à Darney. Shelly tint à rectifier :
— Rendons à Césaria ce qui est à Césaria, c'est Ria la programmeuse. Je suis la graphiste de HSM®. Faut que je prévienne Ariel, dit-elle en pianotant sur son téléphone. Il est censé m'attendre au bar.
— Qui ça ? s'enquit Red.
— Yuri, soupira-t-elle. J'oublie toujours que vous l'appelez comme ça. Il couvre la Rock-Feast pour le Canal 6.
— Ah oui, vous êtes parentés. C'est qui déjà, ton frère ?
Rebecca le leur avait révélé mais Red n'y avait pas accordé d'importance.
— Presque. C'est mon cousin jumeau.
— Ton quoi ? pouffa Korgan.
— Il me connait mieux que mes frangins. Si j'avais un jumeau, ce serait lui.
— Il n'est pas un peu vieux pour être ton jumeau ? ironisa Jeff.
— Neuf ans d'écart c'est rien ! Il en a vingt-deux d'âge mental. Il n'est pas si mature.
— On s'en doutait un peu, grogna Jay.
Elle dépeignait là un portrait fort sympathique d'une personnalité médiatique. Cousin ou non, pas sûr qu'Ariel Yurievich apprécie. Le concerné se ramena sur les instructions de sa cadette, au bras d'une charmante créature. Shelly coula un regard suspicieux à la fausse blonde pulpeuse, au physique d'influenceuse de fitness, accrochée à la veste de son cousin.
— Je vois que ça n'a pas chômé en mon absence, marmonna-t-elle.
Yuri l'ignora et s'intéressa aux stars. Il ne prit pas la peine de présenter sa conquête, lui accolant l'étiquette du coup d'un soir. Elle était de toute façon trop occupée à gober des mouches face aux Beat'ONE pour entretenir une conversation.
— Vous passez demain au stand du Canal 6, décréta-t-il.
— On sera à celui de MCS-Radio, rétorqua Jeff. C'est un stand premium. Pourquoi voudrait-on le quitter ? le nargua-t-il.
La moue ennuyée, Yuri dévisagea Lawson désigné par Jeff du menton.
— MCS-Radio ? Je ne connais pas, fit-il, lèvres pincées, comme s'il était inconcevable que cela lui échappe.
Son ignorance du nom de cette radio indiquait qu'elle n'était pas connue et donc ne prévalait pas sur une chaine aussi populaire que le Canal 6. Dans ce cas, comment la station avait-elle obtenu un stand premium ? Cela équivalait au statut « MIP » ! Emy Event© en était pingre. Ces gens copinaient forcément avec les organisateurs de l'évènement.
Lawson soutint le regard du chroniqueur de télévision, appréciant peu le sous-entendu des yeux accusateurs. Qui ne connaissait pas Yuri ? Il était fidèle à l'image renvoyée à l'antenne : un tantinet imbu de sa personne. N'importe quel animateur frais dans le milieu jalouserait l'audimat de son émission New Project.
— C'est une radio musicale qui diffuse depuis Narven, dit sa fausse blonde. Les Beat'ONE sont les guests de leur Hit Rock ce weekend.
Elle gagna soudain en intérêt. Une auditrice de MCS-Radio ? Excellent ! Yuri en prit pour son grade. Il la toisa, agacé.
— À Narven ? Alors qu'ils seront à la convention au même moment à Nior ?
Par cette remarque, il la traitait de quiche sans le dire. Rihanne intervint :
— C'est une édition spéciale Rock-Feast. On diffuse de Nior en national. Stand premium, vous vous souvenez ?
Elle n'aimait pas les manières supérieures du chroniqueur télé. Yuri s'agita sous le regard dur de la rouquine, un peu mal à l'aise. Il revint aux Beat'ONE.
— Mais vous passerez quand même, insista-t-il. Soyez cools, les gars ! Vous serez nos invités.
— Mais oui, on va passer, chiale pas, céda Jeff.
Yuri ravala un grommèlement. Sincèrement, ça le faisait chier de supplier. Mais il courait une rumeur autour des Beat'ONE, stipulant qu'ils étaient le lièvre à suivre de la Rock-Feast. Info ou intox, cela valait un ego martyrisé.
— Pourquoi ai-je l'impression que notre cote a grimpé en une semaine ? souligna Korgan. Je veux dire, on n'a pas vraiment été chouchoutés par les médias dernièrement. Et subitement, on nous désire de partout.
Sa remarque était justifiée. Depuis leur arrivée à Nior, ils croulaient sous les invitations à des soirées, des festivals, des after, sans compter celles de chaînes radio. P. organisait une soirée « Cléopâtre » à l'hôtel Beaumont sur l'avenue Nyala et voulait y voir Red Kellin. Dommage qu'il ne soit pas encore à Nior ! C. espérait que les Beat'ONE fassent un tour à son cocktail et testent la piscine disco de sa villa. Q. avait appris l'arrivée de Jeff Scott et tenait à voir les Beat'ONE sur son tapis rouge, pour l'inauguration d'un énième festival du film. Z. invitait les Beat'ONE à la première de sa comédie musicale. G. souhaitait que les Beat'ONE soient vus à la soirée d'ouverture du nouveau spa d'une grande maison de cosmétique.
Il avait fallu choisir avec soin quelles invitations honorer et lesquelles décliner. Dans ce milieu, les susceptibilités des uns et des autres rejaillissaient salement sur votre réputation. Même si les Beat'ONE avaient tendance à s'en tamponner le coquillard, il n'était pas dans leur intérêt de générer une nouvelle polémique sans rapport avec la musique. S'ils voulaient réussir leur festival de rock et s'emparer du trône, ils s'épargneraient certaines distractions.
— T'essayerais pas de te faire mousser ? adressa Yuri à Korgan.
— Non, on est sincèrement curieux de savoir, dit Jay, préoccupé. Sans langue de bois, ça faisait la queue l'année dernière pour rentrer dans notre agenda jusqu'au réveillon de Noël. Et subitement, électrocardiogramme plat. Mais depuis qu'on est à Nior, notre manager ne sait plus où donner de la tête.
— Je n'ai aucune idée de ce dont vous parlez. Mais en même temps, vous êtes à Nior. Cette ville ne dort jamais. Faut s'attendre à ce qu'on vous invite non-stop.
Ceci expliquait certainement cela. Cependant, le regard détourné de Yuri n'aida pas sa crédibilité. Les Beat'ONE ne relevèrent pas. Rebecca les avait alertés sur cette censure curieuse qui leur collait aux basques depuis le rapt de Rudy à la fin de leur concert. Peut-être parce qu'ils étaient à Balmer. Découvrir le fin mot de cette histoire nécessitait une enquête subtile.
— Tant que je vous ai, reprit Yuri, il s'est passé quoi exactement avec le jeu HSM® ? Cette godiche refuse de m'en dire plus, alors que c'était la condition pour laquelle j'acceptais de leur trouver un créneau dans mon émission.
— Elles t'ont carotté toi aussi, comprit Jay.
— Tu veux dire qu'elles ont carotté tout le monde, rectifia Yuri.
Sous le poids de son œillade réprobatrice, Shelly bougonna :
— Mais euh ! On en a discuté et tout est en ordre. Ceci dit, je suis plutôt d'avis que c'est nous les carottées. Je vous trouve injustes d'avoir réclamé 40 % des parts d'un jeu qu'on a conçu dans son entièreté !
— Quarante ? sursauta Yuri. Tant que ça ?
— Injustes ? renifla Jeff. L'injustice aurait été de vous coller un procès pour diffamation, exploitation et utilisation non consentie de notre image, sourit-il, perfide.
— C'est pénalement sanctionné, ajouta Korgan. On était en droit de le faire. On s'est montrés indulgents.
Yuri s'affola.
— Donc quoi, vous n'aviez pas obtenu l'autorisation préalable des concernés ?
— Mais on l'a ! s'indigna Shelly. (Ce qui n'invalidait pas les propos de son cousin.) Le problème est réglé.
Cette fois, elle ne se démonterait pas. À leur rendez-vous avec les Beat'ONE, Ria et Shelly avaient été intimidées. Il fallait dire que l'autre parti l'avait joué « hardcore » en les invitant au White Viscount du Sérénissime – juste le bar-lounge-terrasse de l'hôtel le plus prestigieux de Balmer ! – en compagnie de Dean Leblanc – juste le prochain Mr. Univers, quoi ! La manager peu commode avait été d'une froideur à geler les enfers !
— Je tenais à dire que ça n'avait rien d'une captation illicite de l'image d'autrui, puisqu'on se base sur des données en libre circulation sur le net, débita-t-elle d'un ton académique. Nous coller un procès aurait impliqué que vous poursuiviez aussi en justice toutes nos sources. Ce qui irait à l'encontre du droit de libre expression.
— Mais c'est qu'elle a bachoté son cours de droit, la p'tite miss, se moqua Jay.
— Lou-Ahn nous a prévenus qu'elle était intelligente, concéda Korgan.
— Elle a aussi ajouté vénale et viciée, compléta Jeff.
Shelly s'outra, bouche ouverte sur une indignation hilarante.
— Non, ça c'était Blake, pouffa Red.
— Je le savais ! Cette meuf a toujours été jalouse de...
— Est-ce que tu réalises la gravité de ce que vous avez fait ? glapit Yuri, balayant sa plainte d'un revers.
— On connaissait les risques, opposa-t-elle, agacée. Et on allait les assumer.
— Ça j'en doute ! gronda-t-il. Je t'ai fait confiance et tu as été à deux doigts de me mettre dans l'embarras ! Que ce soit vis-à-vis de ma production ou envers les téléspectateurs. Admettons qu'ils aient décidé de démentir publiquement ? T'imagines le tollé sur les réseaux sociaux ? Et tu aurais aussi mis ton père dans la mouise, s'il avait eu affaire à leurs avocats. Cette fille te fait filer un mauvais coton !
— Ria n'a rien à voir avec ça ! siffla Shelly. C'était mon idée, si tu veux savoir.
Son ton farouche trancha avec ses allures de nunuches. Pour défendre sa petite-amie, elle sortait les crocs.
— Au fond, on n'a jamais personnellement porté atteinte à la vie privée de Red Kellin. On l'adore ! Ça n'a jamais été notre but. On n'est pas des paparazzis. Et il ne peut pas invoquer une atteinte à son image, puisque notre jeu n'a rien de dégradant envers sa personne. Au contraire, c'est lui la star mise à l'honneur dans HSM®.
— C'est qu'elle insiste, ricana Jeff.
— Bah, on l'a un peu en travers de la gorge, dit-elle en se frappant ladite gorge du tranchant de la main. Les Devon brothers nous ont jetées sous le bus. On pensait pouvoir compter sur eux, mais ils ont perdu leurs gonades au dernier moment. On ne sait même pas pourquoi ! Et vu leur attitude avec nous dernièrement, on ne le saura jamais. Ils nous assuraient que ça se passerait bien et tout. Et là, on doit partager avec eux notre pourcentage déjà rogné de moitié. On est déçues, Ria et moi.
— S'ils étaient galants, ils auraient pris 1 % symbolique, avança Jay. Ils n'ont franchement pas besoin de ce profit-là. Pour jouer à HSM® en ligne, il faut obligatoirement un compte ownet©. Si je ne m'abuse, ça figure dans les conditions de votre partenariat. Avec plus de neuf millions de joueurs à votre actif, ça leur fait un gain d'utilisateurs.
— N'est-ce pas ? appuya-t-elle. Je suis sûre que vous savez pourquoi ces geeks nous ont vendues à votre manager !
Eh bien, la jauge de fanatisme était au plus bas, constatèrent les musiciens. Red la prit en pitié.
— C'est parce qu'il n'y a pas que mon image en jeu. Je pensais que vous auriez fait les bonnes déductions depuis.
À la voir aussi larguée, elle ne s'était pas encore remise de leur entrevue au White Viscount. Rebecca les avait taclées à la jugulaire en exigeant le silence des deux étudiantes durant son plaidoyer.
— Vous avez épuisé votre quota en conneries sur le Canal 6, alors fermez votre clapet le temps de signer au bas du document.
Oui madame. Un contrat dument rédigé par ses soins. La manager avait assené le coup de grâce avant que l'avocat de Shelly et Ria n'ouvre la bouche.
— Si vous savez ce qui est bon pour elles, en résumé, si vous ne voulez pas qu'elles conjuguent le « scandale » au présent et au futur, assurez-vous qu'elles obtempèrent. Un homme politique de la trempe d'Allen Van Der Litz n'a pas survécu au matraquage médiatique des Beat'ONE. Croyez-vous qu'elles auront plus de chances ?
Certes, l'autre couillon était coupable des pires exactions. Mais la perspective d'une existence pourrie par son idole ne rentrait pas dans le projet professionnel de Lyria. Aussi le duo avait capitulé sans discuter. En outre, face à Dean Leblanc, les Devon Fischer avaient vite saisi que l'autre parti s'était armé d'un cuirassier juridique blindé. Les squales de l'Empire Leblanc feraient trembler le conseil de prud'hommes en cas de litige et rupture de contrat. Ils avaient « un peu » freiné des quatre fers.
*o*o*
TBC ● EPISODE 29 – part 2
*La morelle noire se dit « nightshade » en anglais.
*MEDIA*
Intro vidéo : Astrix & Avalon - Moonshine. Parce que j'écoutais ça pendant la correction et le séquençage.
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