Partie 2/3

Il sembla à Red qu'il s'était passé une vie, depuis la fois où il avait vu Dean, beau à rendre Phébus jaloux, remonter le hall de cet hôtel grand luxe pour le rejoindre. L'homme ne se doutait pas du comité d'accueil qui l'attendait. Ses amis lui avaient fait la surprise dans le Salon Lumière, l'espace détente ayant vu sur l'élégant bar du Golden River. La soirée avait fini au restaurant étoilé du White H&R.

Ce soir, le chanteur occupait l'une des 640 chambres aux meubles précieux, ambassadeurs du faste de l'établissement. Il prenait possession de sa clé magnétique, quand un texto de Rebecca l'invita à les rejoindre à l'Uptown Café, au vingtième étage. Iris le suivit.

— Je ne vais pas rater une occasion de visiter cette gigantesque cafétéria réservée aux résidents. Parait qu'elle offre une vue panoramique spectaculaire des lumières de la ville.

Après un saut dans la suite pour se débarrasser des effets du chanteur, Paradise City se révéla à eux dans un paysage nocturne luminescent futuro-féérique, à travers la façade vitrée de l'établissement occupant la moitié de l'étage. Red trouva la table des Beat'ONE et tomba sur trois curieux personnages.

Le premier, un homme dans la moitié de la trentaine, arborait un faux mohawk en brosse, d'un dégradé artistique allant du bleu électrique au bleu ciel. Sa barbe claire, taillée avec style, aiguillait sur un châtain naturel. « Bon chic bon grunge » décrivait son look : jean slim troué marié à des richelieus blancs et noirs, perfecto manches trois-quarts sur une chemise bucheron repliée sur ses bras, qui révélait des tatouages haut en couleur.

À sa droite, sur la même banquette, la rousse à la poitrine expressive culminait à peine au mètre-soixante. Il les trouva bien assortis. Son allure disait « hippie », avec son écharpe magique en fibres de bambou et nylon apparié à son sac à frange, et sa minirobe en lin à col Claudine qui laissait la belle vie à ses jambes sans collants chaussées de boots en daim. Elle tenait une capeline et des lunettes de soleil à verres ronds.

Celui qui focalisa l'attention de Red se tenait penché sur sa tablette, des boucles mi-longues d'un noir de jais lui tombant sur le front. La grande monture de ses lunettes dissimulait son visage concentré. Il n'avait pas encore remarqué l'arrivée de la rockstar. On l'aurait dit sorti du moule d'un boys band de pop coréenne, avant de subir un glaçage hipster chic. Rien que pour ses Doc M® en tweed, Red l'adora. Il avait accommodé une chemise de ville grise avec un blazer cintré en laine grise et un jean skinny gris foncé un peu retroussé. Cette « grisaille vestimentaire » texturée différemment créait une belle mosaïque, cassée par sa ceinture fine en cuir noir verni.

Cheveux Bleus lui tapota la cuisse. Il leva ses yeux en amande sur Red qui nota son métissage eurasien. Sa photo de profil sur sa page ownetwork© ne lui rendait pas service. Sans être un canon de beauté, il avait un je ne sais quoi accrochant le regard. Une touche de charme espiègle, presque candide.

— Lawson Read ? sourit Red, réellement enchanté.

— Ravi de vous rencontrer enfin.

Lawson se leva et lui serra la main. Ce fut une erreur. Red refusa de la lui rendre, l'attira et plaqua deux bises sur ses joues. Il dominait le chroniqueur d'une demi-tête.

— Le plaisir est mien. Tu as un valentin, ce mercredi ?

— P-pardon ?

D'entrée de jeu, Red remettait encore ça ?! Jay soupira. Jeff remua la tête, consterné. Rebecca fronça les sourcils. Korgan, blasé, compatit pour le malaise des acolytes de Lawson.

— Je fais une entorse à mon fantasme de blond aux yeux bleus.

Derrière lui, Red sentit l'agitation d'Iris. Ils n'avaient pas signé un contrat d'exclusivité non plus ! Il était libre de draguer.

— Euh...

Lawson ne sut plus où se mettre. Il avait cru la star en couple. L'avait-on mené en bateau ? Mais plus important, Red Kellin lui tenait la main ! Ce n'était pas la première fois qu'il échangeait avec une célébrité, mais c'était LE Red Kellin, putain ! Et le bougre cajolait ses doigts en lui faisant du gringue.

Voyant le pauvre homme rougir, Rebecca intervint.

— Andy, assis ! On n'a vraiment pas le temps, là.

— Hey, pourquoi tu m'agresses ?

— Je te signale qu'on a reporté une partie du planning parce qu'on t'attendait. Comment ça s'est passé à l'aéroport ? demanda-t-elle, soucieuse.

— J'avais un ange gardien, dit-il, portant l'attention de tous sur Iris.

— Salut, fit ce dernier.

Lorsqu'il vit enfin Lawson, que Red masquait, son attitude changea. Sa posture devint plus altière, tel un paon faisant la roue, loin d'être intimidé par les Beat'ONE. Remarquant le soudain intérêt de Lawson, Red ravala sa frustration. Génial ! Son chroniqueur à croquer tombait sous le charme du latino. Pour une fois que son « gaydar » marchait, il fallait qu'il embarque avec lui la concurrence ! Ce jour était vraiment placé sous un mauvais karma.

De toute façon, Lawson le mettait sur un piédestal. Jamais il n'imaginerait une aventure potentielle avec un people « inaccessible ». Iris, en revanche, avait ses chances d'être le coup de cœur de l'animateur. Vu le sourire charmeur du playboy, le concerné flairait une proie attendant volontiers la traque du prédateur. La question était désormais de savoir si Iris jouerait sur deux tableaux. Il en était capable. Prendre du bon temps avec Red durant la soirée et se taper un after entre les cuisses de Lawson, puisqu'il n'obtiendrait jamais son shoot d'endorphine du chanteur. Apporter un peu de piment au jeu ne nuirait pas, se dit Red.

— Si on continuait cette « réunion » derrière un verre ? proposa-t-il. Le Nightshade nous invite ce soir.

Cela restait une meilleure façon de faire connaissance. Passé vingt heures, il n'aimait pas discuter boulot dans une ambiance professionnelle. De plus, voilà une demi-heure que le trio de MCS-Radio avait quitté sa cellule de diffusion. L'heure appelait à la détente.

— Allons prendre la température de Nior by night.

Lawson présenta à Red ses collègues. Douglas Alberic, qui préférait son alias Dragan, coanimait avec lui le Hit Rock dont il se chargeait aussi de la programmation musicale. Rihanne Klesinger était la réalisatrice du Read Talkshow. Ils lui apparurent comme une bande de vieux amis plutôt qu'un groupe d'associés. S'il avait bien mémorisé son planning, c'était le troisième jour de diffusion de LIRM sur leur chaine musicale. Red se promit de s'enquérir du retour du public, une fois apprêté.

— Je suis le seul à faire « débraillé » pour la soirée, se plaignit-il, alors qu'on lui assurait le contraire. Ce n'est point en ce monde que Red Kellin sortira faire la teuf sans sa panoplie d'oiseau de nuit.

On lui accorda le temps que la limousine arrive, mais la diva trouva le moyen de faire poireauter son monde. Iris dût mettre les voiles sans eux. Sa patronne le harcelait au téléphone. Il ne leur dit pas que le club se remplissait à une vitesse folle. Les clients accouraient dans l'espoir de l'y trouver en compagnie de son best valentine. Ils seraient déçus de le voir débarquer seul ; déception éphémère car il rassurerait la clientèle au sujet de l'arrivée imminente des Beat'ONE.

Au moment de décoller, Rebecca, qui ne les accompagnait pas, les noya de recommandations sur l'abus d'alcool.

— Vous avez une image à vendre durant ce séjour à Nior. J'attends qu'elle soit irréprochable. Ça sous-entend : pas de gueule de bois visible ! On a rendez-vous demain avec le staff de la Rock-Feast pour réhabiliter le Rock'n'Rumble.

Elle aurait joué les chaperonnes, mais laisser Mìo avec une inconnue était au-dessus de ses forces. Même si le service de baby-sitting était inclus dans les avantages de l'hôtel de luxe, ce pauvre bébé supporterait mieux de se faire trimballer dans tout le pays avec sa mère. Seulement trois mois, et déjà sollicité comme en pleine tournée. Une vraie rockstar au pays des nourrissons !

Elle aurait su, Rebecca aurait revu ses inquiétudes maternelles à la baisse. Mìo était un ange ; les Beat'ONE, des démons. Lâchés dans la nature, ils devenaient de grands enfants pagailleurs. Réparer leurs bévues était plus éreintant que les empêcher d'en commettre. Parce qu'on se le dise, ce jour était bel et bien placé sous un sale karma. Red Kellin aurait tendu une oreille à sa superstition, il aurait probablement évité la débâcle... ou pas.

*o*o*

TBC ● EPISODE 28 – part 3

Bon sang, quelle esclandre vont-ils encore provoquer ?!!

Avec cette rencontre, le cross-over entre Hot Chili et Riddle Game est bien acté. À ce stade, vous avez vu tous les personnages principaux : Jimmy Dennison, Iris Sanchez, Jeremiah Mc Nelly, Faye Warrick, Stanislas (Laz) Diesel et Lawson Read. Je ne vous dirai pas qui sera en couple avec qui, même si c'est assez facile à deviner.

*MEDIA*
Intro vidéo : Sold My Soul - Caleb Mills. Parce que Cupidon voudrait bien être de la partie, mais sa tâche est compliquée avec les énergumènes de cet épisode.

Get right baby don't fight cause
I'm shooting arrows at the moon tonight
and Cupid's hiding in the dark of night
and he won't come out baby to see the light
I got my book of secrets open
I'll put a spell on you cleanse my soul
of every single thought of you