S07 - EP 27 ✧ part II
Partie 2/2
Dan toisa son téléphone, irrité. La réaction prévisible de son frère n'aurait pas dû l'agacer, mais il saturait. C'était lui qui appelait et on lui raccrochait au nez !
Voilà un trimestre que le semblant de lien qu'il avait renoué avec Dean s'était gelé. Dan avait le sentiment d'arpenter une banquise dès qu'il ouvrait le dialogue. Tant que cela portait sur des sujets triviaux, tous deux avaient assez d'hypocrisie pour donner l'illusion de converser sans accroc. Mais que le sujet devienne sérieux, et son frère se changeait en adversaire.
En toute franchise, le problème ne reposait pas sur les seules épaules de Dean. Dan aussi peinait à ne pas voir son cadet à travers ce filtre d'adversité. Il ne voulait plus faire preuve de tempérance ni se montrer conciliant. Dean était déterminé à écraser tout ce qu'il considérait comme un obstacle. Depuis l'enlèvement de Rudy, toute la famille était devenue cet obstacle.
Une espèce de folie avait toujours été rattachée au cœur de Dean. Aujourd'hui, il n'avait plus de raison de la brimer. Il était peut-être temps que son grand frère lui donne une tape sur les doigts. Seulement, cela déboucherait sur plus de conflits. Dan était las de livrer des batailles contre des moulins à vent.
Il aurait pu poursuivre son petit chemin tranquille, après avoir apporté sa pierre à l'édifice Leblanc. Vivre sa vie presque en marge, à Saunes, loin de Balmer. Arborer les couleurs Leblanc de loin et laisser Dean foutre le boxon pour soulager sa rancœur. Il aurait pu prendre cette décision après que son père l'ait délibérément laissé dans le flou. Or Vince cautionnerait les conneries de son cadet par culpabilité et cela, plus que tout, irritait Dan.
Pour se faire pardonner un péché qu'il n'avait point commis, Vince s'apprêtait à sacrifier son emprise sur l'Empire Leblanc au profit de Dean. De tous les choix, c'était le pire ! L'idée de léguer White Enterprise© à Rudy ne lui semblait plus si désastreuse à côté de cette décision de mettre son frère aux commandes de la maison mère. Dean conduirait la politique de l'entreprise à la banqueroute !
Il savait que son père se sentait responsable de ce qui était arrivé à son neveu. Mais tout le monde l'était dans cette affaire ! Vince ne lui vendrait pas qu'il était le plus blâmable. Père réagissait ainsi parce que son ego avait pris un sacré coup. Parce qu'il avait été incapable de protéger son petit-fils, lui qui avait consacré sa vie à s'assurer de l'immunité des siens.
Dan se doutait que son père avait connaissance de l'identité du ou des véritables coupables. Et, bien qu'il persiste à ne rien lui révéler, Dan savait additionner deux et deux. Il avait fini par comprendre le jeu de Vince. Ce dernier – sans doute pieds et poings liés – ne pouvait pas s'en prendre directement aux fautifs, contrairement à Dean. Hélas, ce n'était pas en donnant du pouvoir à un individu aussi impulsif et puéril que Père réparerait son tort, quoi qu'il se reproche !
Son frère possédait de nombreuses capacités, Dan ne le niait pas. Malheureusement, Dean n'avait aucun sens des réalités. Trop je-m'en-foutiste, trop freestyle pour la White chain dont la gestion exigeait de la poigne et de la retenue. Hors de question qu'il ruine tout cet héritage familial ! De nombreuses vies en pâtiraient.
Dan ne laisserait pas Vince vivre avec les conséquences d'une décision aussi lamentable. Certes, il était en froid avec son père en ce moment, mais jamais il ne lâcherait cet homme. Il était presque reconnaissant qu'un curieux « incident » lui ait rappelé qu'il resterait son soldat jusqu'au bout. Ce fait était immuable. Le curieux incident : la visite de Sâminathan Hayes Edwards Meister VIII.
Les tournois du pouvoir devenaient rudes au MIP-Club. Le clan Meister gagnait en influence. Ces gens ne cessaient d'avancer leurs pions, et tous les coups étaient permis. Bientôt viendrait le moment où Vince ne servirait plus leurs intérêts. Alors des mesures seraient prises pour l'évincer. Et qui sait, mettre James ou un fantoche plus malléable à la place.
Ç'avait déjà commencé. L'enlèvement de Rudy représentait une grosse faille dans le cuirassier de Vince. Un point faible que ses adversaires utilisaient sans scrupule. Père ne devait plus assumer le mauvais rôle pour les protéger, son frère et lui. Ils étaient de « grands garçons » désormais, à même de prendre la relève et départir leur paternel du fardeau de leur protection.
Rudy, en revanche, avait toujours besoin de protection. Son frère, trop aveuglé par sa rancœur, ne réalisait pas qu'il exposait son fils. Dan ne permettrait pas à cet ange de s'enfoncer davantage dans la fange de cette famille composée de traitres. Il s'assurerait que son neveu ne subisse plus ce genre d'horreur. Pour cela, il fallait mettre de l'eau dans son vin avec Dean.
Au fond, son frère ne méritait pas son accusation, mais tous les autres dont le géniteur de son père. Dan en voulait aussi à sa mère de l'avoir introduit dans cette famille de dingues ! Natasha avait échoué à l'empêcher de venir au monde, tout en le privant de donner la vie. Elle l'avait livré, impuissant, aux mâchoires du loup Leblanc. Elle l'avait désarmé face à un fléau. Mais était-elle fautive ou victime ?
Dan toisa le verre de liqueur violacée dans sa main. Il acquérait de sales habitudes. Le breuvage couteux nourrissait ses divagations. Mauvais signe. Il était censé y diluer la noirceur de ses pensées mais la boisson la concentrait. Il était temps de confronter ses petits démons et cesser de les fuir.
— Prends le taureau par les cornes, souffla-t-il en ouvrant son journal d'appels.
Il hésita deux secondes, puis contacta son cousin. Jonathan se trouvait certainement en famille, en plein dîner. Celui-ci ne manqua pas le souligner, à sa manière si « Jonathan ».
— Mets en cloque une femme, qu'elle te ponde deux petits chiards, Dan. Tu sauras qu'à cette heure, s'ils ne sont pas à table, ils portent dignement leur nom de chiards.
Ce n'était pas dit méchamment, mais Dan se le prit tout de même dans les dents. Parfois, la tentation était grande de révéler qu'il n'aurait pas de chiard portant sa signature génétique. Mais dans cet « Empire » aux lois de succession ridicules, exposer sa stérilité causerait du tort à beaucoup de monde. Rudy en tête, car la pression sur les épaules du garçon augmenterait de plusieurs tonnes.
Vince n'était pas disposé à basculer la gestion de l'entreprise sur la branche « seconde » de la famille. Bien que James soit son frère, il le jugeait inapte face à de nombreuses situations et n'en faisait pas un secret. L'ambition sourdait des pores de James Donnovan tels des phéromones d'un papillon en chaleur. Et ce trait se changeait en faiblesse susceptible d'être utilisée contre lui et de porter préjudice à la White chain.
Enfin, cette affaire de stérilité restait personnelle. Dan ne l'étalerait pas sur la place publique. Il insuffla un sourire dans sa voix, avec l'impression désagréable qu'il n'y arrivait plus aussi bien que par le passé.
— Comme si la responsabilité du dîner te revenait. Je ne crois pas que cette charge pèse sur tes épaules mais sur celle de leur gouvernante. Comment va ta petite famille ?
— Eliel fait un peu de fièvre et mène la vie dure à sa gouvernante. À part cela, ma petite famille est toujours la même.
— Il a attrapé froid ?
— Je pense. Mais tu n'as pas interrompu mon dîner pour t'enquérir de la température de ton petit-cousin. Que se passe-t-il ?
— Ce ne sera pas long, mais cela risque fort de te couper l'appétit.
— Pour tout te dire, je n'ai pas vraiment retrouvé l'appétit depuis le réveillon de Noël.
— Eh bien, on est deux.
— On n'a jamais pris le temps de discuter sérieusement, toi et moi, de ces évènements.
La gravité de Jonathan donna une autre tournure à la conversation. Dan, qui appelait pour une confrontation, ne s'attendait pas à ce que les choses aillent dans son sens.
— Il y a cette omerta que tout le monde respecte, mais je ne l'achète plus. J'en ai marre de cette loi du silence.
Dan renifla. Jonathan avait toujours été doué au jeu de l'innocent. Raison pour laquelle Dean le détestait cordialement. Lorsqu'on ne donnait pas à cet homme le bon Dieu sans confession, on se surprenait malgré soi à l'absoudre de tout péché.
— Nat... Tu sais que la vérité te coûtera cher ?
— Si je te dis que j'ai de quoi payer ?
— Je te dirai que tu affabules.
— Et pourquoi ?
— Parce que moi, je n'ai pas de quoi la payer. Et je suis le fils de Vince.
Il marquait un point, à en juger le grognement de frustration de son cousin.
— Donc tu es aussi membre du club des Ignorants Anonymes.
— J'ai toujours pensé qu'IA voulait dire Intelligence Artificielle. Pas Ignorants Anonymes.
— Très drôle, Dan. Je te signale qu'il s'agit de ton neveu. Ça ne te fait pas rien ?
Dan tomba les masques et gronda :
— Cette remarque est presque déplacée, venant de toi ! Aurais-tu la mémoire courte ? C'est ton propre filleul que tu as vendu à la folie de Daniel-Ritchie et compagnie.
— Qu'est-ce que tu me chantes ?
— Tu aurais dû prendre sa défense ! Ou du moins, t'y prendre autrement pour dissuader Rudy de vouloir succéder à Vince.
— Mais de quoi me parles-tu ? De la réception à l'hacienda Meiridies ? Ça remonte à Mathusalem !
— Tout part de là ! Ne me dis pas que tu es aveugle à ce point ! Vous n'aviez réussi qu'à lui monter la tête et stimuler son ego. Alors il vous a défié. Il est comme toi et moi, il a horreur de perdre. On a cela dans le sang. Vous auriez dû vous y attendre, c'était la réaction la plus prévisible, enfin !
— Je ne vois pas le rapport...
L'ire de Dan ne lui laissa pas le temps de finir. Si Jonathan en avait marre de l'omerta, qu'il commence par retirer le balai de déni ancré dans son cul !
— Oh, tu crois vraiment que ce malade aurait mis la main sur Rudy si vous ne l'aviez pas incité à revendiquer cet héritage ? C'est parce qu'il a voulu assumer sa position d'héritier, pour vous prouver qu'il y arriverait, qu'il est devenu la cible parfaite de Chayton. Ça, c'est la version officielle. Celle qui arrange tout le monde. Tous ceux qui ont joué en division officieuse. Ceux qui ont joué à ce jeu ridicule de lui coller une bonne frousse. Quel était le but ? Lui donner un avant-goût des dangers auxquels s'exposerait le futur C.E.O de White Enterprise© ? L'enlèvement de Rudy visait-il à lui foutre une peur bleue ou à pousser Vince à se repentir d'avoir viré « sénile » ? Ou mieux : faire d'une pierre deux coups. C'est une pratique courante dans la famille ! renifla-t-il.
Jonathan mit plusieurs secondes à encaisser. Lorsque il prit la parole, son ton se fit glacial :
— Sur quoi bases-tu ces lourdes accusations ?
— Sur mes déductions. Et tu serais avisé de ne pas sous-estimer mon intelligence ! le prévint Dan. Vince ne mettra plus Rudy à la tête de White Enterprise©. Vous avez gagné.
— Vas-tu cesser ces insinuations ? Tes foutues déductions, tu peux te les foutre où je pense !
— Je choisis de les foutre dans ta gueule !
Sa réplique grossière dut choquer Jonathan, car il enchaina sans l'interruption de son cousin, devenu atone. Jusqu'ici ils s'entendaient bien, même si Nat avait son sale caractère. Avec Dean, cela tournait toujours au vinaigre. Ce soir, Dan aussi se sentait d'humeur acétique.
— Tout le monde est coupable, tu le comprends, ça ? Tout le monde a les mains salies de boue pour avoir pataugé dans la marre. Et à cause d'individus à la vision étriquée, qui se raccrochent à des valeurs puritaines ridicules, capables de faire passer la vie d'un innocent en second plan, nous sommes tous en sursis. Et quand je dis tous, c'est tous ! Toi, ta petite famille, Elly et ses enfants nés Leblanc. La White chain reviendra à Dean, Nat ! Tu paries combien que cet égoïste notoire voudra partager ? Chacun de nous, en son âme et conscience, devra apporter une « preuve de son innocence » pour espérer conserver ses acquis. Autrement, nous sommes tous dans son viseur. Et crois-moi, il fera de Rudy son parfait petit soldat. Lui, il a des raisons légitimes de faire tomber l'Empire.
— Attends... Attends deux secondes ! coassa Jonathan, alarmé. Qu'est-ce que tu entends par la White chain reviendra à Dean ? C'est absurde ! Tu sais bien que c'est impossible.
— Impossible n'est pas Leblanc. C'est officieux, mais grave dans ton esprit que Vince lègue White Enterprise© à Dean.
— Et tu vas laisser faire ? Tu es l'aîné ! s'insurgea Jonathan. Ou est-ce vrai que tu as abandonné ? Tu t'es retiré du schéma ? demanda-t-il, écœuré. Dis-le-moi clairement, que je prenne mes dispositions en conséquence.
Dan ricana. C'était à lui d'être écœuré. Jonathan ne voyait que son aubaine : un candidat de moins dans la course vers le siège du grand patron de White Enterprise©. Que son cousin se rassure, il n'avait jamais appartenu au « schéma » pour commencer. Toutefois, il était temps d'ébranler ses illusions.
— Nat, as-tu seulement saisi que donner sa place à Dean est l'unique façon qu'a trouvée Vince de se faire « pardonner » pour l'enlèvement de son fils ? Même moi, je ne peux aller contre cela. Personne ne peut. Encore moins ceux impliqués de près ou de loin dans cette sordide affaire !
— Quoi ?
— Lui qui n'est pas coupable est prêt à faire un tel sacrifice. Je te laisse déduire la valeur du tribut des véritables fautifs.
— Et tu m'inclus là-dedans, si j'ai bien compris ! gronda Jonathan, répugné.
— Vois cela avec ta conscience, la mienne ne m'empêche pas de dormir. C'est la manière saugrenue qu'a Père de faire amende honorable qui me cause des insomnies. Prie que le jour ne vienne pas, où Dean s'alliera à nos détracteurs pour faire payer cette dette à qui de droit ! Parce qu'il vous la fera payer. C'est un Leblanc, après tout.
— Dan, quel est ton propos ? s'énerva Jonathan. Cesse de tourner autour du pot. Je suis fatigué des non-dits ! Dis-moi les choses clairement. Je ne sais plus gérer les quiproquos. J'en suis las.
— Mon propos est que Vince est en train de donner les clés de l'Empire à son fils terrible. Et Dean agira impunément, parce qu'il aura enfin la bénédiction du père.
— Que fait-il de celle du patriarche ?
— Te souviens-tu d'une fois où Dean a tenu compte de l'avis de Daniel-Ritchie ? Et si Vince est jugé « sénile », quid de son père ? Recourir à l'avis de cette vieille plante de Ritchie vous rend encore plus séniles que Vince. C'était avant qu'il aurait fallu y penser !
Jonathan ne réagit pas au sarcasme, preuve de sa méfiance. À moins que son silence ne soit un aveu de culpabilité. Au bout de plusieurs secondes, il osa :
— Pourquoi en es-tu aussi convaincu ? Je veux dire, par rapport à Dean. Vince te l'a dit ?
— Il a reçu son notaire dernièrement. Il est en train de modifier, une fois de plus, son testament.
Dan ne dirait pas à Jonathan que ses spéculations avaient été confirmées par un autre parti. Un individu auquel il ne s'attendait pas du tout : Sâminathan Hayes Meister. Cela dit, il n'était pas homme à se laisser entuber. Ce Sâminathan prêchait pour sa propre église. Sir Hayes Edwards VIII pouvait très bien tenter de le manipuler au nom des Meister. Raison de son entrevue impérative avec Dean ; Dan devait en avoir le cœur net.
— Vince ne peut pas faire ça ! Les lois de succession...
— Jonathan, réveille-toi, bon sang ! Ce sont ces fichues lois qui ont failli couter la vie à Rudy !
— Je croyais que c'était lié à l'ancien projet Swordfish ?
— Et que sais-tu de ce projet ? s'impatienta Dan.
— Suffisamment pour déduire que les chefs de notre illustre famille l'ont plongée dans un merdier qui lui est retombé dessus vingt ans plus tard. Et c'est Rudy qui a trinqué. Je suis navré, mais les incartades de Vince et Daniel-Ritchie sont en cause ici. Alors c'est normal qu'il se sente coupable ! Nous n'avons pas à payer pour ça !
— Va donc le dire à Dean. Je te souhaite bon courage, ricana Dan. Parce que tu crois qu'il ne le sait pas ? Il te dira que cela lui fait une belle jambe. N'importe lequel d'entre nous aurait pu « trinquer », comme tu dis. Mais il a fallu que ce soit son fils. Juste au moment où celui-ci est perçu comme un nuisible dans la famille, parce qu'il revendique une part d'héritage trop lourde pour ses petites épaules. C'est tellement commode, tu ne trouves pas ?
Jonathan prit une forte inspiration. Faisait-il enfin le rapprochement ou avait-il cessé de se voiler la face ?
— Par définition, nous sommes tous coupables aux yeux de Dean. Vous l'avez purement et simplement désinhibé.
— Cesse avec ce « vous » vague et accusateur ! s'agaça Jonathan. Et ne me dis pas qu'il te fait peur. (Il rit.) On parle de ce Dean qui a toujours été désinhibé, et on sait tous à quel point cela le rend improductif. Il n'a que des paroles. Certes, intimidantes, mais ça reste du vent.
— C'est toi qui as une vision erronée de lui, à force de jouer les perroquets, soupira Dan. Improductif... De toi à moi, tu emploierais toujours ce mot pour le qualifier, après Tekhnopolis© et l'affaire Sloan ?
— Les circonstances étaient différentes.
— Différentes parce qu'elles impliquaient une de vos conquêtes communes ? railla-t-il.
— Je t'interdis de me parler de ça sous mon toit. Ceci ne te regarde en rien ! siffla Jonathan.
Dan eut envie de secouer son cousin.
— Vois un peu plus loin que ta petite personne ! Le deuxième filleul MIP de Dean, Blain Lhomann, sais-tu qui c'est ?
Le changement de sujet prit Jonathan au dépourvu mais piqua sa curiosité.
— Tu vas me l'apprendre, je présume.
— C'est le petit-fils de Sir Hughs Bacchum. Le fils aîné de la cadette de Miranda. Son prénom m'a toujours échappé.
— Dire que tu as été fiancé à son aînée, la pauvre, la plaignit Jonathan.
— Là n'est point le sujet ! fit Dan avec sècheresse. Figure-toi que Dean passe par son biais pour greffer une firme pharmaceutique au programme White Healthcare©.
— Hein ?! Un Bacchum ? Il n'est pas sérieux !
L'exclamation résuma l'effarement, l'incompréhension, et l'incrédulité de Jonathan.
— Il part du principe que c'est un Lohmann. Le père de Blain est codirecteur de Lhomann Hauer©. Au départ, sa firme se spécialisait dans les adjuvants de prise en charge de patients cancéreux. Va savoir comment, certainement par amitié, il s'est associé à Barack Hauer, de Hauer Sport Nutrition© qui fait dans la nutrition du sportif de haut niveau.
— Pourquoi me parles-tu d'un projet qui n'aboutira pas ? La Grande Commission opposera un refus dès lors qu'un lien est possible avec Bacchus Industries©.
— Tu m'as écouté jusqu'ici ou pas ? s'exaspéra Dan. Je ne suis pas en train de souligner une évidence. Dean ressemble plus à Vince que je ne lui ressemblerai jamais. Si tu as déjà pu cerner ton oncle, je présume que tu n'auras aucun mal à cerner ton cousin, glissa-t-il, sarcastique.
Si Vince savait parfois contourner les refus de la Grande Commission, Dean, lui, se tamponnerait le coquillard de sa décision. Il comptait bien avoir les pleins pouvoirs pour faire fi du système. Son idée n'était pas mauvaise, néanmoins elle comportait des risques et trop de variables non maîtrisables. Son frère pourrait introduire un loup dans la bergerie Leblanc. Et ce, quand Vince lui lâchait la bride.
Jonathan exprima ses doutes.
— Il y a des règles à respecter. Vince et Dean ne peuvent pas faire comme bon leur semble. Le système fonctionne ainsi depuis des décennies. L'engrenage est bien trop solide pour qu'ils l'ébranlent de manière inconsidérée.
— Cessons de nous voiler la face. Pour commencer, il ne fallait pas toucher à Rudy. Vous avez un peu occulté que c'est le sang de son sang.
— Un sang qu'il a renié ! gueula Jonathan.
Comme c'était étrange... Son cousin appréciait de moins en moins l'amalgame avec les coupables, pensa Dan, ironique. Mais il le pousserait à bout. Il le ferait craquer en jouant au mauvais flic. Continuellement accusé des pires maux, Jonathan passerait aux aveux afin de se dédouaner.
— Était-ce une raison suffisante pour justifier vos actes ? cracha Dan. Il ne t'a jamais traversé l'esprit que tout cela, ce sang renié, était une mascarade bien orchestrée ? soumit-il avec vice.
— Qu'es-tu en train de me dire ? hoqueta Jonathan, suspicieux.
— Dean n'a jamais voulu faire partie du plan d'héritage W. Ent. Il a toujours réclamé sa « liberté ». Et si Vince la lui avait accordée temporairement ?
— C'est n'importe quoi !
— Réfléchis, Nat. À l'heure actuelle, si tu voulais partir, on te ferait comprendre que c'est impossible. Tout le monde a son maillon à forger dans la White chain. Et une fois ce maillon façonné, il faut l'entretenir, le polir, s'assurer de sa solidité et surtout éviter qu'il devienne le maillon faible. On est enchainé au destin de cette multinationale, une fois qu'on y a accroché son maillon.
— Tu t'entends parler ? souffla Jonathan, sidéré.
Dan eut le sentiment gênant de dialoguer avec un réactionnaire. Comment osait-il tenir un discours aussi progressiste à son cousin, fervent adepte du conservatisme familial ? Tous ces imbéciles n'avaient pas conscience de jouer le jeu de ce prédicateur du passé de Daniel-Ritchie !
— Mets ton indignation en sourdine ! Nous avons le seul modèle de business familial qui fonctionne sur ce schéma bancal. Je ne suis pas en train de dire qu'il est inefficace. Bien que rétrograde, il a prouvé sa quasi-perfection sur le plan politico-économique. Sur le plan social en revanche, son efficacité n'est qu'apparence. Et sur le plan humain, c'est un désastre, Nat. Reconnais-le ! Si on en arrive à envoyer un ange à la mort pour lui flanquer une frousse, je pèse mes mots, c'est une catastrophe. Et je refuse de m'identifier à ce genre de famille !
— Termine ton hypothèse, maugréa Jonathan, soudain froid.
— Eh bien, supposons que pour te détacher de cette chaîne maudite, on te bannisse. Pour rendre cela plus authentique, le déshéritement est appuyé par un comportement allant contre la politique familiale. Pose-toi la question, Nat. Si Dean avait réellement été renié, crois-tu qu'il aurait bénéficié de tous les avantages dont il a pu disposer dernièrement ?
— Mais c'est absurde !
— Je conçois que tu sois dans le déni, concéda Dan. Ta réaction est légitime.
Si son cousin rejetait cette hypothèse, il n'insisterait pas. Quelque part, convaincre Jonathan serait trahir Vince. Il sèmerait une graine. À l'autre de la faire germer s'il voulait un jour s'amender auprès de Dean.
— Toujours est-il qu'aujourd'hui, Dean est de retour avec l'intention d'arracher les rênes de l'Empire à ceux que son jury a reconnu coupables dans l'enlèvement de son fils. Pour Vince, il est enfin prêt à assumer son héritage. Et si, au passage, il rafle les parts des présumés coupables, pourquoi Père l'en empêcherait, puisqu'il est du même avis ?
— Donc Vince « nous » juge coupables ? exhala Jonathan, comme s'il avait reçu un coup dans l'estomac. Mais qui est ce « nous », bordel de merde !?
— Tss, je me casse le cul pour rien avec un crétin ! s'irrita Dan.
— Je ne te permets pas ! Si tu te montrais un peu moins nébuleux, ça aiderait !
— La question n'est pas de savoir qui est ce « vous », Jonathan. Mais de prouver que tu n'en fais pas partie, fichtre ! Si tu en es incapable, alors c'est ton problème ! Le seul conseil que je te donnerai sera de te trouver un avocat que le golem hors de contrôle de Vince n'écrasera pas d'une pichenette.
— Le golem de Vince...
Dan eut la décence de grimacer. Il y allait un peu fort en désignant ainsi son frère. Mais l'image véhiculait son propos. Vince avait bel et bien perdu le contrôle sur son golem, même s'il le nierait ou donnerait l'illusion de l'avoir conservé.
— Permets-moi l'expression, tu nous servirais une version « berserk » de toi si on s'en prenait à Eliel. Peu importe les raisons. D'ailleurs rien ne justifierait qu'un innocent subisse ce qu'a vécu Rudy !
— Je ne dis pas le contraire ! s'impatienta Jonathan.
— Dean ne fera pas de quartier, asséna Dan, dur.
— Pour l'amour du ciel, je n'y suis pour rien dans cette putain d'histoire ! Et tu le sais !
— Ce n'est pas moi que tu dois convaincre !
La voix de son cousin était montée dans les aigus, il commençait à craquer. Parfait ! Une tête de moins à abattre pour Dean était une de plus dans son camp, pensa froidement Dan. Il la jouerait stratège jusqu'au bout. S'il voulait empêcher le massacre de son frère en passe de devenir la Faucheuse Leblanc, il devait mener cette campagne. Trouver les véritables coupables, afin que son abruti de frangin ne fasse pas de dommages collatéraux. La famille ne s'en relèverait pas, et tout ce qu'avait bâti Vince au prix de nombreux sacrifices s'écroulerait.
La culpabilité guidait Père. Qui ne se blâmerait pas après ce qu'avait vécu Rudy ? Malheureusement, cette culpabilité obscurcissait la lucidité de Vince. Bien que Dan lui en veuille, il le comprenait. Alors en tant que fils aîné, il porterait la charge paternelle le temps que cesse l'orage. L'heure était venue de véritablement seconder Vince ; de prouver de manière irrévocable qu'il méritait sa place. Peu importait que ce soit dans l'ombre. Personne d'autre n'était assez qualifié pour ce job.
Son cousin devait saisir qu'il n'y avait qu'un seul moyen de gagner son statut d'allié. Soit Jonathan se pliait à ses directives, soit il faisait cavalier seul, livré à la vindicte de Vince et Dean. Et lui mieux que quiconque savait dans quel état Dean avait émis la promesse de détruire White Enterprise© de ses propres mains, si Rudy ne lui était pas rendu.
Subsistait aussi l'éventualité que son neveu participe au « projet de vengeance ». Dean ne manquerait pas d'engrainer son fils. Ça n'étonnerait même pas Dan qu'il baptise un white project « Vendetta » ! Au-delà de cette revanche par procuration, Rudy pourrait se révéler, à la longue, plus dangereux que son père. Lorsque le jeune homme viendrait à bout de son stress post-traumatique, les murs trembleraient, si rien n'avait été entrepris en amont pour adoucir ses dispositions à l'égard de tous.
Ce fut le moment de cesser avec le « vous » accusateur et de passer au « on » fédérateur, au « nous » solidaire. Même si Dan ne se sentait pas le moins du monde solidaire de la condition des membres gangrénés de cette famille malade !
— Le fait est que Vince a été poussé à bout. On a oublié que c'est le genre d'homme qui aide son prochain à cacher un cadavre. Et il connait chacun des cadavres dans nos placards. Une fois que Dean aura White Enterprise©, il s'attèlera à phagocyter le reste parce que Père lui aura révélé l'emplacement de ces placards. Alors tu as le choix de maintenir tes œillères et continuer à te raccrocher aux règles qui régissent ta vie de pantin comme sur du papier à musique, ou de m'aider à contenir la tempête Dean. Parce qu'il ravagera tout sur son passage. Vince ne le contrôle plus. Il a démissionné. Délibérément.
Ce dernier mot dut avoir raison des écailles de Jonathan. À moins que la crainte de Vince soit responsable de sa capitulation.
— Qu'est-ce que tu proposes ?
Jonathan saurait à l'avenir qu'il n'était point avisé de s'en prendre à la prunelle des yeux d'un être puissant. On ne s'attaquait pas au fils de Zeus en espérant échapper à ses foudres. Vince comptait les châtier en les jetant en pâture à l'électron libre. Et Dean les atomiserait !
*o*o*
TBC ● EPISODE 28
Que mijote Dan...?
*MEDIA*
Intro vidéo : Tombstone - Adam Jensen. Parce que ces frères sont plus semblables qu'ils ne voudraient l'admettre, Dan chanterait sans problème ces lyrics.
Keep me out the sunshine
You know I can't breathe in the daytime
Not another fight song
Drinkin in the dark with the blinds drawn
Where the fucks my mind gone?
Got a reputation
Staring down eternal damnation
Died all alone
Sick with his fists and a microphone
Write it on my tombstone
I'm a rag-and-bones man
Won't stop til the early morning
Yeah I sold my soul
I'm a bad man
Write it on my tombstone
I'm a bag of bones man
Knock knock can you hear the warning
Yeah I sold my soul
I'm a bad man
Write it on my tombstone
Take me to the river
Drop me down and let my bones shiver
Skip the next level
You know I'm an American rebel
Singing with the devil
Kicking and screaming
Staring down the face of my demons
Never found a home
Sick with a knife and his vocals though
Write it on my tombstone
I'm a rag-and-bones man
Won't stop til the early morning
Yeah I sold my soul
I'm a bad man
Write it on my tombstone
I'm a bag of bones man
Knock knock can you hear the warning
Yeah I sold my soul
I'm a bad man
Write it on my tombstone
Look at this mess I made
It's written on my grave
Here lies the man who can't be saved
Blame it on my selfish ways
Lookin down on darker days
Wishing I can escape
I can't escape
I can't escape
I'm a rag-and-bones man
Won't stop til the early morning
Yeah I sold my soul
I'm a bad man
Write it on my tombstone
I'm a bag of bones man
Knock knock can you hear the warning
Yeah I sold my soul
I'm a bad man
Write it on my tombstone
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