S07 - EP 22 ✧ part II
Partie 2/2
Depuis sa chambre, Rudy entendit pour la seconde fois la sonnerie d'entrée. Il était temps de mettre fin à l'appel. Seulement, il ne pouvait laisser son amie dans son état d'agitation.
— Écoute, Nola, arrête de te prendre la tête. Ça part juste d'un malentendu.
— Je suis au courant !
Cela ne suffisait pas à apaiser son indignation. Elle cliqua sur l'objet de l'e-mail et l'ouvrit dans un nouvel onglet.
« Bonjour, chère Nola.
Tu me permets cette familiarité ? J'ai supposé que, appartenant à tes followers, on pouvait se passer d'être trop formels.
L'initiative de te joindre est en rapport avec ton projet NBC. Je me suis permis la liberté d'enquêter dessus. Dis-toi que c'est un audit à titre gracieux, bien que j'aie une idée précise en tête.
Dans son ensemble, ton projet pourrait tenir la route. Mais tel que c'est parti, il va s'essouffler sans atteindre son rythme de croisière à cause des mauvaises langues qui n'en font pas l'éloge. Ton initiative n'est pas estimée à sa juste valeur. Cependant, avant d'en blâmer les autres, charité bien ordonnée commence par soi-même.
Jouer de ta liaison amoureuse inexistante avec Rudy Leblanc ne sera pas toujours bénéfique à la vie de ta marque. Vu la conjoncture actuelle, tu n'as pas choisi la bonne personne à exploiter pour l'image de NBC. Sur le long terme, cela reste incompatible avec un plan marketing, sachant qu'un retour positif sur les réseaux sociaux est primordial à l'extension de ta « griffe ».
Or tu es un peu la nana à abattre en ce moment. Et lorsque la vérité se saura, ta marque courra aussi le risque d'être cataloguée fake, au même titre que ta liaison avec Rudy. C'est un jeu à double tranchant. Loin de moi l'idée de te juger, mais il n'y a rien de surprenant dans la naïveté de ta démarche. Il te manque l'expérience requise, ainsi que la formation nécessaire pour manipuler l'opinion publique.
Générer des flux d'opinions en jouant avec l'info reste un savoir-faire subtil. Malheureusement, tu n'es pas encore à la hauteur. Ayant achevé mon enquête préliminaire à ce sujet, j'estime que tu as été, et tu es, victime de ton immaturité... disons « économique ». Celle qui t'a poussée à baser exclusivement ta publicité sur le gossip et les stats des visites de ton blog et ta page ownetwork©. Cette méthode empirique presque puérile ne t'aidera pas à transférer tes créations de ton cercle restreint de potes et d'aminautes au grand public.
En te faisant part de ce rapport, je mets à ta disposition la possibilité de faire grandir ce projet. En m'engageant à t'apporter une aide, de toutes sortes mais principalement financière, afin de sécuriser et surtout donner corps à ta marque en tant que réel produit de consommation.
Accepter serait la moindre des choses, vu la peine que je me suis donnée à faire cet audit.
Le secteur de la mode évolue suivant le principe de la société de consommation. Mais ce n'est pas qu'une question d'offre et de demande. Il s'agit surtout de pousser le consommateur à consommer, même si le besoin n'y est pas. Par exemple, une nana n'achète pas toujours une paire de chaussures parce qu'elle en a besoin. Souvent, c'est parce qu'elle en a envie.
Le financement que je propose n'affectera pas seulement NBC, mais aussi la vie de toute personne impliquée dans ce projet. Il serait donc avisé que tu acceptes notre accord, pas seulement par égard pour l'aide que je t'apporte, mais surtout pour protéger et promouvoir ton business. Et ainsi rémunérer ceux qui participent à la mise sur pied de ta marque. Il va sans dire qu'à ce stade, les banques ne te prendront pas encore au sérieux, aussi je me substitue à elles.
En conclusion, mon but est de t'offrir un outil utile qui t'aidera à sortir de la logique destructrice d'austérité que tu t'imposes. Tu sembles ambitieuse, hélas, tu ne vises pas haut. Tu ne vois pas grand. Ce n'est pas ta faute. Tu n'as simplement pas idée de ce qu'est la véritable « grandeur ». Et je me targue de t'en faire effleurer le concept.
Tu ne seras pas déçue de notre collaboration. L'avenir nous donnera raison.
Fais-le-moi savoir, si tu accuses réception de mon e-mail. Je te prie de me contacter dans de plus brefs délais à ce numéro : 02 6X XX XX XX.
Cordialement,
W. Leblanc. »
Nola ne comprenait pas pourquoi elle se torturait à lire et relire ce satané e-mail. Elle aurait dû le supprimer, mais quelque chose l'en empêchait. La pilule ne passait toujours pas car son ego se rebiffait à l'idée de l'avaler. Malgré tout, il y avait cette pensée pernicieuse qu'elle n'adoptait pas la bonne attitude. Peut-être s'était-elle trop enflammée. Peut-être n'avait-elle pas réagi de manière professionnelle. Peut-être et encore peut-être...
Cela n'aurait tenu qu'à elle, elle aurait débarqué à Balmer avec la ferme intention d'arracher les yeux de cette espèce de fils de bourges péteux de Regan Leblanc ! Cependant, elle n'était pas bagarreuse. Grande gueule, oui, mais pas folle au point de s'en prendre physiquement à un Leblanc.
Le message était truffé d'allusions hautaines. Drapé d'une élocution policée, il n'en restait pas moins arrogant, outrecuidant, pédant. Le mec la prenait de haut et la traitait d'enfant, de gamine, alors qu'ils étaient de la même génération !
Regan basait sa sous-entendue supériorité sur son aisance financière. C'était ce qui la débectait. Elle aurait aimé ne pas avoir vu juste à son sujet. D'un autre côté, sa colère n'était pas près de s'éteindre quand Rudy se ramenait plein de bonnes intentions, pour défendre son abruti de cousin prétentieux. Elle savait le tempérament conciliateur de son ami, mais sur l'instant, elle le digérait mal.
— Non mais il m'a prise pour qui, ton cousin ?
— Ça, je l'ignore, souffla Rudy. Mais je reste persuadé que l'e-mail que tu as reçu ne vient pas de lui.
— Comment tu peux dire ça alors qu'il l'a clairement signé ? En me laissant son numéro de fixe en plus !
Rudy ravala un grognement. Il était tenté de prendre parti pour son amie et descendre son cousin, mais il devait rester impartial. Le résumé de Nola collait à la mentalité du jeune homme, néanmoins, la réaction de ce dernier après le tournage sentait la sincérité. Certains détails ne correspondaient pas à la « norme » de Regan.
— Je le dis parce que je sais qu'il ne te refilerait pas le numéro du fixe du manoir Leblanc. On ne le donne pas à la légère. Pour commencer, il ne figure pas dans l'annuaire. C'est presque aussi confidentiel qu'un numéro gouvernemental.
Nola devint livide.
— Attends... Tu... tu veux dire que j'ai appelé au manoir...
Elle quitta brusquement son bureau. Son fauteuil roula et buta contre son lit. Son statut de pauvre individu lambda ne l'empêchait pas de savoir ce qu'était le manoir Leblanc.
Ce domaine avait une notoriété assimilable à celle de la villa Ephrussi de Rothschild à Saint-Jean-Cap-Ferrat, entre Nice et Monaco. Le manoir Leblanc était à la Côte-Est ce que ce beau palais de style Renaissance était à la Côte d'Azur. Seulement, là où l'un était devenu un musée de l'Institut de France, l'autre rentrait dans le patrimoine national mais restait une propriété privée des Leblanc depuis leur établissement dans la ville de Balmer.
Et elle, Nola Vitrand, avait appelé le fixe de ce palace, persuadée qu'elle joignait simplement la maison du cousin de Rudy. Dans quelle galère s'était-elle fourrée ? Elle ignorait que Regan habitait au manoir ! Nola fut encore plus troublée de réaliser, à cette minute, que son pote, son premier véritable modèle, avait vécu en ce lieu de villégiature de la haute société. Le savoir et le prendre dans la tronche n'avait pas le même impact.
Elle se plaqua une main contre la poitrine. Était-elle en train d'hyperventiler ?! Respire, Nola. Respire, ma vieille. Respire !
— Ouaip, t'as appelé au domaine où mon père a grandi et où vit mon grand-père, répliqua Rudy, inconscient d'aggraver l'état de Nola. Et c'est ça l'aberration dans cette histoire.
— Mon Dieu, j'ai pas fait ça ! geignit-elle.
Ses jambes refusèrent de la porter. Elle tomba face la première dans son lit. Rudy compatit.
— Transfère-moi cet e-mail. Regan me certifie qu'il n'en est pas l'auteur. Je vais le confronter avec cette preuve matérielle et on verra comment évolue son discours. Mais je reste persuadé qu'il y a anguille sous roche.
— Putain, il ne peut pas y avoir erreur sur la personne ! réfuta Nola, un brin épouvantée.
Pas après ce qu'elle lui avait dit ! Elle aurait les boules, si Regan s'avérait innocent. Elle ne pouvait pas être en tort !
— Il faut que j'aie raison sur ce coup-là, Rudy. Sinon...
Elle ravala sa phrase. Sinon, elle était juste morte. Morte et enterrée sous le tertre de sa honte insurmontable. Damnation !
— Tu comprends ou pas ? Après ce que je lui ai balancé, si finalement c'est pas lui, je devrais lui présenter mes excuses. Et ça lui fera juste trop plaisir. Raaah !
Rien que d'y penser, elle avait la nausée. Son amour-propre refusait de donner raison à Regan. Pas après que le jeune homme lui avait assuré qu'elle reviendrait à lui, tête basse. La méga humiliation intersidérale ! Je n'aurais pas dû ouvrir ma grande gueule ! Mais avant de se morfondre et se vautrer dans le remords, il fallait explorer toutes les pistes. Regan lui avait semblé trop confiant du fait qu'elle lui présenterait ses excuses. De quoi alimenter les soupçons de Nola sur une machination.
— Si ça se trouve, il est de mèche avec la personne qui m'a envoyé ce message en usurpant son identité. Ton couz était trop sûr de lui quand il m'a promis que j'allais m'excuser.
« [...] Les excuses viendront de toi. Crois-moi sur parole quand je te dis que je les aurai. »
— Peut-être parce qu'il est tout simplement innocent dans l'affaire, émit Rudy avec patience.
Nola ne tint plus. Rudy pouvait-il mettre son mode « saint » sur OFF, l'espace d'une conversation téléphonique ? C'était viscéral, elle ne supportait plus la moindre allusion censée blanchir ce garçon présomptueux.
— Pourquoi tu défends ce pauvre type ?
Cette fois, Rudy perdit patience.
— Je ne le défends pas. Je suis en train de te dire que ce qui semble être, n'est pas toujours ce qui est !
— Tu traduis ?
— Les apparences sont trompeuses, résuma-t-il, faute de mieux.
Inutile de lui apprendre qu'avec les Leblanc, il y avait toujours deux versions : l'officieuse et l'officielle. Soit elle n'y comprendrait rien, soit elle le traiterait d'allumé.
— Regan était persuadé que je t'avais donné le numéro du manoir. D'après lui, la seule fois où vous vous êtes parlé remonte à ma soirée.
— Ouais, mais ça ne l'a pas empêché de me suivre sur ownetwork© en commentant mes posts et mes photos sous un autre nom. Quand je pense que ça dure depuis des semaines, ça m'écœure !
En réalité, elle était surtout dégoûtée et déçue de voir qu'elle avait apprécié ce follower, jusqu'à ce qu'il dévoile son vrai visage. Rudy tomba des nues.
— Quoi ? Il a fait ça ?
— Il signait Wyatt L., cracha-t-elle. Je suppose que « L » c'est pour Leblanc. Mais Wyatt...
— C'est son deuxième prénom.
Nola s'étrangla. Ce n'était même pas un faux nom. Putain de bordel de cul ! Plus cette conversation se poursuivait, moins elle aimait le rôle que lui réservait le casting : celui de la méchante. Elle n'avait pourtant rien fait de mal. Sa réaction avait été légitime !
— C'est pour ça que j'insiste, ne t'emballe pas, recommanda Rudy. J'ignore de quelle manière tu lui as dit le fond de ta pensée, mais Regan est très remonté, là. Je peux gérer des internautes anonymes ou des abrutis qui se foutent de toi. Mais régler mes comptes avec mon cousin ne sera pas de la tarte. Je suis désolé de te sortir ce cliché, mais il reste un Leblanc. Formaté et biberonné au lait Leblanc. Si tu le pousses à bout, il va te demander des comptes. Et un Leblanc s'assure toujours que son débiteur paie ses dettes.
Nola maudit la boule qui obstrua sa gorge. La part d'elle peu impressionnable avait pris les mots de Regan pour la fanfaronnade d'un mec face à une nana. Elle avait été une quiche sur ce coup-là. La confirmation de Rudy signifiait qu'elle était officiellement dans la mouise.
— T'es content ? marmonna-t-elle. Tu m'as foutu les pétoches pour au moins un an. Putain, c'est soulant tout ça ! Je démarre à peine mon petit commerce en ligne que les emmerdes pointent le bout de leur nez.
Se mettre un Leblanc à dos. On pouvait rêver mieux comme coup de pub, franchement ! Cela ne présageait rien de bon pour son entrée dans le milieu professionnel.
— Mon but n'est pas de t'effrayer, Nola. Ce quiproquo a été généré par quelqu'un. De toute évidence, ce n'est ni lui, ni toi, ni moi. Alors qui ? Si Regan est réellement impliqué, je lui passerai l'envie de recommencer. S'il est aussi victime que toi, je suis navré, poulette, tu devras lui glisser un « désolée ». Après... si c'est trop la honte de lui parler, tu pourras toujours le dire par ownet©, par texto ou e-mail.
De plus en plus dépitée, Nola tilta soudain.
— Euh... attends une seconde. Y'a un autre truc qu'est chelou.
— Au point où on en est, tout ceci est chelou, Nola, soupira Rudy.
— C'est toi qui lui as refilé mon numéro de portable ?
— Je sens que cette mélodie commence à me saouler, grommela-t-il en se pinçant l'arête du nez. Non, ce n'est pas moi.
— Alors comment il l'a eu ? Je ne le lui ai jamais donné à la soirée.
Rudy se rembrunit. En même temps, cela n'avait rien de choquant que Regan ait obtenu le numéro de Nola. Il ne fallait pas sous-estimer son influence.
— Y'a clairement un troisième parti, je te dis ! insista Nola. Et je parie que ton Regan est de mèche avec ce con !
Elle ne voulait plus démordre de cette version. Rudy se résigna à la laisser patauger dans son déni. Il ne disposait pas d'argument pour lui donner une autre perspective.
— Si Regan voulait ton numéro, rien ne l'aurait empêché de l'obtenir. Je vais mener l'enquête. Pour l'instant, je te promets rien mais on finira par tirer cette affaire au clair. En attendant, Miss, profil bas. D'accord ?
— M'ouais, maugréa Nola qui se sentait flouée. Mais j'aime pas ça du tout.
— Fiston !
Houlà, vu le ton paternel, ça sentait l'enguirlande s'il n'écourtait pas sa conversation.
— Je dois filer. On a reçu du monde à diner.
— Oh, OK. Je suis encore bonne pour une insomnie, confessa Nola.
Elle avait le pressentiment que tout cela finirait mal et qu'elle n'y pouvait rien. Lutter contre ce sentiment demandait une bonne dose de positivisme. Stock épuisé par les attaques sur Internet. L'affaire Regan était la motte de terre de trop qui faisait s'écrouler le château de sable. La sentant vulnérable, Rudy essaya de la rassurer.
— T'inquiète pas, Baby-caramel. Ça va s'arranger. Prends une tisane pour le sommeil.
— Je vais te faire confiance, soupira-t-elle, lasse. Bisou.
Rudy la salua et raccrocha quand la porte de sa chambre s'ouvrit sur Rey.
— Bah alors, tu te fais désirer ?
— C'est compliqué, souffla-t-il.
— À quel point ?
— On a probablement un maître manipulateur dans l'affaire Regan.
Rey fronça les sourcils. Toujours cette histoire de gaminerie avec Nola, en rapport avec son cousin et sa mauvaise humeur en début de semaine ?
— Je te raconterai plus tard, éluda Rudy. Qui est arrivé ?
— Tes grands-cousins, les frères Orlando, ta psy et un certain Flavien. On n'attend plus que le... Chef pâtissier, c'est ça ? (La sonnerie d'entrée retentit à nouveau.) Plus maintenant, je suppose. Du coup c'est toi qu'on attend.
— Mes grands-cousins ?
Quand Rudy eut sa réponse, celle-ci le cloua sur place. Devant lui se tenait la version adulte du gamin albinos du trombinoscope des recrues du G.L.O.B.E. : Lukas Sulivann.
L'homme portait un bouc parfaitement taillé. Sa chevelure toujours aussi éthérée, d'un blond presque blanc, et ses cils et sourcils d'une blondeur platine illuminaient ses yeux aux iris quasi-translucides. Toutefois, son albinisme fascinant restait moins saisissant que la dureté du regard braqué sur son petit-cousin. Lukas semblait scruter un papillon exotique.
Rudy eut la conviction que si, adolescent, Lukas avait souffert de sa différence, aujourd'hui il se trouvait peu de monde capable de le prendre de haut. Son poids plume à côté de son frère aîné ne vous illusionnait pas sur sa « fragilité ». Côtoyer Blacky donnait à Rudy cette sensibilité qu'il n'aurait pas eue si sa vie n'avait pas connu tous ces remous dernièrement. Lukas était tiré de la même étoffe abrasive que Mikael ; ils sortaient du même métier à tisser.
Cela ne se limitait pas au langage corporel, leur look avait un je ne sais quoi de similaire, à croire qu'ils avaient le même styliste. Sa veste saharienne en cuir noir et ses mitaines bikeur à rivets étaient sa seule concession au froid. En dessous, un débardeur en mailles et résille épousait sa silhouette gracile aux hanches étroites, la couleur blanche du vêtement adoucissant le jean enduit sombre à la coupe droite, lui faisant de belles fesses. Ses Doc M® rutilantes, sa chaine en argent et son pendentif gothique complétaient la panoplie rock.
En contraste de son allure punk, son frère Aymar arborait un style chic décontracté, cassant l'image tirée à quatre épingles de doyen de fac. Son pantalon chino brut, marié à une belle paire de chaussures chocolat assorties à sa ceinture mince, et sa chemise blanche sous un gilet gris à col V étaient parfaits par un élégant blazer en coton à la coupe cintrée.
Ils étaient beaux, les hommes de sa famille, pensa Rudy avec un sentiment incongru : celui de retrouver peu à peu ce pan manquant de son histoire. En voyant son père à leurs côtés, il ne pouvait nier un air de parenté.
— Bonsoir ! lança-t-il à la cantonade.
— Bonsoir, jeune homme, sourit Aymar.
— Jeune homme, rit Slimane. J'ai encore du mal à m'y faire. Je garde en tête un petit bout haut comme trois pommes. Tu étais le plus beau bébé du monde, il n'y a pas si longtemps.
— C'était il y a une quinzaine d'années, Tonton Slim, soupira Rudy, lassé de se le faire rappeler. Je comprends que tu sois nostalgique de cette époque, mais de l'eau a coulé sous les ponts. Je suis adulte, maintenant.
Il n'avait pas spécialement envie que l'on relate sa vie de « beau bébé » à tout ce monde. Encore moins à Rey.
— Pourquoi tu as droit au « tonton », toi ? s'insurgea Flavien.
— Parce que je suis le meilleur, opposa son cousin.
Rudy les laissa à leurs chamailleries, plus intéressé par les Sulivann. Il salua Ilona, Yakim et Dwayne et revint à Aymar.
— Je vous appelle comment, du coup ? Monsieur ? Cousin ? Tonton ?
Aymar parut embêté. Maintenant que tous les regards étaient braqués sur lui, il admettait n'avoir jamais songé à la question. Ce n'était pas tous les jours qu'il se découvrait grand-cousin d'un jeune homme à l'historique aussi particulier.
— C'est comme tu le sens.
— Cousin Aymar... Tonton Aymar... (Rudy fit la moue.) C'est long. Et je n'arrive plus à dissocier ce prénom du « doyen ».
— Long ? répéta celui-ci, perdu.
Dean n'osa pas expliquer le pourquoi, un peu embarrassé. Techniquement, Aymar n'avait que deux syllabes.
— Rudy fonctionne par... comment dire, « petit nom » ?
— C'est la preuve qu'il t'aime bien, intervint Slimane qui avait déjà sympathisé avec Aymar. Si tu as droit à un petit nom ou un surnom affectueux, alors tu as passé le test. Comme Tonton Slim.
Son air suffisant arracha un grommèlement à Flavien, comme les autres se retenaient de rire.
— Je vois, fit Rey. Ça explique le « Oncle Danny ».
Ou Tonton Nat, maugréa Dean in petto.
— J'ai été récemment promu Tonton Kim, glissa Yakim.
Aymar cilla. Voilà qui était curieux. Lui-même ne s'expliquait pas l'envie d'être inclus dans le cercle des « petits noms » de ce petit-cousin. C'était bizarre.
— Dans ce cas... Sully.
Son frère arqua les sourcils à son encontre. Il haussa les épaules.
— Tonton Sully, testa Rudy. Ouais, ça sonne bien. Adopté. Et vous devez être son frère, Lukas ? Enchanté, dit-il en tendant la main au concerné.
Celui-ci la saisit, d'abord avec délicatesse, puis sa poigne se durcit lorsqu'il l'attira brusquement pour une accolade. Faisant sensiblement la même taille, Lukas n'eut pas besoin de se pencher pour murmurer à son oreille :
— Rends-moi service, Pretty Face. Dis à ton Blacky-caramel qu'il peut commencer à courir. Et très vite.
Les poils de Rudy se hérissèrent, comme en réaction épidermique à un danger imminent. Il déglutit. Bon sang, c'était quoi, ça ?
« Il marque son territoire, Rudy. Sauf que tu es ici chez toi, et ça ne se limite pas à la propriété de Riddleshire, ça s'étend sur tout Balmer. »
Surpris par l'audace de ses propres pensées, Rudy se ressaisit. Curieusement, il appréciait le côté direct de ce Lukas. Même si quelque chose lui disait qu'il ne sortirait rien de bon de cette histoire. Parce qu'une partie de chasse venait d'être lancée et il se trouvait possiblement en position de proie. Rudy resserra sa poigne et se rapprocha davantage de son grand-cousin.
— C'est mal avisé de me défier à Balmer, c'est le domaine des Leblanc. Mauvais choix de terrain de chasse, Blondy-caramel. (Lukas marqua un mouvement de recul, mais l'étreinte de Rudy l'empêcha de se dérober.) Tu croyais quoi ? Blacky est à moi. Lui donner la chasse revient à t'en prendre à ce qui m'appartient. Et tu sais ce qu'on dit... Ce qui est Leblanc reste Leblanc.
Il recula et afficha un sourire angélique qui berna tout le monde, excepté quatre personnes. Dean, Rey, Ilona et bien évidemment, Lukas.
— Ravi de te connaître, Tonton Lukas.
*o*o*
TBC ● EPISODE 23
Les hostilités sont-elles ouvertes avec Blondy ? Mais Rudy l'a appelé "Tonton"... Que faut-il comprendre ?
*MEDIA*
Intro vidéo : Dangerous - Royal Deluxe. Des lyrics qui vont bien à Lukas, à Rudy, et sûrement à Regan, selon le contexte.
This is how it's gonna be
This is what you'll think of me
It's going down like I told you
This is how it's gonna be
I'll be the last man standing here
I'm not going anywhere
It's going down like I told you
I'll be the last man standing here
What you gonna do? I'm gonna rock you
What you gonna do? I'm gonna rock you
What you gonna do? I'm gonna rock you
I'll have you beggin' for mercy, beggin' for mercy, oh!
I'm dangerous, so dangerous
I'm dangerous, so dangerous
I'm the baddest mother up in here
And I'm about to make it clear
It's going down like I told you
I'm the baddest mother up in here
What you gonna do? I'm gonna rock you
What you gonna do? I'm gonna rock you
What you gonna do? I'm gonna rock you
I'll have you beggin' for mercy, beggin' for mercy, oh!
I'm dangerous, so dangerous
I'm dangerous, so dangerous
I'm dangerous!
Get ready 'cause here I come
I'm about to come and get me some
Hot as smoking gun
So get ready cause here I come
What you gonna do? I'm gonna rock you
What you gonna do? I'm gonna rock you
What you gonna do? I'm gonna rock you
I'll have you beggin' for mercy, beggin' for mercy, oh!
I'm dangerous, so dangerous
I'm dangerous, so dangerous
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