S07 - EP 20 ✧ part I
Partie 1/3
Le tournage eut son lot de remous. Les téléspectateurs ne s'ennuieraient pas devant leur poste téléviseur si la régie ne déstructurait pas tout lors du montage final. Sonia tenait à certaines scènes, que Dean s'y oppose ou non.
Pour les étudiants ayant cours le lendemain, la session finissait tard. Rudy se hâtait dans le parking au sous-sol du bâtiment, quand une Rolls Royce à la robe taupe et aux vitres teintées l'interpella. L'immatriculation LBC l'étiquetait « véhicule du manoir Leblanc ». La portière s'ouvrit sur Regan.
— Tu as une minute ?
— Là, maintenant ?
Son cousin aurait pu l'aborder à son arrivée dans les locaux. Se rappelant que Sonia l'avait accaparé, il céda.
— Reste en visuel, dit Mikael.
Rudy monta dans le véhicule mais ne ferma pas la portière. Voyant son intimité contrariée, Regan ravala un soupir.
— Laisse-nous, ordonna-t-il au chauffeur.
Celui-ci s'exécuta. Notant la tête de porte de prison de son cousin, Rudy devina qu'il ne venait pas en paix. Regan semblait hésiter à prendre la parole, à sa manière de lancer des œillades à gauche et à droite.
— Y'a pas d'oreilles indiscrètes, s'impatienta Rudy. T'es peut-être pas au courant, mais on a cours demain. Une minute passée avec toi est une minute de sommeil en moins. Accouche.
Certes, ils commençaient à dix heures, mais Rudy aspirait à quitter les locaux avant que des membres du public invité ce soir-là n'aient tout balancé sur les réseaux sociaux, après avoir récupéré leur téléphone. Ils avaient signé un accord les exposant à des poursuites judiciaires en cas de divulgation du contenu de l'émission, mais rien de leur interdisait de donner la géolocalisation de l'héritier Leblanc. Qui savait ce qui l'attendait à la sortie ?
— Ça ne sera pas long, commença Regan. C'est... au sujet de Nola.
— Quoi encore ? soupira Rudy, excédé. T'es payé pour faire une fixette sur elle ou quoi ? OK, je te le dis. On laisse les gens polémiquer sur nous exprès. C'est une manière comme une autre de lui faire de la pub. J'ai même pas à te l'expliquer !
— C'est malhonnête, répliqua Regan, accusateur. C'est de la publicité mensongère qui la fait passer pour ce qu'elle n'est pas !
Rudy s'agaça.
— C'est de ça dont tu voulais m'entretenir ? Me dire que c'est peu scrupuleux de jouer avec la crédulité d'imbéciles prompts à la calomnie et à la conclusion hâtive sur Internet ? Ces abrutis n'ont que ce qu'ils méritent !
Regan se fustigea. Qu'est-ce qu'il lui avait pris ? Cela n'aurait pas dû l'énerver de savoir les méthodes magouilleuses de cette fille pour arriver à ses fins. Mais il ne pouvait s'empêcher de penser que ça diminuait son talent, souillait sa fraîcheur et sa spontanéité. Là n'est pas le sujet, Regan ! Tu es censé être en colère contre elle.
— Pourquoi tu en fais tout un foin ? demanda Rudy. Parce que ton cher nom Leblanc est « sali » ? (Il roula des yeux.) T'es pas lobotomisé à ce point. Notre patronyme n'a rien de clean. Redescends un peu de ton poney bleu !
Regan battit des paupières. Poney bleu... Vraiment !?
— Ce n'est pas ça. Elle m'a appelé.
Peu impressionné, Rudy haussa un sourcil. Et donc ?
— Hier soir.
— Et... ? fit Rudy, las. Tu m'as pas fait monter pour me dire qu'une fille t'a appelé. Ça ne me surprend pas qu'elle ait ton numéro, elle a dû le choper à la soirée chez Yakim. Nola a une facilité effarante à se sociabiliser.
D'un autre côté, qu'elle appelle ce pète-sec de Regan avait de quoi intriguer Rudy.
— Elle m'a appelé sur le fixe du manoir.
Rudy sursauta, incrédule.
— Hein ?
— Ouais, comme tu dis. Sur le moment, je n'y ai pas cru non plus, mais c'est bien elle qui a appelé. (Regan se renfrogna soudain.) Pourquoi cela te surprend ?
— Bah... Comment tu veux que je ne le sois pas ?! Nola, appeler, téléphone, manoir Leblanc. Cherche l'erreur !
— Mais c'est toi qui lui as transmis le numéro du fixe, l'accusa Regan.
— D'où tu sors ça ?
— C'est bon, Rudy, inutile de nier, s'irrita son cousin. J'ai saisi que je fais les frais de ma promiscuité avec les Felden, que tu adores détester, dit-il, fataliste. Mais c'est petit, venant de toi.
— Hé, stop ! Je pige que dalle à tes insinuations. Il se passe quoi avec Nola ? Ce n'est pas moi qui lui ai donné le numéro du manoir. Je ne suis pas encore dingue à ce point ! Et pourquoi l'aurais-je fait ? Pourquoi à Nola ? Qu'est-ce qui te fait croire une connerie pareille ?
Regan en resta pantois. Par où commencer ? Le ton sincère de Rudy le disculpait de duplicité. La situation les dépassait tous les deux. Me voilà bien avancé, songea Regan.
— Eh bien... je pensais que tu me l'expliquerais.
— Puisque je te dis que j'y comprends rien. Pourquoi elle t'a appelé au manoir ? C'est pas que je ne te crois pas, mais j'ai dû rater un épisode.
— Alors on est deux ! grommela Regan.
— Des détails seraient trop durs à fournir ? lâcha Rudy, sarcastique.
Regan se passa une main dans les cheveux, soudain embêté. La galère ! Il avait tenté de donner sens à sa « conversation » avec Nola à tête reposée. À force de se la remémorer, il avait fini les nerfs en pelote et ressentait le besoin de se défouler sur quelqu'un. Son bon sens lui interdit de changer Rudy en exutoire. Celui-là rendait les coups désormais, et méchamment.
— Elle... elle était très en colère au téléphone.
— Pourquoi ?
— Si seulement je le savais ! gronda Regan. D'après elle, je l'aurais insultée. Alors qu'on ne s'est plus jamais parlé depuis la soirée, et je ne me souviens pas qu'on se soit quittés en mauvais termes. Du peu que j'ai compris, j'aurais tenté d'utiliser mon « prestige de Leblanc » pour l'influencer, dit-il en mimant les guillemets. Ou quelque chose dans ce genre. Que ne faut-il pas entendre ! Si j'extrapole, je lui aurais proposé de financer son projet d'une manière hautaine. De telle sorte qu'elle se sente redevable ou reconnaissante, comme s'il était exclu qu'elle refuse ma soi-disant aide. Quand aurais-je pu faire une chose pareille, quand notre seul échange remonte à ta soirée ?!
Il était ulcéré, cramoisi de colère, blessé dans son amour-propre. Rudy n'en fut pas choqué. Surpris mais pas choqué. Nola maîtrisait l'art de vous démonter un ego mal placé. La situation méritait d'être tirée au clair avant d'émettre tout commentaire. Encore un sujet d'insomnie en perspective !
— Je t'avoue que je ne sais par quel bout le prendre.
— Moi le premier ! cracha Regan. Cette furie ne m'a pas laissé en placer une. J'ignore ce que tu lui as mis dans le crâne à mon sujet, mais dis-lui que c'est la dernière fois qu'elle me manque autant de respect. Qu'elle ne frappe plus à ma porte si elle veut se foutre de la gueule de quelqu'un ! J'apprécie ses œuvres. Elle est douée et je le pense toujours. En revanche, j'ai horreur des hystériques hypocrites. J'en ai plus que ma dose avec Grâce Felden !
Rudy ne sut quoi opposer à cette diatribe.
— Euh... Il y a un gros malentendu, je crois.
— Non, sans blague ! ironisa Regan. Moi, elle ne m'écoute pas, alors tu te chargeras de lui transmettre le message. Son complexe face aux gens fortunés n'est pas de mon fait !
— Attends...
— C'est tout ce que j'avais à dire. Tu peux descendre.
Congédié de manière aussi abrupte, Rudy toisa durement Regan. Au prix d'un effort, il ravala sa réplique acide, quitta la Rolls Royce et claqua désobligeamment la portière.
Pourquoi Nola ne lui en avait pas parlé ? Certes, l'escarmouche datait de la veille, mais un SMS n'aurait pas été de refus. Maintenant, ils se trouvaient dans de beaux draps. Rudy se sentit responsable. Sans lui, la route de Nola n'aurait pas croisé celle de Regan.
— Mais comment a-t-elle eu le numéro de téléphone du manoir Leblanc, nom de Zeus !?
Hélas, l'heure tardive remettait la résolution de cette énigme au lendemain.
*
Comme il le craignait, l'entretien avec son cousin n'aida pas Rudy à trouver le sommeil. Afin d'éviter que son mardi s'annonce sous de mauvais auspices, il appela son antidépresseur.
— Hey, Baby boy. Que me vaut l'honneur d'un appel si matinal.
— Tu me manques. Tu viens à Balmer ce weekend ? Regan m'a mis de mauvaise humeur, j'ai besoin de décompresser.
— Si j'ai bien compris, tu m'appelles pour passer ta sale humeur... Hm, cela mérite rétribution. Je n'accepterai qu'à une condition.
Rudy gonfla les joues, prêt à protester. Le ton badin de Rey le retint, cependant.
— Laquelle ?
— Si je vais à Balmer le weekend prochain, tu viendras à Saunes le weekend suivant. Et j'exigerai de ta part une totale confiance. Tu seras en vacances d'hiver, n'est-ce pas ?
— Ouais... Ça fait deux conditions. Pourquoi cette exigence ?
— Mes projets de Saint Valentin en dépendent. Quoi que je te demande de faire, tu devras t'exécuter sans jamais me questionner.
— Je crois que je peux m'y plier, répondit Rudy, tout excité par l'anticipation. Mais ce sera aussi soumis à condition.
— Ça ne marche pas comme ça, Caramel.
— Si, mon cher. Je ne poserai pas de question si tu promets d'être mon cavalier au gala de Darney.
L'évènement marquait la fin des vacances d'hiver. Après son coming-out à la télé, Rudy Leblanc officialiserait son couple avec Rey Lee-Cooper, en se présentant à son bras face aux caméras. Rey, qui avait pourtant réservé une plage de son agenda, se sentit bêtement honoré.
— Ce sera avec plaisir, milord.
Fort de cette promesse, Rudy eut la bougeotte durant toute la semaine. Vivement les vacances ! Or son assiduité aux cours devait être sa priorité, car le doyen l'avait dans le viseur. Désormais, l'homme suivait de près ses agissements dans sa putain de fac d'élite. Les vœux de discrétion de Rudy se fracassèrent contre le projet paternel d'inviter son cousin éloigné à dîner.
*
— J'aime croire que notre rencontre avec cette branche éloignée de la famille n'a pas été fortuite. C'est l'occasion de faire plus ample connaissance, déclara Dean.
Il y a un mois encore, Rudy ignorait l'existence d'Aymar Sulivann et le vivait très bien. Voilà que le doyen de son université débarquait chez lui ! Heureusement que Rey serait des invités. La présence de son petit-ami allègerait la tension qu'annonçait ce repas.
— Y'aura que lui ?
— Non. Slimane et Flavien seront des nôtres et Andy a aussi invité Ilona et Yakim.
— Urgh, ma psy et mon doyen à la même table... (On avait connu plus gai comme dîner !) Pitié, Rey, t'as pas intérêt à me lâcher, marmonna-t-il.
Sa prière atteignit l'oreille paternelle.
— Ce sera une bonne opportunité pour Rey de se faire une idée d'Aymar et potentiellement de nouer des liens avec le fondateur de S-Funds©.
Évidemment, Dean ne voyait que cet aspect. Mais le connaissant, Rey allierait effectivement l'utile à l'agréable. Et puis, l'idée de présenter son petit-ami à un autre membre de sa belle-famille plaisait à Rudy. Il était temps qu'on intègre sa moitié dans son cercle familiale.
Malgré l'angoisse du dîner, la semaine passerait trop lentement à son goût.
*o*o*
TBC ● EPISODE 20 – part 2
On va entamer une phase où les agendas des personnages vont se chevaucher. Immanquablement, je reviendrai en arrière dans la chronologie, pour relater la semaine des uns et des autres. Après celui de Rudy, prochain agenda : celui des Beat'ONE (qui s'avère un challenge, et donne du fil à retordre à mes muses !)
*MEDIA*
Intro vidéo : Run Baby - Grace Blue. Petite dédicace à Regan qui doit vraiment prendre les choses en main, s'il veut cesser de subir.
Please try to not be selfish
You tend to so self-absorbed
Throwing out precious gold,
just to go on and keep collecting rocks
Please try to not just tell me lies,
a promise so empty
Cause the ones I've loved the most
My innocent smile they've quickly reversed
When the sun is out and bright, oh it's so fun to play
But you know you'll run to your mommy
as soon as the sky turns grey
Run baby
When it's difficult
Run baby
When it ain't perfect
Run baby
I knew that you will
I knew that you will
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