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S07 - EP 14 ✧ part I

Partie 1/2


« Foudroyé sur place » décrirait l'état de Dean. Les derniers vers de la chanson lui avaient transpercé le cœur. Kitsch mais vrai. Sur scène, Red opérait sa magie, et Dean se perdrait volontiers dans ses yeux, sans la moindre envie d'être sauvé. Red Kellin : le nom de sa perdition ; son enfer et son paradis, sa ruine et son apogée, son déclin et sa gloire. Red le rendait poète. Certes, poète du dimanche, néanmoins sa béatitude restait authentique comme des applaudissements épars s'élevaient dans l'amphithéâtre. La puissance du message pesait encore sur l'auditoire, telle la rémanence d'une retombée nucléaire.

— Pas de quoi applaudir, commenta Red, à peine satisfait. La justesse n'est pas encore au rendez-vous.

Ce disant, il toisa quelques instrumentistes, mécontent.

— Ce n'est pas encore abouti.

— Eh ben, qu'est-ce que ça donnera quand ce sera abouti ! chuchota quelqu'un.

Dean sourit. Il reconnaissait bien là le perfectionnisme de son partenaire. La chanson demandait en effet du travail, mais « wow ! » définissait déjà le stade fœtal. Le chant de guerre de la GFM s'annonçait mortel. Soudain, le chef d'orchestre gronda :

— Radcliffe ! (L'interpellé sursauta.) Rassure-moi, tu es au courant qu'on jouait sur une tonalité de ré majeur ?

— Oui, couina l'étudiant.

L'indignation d'une protestation se glissa dans son intonation et se lut sur son visage : bien sûr qu'il jouait sur la bonne tonalité ! Une tension fébrile régna sur scène. Du côté des professeurs, de l'expectation. Voir le tyran à l'œuvre relevait du spectacle. Darth Zenski vous hachait menu.

— Si tu ne maîtrises pas tes trilles en quatrième année, je ne vois pas ce que tu fais dans l'orchestre, à part perturber l'oreille de ta charmante voisine.

Radcliffe fusilla la violoniste soliste du regard, comme si elle était responsable de son infortune. Face à son attitude, Edvin s'impatienta.

— Où est-ce que tu regardes ? Peut-être est-ce là ton problème, tu es plus intéressé par Miss Brightman que par ma personne. Je te concède que je n'ai pas son charme, mais je dirige l'orchestration. C'est donc ici que ça se passe ! siffla-t-il en désignant son pupitre. Tes hormones peuvent prendre congé.

Ricanements étouffés. Rudy plaignit le malheureux, qui commit l'erreur de se justifier. Une règle primait avec Edvin : ne jamais argumenter contre ses remarques ou ses critiques sur votre jeu. Cela revenait à lui signifier ses torts ; torts de l'ordre de l'inexistant chez le compositeur dont l'égo vibrait au diapason du talent.

— Mais j'ai...

— Entends-je un « mais » ? coupa Edvin, sec. Pour quoi ? Défendre tes fausses notes ? Tu commences un ton trop bas et tu n'atteints pas la quarte augmentée sur la note haute. Quand tu ne fais pas un trille, tu me fais une fichue batterie que je n'ai pas demandée. Tu es tantôt bas, tantôt un ton au-dessus des autres ! L'incertitude de tes notes m'est aussi désagréable que fourrer sans lubrifiant une femme qui ne mouille pas !

Ça grimaça dans l'audience. Ça ricana davantage. Les remontrances publiques d'Edvin relevaient de la double peine : un sale quart d'heure face au chef d'orchestre appuyé par les rires moqueurs de vos acolytes. De manière étrange, l'anglais d'Edvin devenait fluide lorsqu'il s'attelait à vous tailler un costard sur mesure.

Dean grommela. Pas étonnant que son homme s'entende bien avec le Tchèque, leur grivoiserie se donnait la réplique !

— Le crissement des ongles sur un tableau vierge est plus mélodieux !

— Outch, celle-là pique, chuchota un étudiant.

— J'en suis à ma sixième remarque sur ton jeu, Radcliffe. Šest !* Je t'en accorde encore une septième, puisqu'il y a sept merveilles du monde. À ta huitième bévue, tu n'auras plus ta place dans mon orchestration parce que tu auras mis fin au débat sur la huitième merveille du monde.

Coup de grâce. Des rires gras s'élevèrent. Du coin de l'œil, Dean vit le doyen de Darney réprimer son hilarité en mordant dans son poing. Après avoir passé à la mandoline un Radcliffe blanc comme un navet, Edvin vida Betsy et Savannah, les hautbois, de leur jus, qui finirent presque en larmes. Paul à l'alto, Guilaine à la contrebasse et Mireille au violoncelle, transitèrent du pâlissement à la pétrification. Diakité aux percussions ne se sentit plus pisser à la suite des éloges du chef d'orchestre. Manon et Emilie, les flutes traversières, irradièrent sous les rayons des félicitations. Les cuivres n'écopèrent pas d'un « perfektní », mais dans l'ensemble, c'était satisfaisant.

— Vous savez faire mieux. Je compte sur vous, alors ne me laissez pas tomber la prochaine fois.

En peu de jours, Edvin avait déjà assimilé les noms, prénoms et le jeu de chaque étudiant, des défauts aux qualités. Effrayant !

— Bien, les choristes, lança Red aux étudiants dans les gradins, vous voyez globalement la direction que ça prend. On travaillera sur le placement des voix une fois que vous aurez étudié les enregistrements. En attendant, j'ai besoin de vous pour autre chose. Descendez tous dans la fosse.

Tapant dans les mains, il invita l'auditorium à rejoindre l'espace entre la scène et la première rangée de sièges. Les cadreurs et les ingénieurs du son s'apprêtaient à sauvegarder les bruitages en fond de la chanson FREE TO LOVE YOU.

— Tous ceux qui se sentent une âme de Holy Sucker et désirent « apparaître » sur la bande sonore sont priés de me rejoindre. Les autres vous êtes libres d'y assister depuis vos places. Même si vous estimez que vous chantez mal, ce n'est pas grave. Avec leurs baguettes magiques, les ingé-son sauront masquer les défauts. Ne vous laissez pas impressionner par l'aspect technique.

L'amphi, chargé de matériels de captation du son – micros à lampe, micros canons, perches et pieds à micro, câbles audios, mégaphones, consoles analogiques, préamplis et autres joyeusetés –, s'était changé en giga-studio d'enregistrement. L'insonorisation et l'acoustique répondaient aux normes d'un lieu d'étude d'orchestre. Des spectacles s'y produisaient, aussi l'auditorium était protégé des bruits extérieurs. Le conservatoire de Darney ne lésinait pas sur les moyens pour équiper ses salles de représentation musicale ou théâtrale. La qualité sonore était respectable et serait améliorée davantage par un passage entre les mains des ingénieurs du métier.

L'idée était ambitieuse, mais Red voulait la réaliser. Il effectuait un travail de direction artistique, casquette qu'il portait pour la première fois sans l'aide des autres membres de son groupe. Il n'avait encore jamais dirigé une session scénique seul, en plus de prodiguer des conseils et donner des instructions derrière la baie vitrée de la régie une fois en studio. Ce projet était son bébé à lui, qu'il porterait jusqu'à l'enfantement, avec la collaboration de passionnés à canaliser. D'habitude, l'on devait juguler son enthousiasme, son énergie débordante. Aujourd'hui, il tenait les manettes. Un sentiment grisant. Red évoluait encore dans sa démarche artistique et dans sa profession. Il partageait une expérience gratifiante aux côtés de personnes qu'il appréciait.

Dans le fond de la salle, Dean l'observait. Malgré son air relaxé, Red restait concentré. Son assurance gorgeait le cœur de Dean de fierté. Ce n'était pas la première fois qu'il voyait son homme s'investir dans son travail, mais il exsudait de Red une maîtrise nimbée d'une aura de leader. The man in charge. De quoi faire bander Dean et donner raison à son fils : Red Kellin était balèze !

En parlant de fils, Rudy lui avait refourgué la boite de pâtisserie, avait jeté son sac sur un siège et s'était fondu dans la cinquantaine d'individus dans la fosse. Un silence fébrile enveloppa l'amphithéâtre.

— Maintenez le silence, instruisit Red. Bien. Maintenant vous m'imitez. À mon signal et en rythme, jusqu'à ce que je juge le résultat acceptable.

Le public, intrigué, attendit. Au bout de la scène, Edvin observait d'un œil fasciné, voire adorateur. Sans surprise, le tableau ne plut guère à Dean. Personne n'avait le droit de couver ainsi son homme du regard !

Après un décompte de trois, Red frappa du pied sur l'estrade. Le martellement de l'épaisse semelle griffée Doc M® se répercuta dans la salle. Il refit le décompte. One, two, three. La fosse l'imita : « boum ! » Impressionnant. La seconde fois arracha un sourire satisfait au musicien.

Perfektní, valida Red. Vous avez été parfaitement synchrones.

Son emprunt au tchèque amusa l'audience, excepté un certain Dean Leblanc. Loin de l'aigreur de son partenaire, Red relança une série. Un enchaînement de deux coups, et bientôt, le sol de l'amphithéâtre vibrait au rythme de « one, two, three, boum-boum ».

Tel un général des armés, Red excitait ses soldats prêts à livrer bataille. Ça sauta pieds joints, tapa dans ses mains, exécuta des combinaisons mains-pieds et claquements de doigts. Le chanteur changeait le public en instrument de musique. Les « clap-boum-clap » cadencés entrainaient l'assemblée dans une euphorie de partage, comme cinquante personnes s'essayaient au beat-boxing. Démentiel ! La version finale de FREE TO LOVE YOU s'annonçait létale.

— Vous êtes les meilleurs ! congratula Red, fier du résultat.

L'enthousiasme du public était contagieuse. Red vivait pour ces moments de transcendance. Il faisait son métier pour ces émotions-là. D'un pouce levé, un professeur ingénieur du son lui signifia que l'opération se déroulait à merveille. L'exercice se porta ensuite sur des vocalises. Des « oh-oh-ooh », « hey, hey », et « whoo-ho » scandés à tue-tête, sous l'impulsion de la rockstar. Imaginer la version finale refilait le frisson.

Ce jour-là, Red Kellin gagna une nouvelle marche sur la pyramide d'idolâtrie des Holy Suckers. Son culte fit de nouveaux adeptes. Peu d'artistes ouvraient aux fans les portes de leurs productions musicales.

— FREE TO LOVE YOU ne sera pas qu'une chanson écrite par Red Kellin et composée par Edvin Srzenski, déclara Red. Elle sera celle de tous ceux qui y auront mis leur cœur. Vous tous, ici, que vous soyez des étrangers ou de vagues connaissances, des amis, des camarades de promo ou enseignants, vous partagez la même passion qu'une star du rock. Et ça, c'est géant !

Par son charisme, aidé de la valeur universelle de la musique, Red avait rassemblé plusieurs divergences d'opinions derrière la GFM, projet loin de faire l'unanimité. Une fois de plus, la musique triomphait en adoucissant les mœurs, en rassemblant milles horizons.

— Cette expérience enrichissante est la preuve qu'au-delà d'une Gay-Friendly Motion, les différences ne constituent pas une barrière mais des ponts. On ne devrait même pas débattre sur le fait que notre monde est une somme de différences. Un beau paradoxe, quand on y pense. Et MANY COLORS se consacrera à véhiculer ce message.

Les étudiants garderaient longtemps ce souvenir de leurs années fac. Faire vivre un rêve était vocation chez Red Kellin.

*

Applaudissements, félicitations, instructions supplémentaires, petit briefing avec Edvin, puis Red quittait l'estrade. Sans surprise, il se dirigea vers une tête blonde.

— Mon Caramel-vanille !

Les cheveux affectueusement ébouriffés, Rudy lui rendit son sourire. D'une œillade, il nargua son père qui les rejoignait, l'attitude décontractée.

— Cela ne compte pas, fiston.

— Reconnais ta défaite, il m'a souri en premier ! protesta Rudy.

— Tu as sorti le pari de son contexte. La situation géographique a joué en ta faveur et biaisé le pari. Ce qui l'annule.

— T'es juste mauvais perdant.

Red papillonna de l'un à l'autre.

— De quoi vous causez ?

Avaient-ils conscience du public ? Red flairait une de ces chamailleries épiques qui gommaient la clivage générationnel entre le père et le fils.

— De plus, disait Dean, ce n'était qu'un sourire de courtoisie. Sourire bien différent de celui-ci.

Le geste grandiloquent, il tendit à Red la jolie boite aux couleurs acidulées du Cinnamon Palace, enrubannée de rouge. La banane du chanteur relia ses oreilles. Gigotant d'anticipation, il se violenta pour ne pas se suspendre au cou de Dean et le couvrir de bisous. Les douceurs du Cinnamon devenaient ses préférées. Sa satisfaction à son zénith, Dean souligna :

— Tu vois, fils ? Ce n'est pas le même sourire.

— J'aurais eu droit à la même réaction si je le lui avais offert, contra Rudy. De toute façon, les lasagnes au chocolat, c'est mon idée. D'abord !

— C'est moi qui ai payé. Et ne discute pas avec ton père, c'est impoli.

— Hé, l'autre ! C'est quoi cette manière déloyale de clore le débat ?

Notant le silence gêné aux alentours, Rudy ravala son indignation. Trop tard, tout le monde les observait ! La méga-tehon ! Le rire solaire de Red s'éleva ; une hilarité aux larmes qui mortifia père et fils et mit les fans en pâmoison.

L'attention de Dean se porta alors vers l'estrade. Rudy suivit son regard et vit Evin penché au-dessus d'une femme aux pieds de la scène, habillé d'un tailleur chic Gilano. Il sourcilla. Mon père, son partenaire, ma mère et moi à la fac. On dirait le début d'un film d'horreur, frissonna-t-il. Rudy pria le Ciel de lui épargner une humiliation devant ses copains.

— Que fait-elle ici ? marmonna Dean. Je croyais que seule l'équipe de cadreurs et reporters vous suivait.

— Il y a plus de caméras aujourd'hui, constata Rudy.

— Le Canal 3 a ramené du renfort. Ed s'assure qu'ils respectent les règles, expliqua Red. Ils pourront diffuser les répétitions, mais ils n'ont pas de droits sur le son. Il ne plaisante pas avec la propriété intellectuelle. Et je suis bien content qu'il se charge des négociations, cette femme a un pouvoir de persuasion diabolique, rumina-t-il, sombre.

Il se mordit la langue, réalisant qu'il parlait de manière peu élogieuse de la mère de Rudy et ex-femme de Dean. Le duo blond maugréa de concert :

— À qui le dis-tu ?

Se sentant épié, Dean se retourna. Aymar fronçait les sourcils dans leur direction. Pris en flagrant délit, le doyen ne détourna pas les yeux.

— Si on allait te présenter à ton grand-cousin, fiston ?

Perspective plus alléchante qu'une conversation avec Sonia, qui se dirigeait à présent vers eux, contrariée par son échange avec le chef d'orchestre. Dean passa un bras autour des épaules de Rudy et l'entraîna vers son point de retraite.

Tendu, le fils suivit le mouvement. L'heure de la confrontation sonnait enfin, avec ce doyen qu'il avait espionné jusqu'à hacker son ordinateur de bureau. Il était dans la merde ! Aucun de ses complices ne prêterait assistance. Ses amis – ces traîtres de lâcheurs ! – semblaient subitement occupés au téléphone. Pour la peine, il ne leur donnerait pas les douceurs rapportées du Cinnamon Palace !

Zieutant d'un œil gourmand dans sa boîte cadeau, Red leur emboita le pas. Peu désireux de batailler avec la journaliste, il se doutait qu'elle tenterait de l'amadouer à défaut de faire plier Edvin. À peine débarquée, Sonia avait vite saisi que le chef d'orchestre ne refusait quasiment rien au chanteur des Beat'ONE. Elle savait exploiter son environnement. Une part puérile de Red ne voulait pas voir cette intelligence à la plastique d'enfer zoner dans le périmètre de son homme. Pas sans sa surveillance. Il avait vu Sonia opérer de son charme et son bagou sur les ingénieurs du son et le doyen de l'université. Les hommes devenaient mielleux à son contact.

Autre raison de coller Dean aux basques : prévenir tout clash entre son partenaire et Edvin. Red avait compté plusieurs regards noirs de Dean en direction du Tchèque. Ne sachant si Edvin consentirait à mettre de l'eau dans son vin, Red s'attelait à chaperonner son homme.

— T'as écrit FREE TO LOVE YOU quand ? s'enquit Rudy. On n'en discutait y'a pas si longtemps.

— Je l'avais en tête de manière éparse. Depuis qu'on a commencé ce projet, Ed m'envoie régulièrement des bouts de compositions. Je teste les samples et choisi ceux qui collent à l'univers de MANY COLORS. Pour FREE TO LOVE YOU, il m'a fait entendre la version orchestre. Les paroles se sont agencées comme une évidence. Ses compos symphoniques m'inspirent. C'est comme si... elles ont le pouvoir magique de sortir des chansons de ma tête alors que je ne soupçonnais pas les avoir rangées dedans, tu vois ?

— Euh... ouais, fit Rudy, largué par ce charabia d'artiste.

— On est vraiment compatibles sur ce plan-là.

Tant que ça restait sur ce fichu plan-là, se retint de grommeler Dean. Lancé, Red poursuivit d'un ton passionné :

— On est bien sur l'intention. Maintenant il faut transformer la boite brute de décoffrage en un bel écrin.

— Je ne doute pas que ce sera un beau travail d'orfèvrerie, dit Dean.

— Merci.

— Les paroles claquent, s'extasia Rudy.

— Elles en jetteront encore plus avec ma guitare. Je veux ma fiancée dessus.

Dean sursauta.

— Ta fiancée ?

Rudy roula des yeux et ricana.

— Tu sais bien qu'Andy te fait des infidélités avec Mademoiselle Red, p'pa, chuchota-t-il.

— Dis pas ça, il pourrait être jaloux d'une pauvre guitare, soupira Red. Tu joueras la seconde guitare sur cette piste, Caramel-vanille.

— Vrai de vrai ?

— Vrai, sourit Red.

Le ravissement de Rudy lui rappela le jeune homme qui brillait par son innocence au début de leur relation. Les épreuves se succédaient, dures, violentes, mais le garçon gardait son essence.

— Il assiste souvent aux répétitions ? demanda Dean en désignant Aymar du menton.

— Non, c'est la première fois qu'il reste jusqu'au bout, répondit Red. À mon avis, il est là pour la télé. Pour faire bonne impression ou illusion, va savoir. J'ai hâte d'entendre son nouveau discours de circonstance.

Il se rappelait son entrevue froide avec cet homme. Mr Sulivann avait été fermé, cassant. Que dirait, cette fois, Aymar Sulivann en présence de Leblanc ? Le changement d'attitude hypocrite des gens face aux membres de ce clan amusait Red. Peut-être parce que lui n'avait jamais su se montrer déférent envers le saint patronyme Leblanc. Il attaqua le premier :

— Que nous vaut l'honneur de votre si noble présence, Doyen Sulivann ?

— Elle n'a rien de noble, dit Aymar. Tout à l'heure, c'était... intense.

— Nan... L'intensité c'est d'être en présence de trois blonds platine. Je frise l'overdose extatique !

— Andy ! soufflèrent Dean et Rudy en chœur, las.

— Allez, c'est pas souvent que ça m'arrive. Vous vous rendez compte, trois blonds rien que pour moi !

Les trois blonds répliquèrent en même temps, lapidaires :

— Ta dernière phrase était inutile. (Rudy)

— Je me serais passé de ta dernière phrase. (Dean)

— Votre dernière phrase était de trop. (Aymar)

— C'est génial ! savoura Red. Je vis un moment homérique de mon existence !

Les torpilles oculaires de ses interlocuteurs stimulèrent son masochisme. Dean lut dans son regard qu'il prendrait son pied à les titiller.

— Ça ne jure pas trop avec vos valeurs darneyennes, monsieur le doyen ? Parce que... loin de moi toute intention d'offenser vos mœurs.

D'un léger hochement de tête, Aymar concéda à Red cette pique méritée. Néanmoins, rien ne l'avait préparé à cette confrontation avec l'aimant à scandales, l'aimant à emmerdes et sa progéniture tout aussi emmerdeuse. Un combo chaos.

— Vous n'offensez pas nos mœurs. J'aime ce que je vois.

— Pas trop quand même, marmonna Dean entre ses dents.

Face aux sourcils arqués du doyen, Rudy hésita à claquer la possessivité de son père. Perplexe, Aymar tenta de s'expliquer.

— Eh bien, je vois des individus de différents horizons travailler ensemble, prendre plaisir à faire ce qu'ils aiment, même si ce n'est pas facile pour certains encore dans les affres de l'apprentissage. Mais plus que tout, je vois des gens transmettre leur savoir à une génération plus jeune. Je vois des inconnus échanger, partager, enseigner, apprendre avec passion. Et je ne peux qu'aimer ce que je vois. (Il considéra Red, puis revint à Dean.) Pas toi ?

Dean se sentit penaud. Mais il ne se repentirait point pour sa jalousie. Blâmez Red et son fichu fétichisme pour du blondin ! Cette andouille heureuse en comptait un peu trop dans son cercle social...

Legacy is ours to give,* énonça-t-il.

Aymar hocha la tête, solennel. Le regard de Red fit la navette entre eux.

— C'est la devise de Darney, éclaira Rudy, heureux que le doyen dise ouvertement son adhésion au projet musical.

— Je vous rassure, Mr Kellin, vous ne jurez pas avec les valeurs darneyennes.

Red en fut touché. Cette déclaration, sans doute anodine pour Aymar, disait une reconnaissance inattendue. Jamais il n'aurait songé qu'un jour, il transmettrait son savoir-faire dans une faculté d'élite, lui dont la scolarité avait été interrompue au début du lycée. Il masqua son émotion par une boutade.

— J'aurais pensé que la devise d'une telle fac serait quelque chose du style : « nous, l'élite ! », scanda-t-il, pompeux.

— Pas faux !

Le rire de Rudy mourut sous l'attention du doyen. Il marmonna :

— Bonjour, monsieur.

Dean s'agaça de son air timoré. La réponse d'Aymar coupa sa remarque.

— Bonjour, jeune homme.

Bras croisés, il semblait attendre des comptes d'un enfant qui ne l'avait pas vraiment contrarié.

— Il aura fallu un Leblanc gay à Darney pour déclencher un mouvement LGBT. Cela n'aurait pas dû me surprendre. Ce patronyme régente un peu trop le destin de cette université. Et cette ère souveraine prendra fin sous ma direction.

Dean étrécit les yeux. Ainsi, Aymar défiait un géant. Mais aurait-il autant de succès que le jeune David et sa fronde face à Goliath ?

— Tu entends, fils ? Cette information change la donne.



*o*o*

TBC ● EPISODE 14 – part 2

*Šest = six en tchèque.

*Legacy is ours to give = littéralement : « L'héritage est nôtre, à donner ». Contextuellement : « Notre héritage est à transmettre ».

*MEDIA*
Intro vidéo : ZAYDE WOLF - "HEROES". Parce que Red veut transmettre ce message, et Aymar validerait.

It's feeling like the sun's hiding
But we're gonna keep moving, surviving
No we won't go quiet tonight
Stand up and shout louder
Oh no we won't be silent
The shadows are calling us out

We are heroes
Heroes in the darkest times
When there is no light
We are heroes
Heroes in the darkest times
But we'll rise above
We are heroes

When the night is starless
Only we can spark it
Light it up in the darkness
When the night is starless
Only we can spark it
Light it up in the darkness

We are heroes
Heroes in the darkest times
When there is no light
We are heroes

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