S07 - EP 11 ✧ part I
Partie 1/2
Heure de pause pour les étudiants en première année d'ingénierie informatique. L'assemblée vit débarquer une tête connue, qui n'avait pourtant rien à faire dans l'amphithéâtre. Un putain de L.E.A.D. et pas n'importe lequel : Rudy Freaking Leblanc ! Le seul Darneyen autorisé à déambuler dans les couloirs avec un garde du corps collé aux basques. Ce dernier, sorti d'un moule punk loin de l'image d'un agent de protection rapprochée, était adossé contre le chambranle de la porte coupe-feu. Son regard perçant démentait sa nonchalance.
Le blazer violine de l'uniforme taillée sur mesure donnait à Rudy une allure de gravure de mode preppy. Mains dans les poches, le blond platine se planta au bout de la longue table où siégeait Timothy Medley, mannequin officiel de la promo. Le grand métis, emporté dans son discours, réalisa qu'un évènement inhabituel se produisait, lorsque son interlocuteur se figea. Timothy se retourna et marqua un arrêt.
— Hey ! fit-il, ravi.
Puis son ravissement céda à la suspicion. Pourquoi Rudy s'était-il donné autant de peine ? Un texto aurait suffi. Mais son ami n'affrontait pas les regards, les murmures, les photos prises en catimini juste pour ses beaux yeux.
— Ramène ta fraise, faut qu'on cause.
Ouais, ça sentait le moisi. Désabusé, Timothy s'excusa auprès de son camarade et suivit Rudy. Une fille osa demander un selfie. Ennuyé, Rudy rétorqua :
— Si je commence avec toi, qu'est-ce qui justifiera que je le refuse aux autres ?
— Ma bonne étoile ? répliqua-t-elle.
— J'accepte uniquement parce que tu m'as fait sourire.
L'étudiante ne se sentit plus respirer, comprenant qu'elle venait de gagner un privilège. Celle-là récolterait des jaloux. Les bras croisés du garde du corps dirent sa perte de patience. Personne d'autre ne tenta sa chance. Un brouhaha accompagna le départ des deux modèles de Vestis®.
— Bonjour, Rudy, fit Timothy, ironique.
Rudy lui renvoya son sarcasme.
— Bonjour, Timothy. On va trouver un coin plus discret.
Ils finirent sur le toit du bâtiment.
— C'est à propos de Mir ? anticipa-t-il.
Rudy démarra au quart de tour.
— Mais qu'est-ce qu'il t'a pris ? Ça va pas bien chez toi ?
Timothy roula des yeux.
— Tu as eu combien de versions avant de venir me crier dessus ?
— J'ai eu droit à la version la plus stupide ! Mais le pire, c'est qu'elle est vraie !
Timothy grogna. S'il s'attendait à s'exposer à un tel procès, il n'aurait pas plongé ses pieds dans cette marre boueuse. Rudy se sentait sans doute concerné, en sa qualité d'agence matrimoniale entre Mir et lui.
— Ça t'avance à quoi de dire à ton mec que t'es amoureux de moi alors que tu sais pertinemment qu'il ne se passera jamais rien entre nous ?
— Pardon ? hoqueta Timothy.
Celle-là, il ne l'avait pas vu venir. Il en aurait rougi, si son teint basané le lui permettait. Sans se l'expliquer, il ressentit le reproche comme une trahison.
— Je ne le lui ai jamais dit.
Au moins, avait-il l'intelligence de ne pas nier son béguin pour lui, songea Rudy, agacé.
— C'est tout comme, puisque Mir s'est mis en tête de me considérer comme un rival. Tu bousilles notre amitié pour une histoire de sentiments unilatéraux. T'assures pas là, sérieux ! À cause de ça, Junior et Mir se sont disputer. Sous mes yeux ! T'as foutu la merde, gros.
— Je t'arrête tout de suite. Évidemment, je suis le méchant de l'histoire. Mir t'a aussi dit qu'il était amoureux de Junior ?
Rudy cligna des paupières, pris de court.
— Ils sont amis.
Timothy essaya de ne pas lever les bras au ciel.
— Ça fait du bien de voir que, quelque part, le Rudy naïf est toujours là.
Sa réplique fut mal accueillie. Un peu, et Rudy lui empoignait le col. Timothy en fut surpris. Il ne l'avait pas connu bagarreur. L'approche d'un hélicoptère lui arracha une grimace. On devrait interdire ces aéronefs pour leur nuisance sonore. Un lieu d'études telle que l'université n'était pas compatible avec le bruit !
— Sérieux, ils ne peuvent pas venir en voiture, en tram ou à vélo, comme tout le monde ? grommela-t-il, assourdi par les rotors.
Ces étudiants L.E.A.D., une plaie ! Rudy ferma les yeux. Il tremblait. Faiblement, mais il tremblait. Il sursauta quand Timothy posa son casque audio sans fil sur ses oreilles.
— Je sais que tu les détestes, dit-il doucement. Je m'en souviendrai toujours.
Le jour de cet aveu, Rudy exerçait une pression sur sa blessure au cutter pour réduire l'hémorragie. Timothy n'avait pas saisi que son sauveteur confessait une phobie, sûrement pour le rassurer. Il ne nierait jamais le courage de Rudy. Il sélectionna un titre des Beat'ONE dans son application de musique en streaming et monta le volume au maximum.
Rudy appuya sur les écouteurs et se concentra sur les beats de HOT CHILI. Son petit sourire reconnaissant rassura Timothy, qui leva le pouce en direction du garde du corps à l'approche. Il gérait la situation. Appliquant ses mains sur celles de son ami, il attendit que l'hélicoptère ne soit plus qu'un léger bourdonnement du paysage sonore. Il s'adossa ensuite contre la grille de sécurité au bord du toit, puis glissa le long du muret de support.
— Ils sont amis de la perspective de Junior, reprit-il comme s'il n'y avait pas eu d'incident. Mir a un autre point de vue. Mais il l'assume pas. On savait, de toute façon, que nous deux ça marcherait pas sur du long terme.
Rudy se planta devant lui, jambes écartées, mains sur les hanches.
— C'est parce que tu t'accroches à tes sentiments à sens unique envers moi.
Timothy constata qu'il restait égal à lui-même, malgré son petit moment de faiblesse. À moins que Rudy joue bien la comédie. Soudain, la position assise lui parut trop soumise. Il se leva, domina le freluquet de sa sature et lui asséna une pichenette sur le front.
— Cesse de te prendre pour le nombril du monde. Je suis pas stupide au point de me raccrocher à une cause perdue. Tu es un fantasme, mais c'est pas à cause de ça que Mir et moi, ça tient pas.
Un brin surpris par cette confession, Rudy demanda, interloqué :
— Qu'est-ce que t'aimes pas chez lui ? Mir est super mignon.
— Je suis au courant. Mais au bout de trois mois de « relation », et je mets les guillemets, c'est plus sur la bouille mignonne de son mec qu'on base ses sentiments. Quelqu'un comme toi, qu'est en couple depuis presque un an, devrait le savoir.
Rudy souffla. Soit. Il ne devait pas se montrer obtus. Cependant, si le couple de Timothy et Mir était voué à l'échec, il refusait que cela se fasse au détriment de leur amitié.
— Je veux pas geler nos relations à cause de ça, Tim'. Tu nous évites depuis qu'il y a de l'eau dans le gaz avec Mir. Quant à lui, il est tendu comme un string, on marche sur des œufs avec lui. Si vous devez absolument rompre, c'est possible de le faire à l'amiable ?
— Je ne crois pas, maugréa Timothy, sombre. T'es un ange, Rud', mais tout n'est pas toujours rose au pays des bisounours.
Mir ne comptait pas abandonner. Or sa manière de s'accrocher devenait toxique. Il comptait forcer la main à Timothy. Du moins, ce dernier en avait le mauvais pressentiment.
— Pourquoi ? Vous en êtes venus à vous détester ? s'inquiéta Rudy.
— Non, soupira-t-il.
— Je vois, c'est compliqué, railla l'autre.
— T'as pas idée, marmonna Timothy, sourd au sarcasme. Mir... il veut un ménage à trois avec Junior, jeta-t-il, comme pour s'en débarrasser.
Rudy glapit :
— Quoi ?
— Junior est partant.
— Quoi ?!
— Le pire, c'est que je me tâte.
— Quoi ?! Attends, attends, ho ! s'époumona Rudy, une main tendue devant lui pour arrêter le flot d'absurdités. Tu peux pas me sortir des choses comme ça sans me laisser le temps d'encaisser, merde ! C'est quoi ce délire ?!
— Justement, c'en est pas.
Timothy se souvenait encore de l'intérêt très prononcé de « Tim Junior », alors qu'il s'était retrouvé dans une configuration de ménage à trois avec Rey et Rudy. Aujourd'hui, il le mettait sur le compte de la situation et pas seulement sur l'identité de ses potentiels partenaires. L'idée de batifoler avec deux mecs enthousiasmait sa queue, quand sa raison y allait à reculons.
Les bras de Rudy en tombèrent. Timothy, Mir et Junior dans le même lit. Wow... eh ben ! Troublant. Mais ce n'était pas le moment de visualiser des scènes chaudes. Timothy n'avait pas besoin de le voir rougir. Son ami avait besoin d'écoute, pas d'être jugé.
— Si je comprends bien, Mir vous veut tous les deux.
— Faut croire.
Rudy siffla.
— Il ne paie pas de mine, mais c'est un gros coquin, au fond, Mir. Et si ça marche, tu serais enclin à poursuivre ?
Timothy déglutit, nerveux. Il se massa la nuque. Dans quoi s'était-il fourré ?
— Rud'... C'est à peine si j'assume ma bisexualité. En fait, je sais même pas si je suis bisexuel ou pansexuel ! Alors un ménage à trois... ?
Dire qu'il avait laissé Junior croire qu'il signait... Il se foutrait des baffes !
— Mec, un threesome n'a rien à voir avec une orientation sexuelle. Me dis pas que t'as pas encore fini de régler tes comptes avec ton placard, s'étonna Rudy.
— C'est nul venant de toi, se vexa Timothy. Et tout le monde n'a pas un père aussi « parfait » que le tien. Ça court pas les rues, les darons qui tapent allègrement la discute avec votre petit-ami, jusqu'à payer un voyage à Milan et vous y accompagner pour vous rabibocher !
Timothy eut comme une révélation. Rey Lee-Cooper avait toujours eu la bénédiction de son beau-père. Pour Dean, Timothy n'apparaissait pas dans le tableau de la vie sentimentale de son fils. Pourquoi devait-il en prendre conscience maintenant ? C'était embarrassant !
— Pardon, c'était déplacé, admit Rudy. C'est juste que... Je t'ai toujours cru plus sûr de toi que je ne le suis, moi.
— C'est l'image que je renvoie ?
Pour Timothy, s'il y avait quelqu'un qui savait ce qu'il voulait en amour, c'était Rudy. Il n'y avait pas plus obnubilé par son mec que ce garçon. Il n'avait jamais vu Rudy zieuter dans le jardin du voisin ni s'amuser à apprécier un beau cul dans son entourage. Et cet individu câblé sur une fréquence bizarre soutenait que Timothy respirait l'assurance.
— Ouais. T'es le genre de mec sans prise de tête, dit Rudy. On a l'impression que tu te montes pas le bourrichon avec des questions existentielles. Tu fais les choses au feeling et tu t'adaptes à n'importe quel rythme. T'es pas ce qu'on fait de compliqué, une fois qu'on a appris à te connaître. Je pensais que tu te ferais vite à ton penchant pour une bite.
— Mais qu'est-ce qu'il te fait, Rey ? hoqueta Timothy. Il t'a complètement perverti !
Le rire de Rudy les détendit. Timothy sembla voir les choses de façon moins dramatique. Y aller au feeling, hein ?
— Si je dois y aller au feeling avec Mir, je n'ai plus envie de me cacher. C'est ça qui coince. Je lui demande pas de s'exhiber. Mais même quand on est en comité restreint, entre amis, je ne peux pas le toucher. Danser avec lui c'est tout un drame. Par contre, il va se suspendre au bras ou au cou de Junior, s'allonger et poser sa tête sur ses cuisses, boire dans le même verre que lui, avec la même paille, sans que ça le dérange. Et ça va choquer personne. Ouais OK, ils sont amis depuis la maternelle. Mais avec moi, rien. Nada. Alors que toute notre bande sait qu'on est ensemble. C'est ridicule !
— Hum... j'avoue que j'avais jamais fait gaffe. Maintenant que tu le dis...
C'était vrai. Un tel comportement menait un couple dans le mur. Sans doute que Timothy avait fini par jalouser Junior mais refusait de l'admettre. Sinon, ce serait reconnaitre la faiblesse de son poids sur la balance. Un coup dur pour l'égo d'un meneur, quelqu'un qui s'était toujours positionné en leader.
— Est-ce que tu le lui as demandé ? Mir sait ce que tu attends de lui ? s'enquit Rudy avec plus de douceur. Je crois que je vois un peu le cœur du problème. C'est une histoire de contradiction. T'assumes pas encore ce que tu ressens vis-à-vis des mecs, mais tu attends de Mir qu'il soit démonstratif.
Timothy se gratta la tête. Présentées ainsi, les choses ne risquaient pas d'évoluer. Ou plutôt si, mais dans le mauvais sens.
— Je penses que t'es arrivé au stade où ta « bi-pansexualité » ne te dérange plus devant tes amis.
Pour sa famille, cela restait un autre son de cloche.
— Je reconnais que ma relation avec Rey a passé un cap quand j'ai accepté l'idée que mon petit-ami me touche devant mes potes. Ou plutôt, quand j'ai commencé à être plus démonstratif en public. Je me rappelle encore la tête que faisait Rey, les premières fois, dit-il avec une tendre nostalgie.
Ces moments figuraient parmi ses plus beaux souvenirs.
— Je serais toi, je lui roulerai une galoche devant les copains.
— Seulement si tu espères finir au tapis après un Mawashi-Geri.
Rudy frissonna. Pas faux. Les coups de pied de Mir étaient une arme létale pour votre équilibre et votre égo.
— Écoute, fit-il, préoccupé, essayez d'avoir une discussion à cœur ouvert.
— On l'a déjà eue.
— Et ? demanda-t-il avec espoir.
— On ne l'a pas finie. Il s'est barré.
— Et depuis, c'est toi qui l'évites, renvoya Rudy, appréciant peu que Timothy en rejette toute la responsabilité sur Mir. Vous essayez d'inventer un nouveau jeu ? Parce qu'il faudra nous expliquer les règles pour qu'on vous suive.
— Mets ton sarcasme en veilleuse.
— Si Mir finit par assumer, lui laisseras-tu une chance ?
C'était dommage qu'ils rompent. Rudy se souvenait encore de la mine radieuse de Mir lorsque Timothy avait accepté ses avances. Affligeant et beau à voir.
— Assumer quoi ? Nous ou Junior et lui.
Rudy perdit patience.
— Tout ! Il ne vaut pas la peine que tu te battes pour lui ? Tu vas le laisser avec cet amour à sens unique pour Junior ?
Timothy se mordit la lippe.
— Pour être honnête, je ne sais pas. Je me dis que si j'apprends à mieux le connaître, j'aurai tous les éléments ensuite pour faire un choix objectif. Mais d'un autre côté, tout aurait été plus simple sans cette relation.
Il serait célibataire, libre, et non enchaîné à un boulet d'obligations et aux aberrations inclus dans la formule. Pas de « bi-pansexualité » à avouer à son père. Pas de plan à trois en perspective. Pas d'ambiance pourrie avec ses amis.
— Toi et Rey, vous étiez amis avant de sortir ensemble. C'est peut-être ce qui me manque avec Mir. Même si on n'est pas obligés de transiter par la case « amitié » avant de finir en couple. Mais le facteur commun entre une amitié et une relation amoureuse qui fonctionne reste la confiance.
— Ouais... (Rudy hésita.) Mais Rey et moi... on n'a jamais été un modèle à suivre. Pour être franc, je pense que Rey voulait sortir avec moi dès le départ. C'est moi qui n'ai rien vu venir. Je savais même pas qu'il pourrait me plaire dans ce contexte. Donc pour moi, on était amis. Mais pour Rey, j'étais pas vraiment son pote, plus sa... conquête, termina-t-il, le regard détourné et gêné.
Rey avait essayé de le courtiser, en sachant que Rudy ignorait son inclinaison amoureuse. En fait, ils l'ignoraient tous les deux. En bon kamikaze, Rey s'était jeté dans le vide sans filet, espérant que Rudy réponde à ses sentiments, qu'il soit homo ou non. Aujourd'hui, Rudy se disait gay de Rey mais cette réalisation s'était tissée au fil du temps ; temps durant lequel Rey avait rongé son frein sans pour autant se résigner à finir dans la friendzone.
— J'ai ma part de responsabilités et Mir aussi a la sienne, résuma Timothy. Malgré tout, je pense que je me serais plus investi dans notre relation s'il était moins coincé. Plus lui et moins porté sur le qu'en dira-t-on. Un peu comme Rey, finalement. Tu peux parler, toi. T'as beaucoup de chance.
— Il est l'heure, fit une voix dans son dos.
Timothy sursauta, une main plaquée contre son cœur. Ce type était un fantôme ou quoi ? On aurait dit qu'il avait généré sa présence du vide. Son pauvre palpitant ne tiendrait pas, vu comment on s'amusait à l'effrayer depuis la veille. L'expression moqueuse de Rudy l'obligea à retrouver contenance.
— Les cours reprennent dans cinquante-cinq secondes, annonça Mikael.
— Ah merde ! s'écria Timothy.
Certains profs, dont celui du cours qui l'attendait, le prenaient pour un fumiste ; un beau gosse fanfaron qui banalisait ses études au profit de son métier de mannequin. Arriver après la pause apporterait de l'eau au moulin de ces détracteurs. Sans compter son premier semestre foiré. Son père l'attendait au tournant.
Rudy, de son côté, ne voulait pas passer pour le fils de bourge qui se permettait des largesses maintenant que la fac le considérait comme un bijou à bichonner. Tout le monde y allait avec déférence, et il soupçonnait le concert du Queen Boulevard d'en être la cause. Son visage avait été projeté sur quatre écrans géants, tandis que Red Kellin, en porte-parole de la ville de Balmer, lui souhaitait un bon retour à la maison. Toutes les strates de la société balmerienne l'avaient traduit : « bon retour au bercail », désormais convaincues que l'héritier Leblanc réélisait domicile dans sa cité natale, une décennie après sa disparition du milieu nanti.
Rudy avait le désagréable sentiment qu'on l'aurait traité ainsi à Darney s'il avait grandi au manoir et suivi le chemin de vie tracé par sa famille. Seulement, il ne se définissait pas comme un homme du « clan Leblanc ». Il mettait donc un point d'honneur à ne pas changer son comportement. Puisque ce n'était pas dans ses habitudes d'arriver en retard, Blacky aurait dû réagir plus tôt !
— Sois plus prompt, la prochaine fois.
Certes, c'était à lui de se montrer vigilant et non à quelqu'un d'autre. Mais quand même ! Il étouffa la petite voix qui l'accusa de développer des manies de Lord gâté.
— J'ai pensé qu'il aurait été inconvenant d'intervenir avant, s'expliqua Mikael, surjouant son ton pompeux.
— Ne pense pas, à l'avenir.
— Bien, Jeune Maître, railla Mikael.
Rudy se hérissa.
— Je t'interdis de m'appeler comme ça !
— Bien, Patron.
— Encore moins comme ça !
— Bien, Monsieur.
— Putain... Tim, dis-lui que je vais le buter s'il continue.
Ils piétinaient devant la cage d'ascenseur. Timothy ravala son hilarité avec peine. La relation entre Rudy et son curieux garde du corps était étrange mais épique.
— Au fait Blacky, t'es libre ce midi. Je déjeune avec p'pa.
— Mes ordres sont de ne pas te quitter des yeux tant que tu n'es pas chez toi. Ce n'est pas aujourd'hui que j'y dérogerai.
— Je serai avec p'pa, je te dis.
— Et donc ? Ce sera casse-couille d'aller te chercher après ton déjeuner et te ramener à la fac.
— J'ai pas cours vendredi aprèm.
— Je suis au courant, microbe. Je parlais d'A.M.I.E. Ensuite, tu as rendez-vous avec le docteur Minzy.
— Ah, c'est vrai, maugréa Rudy.
Ses visites chez sa psy avaient été fixées en soirée, en fin de semaine. Il força la fermeture des portes de l'ascenseur qui avait enfin daigné les gratifier de sa présence.
— Et je suis pas un microbe, d'abord ! Je te laisse ton aprèm de libre, au lieu d'en profiter, tu râles. P'pa vient me chercher, je lui demanderai de me ramener. Il sera même cap de m'accompagner jusqu'au siège d'A.M.I.E. pour s'assurer que je suis arrivé à bon port. (Rudy roula des yeux.) Tu reviendras me chercher ce soir.
— C'est non.
Il soupira. Il devrait s'en réjouir mais quelque chose clochait. Il n'y a pas si longtemps, Blacky était agacé par son poste de garde du corps. Garde-chiourme, qu'il l'appelait. Aujourd'hui, le jeune homme refusait de le quitter d'une semelle, même avec sa bénédiction. Un lien avec cette histoire de « valeur marchande ayant augmenté » ? Jusque-là, Rudy n'avait pas encore jugé la présence de l'agent oppressante. Il espérait que cela continue.
L'ordre serait venu de Dean, Blacky aurait obtempéré. Rudy s'irrita de son manque d'autorité. Il revit son jugement. Je ne lui ai pas donné d'ordre mais je lui ai fait une proposition. Ce qui implique la possibilité d'essuyer un refus. Il s'était foiré. Or les sujets dont il voulait entretenir son père ne devaient pas parvenir aux oreilles de Blacky. Sinon, cela remonterait jusqu'aux patrons de l'IANS. Et Rudy redoutait leur ingérence. Finalité : éloigner son garde du corps, coûte que coûte.
— T'as pas de vie sociale à côté ? Je sais pas, profites-en pour voir des potes, déjeuner avec des amis. Je te prends toutes tes semaines et tes weekends, dernièrement. Ce break t'est dû.
Mikael arqua un sourcil. Tentant. Il pourrait consacrer un peu de temps à Bratzy. Mais hors de question de lâcher Rudy, sachant Blondy sur la Côte Est.
— Ne t'inquiète pas pour moi.
— Je m'inquiète pas, je te pousse juste à te sociabiliser, argumenta Rudy comme s'il était la voix de la raison. Je suis sûr que t'as des amis qui aimeraient te charrier sur ta participation à un catwalk.
Et comment ? Bratzy s'en faisait une joie, songea Mikael, agacé. Dakota et Brendan, n'en parlons pas ! Il torpilla le gamin du regard.
— Je ne te remercie pas.
Son grommèlement fut ponctué par la voix métallisée de l'ascenseur annonçant le rez-de-chaussée. Rudy salua Timothy et le quitta avec une recommandation.
— Fais pas durer les choses avec Mirabilis. Et si tu sais pas comment t'y prendre pour fixer tout ça, essaye la colle « flan Marty's© », ça pourra aider.
*o*o*
TBC ● EPISODE 11 – part 2
*MEDIA*
Intro vidéo : The Chainsmokers - Don't Let Me Down ft. Daya. Des lyrics qui pourraient traduire le sentiment désespéré de ce pauvre Timothy, qui ne réalise pas encore à quel point il est désespéré.
Crashing, hit a wall
Right now I need a miracle
Hurry up now, I need a miracle
Stranded, reaching out
I call your name but you're not around
I say your name but you're not around
I need you, I need you, I need you right now
Yeah, I need you right now
So don't let me, don't let me, don't let me down
I think I'm losing my mind now
It's in my head, darling, I hope
That you'll be here, when I need you the most
So don't let me, don't let me, don't let me down
D-don't let me down
Don't let me down
Don't let me down, down, down
Don't let me down, don't let me down, down, down
Running out of time
I really thought you were on my side
But now there's nobody by my side
I need you, I need you, I need you right now
Yeah, I need you right now
So don't let me, don't let me, don't let me down
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