S07 - EP 06 ✧ part I
Partie 1/2
Gil Saint-Hilaires ne s'attendait pas à être appréhendé par la sécurité, en mettant les pieds au catwalk organisé par ce créateur bas de gamme et anarchiste de Will Malroy. Ces malappris ne lui manqueraient pas de respect s'il avait sollicité sa propre garde rapprochée ! Il se demandait comment aborder discrètement la fille des Meiridies, quand une poigne ferme l'avait entrainé à l'arrière du chapiteau.
Au même moment, la raison de sa venue devenait inaccessible en mettant les pieds sur scène. Impossible de se défiler, car le flot continue de VIP et MIP évacués vers un parking provisoire empêchait une circulation fluide. L'agent de sureté coupa toute tentative de fuite en murmurant :
— Il y a des caméras partout. Si vous ne voulez pas créer un scandale médiatisé, suivez-moi sans faire d'histoire.
— Et pour quelle raison ?
— J'obéis aux ordres. Quelqu'un veut vous voir.
— Qui ça ? siffla Gil.
— Avancez, monsieur.
Le stoïcisme de l'agent jura avec la pression de ses doigts autour du bras de Gil. Ce dernier, irrité par les œillades des témoins qui le cataloguaient fauteur de trouble, grogna :
— On ira plus vite si vous me lâchez.
Le molosse le prit au mot. Gil se massa le bras, insulta l'homme du regard et se vit indiquer la direction à suivre par une armoire à glace inflexible. Sa destination ne lui disait rien qui vaille. S'il pénétrait dans le chapiteau, sa soirée ne se présenterait plus sous de meilleurs auspices. Sans grande surprise, on le conduisit dans la loge du créateur. Gil y trouva un autre visage haï. Les deux individus honnis poursuivaient leur conversation, sans tenir compte de sa présence.
— C'était une brillante idée de la faire monter sur scène, disait Dean Leblanc.
— Ç'a surtout été facile, rétorqua Will. Heidi est démangée par l'envie de jouer à n'importe quelle heure. Korgan a apporté son violon, il aura suffi de lui suggérer de l'essayer sur scène. D'autant que c'était injuste que les autres musiciens s'amusent avec leur instrument sans elle. Heidi n'a pas marché, elle a couru.
Gil les vilipenda en silence. Cet échange lui était destiné, l'attestait l'œillade narquoise de Dean, qui daigna enfin le saluer.
— Gil Saint-Hilaires.
— J'espérais ne jamais recroiser ta route, déclara Will. Tu es persona non grata à tous les évènements que j'organise.
— Il le saisirait s'il possédait une graine de jugeote, rétorqua Dean. Quoique, j'ai le sentiment qu'il le sait mais a tout de même osé se présenter. La question est : pourquoi se trouve-t-il ici malgré tout ?
— J'avais cru comprendre qu'il s'agissait d'un évènement public auquel tout le monde est convié sans carton d'invitation, dit Gil d'un ton nonchalant.
Il avait espéré se fondre dans la masse de peoples et jet-setteurs ; son attirail aux couleurs sombres restait discret. À présent, il devinait que sa « signalisation » avait été rapportée au service de sécurité. L'entourage du créateur l'avait bel et bien fiché « personne n'étant pas la bienvenue ».
Pour qui se prenait ce profiteur ? Ce salopard avait soudoyé Heidi en l'achetant avec un rêve utopique et des cadeaux de mode. Toute gogol qu'elle soit, Heidi restait une fille sensible à ces choses. Le créateur lui avait piqué sa fiancée et Gil entendait bien ne pas lui laisser le dernier mot !
Sans l'ingérence de ces foutus Leblanc, leur mariage serait déjà fixé. Heidi était sienne. Personne n'en avait voulu. D'ailleurs, les Leblanc l'avaient vite jetée en annulant les fiançailles avec leur héritier, sous le prétexte fallacieux de la jeunesse des concernés. Quant à ce Will Malroy, il n'était pas en droit d'agonir Gil de reproches ; tous deux avaient le même âge et le créateur se tapait la fille ! En quoi leur situation différait-elle ? À ceci près que Gil, contrairement à Will, avait eu la bénédiction des parents de la pianiste. Ces connards ne lui arracheraient pas son tremplin dans le monde de la musique.
Épouser une pianiste-violoniste virtuose ouvrirait à Gil Saint-Hilaires les portes de la direction d'Axis Music Publishing©, la nouvelle filiale musicale de la société familiale. Heidi à son bras aurait légitimé sa nomination à ce poste, sans débat. Mais à cause de satanées interférences, le siège du directeur du conseil d'administration du label lui passerait sous le nez. Ces troubadours causaient son infortune. Gil avait déjà perdu l'estime de son père en échouant à porter les chaussures du vice-président du conseil de surveillance de la S.H.I.B©, voilà qu'il gagnait le dédain de son frère, Florent, qui le narguait depuis qu'il présidait leur groupe Axis Media©.
Et les perturbateurs de son destin avaient le culot de le traiter de persona non grata ?! Sa nonchalance céda à la virulence.
— Tous autant que vous êtes, vous vous mêlez de ce qui ne vous regarde pas. Vous êtes les indésirables !
Le faux calme de Will vola en éclats.
— T'es venu ici parce que tu te sens floué et t'espères réclamer ton « dû » ? fit-il, écœuré. Ou est-ce que tu veux pousser Heidi à demander une injonction d'éloignement à ton encontre ? As-tu un soupçon de fierté ?
— Je ne vois pas de quoi tu parles, j'en comprends encore moins les raisons, soutint Gil.
Les victimes, surtout celles d'agression sexuelle, avaient le droit d'exiger à titre gratuit une ordonnance civile de protection d'urgence, de durée plus ou moins longue, à l'endroit des suspects ou des coupables. Seulement, l'affaire devait être portée devant les tribunaux ou faire l'objet d'une enquête policière.
À la suite du procès d'Allen Van Der Litz, une réforme de loi avait allongé à vingt ans le délai de prescription, en cas d'agression sexuelle sans pénétration, de l'ordre du harcèlement ou de l'attouchement, à compter de la majorité de la victime. En cas de viol, le délai culminait à trois décennies.
Il s'était écoulé deux mois depuis l'agression d'Heidi par Gil. L'affaire étouffée en interne, les preuves matérielles avaient disparu, excepté les photos prises par Will. On pourrait obtenir la sentence d'un harcèlement moral et sexuel en se basant sur les témoignages, mais encore fallait-il que la police se penche sur ce cas. Les Saint-Hilaires utiliseraient le poids de leur fortune pour contrecarrer la justice.
Cette affaire n'aurait jamais dû se « régler à l'amiable ». Will vivrait avec ce regret toute sa vie. Celui d'avoir privilégié son catwalk au gala Meiridies, d'avoir priorisé sa notoriété au bien-être de celle qui avait détrôné la plupart de ses muses. Sa colère et son dégout de soi exigeaient de s'exprimer. Il se défoulerait volontiers sur cette pourriture, si le scandale n'éclaboussait pas la carrière et l'avenir d'Heidi. Elle finirait jetée en pâture à la presse à sensation, sans les ressources pour s'en protéger.
Inutile de beurrer les choux des médias avec la vie d'une jeune femme qui n'avait pas eu de chance. Gil le savait. D'où son impunité. Néanmoins, en isolant ce connard de la foule, Will n'avait pas l'intention d'échanger des politesses. Il saisit une grande paire de ciseaux dans une boîte de matériel de coiffure.
Malgré sa pratique de boxe, Gil ne put se soustraire à la prise de son assaillant. Plaqué contre une barre de métal servant de pilier au chapiteau, il vit danser la pointe des ciseaux sous son œil droit. Gil se pétrifia.
— Feins l'amnésie, si ça t'enchante, siffla Will. Je vais t'arracher l'œil pour le plaisir de te voir souffrir, fils de fumier ! Quand je réfléchirai aux conséquences de mes actes, tu seras aveugle. Pas facile d'en violer une autre sans tes yeux, pas vrai ?
Tendu, Dean s'avança. Il n'avait pas vu venir ce craquage.
— Will... tout doux.
— Ne me retiens pas, Dean !
Misant sur son gabarit plus étoffé que celui de Will, Gil tenta de se dégager. Il se repentit d'avoir sous-estimé la poigne du créateur.
— Si tu tiens à finir borgne, je t'en prie, enfoiré, agite-toi encore plus. Une fausse manœuvre et tu te ficheras toi-même ces ciseaux dans la mirette. Merci, ça me facilitera la tâche ! L'autre œil ne survivra pas à la charpie que je compte faire de celui-ci.
— Tu n'oseras pas ! cracha Gil.
La limite entre sa témérité et sa frayeur devint floue à mesure qu'il sentait grandir la fureur de Will. La folie dans le regard de son agresseur lui promettait de la douleur. Or le créateur avait trop à perdre en commettant un tel acte. À défaut de le ramener à la raison, Gil sollicita le bon sens de Dean.
— Arrêtez-le ! Vous savez comme moi qu'il en paiera les conséquences. Et chèrement !
— Bien que cela me répugne, je partage ton avis, avança Dean. Cela étant, je n'aimerais pas qu'on s'interpose entre moi et l'objet de ma vengeance. Aussi n'interviendrai-je pas dans celle de Will. Je trouverai le moyen de masquer son crime. Je peux bien faire cela pour un ami. Après Lucas Levy, j'ai découvert une chose ou deux en ce qui concerne le contournement du système judiciaire et le bâillonnement de l'opinion publique.
Will sourit, sardonique, comme Dean se plaçait à l'entrée de la loge et en interdisait l'accès.
— Alors, Gil de mes deux, tu ouvres les paris ?
Lentement, il fit courir la pointe des ciseaux sous la paupière inférieure de l'œil menacé. Gil loucha dessus, en proie à un horrible frisson. Sa respiration laborieuse ne dissuada pas le malade de caresser sa peau avec l'arme blanche. Il n'osait plus cligner des yeux, de crainte de bouger un cil. Will n'en tira pas satisfaction.
— Avec tout le tintamarre dehors, personne ne viendra si tu hurles.
Gil réalisa qu'il était tombé dans un guet-apens et ses chances d'en sortir s'amenuisaient. La panique afflua. Will en savoura le tableau.
— Tu comprends dans quelle merde tu t'es fourré ? T'es persona non grata parce que le comité d'accueil en a après tes couilles. Ça ne t'a pas suffi de la violer, fallait que tu la harcèles jusqu'à Soslë ? Que tu la stalkes jusqu'ici ? T'as le culot de te pointer à mon show, sous mes yeux, pour harceler ma nana ! Qu'est-ce qui me retient de te trouer, fils de pute ?!
Les ciseaux s'enfoncèrent dans l'orbite sans percer la barrière cutanée. Gil geignit.
— T'es un malade !
— Garde tes compliments, j'ai pas encore cédé à mes bas instincts, contrairement au porc que t'es.
Figé, Gil vivait un cauchemar. Son tortionnaire continuait d'enfoncer lentement les ciseaux, comme s'il comptait s'en servir de levier pour éjecter le globe oculaire de sa cavité. L'arme pointue n'avait toujours pas perforé sa peau, et Gil ne le devait qu'à l'élasticité de cette dernière.
— Putain, couina-t-il d'une voix pathétique.
— Je vois, marmonna Dean. (Il comprenait mieux la fureur de Will.) C'est pour cela que tu m'as demandé de dénicher des infos sur l'agenda exact de ce couillon.
Will lui avait demandé d'utiliser sa longue-vue MIP et zieuter du côté des Saint-Hilaires. Ce trou du cul de Gil rodait encore autour d'Heidi. Il aurait dû deviner que ce prédateur ne s'en tiendrait pas à l'accord tacite entre les familles Meiridies, Saint-Hilaires et Leblanc, d'étouffer l'affaire Heidi. Cependant, Dean ne s'attendait pas à découvrir une autre info inquiétante.
Il avait chargé la manager des Beat'ONE d'enquêter sur le business des Saint-Hilaires, car il menait plusieurs fronts et priorisait des batailles au détriment d'autres. (Cf. HC-S06(Vol.2)EP09) La requête de Will avait donné un second souffle à ces investigations sur la S.H.I.B©. L'entreprise de capitaux, qui versait dans l'Entertainment en finançant le club de soccer de Saunes, détenait, en plus de deux canaux télévisuels, le groupe Axis Media©. Dernièrement, leur label de production musicale, Axis Music Publishing©, avait racheté Bosco Record©, l'ex-label des Beat'ONE.
Depuis cette révélation, Dean et Rebecca refusaient de croire à la coïncidence entre cet achat et l'éviction des Beat'ONE de la cérémonie d'ouverture de la coupe du monde junior de soccer, au profit du groupe NITRO, poulain de la maison de production créée par Ethan Bosco. Dean saurait-il démontrer un lien entre la mise hors-jeu des Beat'ONE et l'intervention de Red au gala Meiridies quand il refaisait le portrait de Gil ?
Certes, acquérir une maison de production ne découlait pas d'un coup de tête ou coup de sang, mais la coupe du monde junior de soccer, la possession d'un club de soccer par les Saint-Hilaires... tous ces éléments corroboraient le flair de Dean, qui avait aiguillé Rebecca sur cette piste. Ayant leurs petits papiers dans les commissions footballistiques, détenant la maison de disque de NITRO, les Saint-Hilaires ne pouvaient être étrangers à la déconvenue des Beat'ONE.
Dean revint à Will qui contenait laborieusement son ire. Le créateur tira sur le col du manteau de Gil, geste rendu dangereux par les ciseaux. Gil ferma les yeux de réflexe. Mal lui en prit, il ne vit pas le genou planté dans son pubis. Plié en deux, il se farcit le maudit genou dans le nez. Le sang gicla. Son entrainement de boxe l'aida à rester sur pied. Il recula vivement, à une distance respectable. Will pointa les ciseaux dans sa direction, telle une arme d'estoc.
— Ne t'approches plus d'elle. Ne la regarde même plus ! Je te descendrai la prochaine fois que tu renifleras dans son périmètre ! menaça-t-il.
Gil s'essuya le nez, puis gloussa, inconscient d'appeler des vœux de strangulation.
— Elle quitte la peste pour le choléra, nasilla-t-il.
— Tu veux dire qu'elle a quitté un violeur confirmé pour un potentiel meurtrier ? ironisa Will. La différence entre toi et moi, Ducon, c'est qu'elle m'appelle son chevalier, quand elle s'efforce à effacer ton existence de sa mémoire.
— Qui parlera de meurtre si on plaide la légitime défense ? fit Dean. Difficile, en revanche, de maquiller un viol par de la romance quand la victime vous exècre.
Gil lança une œillade méfiante à Dean. Il jouait gros, si ce foutu créateur bénéficiait de la confiance d'un Leblanc.
— Fais disparaître ta carcasse avant que je ne réponde plus de moi, gronda Will.
Son pas en avant provoqua un pas en arrière chez Gil. L'autre caricature de dieu grec barrait toujours le passage. Il réajusta son manteau, tentant en vain de se donner contenance. Dean libéra la porte sans le quitter des yeux ; des yeux prédateurs.
— Disparais, Gil. Pas pour le bien d'Isadora, mais le tien.
Avec une once d'intelligence, le bellâtre devinerait le moment mal choisi pour s'aliéner un Leblanc. Pernicieux, Will énonça :
— À qui crois-tu qu'on accordera du crédit, si la rumeur commençait à circuler au sujet du stalker ayant du mal à lâcher l'affaire, après avoir été largué par sa fiancée pour Will Malroy ? Au créateur de W.M. ou au fils à papa méconnu que t'es ?
Question rhétorique d'un homme qui habillait la jet-set et les commères de la haute société. Capable de vous ruiner une réputation, Will changeait le scandale en gagne-pain.
— Je commencerai à Balmer. Ça te laissera le temps de rentrer à Saunes faire tes valises. Puis toutes les villes où sera organisé le plus grand défilé du monde entendront parler de ta face de looser. Pour info, ça se déroulera à Saunes l'année prochaine. Mets-toi au vert, sale violeur. Loin. Genre au Connemara, en Irlande.
— La région a son charme, affirma Dean.
Son sourire froid appuya cette terrible sentence d'exil. Gil fulminait.
— Vous ne perdez rien pour attendre ! cracha-t-il, haineux.
Il quitta la loge, le pas rageur. Dean s'assombrit.
— Quelque chose me dit qu'on le reverra.
La lueur vengeresse dans les prunelles du salopard disait « ça ne fait que commencer ». Will souffla, sa tension à peine retombée.
— Eh bien, prépare une épitaphe pour ce jour.
*o*o*
TBC ● EPISODE 06 – part 2
Souvenez-vous, le business des Saint-Hilaires a été introduit dans Hot Chili S04-EP14.part-I. Vous pouvez toujours y jeter un œil pour mieux les replacer dans le bon contexte.
*MEDIA*
Intro vidéo : Sin In Justice - Apocalyptica with VAMPS. Des lyrics qui accompagneraient volontiers l'humeur de Will et Dean.
My knight's in play
Your bishop is dead
Embrace it!
(Lose your sin in justice)
They say I'm hopeless but I'm in charge
Shut up and get the hell away!
(Lose your sin in justice)
(Lose your sin in justice)
(Lose your sin in justice)
I lose and gain my pawn's in play
Destroy it!
(Lose your sin in justice)
They say I'm heartless but I don't care
The winner will make history
(Lose your sin in justice)
So radiant, what's shining in your eyes?
Can you see it, a way to our new life?
Mysterious, what's hiding in your eyes?
Can you see it or are you just blind?
Oh, I don't wanna know
(Sin in justice) Do you understand?
(Sin in justice) Do you understand?
(Sin in justice) Do you understand?
(Lose your sin in justice)
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