S07 - EP 02 ✧ part III
Partie 3/3
À la fin du brunch, Nola, nerveuse, ne tenait plus en place. Elle consultait l'horloge de son portable toutes les cinq minutes en se rongeant les ongles. Les notifications de la page ownetwork© créée à l'occasion de l'évènement du « plus grand défilé du monde » ne connaissaient pas de répit.
— On va rater les derniers castings, dit-elle en surfant sur son écran. Le temps d'y aller, de s'inscrire... Que dis-je ? Avec autant de retard, Will me fera jamais de traitement de faveur !
— Arrête de stresser, soupira Rudy. Même si t'arrive en retard, si tes idées lui plaisent, il les prendra. Demandons l'avis d'une fashionista. Andy !
Nola voulut l'arrêter, mais trop tard, le chanteur se ramenait déjà.
— Si ça peut te rassurer, je ne passe pas le casting, révéla Red. Ma place sur ce podium est assurée.
— Normal, vous êtes Red Kellin, ça tombe sous le sens ! pleurnicha Nola.
— Ma foi, tu as raison. Mais là n'est pas la question, Baby-caramel. Tu penses y avoir ta place, oui ou non ?
Nola frôla l'apoplexie. Red Kellin connaissait son petit nom sucré ?! Il se souvenait de la petite stagiaire, finalement ? Elle se violenta et retrouva contenance avant que la star ne doute de ses facultés cognitives.
— Moi non, mais les looks que j'ai édités, oui.
Son assurance ne se discutait pas. Ce drôle de catwalk n'exposerait pas la nouvelle collection d'un créateur. Will donnait la parole au public, pas celui guindé et chic des défilés de mode à huis-clos, mais celui de la rue. La souveraineté de la créativité populaire serait à l'honneur. Le peuple reprendrait ses droits sur la mode. Toutes les tailles, tous les bonnets, toutes les mensurations étaient conviés. Nola estimait sa sensibilité artistique méritante. Cela suffit à Red.
— Le problème est réglé. Après, si tu veux en être certaine à mille pour cent, je peux toujours jeter un œil à ce que tu présenteras. Tu l'as à disposition ?
Le stress de Nola se changea en excitation. Elle embarqua son frère, Marine, ainsi que Mir et Junior qui suivirent sans rien comprendre. Elle ordonna à Rudy de lui présenter son look afin d'y apporter sa touche personnelle. Les mannequins du dimanche, revêtus, se plantèrent sous l'œil expert de Red.
Il apprécia le tableau. Mais plus que tout, l'audace de Nola l'amusait. La jeune fille jouait au designer, agençait et éditait le look des autres ; elle-même ne se considérant pas assez jolie pour mettre en valeur ses créations. Pourtant, son style au quotidien sortait de l'ordinaire. Elle serait surprise quand Will la pousserait aussi sur le podium.
— Lou, tu devrais essayer, tenta Inna. Tu es tout à fait éligible.
Lou-Ahn n'eut pas le temps de la rabrouer. Red lui mit la main au collet.
— Ton style tomboy passera sans problème. Qui d'autres y sera ?
— Inna et Saïd sont pris, répondit Blake. J'ai été recalée aux auditions. Look classique d'après le jury, bouda-t-elle.
— Je peux te donner un coup de main, proposa Nola. Ils sauront jamais que t'as été recalée, avec tous les visages qui auditionnent depuis trois jours.
— Ça s'appelle tricher, mais j'aime l'esprit, approuva Red.
Ce type n'avait rien d'un saint. À se demander pourquoi le vénérait-on, pensa Regan, depuis son coin. Blake secoua la tête.
— C'est pas possible. Ceux qui réussissent le casting reçoivent un numéro à présenter pour accéder aux loges. Pas moyen de gruger.
— Sauf si vous venez avec nous, dit Red. L'équipe de Will prendra tout le pack sans chipoter.
L'hystérie de Blake explosa.
— On doit y être à 15 h, au plus tard 16 h, parce qu'ils nous maquillent, dit Saïd.
Ayant un autre programme, Red ne fut pas de cet avis.
— On s'y rendra ensemble quand on aura fini l'atelier lyrics d'aujourd'hui. Si Will vous crie dessus, vous me l'envoyez. Le défilé commence officiellement à 18 h, mais connaissant Will et son perfectionnisme, cette heure ne sera pas respectée. De toute façon, la ponctualité à un catwalk est une hérésie.
— Amen, susurra Nola.
— Et j'ouvre le bal. L'heure de Red Kellin sera donc la bonne.
N'en déplaise au sieur Malroy, la parole d'une diva relevait de l'ordre divin.
*o*o*
Dans le bureau de Dean, Rey et Blain revenaient sur leur soirée MIP. Assis sur la table de verre, l'aîné, satisfait du débriefing, sensibilisa ses filleuls sur un sujet particulier.
— Vous apparaîtrez dans le dossier du white project de Rudy. Préparez-vous en conséquence. Ceux qui ne vous évalueront pas vous jugeront. Dans les deux cas, ils fouilleront dans vos vies. Publique comme privée.
— Ce n'est pas pour tout de suite, je m'en inquièterai le moment venu, décréta Rey. Et ma vie est déjà résumée dans un fichier de la MIP-database, consultable par les gros pontes du Club.
Y compris l'IANS. Maintenant que Rudy avait fait leur coming-out auprès de Vince, Rey n'avait rien à cacher. Blain n'eut pas le temps de paniquer qu'il dût désamorcer une seconde bombe à retardement.
— Tu viendras avec moi au siège de White Enterprise© en début de semaine prochaine, annonça Dean.
— Pourquoi ? s'étrangla-t-il en s'enfonçant dans son fauteuil.
— On donnera un petit coup de pied dans la fourmilière de leur maintenance informatique.
— Tu veux qu'il pirate leur système ? hoqueta Rey, incrédule.
— Qu'il s'y essaye en toute légalité.
— Comment ? cilla Blain, sceptique.
— En les prévenant d'une attaque, dit platement Dean. Je verrai leur temps de réaction et la quantité de données que tu soutireras avant qu'ils ne trouvent une parade. Ce genre de test est courant dans l'entreprise. Du moins, si la politique n'a pas changé.
— Mais je n'ai aucune idée du système utilisé ni de leur niveau de sécurité ! Il est possible que je ne trouve pas de faille avant qu'ils le verrouillent.
— Raison pour laquelle je t'introduirai comme stagiaire au service informatique de la maison mère. Relax, ce piratage viendra plus tard, contrairement à ton entretien d'embauche. Tu auras le loisir d'étudier leur système et d'y déceler les failles. Ça fera joli sur ton CV et tu auras un salaire. (Dean adressa un sourire au jeune homme qui perdait des couleurs.) Les L.E.A.D-3 effectuent un stage rémunéré en entreprise.
— Oh, souffla Blain.
On venait de lui trouver son stage sans qu'il n'ait bougé le petit doigt. Sa dette envers ce Leblanc grossissait, et il n'ignorait pas le dicton sur ces créanciers exigeants. Arriverait-il à l'éponger ou serait-il condamné, en échange, à satisfaire les doléances de cet homme fêlé ? Dean se tourna vers Rey.
— J'ai rendez-vous dans un peu plus de deux semaines avec Sir Hughs, à Saunes. J'aimerai que tu sois des nôtres. J'en profiterai pour jeter un œil sur le chantier de Tekhnopolis©.
— Ça m'arrange, j'avais l'intention de le voir. Ça ne tombe pas à la Saint Valentin, j'espère ?
Il s'agirait de son premier avec Rudy. Hors de question de le louper, après le rendez-vous manqué du réveillon de Noël et celui de la Saint Sylvestre. Dean, qui lui grommela « non », dut admettre après coup la pertinence de la remarque. Devait-il marquer l'évènement avec son partenaire ? Red était-il porté sur ce genre de fête romantique et commerciale à souhait ? Blain l'arracha à ses réflexions vagabondes.
— Euh...
— Je ne t'imposerai pas une rencontre d'affaires avec ton grand-père, le rassura Dean. Mieux vaut qu'il ignore à quoi tu t'emploies.
Pour le moment. Le soulagement affaissa les épaules du garçon. Dean revint à son acolyte.
— Tu as longuement discuté avec Mc Nelly, hier...
— Tu veux savoir de quoi il retournait parce que t'es curieux ou parce que t'es intéressé ?
— Rey, tant que je n'aurai pas atteint mon objectif, tout ce que feront mes filleuls lors de ces soirées mondaines servira mes intérêts.
— Qui sont ? osa Blain.
— S'assurer que Rudy vive dans un monde meilleur, glissa Rey, à peine sarcastique. Cet homme est aussi terre à terre que ça, Blain.
— Commence par avoir un fils et on en rediscute, riposta Dean.
Il ne niait même pas, nota Blain, vanné.
— Tu as conscience que si j'ai un fils, Rudy en sera aussi le père, n'est-ce pas ? Et donc, tu seras grand-père, Papy Dean.
Le regard noir de Dean fit frissonner Blain. Il se demanda si Rey n'était pas un suicidaire qui s'ignorait.
— Joseph Mc Nelly, le père de ton « ami », ironisa Dean, est l'actuel patron du groupe Green Casinos©. Utilise les tapis verts comme passerelle, si tu veux que Sir Hughs t'introduise sur la plateforme économique de Macao. Tu devras étudier la question.
La jambe de Rey tressauta de nervosité. Dean semblait déterminé à exploiter la moindre aubaine. À ce stade, il avait sans doute banni le scrupule de son vocabulaire. Le business du jeu, surtout à Macao, admettait de nombreuses ramifications, certaines peu reluisantes. Cette plaque tournante constituait le point de jonction entre le monde « honnête » et l'underground, dont le marché noir impliquait le blanchiment d'argent et autres activités illicites dans l'écosystème du mafieux et crapuleux. Pour les beaux yeux verts de Rudy, Dean irait-il jusqu'à franchir la ligne blanche ? Et lui ? En serait-il capable ? Malheureusement, Rey connaissait la réponse. Elle n'était pas négative.
— Arrange-toi pour que Mc Nelly te mette en relation avec son père.
— Et s'il le prend comme... Je veux dire, je n'ai pas envie de « l'exploiter », grommela Rey.
Leur amitié était naissante. Certes, intéressée, mais Rey voulait la cultiver avant de l'utiliser comme tremplin. Il ne cherchait pas une relation d'affaires pure et dure.
— De plus, j'ignore les rapports qu'entretiennent Jeremiah et son père. C'est par toi que j'apprends que Mc Nelly père évolue dans le milieu des tapis verts. Le mec ne m'a jamais intéressé auparavant. J'aurais pensé que Jeremiah avait accédé à la tête de la L.F.C© par voie d'héritage.
— Ce n'est pas lui que nous exploiterons mais son père.
— Nous ?
— Oui, Rey. Tu n'introduiras pas un Bacchum au MIP-Club sans que j'en supervise l'opération, avança Dean avec toute la gravité du monde. Je ne t'informe pas que Sir Hughs s'intéresse à toi uniquement parce que tu peux lui servir de porte d'entrée dans un club qui lui a toujours été fermé.
Rey soupira. Que Dean l'ait tout de suite compris le chiffonnait un peu. Cet homme mettait moins de temps qu'il n'en fallait à saisir des choses qui lui avaient demandé des jours de réflexion.
— Si je te suis, tu comptes donc l'y faire accéder ?
Le sourire carnassier, Dean rétorqua :
— Je n'ai pas encore trouvé quoi lui réclamer en guise de paiement. Mais d'ici deux semaines, j'ai le temps.
— Est-ce prudent de discuter de ça en ma présence ? s'enquit Blain, circonspect.
— C'est la preuve que tu ne représentes pas un danger significatif, lâcha Rey.
— Pas du tout, réfuta Dean. Je teste ses capacités à pousser la logique dans ses retranchements.
Le hackeur pourrait se révéler nuisible s'il en avait le cran et l'inconscience. Blain ne cafterait pas, ce n'était point son genre. Toutefois, se serait-il exécuté si cela lui avait traversé l'esprit ? Dean voulait l'amener à y réfléchir. Il teste ma loyauté, comprit-il. Son parrain MIP ne lui accordait pas toute sa confiance mais l'impliquait sciemment dans ses projets, car si fuite il y avait, il saurait d'où elle viendrait. Bon sang, j'ai intérêt à ne pas sous-estimer ce type ! Si tous les Leblanc sortaient de ce moule, il n'y avait rien d'étonnant à leur envergure politico-économique.
— Je suis attendu sur le Queen Boulevard dans une demi-heure, annonça Dean en consultant sa montre. Connaissant le trafic, je dois y aller maintenant, sinon Will me destinera tous les sorts gitans qu'il a en stock.
— Et il en connaît un rayon, ricana Rey.
Sur ce changement de sujet, son beau-père prit congé. Blain expira. Un gros soupir. Rey lui sourit avec indulgence.
— Tu t'y habitueras. Ce mec a toujours trois trains d'avance. On ne peut que lui courir après, c'est vain d'essayer de le rattraper. Ils font quoi, les autres ?
Blain lui rendit sa carte MIP.
— Merci.
— De rien. Si ça t'a aidé à conclure, je suis ravi de te l'avoir refourguée.
— De... de quoi t-tu parles ? glapit Blain, le teint rosé d'embarras.
— Rudy m'a tout raconté. À peine arrivé à Balmer, te voilà bourreau des cœurs. Tu chaumes pas !
— C'est pas ça du tout !
Mais pourquoi était-il aussi gêné ? s'étonna Rey. Cela nourrit davantage son envie de titiller le hackeur. Lui était du genre à se vanter de son petit-ami.
— Ah ouais ? J'ai cru comprendre que Saïd est dingue de toi. Il n'a que ton prénom à la bouche. J'ai vu comment il te mate. Ou plutôt comment tu le mates. Il ne te laisse pas indifférent.
Était-ce si flagrant ? se morfondit Blain. Il baissait trop sa garde.
— C'est pas tes oignons.
— Avec eux ? Crois-moi, t'as pas mis tes oignons dans le bon panier. Ils seront à tout le monde.
— Fais chier !
Hilare, Rey l'entraîna dans les couloirs de la villa, à la recherche du reste de la bande.
*o*o*
TBC ● EPISODE 03
*MEDIA*
Intro vidéo : Justified - GACKT. Parce que ces lyrics de la première strophe vont bien à Dean.
(Traduction:)
I believe that the reality that continues to revolve
out from the era of chaos
Is the only thing that will seize my hand
In a world with no pain
I can only continue to search for a real pleasure
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