S07 - EP 01 ✧ part III
Partie 3/3
— Dans la version libre comme sous licence, Red Kellin est un PNJ, Personnage Non-Jouable. Il est joué par le maître du jeu ou « l'ordinateur » si vous voulez, explicita Ria. Son comportement est algorithmique.
— Expliquez aux profanes de façon plus terre à terre le principe du jeu.
— Le principe n'intéresse personne à la télé, éluda Shelly. On vous invite à y jouer pour le découvrir vous-mêmes. Notez bien, c'est Holy Suckers Matchmakers®, HSM® pour les intimes.
Clin d'œil à la caméra. Elle maîtrisait l'art du fan-service, aidée par sa plastique bien gaulée.
— En plein dans le mile, un super coup de pub ! renifla Korgan.
— Ce qui pourrait intéresser les spectateurs, enchaina Ria, ce sont nos motivations. Les raisons derrière ce jeu.
— Et quelles sont-elles ? demanda Yuri un peu pris de court par leur manie d'imposer les questions.
— On dirait qu'elles mènent l'interview, remarqua Jay.
— Surprenant que Yuri se laisse faire, douta Rebecca.
— Pas étonnant que tu les trouves marrantes, tu te reconnais, glissa Jeff à Red.
Celui-ci haussa les épaules. La plainte de Shelly fit hausser des sourcils.
— La première raison est « dommage ! »
— Dommage ? répéta Yuri, perplexe.
— Oui, ce mec est trop beau, s'indigna Shelly.
— Et il peut être super méga trop belle, soupira Ria.
— Mais il est gay ! dirent-elles en chœur, écœurées.
Ariel Yurievich ne fut pas le seul interloqué.
— Et... ça vous pose un problème ? J'ai du mal à croire que des conceptrices d'un jeu axé « boy's love » aient un souci avec l'homosexualité.
— Il n'a rien pigé, hein ? déplora Shelly.
— Grave, fit Ria, dépitée. T'aurais dû demander une invit' à The Jim-Kim Show. Ariel Yurievich, c'est juste une grande gueule, comparé à Jim Kim Weller. Il n'a pas sa classe ni sa subtilité.
Red éclata de rire.
— Je les kiffe !
— Ils n'ont pas coupé ça au montage ? s'étonna Sacha.
— Sûrement pour le buzz, marmonna Rebecca. Quelque chose me turlupine.
— Mais on vous adore, Ariel, vous êtes aussi irrévérencieux que nous, le cajola Shelly, sans grand succès.
Vu la tête du chroniqueur, il les maudissait en sourdine. Et son attitude interpellait Rebecca. En outre, Shelly l'appelait « Ariel », quand l'homme était connu dans le milieu et à l'écran sous le petit nom de « Yuri ». Quelle était la nature des rapports entre ces deux individus ? Où commençait et finissait le copinage ?
— Ce qu'on essaie de dire, c'est que Red Kellin aurait dû être une nana, reprit Shelly. Deux chromosomes X bien gaulés qu'on aurait dévorés, susurra-t-elle.
Elle se mordit la lippe de façon suggestive, comme Ria roucoulait à la caméra.
— Rrrr ! Hélas, on ne peut pas l'avoir. Du coup, par dépit, on a créé le jeu, conclut-elle d'un air tristounet.
Elle semblait sincère. Un silence frappa le plateau, puis les rires fusèrent.
— Ce sont des Holy Suckers pour le moins atypiques, concéda Jay.
— Ce sont surtout deux petites pimbêches, lâcha Rebecca. Dites, les jeunes, quel est le nom de famille de ces gueuses ?
— Euh... Ria Sommerfeld et Shelly..., commença Blake. (Elle se tourna vers Lou-Ahn.) Comment elle s'appelle déjà ? T'es son ex, tu devrais...
Elle ne finit pas sa phrase, bâillonnée par Saïd. Cette idiote essayait d'écourter sa vie. Cependant, Lou-Ahn n'eut pas la tête à la défoncer, sciée par sa réalisation.
— Shelly Yurievich ! souffla-t-elle. Comment ai-je pu zapper ça ?! Ce fichu monde est trop petit !
Ou alors, la manager des Beat'ONE était trop forte ! Rebecca sourit, victorieuse, et continua à surfer sur sa tablette.
— Il ne me reste plus qu'à vérifier si le même sang coule dans leurs veines. Mais j'en suis quasi certaine.
Elle reçut les félicitations du jury.
— Tu avais raison, elles se permettent bien des largeurs, dit Sacha. Ça s'explique par leur lien avec le chroniqueur. Il me semble que Yuri est aussi le réalisateur et l'un des producteurs de New Project. Il a quasiment la liberté du choix de ses invités.
Le concerné se racla la gorge :
— Je vois. Vous ne craignez pas le retour de cette... de ce subtil coming-out ?
— Subtil qu'il dit, renifla Shelly. Vous n'auriez pas dit le mot « coming-out », je parie que certains auraient suivi cette émission jusqu'à la fin sans tilter !
— Non mais, c'est vous qui manquez de subtilité, soupira Ria, lasse. Si ça peut vous rassurer, on ne le cache pas. Y'a longtemps qu'on a quitté le placard.
— Moi j'ai la chance de n'y avoir jamais vécu, révéla Shelly. Et je remercie ma famille pour ça. Même si je trouve triste qu'on doive remercier nos proches de nous accepter tel qu'on est. Pour revenir au jeu, on ne pouvait pas créer un visual novel de type boy's love et ne pas assumer notre appartenance à la communauté LGBTQI+.
— On le vit très bien. Contrairement aux idées reçues, ce n'est pas parce qu'on vient d'un milieu élitiste que les mentalités sont toutes coincées. En ce moment, notre fac a lancé un mouvement LGBTQI+ appelé « Gay Friendly Motion ».
— GFM, si vous êtes plus langage SMS, glissa Shelly. Le nom est un peu restrictif, mais seul le but importe : faire la guerre aux préjugés et à ce vieux code conservateur un peu homophobe qui emprisonne l'image de Darney dans un passé puritain.
— Venez faire un tour du côté de Darney-City, c'est plutôt mouvementé, invita Ria. Les mentalités changent. Et Red Kellin travaille en ce moment avec les étudiants qui ont lancé ce mouvement. Ça promet du lourd ! C'est cool d'être Darneyen, aujourd'hui.
— Hey, elles nous font de la pub, apprécia Teddy.
— Caramel, chuchota Rey à sa seule intention, un brin préoccupé. Ta mère... Je crois qu'elle t'a contacté hier soir parce que le Canal 3 craint de perdre l'exclusivité sur la GFM au profit du Canal 6.
Rudy tomba des nues. Son petit-ami n'en avait pas vraiment la preuve, mais les spéculations de Rey n'étaient pas des hypothèses en l'air. L'engouement subit de Sonia pour la GFM pourrait s'expliquer par cette évolution dans les coulisses. Il remercia la clairvoyance de Rey d'une caresse dans le cou. Tous feignirent de ne pas remarquer leurs mamours.
— Ces pimbêches nous font de la pub, du coup elles remontent dans ton estime ? persifla Inna, incendiant Teddy du regard.
— On doit leur reconnaitre de mener le même combat que nous sur le front de la GFM, avança Rudy.
— Pour des gens qui luttent contre l'intolérance, vous êtes prompts à juger, émit Rey, conscient de raviver des griefs.
Il s'en amusait tant que ceux ayant une dent contre lui refusèrent de rentrer dans son jeu.
— Mettons nos préjugés sur OFF, d'accord ? temporisa Rudy.
— Sa sainteté Leblanc a parlé, énonça Junior, sarcastique.
— Mir, s'il te plaît, sollicita le blondinet.
Manquant de reflexe, Junior essuya la taloche de son ami sous les rires de leurs camarades. Dean étudiait la scène, un brin troublé. Les interactions sociales de son fils lui révélaient assez la place de Rudy dans son cercle d'amis ; une place similaire à celle occupée par son frère, du collège à la fac. Dan avait été le point géocentrique de sa sphère sociale, de façon consciente ou inconsciente. La similitude avec Rudy était-elle forcément une mauvaise chose ?
— La version sous licence de votre jeu est toujours en phase bêta ? interrogea Yuri.
— Ouais, c'est en cours de finalisation, confirma Ria. Le jeu en ligne n'a pas vraiment de version « finale » à cause des constantes mises à jour. Shelly se charge du chara-design et moi de la programmation en général. Pour le scénario, on prend en compte les tendances qui évoluent, les rumeurs qui changent, les polémiques du moment, la une des médias ; tout plein de données qui fluctuent, dit-elle en agitant les doigts.
— Ça doit vous demander un travail énorme vu la diversité des médias, et tout ce que nous sort Red Kellin par mois...
— Oh ça va ! rouspéta Red. J'ai pas encore retrouvé mon rythme de croisière, alors me titille pas, Yuri.
Tous aux abris ! Cet imbécile de chroniqueur réveillait le dragon à son insu.
— Pas vraiment, répondit Shelly. Notre principale source d'infos est Internet. On a mis au point un logiciel qui fait le job à notre place. Il pioche sur les réseaux sociaux et ailleurs des infos sur les Beat'ONE et plus précisément sur Red Kellin. Ce qu'il dit, fait, mange, bois, pisse si on veut. En tout cas, ce qui circule librement.
— Elles peuvent faire ça ? s'horrifia Red.
— C'est faisable, confirma Blain. Le logiciel doit fonctionner comme un moteur de recherche configuré sur des mots clés. Comme votre nom et celui de votre groupe.
N'ayant pas l'habitude de s'exprimer en public, il marmonna la fin de sa phrase lorsqu'il sentit le poids de l'attention collégiale.
— Tu pourrais pirater ce jeu ? demanda Rudy.
— Ça dépend, répondit-il avec réserve.
— De quoi ?
— De tes motivations.
Ils notèrent tous que Blain n'avait pas refusé. De quoi se poser des questions sur l'intégrité de cette bande d'amis.
Nola toisa Rudy avec des yeux ronds. Il n'était pas sérieux, si ? Son ami était vraiment un pirate informatique capable de porter préjudice à un jeu aussi génial que HSM® ? Pas étonnant qu'elle n'ait pas d'atomes crochus avec ce Blain. Il représentait une menace pour la fangirl et le fanboy !
— Je conçois qu'avec un tel logiciel, Red Kellin ait revendiqué des parts sur votre jeu, siffla Yuri, impressionné.
— Il a été super cool, sourit Shelly. Il aurait pu nous coller un procès pour atteinte à son image.
Red remua la tête.
— Elles mentent vraiment comme des arracheuses de dents professionnelles.
— La pire, c'est cette Shelly qui utilise sa belle bouille en espérant passer entre les mailles du filet, s'indigna Rebecca. Je vais te me les faire !
— Gardes-nous un morceau quand même, recommanda Jeff.
— J'ai entendu dire que les frères Devon vous auraient encouragées à poursuivre ce projet, quitte à payer les avocats les plus émérites en cas de litige avec le chanteur.
— Bon, les frères Devon ne sont pas des saints, nuança Ria. Ce sont des génies, c'est tout.
— Ils estiment qu'il est préférable de demander pardon, que de quémander la permission. On s'est un peu trouvés sur ce terrain-là. Mais il y a des limites à bafouer le politiquement correct, alors les choses ont été fixées et remises en règle, déclara Shelly.
L'outrage de Sacha fleurit.
— Comment peuvent-elles l'affirmer avec autant d'aplomb face aux caméras ? Je reconnais volontiers être du genre à manipuler un peu mon petit monde, (« un peu » seulement ? sembla dire le regard en coin de son époux), mais là, je leur tire ma révérence.
Le malaise généré par leur double-jeu grandissait.
— Elles vous dévoilent leurs armes, dit Rey. Elles ont les Devon Fischer en back-up. Ça leur donne de l'assurance pour vous confronter.
— On en saura davantage bien assez tôt, marmonna Rebecca. Donnez-moi les coordonnées de ces impertinentes. Si vous ne les avez pas, débrouillez-vous pour les obtenir en moins de vingt-quatre heures.
Limite si les Darneyens ne répondirent pas : « cheffe, oui, cheffe ! »
— Passons à table, proposa Dean. Cela m'a ouvert l'appétit.
L'idée de phagocyter les droits des frères Devon sur leur réseau social devenait alléchante, à mesure qu'il suivait ces mensonges télévisés. Ainsi, les Fischer encourageaient leurs protégées à bafouer la loi... Il avait dit ne pas s'en mêler, mais il avait aussi promis ses foudres à quiconque toucherait aux siens, d'une manière ou d'une autre. De plus, Red considérait les Devon comme deux goujats. Dean n'aurait aucun scrupule à sévir.
Les Fischer étaient MIP, et il disposait d'un hackeur en phase d'évaluation, récemment promu MIP. La partie s'annonçait amusante : rattacher à la White chain un nouveau maillon nommé ownetwork©.
*o*o*
TBC ● EPISODE 02
Et c'est reparti, ça complote, ça complote. Cesseront-ils jamais, un jour ?
*MEDIA*
Intro vidéo : Ready to Play - Club Danger. Des lyrics qui vont bien à l'état d'esprit de la Beat'ONE Family à la fin de cet épisode.
This is a dream world we're living in
Every move feels like a new beginningI can't believe my eyes
I'm feelin' so alive
All the colors in overdriveYeah yeah yeah
Game time
Game timeYeah yeah yeah
Aim high
Aim highYeah yeah yeah
Game time
Game timePower up
Here we goAre you ready to playAre you ready to playGet ready
The world's at your fingertips
There's nothing like thisAre you ready to playYeah the future's todayGet ready
The world's at your fingertips
Are you ready to playA new phenomenon is rising
Let the magic flow through your veinsAdrenaline running hot
Keeping the target locked
It's a rush that never stops
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro