Partie 3/3

Voyant Red s'attarder sur le porche, Rudy lui tint compagnie. Il désigna la Pagani du menton.

— Elle est à qui ?

Red passa le bras autour de ses épaules pour le tenir chaud.

— C'est un cadeau de ton père, murmura-t-il.

Rudy le dévisagea, le souffle coupé. Son père avait offert ça à Red ! Putain de wow !

— Elle en jette ! Elle est trop belle.

— Je partage cet avis, s'en gorgea Red, extatique.

— Tu me laisseras l'essayer ?

— Quand tu veux.

Sa joie passa pour une entité palpable, puis Rudy cilla, préoccupé.

— Ça a dû coûter la peau des fesses.

— Quand on aime, on ne compte pas, édicta Red d'un ton docte. (Rudy pouffa.) Je n'ai jamais autant apprécié les avantages d'une carte MIP.

— Tu m'étonnes. Il t'a offert ça sur un coup de tête, je parie. C'était pas prévu.

— Honnêtement, je n'ai pas envie de savoir le processus qui l'a conduit à une telle extravagance.

De la culpabilité, certes. Mais Red avait choisi de ne pas s'attarder dessus.

— C'est pour te remonter le moral, avança Rudy. Je t'avais dit que p'pa sait y faire.

Red resserra son étreinte. J'aime ta naïveté, Rudy. Quelque part, elle est vivifiante. Néanmoins, le jeune homme n'avait pas si tort. Son moral ne zonait plus dans ses chaussettes.

— On a fait du karting. Puis on a testé sa vitesse de pointe sur un circuit de rallycross. Cette caisse est une vraie balle d'aérodynamique supersonique. C'était. Trop. Bien ! Je te raconterai dans le détail.

Le dégoût de Rudy ne rata pas son rendez-vous :

— Pourquoi y'a qu'avec toi qu'il fait ce genre de chose ? Vous m'invitez jamais !

— Fais pas la gueule, poussin. C'était juste un concours de circonstances... OK, promis, la prochaine fois tu viendras avec nous, capitula Red face à la moue boudeuse. Quels parents indignes on fait, d'oublier ainsi un si mignon bébé !

Il pinça affectueusement le nez dudit bébé. Rudy se déroba, hérissé.

— Pousse pas le bouchon non plus !

Deux fois que l'allusion à « parents » revenait avec Red. Il en frissonna presque d'horreur. Red éclata de rire. Il fut soulagé lorsque la limousine vomit ses derniers occupants.

— Vous foutiez quoi ?

— Cette quiche a trouvé le moyen de coincer la fermeture de sa jupe dans le cuir des sièges, rétorqua Dilan. Je me demande encore comment elle s'y est prise.

Chloé lui administra un coup de pochette Gilano.

— Crie-le plus fort, ils n'ont pas bien entendu. C'est gentil de me foutre la honte devant mon beau-frère préféré. Hey, mais qui voilà ? s'illumina-t-elle en voyant Rudy. Celui qui nous a donné des aigreurs d'estomac à n'en plus finir.

— Bonsoir, Chloé.

— Dans mes bras, dans mes bras ! C'est bon de te savoir parmi nous.

Dilan remua la tête. Depuis quand se montrait-elle si familière avec Rudy ? Il lui souhaita aussi un bon retour parmi les siens.

— Dave est là ? s'enquit-il.

— Aucune idée, fit Red. Je te signale qu'on est venus ensemble.

Ils interrogèrent Rudy.

— Je ne l'ai pas vu de la soirée. Je ne savais pas qu'il venait.

Chloé pouffa.

— Mais tout le monde vient, Rudy. La terre entière serait aux portes de cette propriété si elle en connaissait l'adresse. Ça jase sur internet, t'as même pas idée. Rien que sur ta page et celle officielle de Rey, c'est le rush, l'embouteillage, tellement il y a de connectés.

Rudy frissonna et ce ne fut pas de froid. Il répondait à quelques questions de Chloé en pleine déformation professionnelle, quand le crissement de pneus sur les gravillons attira leur attention. Une Saleen S7 évoluait avec prudence parmi ses congénères luxueux. Elle se gara derrière la maison, alors que les invités n'avaient pas osé franchir la limite imposée par les fleurs. Le conducteur avait l'habitude des lieux, car il sut éviter les pièges du jardin.

La curiosité de Rudy et de ses acolytes les maintint sur le perron. Quelle ne fut pas sa surprise de voir Brendan apparaître aux cotés de Blacky, en pleine discussion. Enfin, Brendan faisait les questions et les réponses. Pourtant, Blacky semblait activement participer à la conversation. Ce type était intrigant. Blacky = Bizarre, résuma Rudy. Donc son garde du corps avait quitté la propriété à un moment donné sans l'en avertir... Discuter carte sur table des règles du jeu et des clauses de son contrat s'imposait. Bouche bée, Chloé exhala :

— Wah, Brendan Solem.

— Rentre, Chloé, je ne voudrai pas que tu attrapes froid.

Red se moqua du commentaire de son frère. Le footballeur apprécia la vue sans se gêner. Autrement dit, il reluqua la femme.

— Joli comité d'accueil.

Elle lui sourit, intimidée, et pria que son homme se tienne. Certes, elle n'était pas un butin que se partageaient du mâle viril, mais c'était Brendan Solem quoi ! Il y a trois ans, elle rêvait de porter ses bébés ! La voix rauque de son comparse l'éjecta de son fantasme.

— Vais y aller.

Avant même de penser, Rudy protesta :

— Mais tu viens à peine d'arriver !

Red l'interrogea en silence. Qui était-ce ? Le jeune homme à l'allure sombre haussa un sourcil embêté.

— Il a joué au soldat face à l'armée zombie de journalistes qui me cloîtrait chez moi, révéla Brendan. Ensuite, je l'ai recyclé en chauffeur. Il n'est que de passage.

Son explication essuya un regard acerbe de Blacky. Rudy se serait ratatiné à la place, mais Brendan arbora son éternel sourire canaille. Blacky grogna :

— La prochaine fois que tu demanderas de l'aide à un ami, raye-moi de la liste.

— Sois pas rancunier, je plaisantai, se repentit Brendan. Ma liste est si courte que si je te raye, je n'aurais plus de liste.

Rudy sourcilla. Brendan avait fait son lycée avec Dakota Parker et était un ami de Blacky... ? Hors de question que ce dernier s'en aille ! Pas avant qu'il n'ait résolu son mystère. Il gardait aussi Brendan sous le coude.

— Ce ne sont pas des heures sup' que je te demande. Reste le temps de prendre un verre avec ton pote.

— Qui c'est ? souffla Red, intrigué par le personnage.

— C'est Blacky-caramel, mon garde du corps personnel.

— Ah, fit Red.

Face au large sourire de Rudy, Blacky marqua un mouvement de recul. On aurait dit un gosse présentant son Action-man grandeur nature à son grand-frère, avec la mine radieuse de circonstance. Le rire adipeux de Brendan l'empêcha de répliquer.

— Blacky-caramel ? Remarque, tu n'en es plus à un surnom près. Le petit t'invite, Mika, insista Brendan. Allez, te fais pas prier.

D'un bras autour de ses épaules, il l'empêcha de se dérober. Rudy dressa l'oreille.

— Tu t'appelles Mika ?

Ouais, il se gardait définitivement Brendan sous le coude. Blacky soupira, sombre. Pour changer, tiens, pensa Rudy, découragé. Notant sa déception, Brendan le prit en pitié.

— Il n'est pas causant parce qu'il a la gorge très irritée.

— Oh... je ne savais pas.

— Mais c'est aussi un taciturne de nature, poursuivit Brendan. C'est difficile de lui soutirer quelque chose, même sous la torture. Tout ça mis de côté, c'est tout de même étrange que tu ne connaisses pas le nom de ton garde du corps personnel, appuya-t-il, sarcastique.

Il dévisagea son camarade. Par quel jeu du sort a-t-il fini garde du corps d'un Leblanc ?! se demanda-t-il, effaré. La dernière fois que ce type avait joué les gardes du corps, son client avait mal fini ! Son supérieur était-il tombé sur la tête ? Peut-être qu'avec Rudy, les choses seraient différentes, se dit Brendan sans conviction. Pour ne rien arranger, le blondinet avait une bouille à câlin. Cette situation indiquait « catastrophe » en sous-titre. Déjà, ce bougre d'imbécile s'était débrouillé pour refiler ce surnom particulier à son protégé ! Rudy soupira.

— Tu l'as dit, il ne divulgue rien sous la torture. Je suppose que je ne l'ai pas assez torturé pour lui soutirer son nom. Mais je ne désespère pas. Personne ne me résiste longtemps. Les bruns en particulier.

Blacky fit des yeux ronds. Brendan céda à son hilarité communicative.

— On te croit, beau blond.

— Depuis quand t'es aussi audacieux ? s'étonna Red.

— C'est parce que tu t'échines à ne voir que le « Caramel-vanille » mignon, Andy, avança Chloé. Je me souviens d'un garçon sexy qui a roulé un patin indécent à son mec, dans un resto bondé, pour me signifier qu'il était une chasse gardée.

— Parce que tu draguais son mec ? s'indigna Dilan.

— Ce qu'il peut être bête, soupira Chloé.

Sous le rire de Red, Rudy se gratta la tête, penaud, dévisagé par Dilan, Brendan et Blacky. Il voulait disparaître.

*o*o*

TBC ● EPISODE 44

*MEDIA*
Intro vidéo : ZAYDE WOLF - GOLDEN AGE. Parce que la légereté des lyrics va bien à l'humeur des personnages.

I woke up this morning
The future was calling
And I can't ignore it no more
I've got my dark side
But I see that sunshine
But I can't just stand here no more

Like a chosen one
Like a chosen one
I was made to run
I was made to run

Don't you know that we
Are living in a golden age
Don't you know that we
Are living in a golden age

If I take each moment
Like I'm a poet
And make us feel something we miss
Laughing and crying
Live like we're dying
And never look back at what if