S06 - EP 40 ✤ part II
Partie 2/3
Durant son stage chez W.M, Nola avait côtoyé P-G, fille et filleule de rockstars iconoclastes. Là où Peneloppe aurait pu être imbue de sa personne – douée, mignonne, enfant mannequin –, la fillette était un parangon de vertu comparée à cette Kimber Mi-Hyun. De la poudre aux yeux, tous ces airs que se donnait la demoiselle. Elle évoluait peut-être sur un tatami mais ne savait rien de la véritable adversité. Nola se fit une joie de la lui apprendre.
— Première leçon, Kim'kim : les techniques de drague à deux wons ne marchent pas avec les gens déjà en couple.
Les plumes de Mi-Hyun se frisèrent. Comment osait-elle !
— Deuxième leçon : prendre une potentielle conquête pour un cobaye de méthodes d'accroche à deux balles n'est jamais flatteur quand celle-ci s'en rend compte. C'est insultant pour l'autre, de croire qu'on arrivera à le draguer avec une technique dévaluée bas de gamme, pis que soldée, troisième démarque.
Nola glissa une œillade à Darel. Celle-là, elle la lui dédiait aussi.
— Le risque est de passer pour un naze ou pour une bouffonne. Et encore, tu es chanceuse si l'autre ne se fout pas de ta gueule par politesse. Tes oppa chéris auraient dû te l'apprendre.
— Eh ben, t'es exigeante comme meuf, fit Dwayne.
— J'exige de la qualité de mes dragueurs, évidemment. Si je n'ai pas une haute estime de moi, qui en aura ? Ce n'est de toute évidence pas ce qu'on lui a appris, dit-elle en désignant Mi-Hyun du menton. Je suis altruiste, je rectifie le tir.
— Nola..., maugréa Bill.
Ça partait en couille. Encore ! Une fois de plus, à cause de sa calamité de sœur. Tout le monde la dévisageait à présent. Il n'avait pas envie qu'elle lui fasse honte, mais trop tard, la catastrophe Nola suivait son cours.
— Quoi, je ne peux pas me montrer pimbêche, mais on va passer l'éponge pour ce mini-modèle de diva ? Cette diva de poche n'est plus dans la tranche d'âge où on s'exclame « how cute! » quand elle raconte des inepties ou que son attitude laisse à désirer. Désolée de ne pas faire preuve de laxisme, mon crédit « indulgence » est à découvert.
Adoptant un ton condescendant, Nola s'adressa à son frère, ignorant l'outrage causé par le choix rabaissant de ses qualificatifs :
— Peut-être que tu l'ignores, Billy, mais mademoiselle a ses hormones qui la travaillent. Et je la comprends. Vraiment. On partage la même condition pubertaire et ovarienne, dit-elle en plaquant une main contre sa poitrine. (Son regard se durcit.) Mais quand son attitude me catapulte sur un ring, je sors les gants et je boxe dur. Je lui apprends à être une vraie bitch, frangin. C'est le niveau requis si elle veut la jouer « je te sors mes crocs tout mignonets, parce que j'ai un public de « bô mâââles », mes oppa y compris ».
Le rire de Lou-Ahn explosa dans le silence imposé par la diatribe de Nola.
— C'est une façon peu subtile de complimenter ses oppa. « Beaux mâles »... Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
Saïd l'accompagna dans son délire. Ils semblaient les seuls à y trouver quelque chose de comique. Le conflit Nola vs Mi-Hyun suscitait la perplexité et le malaise, mais deux hyènes ricanaient. Rudy ne sut comment réagir. Il sentit l'interrogation de Sergil avant que l'homme ouvre la bouche.
— C'est ce que tu entendais par le potentiel vanneur de tes amis ? S'en prendre à plus jeune que soi ?
Rudy ne s'y attendait pas. Surtout de la part de Nola. Il la fusilla du regard.
— Ce n'est encore qu'une gamine. Et tu le sais. Elle n'a même pas quatorze ans !
On lui servit un plateau d'yeux globuleux. OK, ça devenait urgent de recadrer les choses, réalisa Rudy, alarmé. Tous ces pénis voyaient une jeune fille plus proche de dix-huit ans que de dix ans. La tête des frères Wales lui indiqua qu'ils arrivaient à la même conclusion. Loin de digérer sa surprise, Bill houspilla sa sœur :
— Tu devrais avoir honte !
Nola afficha une expression satisfaite.
— Non, tu crois ? Je prédis qu'on sera copines.
Elle avait atteint son objectif. Seule Mi-Hyun le comprit. Nola savait qu'elle se sentait mieux quand on lui attribuait l'âge de sa taille. Cette fille avait trouvé sa faille. Mi-Hyun se violenta pour ne pas se laisser atteindre, mais le coup avait déjà porté. Un cocktail âcre de colère et mortification menaça de l'intoxiquer. La moutarde de la gêne lui monta au nez.
« Ce n'est encore qu'une gamine. » Elle haïssait ces mots, hélas, trop vrais pour être niés. Elle avait verrouillé Nola sur un préjugé, celle-ci lui avait collé une étiquette sur le dos. Or elle n'avait pas de défense face aux armes de cette Nola. Elle cognait. La garce exécrable, elle ne savait pas gérer. La perspective d'une défaite lui mit la larme à l'œil. Mi-Hyun ne supportait pas la reddition au bout de seulement quelques secondes de combat. Ayant sous-estimé son adversaire, elle en payait le prix. Rageant ! Remarquant ses yeux brillants, Bill siffla, acerbe :
— C'est malin, Nola.
Celle-ci soupira. L'attaque des larmes. Classique.
— Tu ne vas pas pleurer pour ça, cocotte.
Le poing vaillamment serré, Mi-Hyun se mordit la lippe, mais sa résistance contre ses glandes lacrymales s'amenuisait face au public. Bientôt, ses larmes de crocodile activeraient le mode « furie » de ses frères ; le témoignait le regard noir de Mir et Taiji. Kyle, peu dupe, étudiait sa sœur. Nola ne se démonta pas.
— Raison pour laquelle je m'inquiétais de te savoir à une soirée de « grands », chérie. On aurait dû t'expliquer que c'est pas une fête pour les petites pleurnicheuses.
Rudy devança Bill.
— Nola, ça suffit, gronda-t-il. Qu'est-ce que t'as depuis hier ?
Il ne la reconnaissait plus. Nola fit la moue, puis un tour de table. Tous contre Nola, yay ! Même Saïd avait cessé de pouffer.
— Bouh, la méchante Nola a fait pleurer la mignonne Mi-Hyun !
À leur expression sombre, les grands-frères Wales ne la portaient plus dans son cœur, pour peu qu'elle y eût figurée. Blasée, Nola les regarda tour à tour droit dans les yeux.
— Une copine de promo m'a dit que St Pearl était un repère de serpents. Elle y a commencé son lycée, avant de se réorienter et un déménagement à Saunes la fait atterrir dans mon institut. Vous êtes sûre qu'une Wales chialeuse y survivra, si elle doit y faire son lycée ? Ensuite ce sera quoi, Darney ? (Elle ricana.) La bonne blague ! Après on scandera avec orgueil, à qui voudra l'entendre, que mon grand-papounet a été président de la république.
Son cran haussa bien des sourcils. Lou-Ahn dut lui reconnaître du mordant. Mir ne tint plus.
— Elle n'a que treize ans ! éructa-t-il.
Il n'appréciait pas du tout l'attitude de Nola. Un euphémisme. D'où Rudy sortait cette fille ? Ladite fille, nullement impressionnée, lui planta un index dans l'épaule.
— Ça, c'est ton avis, Mirabilis. Et je n'en ai rien à carrer !
Ceux qui connaissaient l'impulsivité de Mir cessèrent de respirer. Sans distinction de genre, ce dernier tordait le bras de tout individu osant lui manquer de respect. À la surprise de ses proches, il semblait désarmé face à Nola. Pour sa veine, il l'avait trouvé super mignonne dans son costume de mascotte d'Uncle Bro'. Son cosplay lui avait rappelé sa sœur. Cette image résiduelle scellait sa violence, à son corps défendant. Nola n'avait pas fini.
— Ce n'est qu'une gamine de ton point de vue, Mir. Seul son avis m'intéresse.
Elle pointa Mi-Hyun du pouce. Celle-ci grogna, agacée :
— Je ne pleure pas.
Ils l'avaient reléguée à la case « petite pleurnicheuse », maintenant que son frère avait révélé son âge. Le choc leur coupait le sifflet, et elle lisait « grand bébé innocent » dans leurs yeux. Tous attendaient désormais que Nola se repente d'avoir fait pleurer une pauvre adolescente sans défense. Tous sauf Nola. Elle se surprit à apprécier que la pimbêche n'éprouve aucun remord. Cette fille la regardait vraiment. Peut-être parce qu'elle vivait le même calvaire de petite-sœur, de bambine de la portée. Celle qu'on ne voyait pas grandir, ou à qui on refusait « l'envie » de grandir. Du lot, seule Nola comprenait. Père a raison, un mauvais calcul a toujours un coût. Elle venait d'apprendre la leçon.
— On ne va pas monter ça en épingle. J'ai été odieuse et agressive envers elle, vous l'avez vu. Inutile de le nier. Elle a riposté. Certes de façon sournoise et très discutable, mais c'était de bonne guerre. Je reconnais que ça frappe fort, une bitch.
Nola arqua les sourcils. La hache de guerre était enterrée ? Elle en doutait mais afficha un sourire canaille.
— Je vous avais dit qu'on serait copines. Viens, faut que je te montre un truc.
Elle prit Mi-Hyun par la main. Celle-ci retira la sienne, méfiante. On ne passait pas de la guerre à la camaraderie en un clin d'œil. Pas dans son monde.
— Montrer quoi ?
Nola se dit qu'il fallait la décider.
— Mon dieu, t'as vu tes couettes ? Elles sont affreuses.
Mi-Hyun se saisit de celle que Nola venait de toucher et la serra contre sa poitrine en un geste défensif. Elle se sentit soudain vulnérable. Mir serra le poing ; sa colère connaissait un nouveau pic. Un rictus trahit le même sentiment chez Taiji. Cette fois, Kyle posa un regard glacial sur Nola. Ses traits n'exprimaient rien, mais ses yeux... Une pensée insidieuse réveilla la chair de poule de Nola, soudain mal assurée. Des trois, il était le plus à craindre, et non à cause du droit d'aînesse. Ceux dont le langage corporel restait illisible avaient un côté un peu fêlé, de son humble avis. Elle renvoya la « bitch » à la niche, celle-ci avait fini sa promenade.
— Je ne dis pas que c'est ta faute. Tu as de très beaux cheveux que je t'envierais. Mais avec trois grands-frères, qui va t'apprendre à te faire belle ?
— Ma... maman ? répondit Mi-Hyun.
Son hésitation candide fit fondre Nola. Elle ne fut pas la seule, à en juger le regard apitoyé de Marine et Sandy. Ouais, il y avait un chantier. La pauvresse avait un pied dans l'enfance et se payait malgré elle un corps de grande fille. Pas évident de s'adapter à ce déphasage.
— Ma pauvre chérie, pour nos mamans, nous resterons toujours leurs bébés. Quel que soit notre âge. Et ce sort est puissant quand on est ado.
— D'accord avec toi, maugréa Mi-Hyun.
Combien de fois sa mère avait posé son veto sous prétexte qu'elle était encore trop jeune pour porter un modèle de chaussures sur lequel elle avait flashé, alors qu'elle avait la bonne pointure ; un chemisier qui siérait à sa silhouette longiligne ; un manteau couture qui l'habillerait et la grandirait un peu ; une paire de bas élégamment brodés ; même rien que des gants chics en cuir qui faisaient « femme sûre d'elle ».
— J'ai un truc qui va t'intéresser, je te dis. (Cette fois, Nola prit Mi-Hyun par les épaules, qui fut trop déboussolée pour la repousser.) Si ça peut te rassurer, je suis en troisième année d'une institut de mode à Saunes. Et l'année dernière, j'ai effectué un stage de six mois à W.M avec Will Malroy en personne, comme maître de stage.
Bil gémit. Très fort.
— Et c'est reparti pour un autre tour. Faudrait voir à changer de disque, sœurette. On n'en peut plus !
La sœurette dédaigna son exaspération. Elle avait trouvé un bon public. Mi-Hyun s'illumina.
— William Malroy, vrai de vrai ?
— Histoire vraie. Fais-moi confiance, Kimber. Je vais te montrer quelques astuces.
— OK.
Elles disparurent dans une aile de la villa. Un silence hébété suivit leur départ. Darel le troubla.
— Sérieusement ? (Ce mot résuma l'incrédulité générale.) Elles sont devenues copines ? Comme ça ?
Il attendait une réponse de Mir, à défaut d'en avoir une de Bill.
— « Je ne comprendrais jamais les filles », dit Lou-Ahn. Ceci est la transcription exacte de l'expression qui se lit sur vos visages d'ahuris, messieurs. Saïd étant l'exception qui confirme la règle, bien entendu.
— Bien entendu, approuva Saïd.
Marine, hilare, s'appuya sur l'épaule de Bill.
— Cette fille a un don. Celui d'énerver en restant géniale. Ta sœur est une peste, comme la majorité des sœurs, mais au fond de toi tu sais qu'elle est une perle.
Elle suivit les disparues, accompagnée de Sandy. Saïd hésita une seconde puis leur emboîta le pas. Rien à foutre des moqueries, il s'était découvert de nombreuses affinités avec elles, lorsqu'elles juraient leurs grands dieux de fashionistas – Nola était un puits à références et anecdotes de mode. Cerise sur le gâteau, elles lisaient désormais ses fictions et se montraient dithyrambiques en commentaires. De tels copines valaient de l'or. Peu importe leur âge.
*o*o*
TBC ● EPISODE 40 - part 03
*MEDIA*
Intro vidéo : Tommee Profitt ft. Sam Tinnesz - Cruel World (nightcore version). Des lyrics que dirait bien Nola à Mi-Hyun.
Can you hear the wind that's howling
Through the concrete trees
Got you praying on your knees
In the face of danger we're all brave'Til the gun goes bang, bang, bangIt's a cruel, cruel world
No mercy left, yeah it's a cruel, cruel world
It'll break your heart and burn you down, down, down
Don't ever doubt that it's a cruel, cruel worldOh it's a cruel, cruel worldSmoke will turn your soul to black
If you let it in
So close the door, confess your sins
Oh, when I was younger, it was on rosesNow they're dead and gone awayIt's a cruel, cruel world
No mercy left, yeah it's a cruel, cruel world
It'll break your heart and burn you down, down, down
Don't ever doubt that it's a cruel, cruel world
Oh it's a cruel, cruel world
Version originale
https://youtu.be/NF4yE9qDQks
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