S06 - EP 37 ✤ part III
Partie 3/4
Le couple et le carrosse devinrent l'attraction. Après de brèves présentations, tout fut mis en stand-by sous le chapiteau pour assister au baptême de vitesse d'une Pagani Huayra, dévorée des yeux par l'équipage O'Ryner. Mais à la manière dont Red enchaînait des pauses lascives contre sa voiture, photographié par Dean, les concernés ne semblaient guère pressés.
— Ils se croient à un shooting de mode ou quoi ? s'indigna Martens. Ce sont des combis de pilote, pas du prêt-à-porter.
— Admets qu'ils sont à se baver dessus, dit Carly.
Son mari, Iouri, roula des yeux.
— Tu parles à Martens.
Physicien ingénieur de l'automobile, Martens Grayson ne bavait pas sur les humains. Comme pour le prouver, Martens s'extasia sur la caisse qu'il n'avait pas encore eu le loisir d'approcher :
— Elle est superbement magnifique !
— J'en dirais autant de son proprio, confessa Konstantin.
— C'est lequel ? demanda Carly. Les deux le sont, continua-t-elle sans attendre de réponse. Même si c'est juste son côté androgyne qui rend Red Kellin spécial. Il aurait été une femme, elle serait belle mais pas super waouh non plus. En tout cas, comparé à l'autre. Lui, peu importe sous quel angle tu le mates, il est parfait.
— Ouais, on sait à qui va ta préférence, ironisa Iouri.
À la sculpture vêtue de pied en cap de textile synthétique ignifugé. La combinaison de pilote blanche et jaune donnait à Dean une superbe allure, sa silhouette d'athlète soulignée par les inserts élastiques sur les côtés. Au niveau des lombaires, à la jonction des manches et des épaules, elle l'épousait avec une indécence sexy sans nuire à ses mouvements. Le design des épaulettes, qui octroyait une meilleure ergonomie en position de conduite, soulignait sa virilité de façon illégale.
— Attends, il met à l'amende n'importe quelle égérie de mode pour sport auto ! souffla Carly, conquise. J'aurais pas su que c'est la combi de Pavel, je l'aurais prise pour une autre. À côté, Red Kellin passe pour une poulette qui fait la promo d'une combi pro et légère, au salon de l'auto. Il ne dégage pas l'aura d'un homme prêt à défier l'asphalte.
— D'ailleurs, où est-ce que Shaquil lui a déniché cette combi ? s'enquit Manu.
Carly étrécit les yeux pour mieux accommoder.
— Je crois que c'était à son ex-femme. Les coutures internes sont plates, la coupe est plus ajustée et y'a moins de points de pressions.
— Il porte un modèle féminin ? sursauta Manu.
— Il le porte comme un gant, reconnut Carly. En tout cas, avec plus de grâce que Honey. C'est pourquoi sa silhouette de sylphide me fait penser aux poulettes du salon de l'auto. Il est sexy.
— Attends, j'ai jamais vu l'ex de Shaquil porter une combi, s'étonna Manu.
— Elle ne l'utilisait pas, confirma Carly. Quoique, elle l'a mise une fois pour une photo. Mais Honey l'avait surtout achetée pour se rapprocher de son mari, à l'époque où leur couple battait de l'aile.
— Eh ben, ça n'a pas sauvé son couple, grinça Martens. Tout le monde sait qu'il est uni pour le meilleur et pour le pire à sa passion. Au bout de deux mariages ratés, ça va peut-être imprimer chez ces poulettes.
— Baisse d'un ton, Shaquil peut t'entendre, le rabroua Carly.
— Il est où ? s'enquit Manu.
— Dans la Pagani, rétorqua-t-elle.
Au même moment, l'homme quitta le véhicule, puis s'intéressa à son moteur. Manu remua la tête.
— Ce type est un vrai gremlin.
Patron et propriétaire du circuit, l'homme ne se sentait bien qu'au contact de la mécanique. Emporté dans leur élan, les mannequins du dimanche troublèrent son checkup. Son regard courroucé ne dissuada pas Red de le réquisitionner comme photographe, pour le plus grand amusement de son équipage qui suivait la scène de loin. Ses mains graisseuses, cependant, lui valurent la perte de cette mission. Le chanteur héla Konstantin, récoltant l'agacement de Shaquil à qui il faisait perdre du temps.
Konstantin se plia de bonne grâce à la lubie des clients. À la surprise générale, le modèle Dean étreignit amoureusement la rockstar contre la sportive, et lui fit un baiser d'esquimau, comme on leur tirait le portrait. D'autres portables s'en mêlèrent. Le temps que Shaquil finisse d'assouvir sa curiosité, Red inspecta ses gants noirs et rouges, appréciant les antidérapants qui en renforçaient la structure.
— Ils sont ultra légers. Le grip doit être optimal sur le volant.
Pliant et dépliant ses doigts, il se familiarisa avec la nouvelle sensation au niveau des articulations rembourrées. Dean rajusta la fermeture élastique à ses poignets, puis étudia ses propres gants. Sertis de renforts ignifugés sur les doigts, l'item avait une paume préformée qui réduisait la gêne. Dans leur bulle, ils semblaient oublieux des regards et des interrogations que leur promiscuité soulevait.
— Red Kellin n'est donc plus célibataire... C'est un scoop, non ? demanda Manu.
— Un scoop qui crie l'évidence depuis des lustres, si tu veux mon avis, avança Konstantin de retour. L'identité de « l'heureux élu » ne devrait même pas surprendre. On les a déjà vus poser ensemble, et nus en plus, pour un parfum.
— Ouais, mais ça faisait photo pro, acting, souligna Carly. Là, ils jouent pas. Ils respirent le couple.
— Putain, je suis pas gay, mais il est vraiment beau en vrai ! souffla Manu.
Il zooma sur le cliché de Red qu'il venait de prendre.
— T'as pas besoin de préciser ton orientation sexuelle pour apprécier la bête, tu sais, railla Carly. Ça ne réduira pas ta virilité si cet homme perturbe ton pénis.
— Quand je pense que Pavel s'est gardé de nous dire qu'ils voulaient tester un moteur de plus de 700 chevaux ! maugréa Martens. Je le retiens.
Martens n'aimait pas beaucoup Pavel. Leur métier respectif voulait qu'ils travaillent en synergie. Mais quand on connaissait le pilote, personne ne s'étonnait de l'inimitié de l'ingénieur envers celui qui testait les fruits de ses innovations techniques sur la piste.
— Il s'est surtout gardé de dire que Red Kellin se ramenait avec un dieu grec.
Le soupir des hommes appuya la lourdeur de la remarque de l'unique femme du lot.
— C'est un Leblanc, Carly, rappela Iouri.
— Et c'est censé m'empêcher de lorgner sur cette beauté ? C'est pas juste mon fétichisme de la combinaison à l'œuvre. Même à poil, et surtout à poil, il se suffit.
Son époux roula des yeux.
— Je ne m'attendais pas à ce qu'il rentre dans la tenue de Pavel, avoua-t-il. Faut croire que je vois Pavel moins grand.
— Pavel se tient vouté, mais sinon, ils sont taillés dans la même pierre.
— T'as de la merde dans les yeux ou quoi, Manu ? protesta Carly. Ils viennent clairement pas du même minéral. L'autre est plus précieux. Ça rend mieux sur lui !
— Manu parlait sûrement de leur gabarit, Carly, pas des gueules livrées avec, soupira Iouri. Cesse donc de penser avec ton slip.
— Pourquoi les pensées de mon slip vous choquent, alors que vous évaluez à longueur de journée les femmes avec vos bites ? Combien de fois un mec s'est étonné de me voir au volant, et non du côté des hôtesses ou chauffeuses de salles, des commerciales ou des faire-valoir que vous pelotez devant les caméras, en croyant que c'est légitime ?
Désormais, elle ne s'embarrassait plus de demander aux hommes de détacher leurs yeux de la paire d'attributs qui ornaient sa poitrine. La plupart n'avaient pas encore saisi que ça se passait au niveau de son visage et non de ses tétons. Lassée d'envoyer des cas désespérés passer un brevet de féminisme, Carly rendait la monnaie de sa pièce au sexisme en se comportant de manière sexiste avec les hommes. Desservait-elle la cause des femmes ? Elle ne le pensait pas ; elle estimait « enseigner par le malaise ».
— C'est reparti pour un épisode « je mets tous les hommes dans le même sac », grogna Iouri.
— Si ça peut te rassurer, on est très libertins dans mon couple, répliqua-t-elle. Mon mari ne s'offusque pas des errances de mon slip.
Iouri, ledit mari, lui servit une grimace. Leurs comparses se gardèrent de commentaire. Ils ne cherchaient plus à définir ce couple. Mariés et couchant à droite et à gauche, tous deux y trouvaient leur compte. Elle était la mère de sa deuxième fille, et Iouri Ilitch soutenait que maternité et paternité ne rimaient pas avec fidélité. Ce libertinage arrangeait les affaires des soupirants de Carly, épargnés du risque de se manger un uppercut du mari cocufié au physique de charpentier. Là encore, « cocufié » s'appliquait-il à un époux conscient du batifolage éclairé de madame ?
Leur entourage avait abdiqué, après leur avoir accolé une étiquette d'échangistes qui ne collait pas. Parce qu'ils ne s'échangeaient pas des camarades de jeu. De plus, Carly jouait aussi avec les filles, quand Iouri restait hétéro. Leur mariage ? Simple arrangement administratif. Les regards moralisateurs et réprobateurs ne manquaient pas. Mais ils ne connaissaient pas la solitude des célibataires qui réprouvaient leurs actes et avaient maintes fois testé la solidité douteuse des couples mariés donneurs de leçon. Aussi Carly et Iouri renvoyaient leurs détracteurs à la fatuité du mot « mariage ».
— Évite tout de même de lorgner sur le mec de Red Kellin, conseilla Iouri. Je doute que tu sois de taille à gérer les emmerdes qui suivront.
— Ne me sous-estime pas.
— C'est toi qui te surestimes, objecta Konstantin. Il a dit qu'y avait pas « l'ombre du soupçon » d'une comparaison avec Pavel, et pourtant Pavel arrive à t'emballer.
— C'est ce que je lui laisse croire, renifla Carly. Seules ses performances en tandem m'intéressent. Personne ne le dit pour ne pas vexer ton frère ultra-susceptible, Kostia.
Notant l'air entendu du reste de l'équipage, Konstantin n'en revint pas. Iouri le prit en pitié mais se montra sans état d'âme.
— Pavel est plus docile quand il se croit sexuellement satisfait. Sinon il n'en fait qu'à sa tête et oppose une sourde oreille aux instructions qu'elle lui donne.
— Je ne suis pas encore prête à céder le titre de championne de rallye, et il y a un certain prestige à l'être en duo mixte. Alors si tu divulgues ce secret, je te castre, Kostia, le prévint Carly d'un ton égal.
— C'est un secret de polichinelle, se moqua Manu. Et puis, c'est une technique vieille comme le monde. Vous, les femmes, vous avez réussi l'exploit de faire croire aux mecs que le sexe est une récompense !
Carly se rit de son ton écœuré.
— Tu parles en tant que victime de cette supercherie, je présume. Bref, c'est irritant quand il m'ignore parce qu'il pense que mes ovaires amoindrissent ma technique. Or je suis une co-pilote douée. Pas sa secrétaire.
— C'est surtout que tu n'aimes pas qu'on t'ignore tout court, la vendit Iouri.
— Dommage pour moi, se lamenta Martens. Je n'avais qu'à avoir un cul rebondi pour espérer une oreille attentive de cette coque d'arachide !
Manu pouffa.
— T'es dur. Et tu veux dire une poitrine rebondie, non ? Les blancs n'ont pas une préférence pour le pare-chocs ? (Il fit « pouêt-pouêt » avec ses paluches pour signifier « nichons ».) Les noirs zieutent plus la carrosserie arrière.
Homme élancé à la peau et aux lèvres noires évoquant ces peuls de la région Sahélo-Saharienne, Manu Dia parlait sans doute d'un phénomène social. Mais cela restait encore à prouver.
— C'est pas la première fois que j'entends cette réflexion, fit Konstantin, pensif. Et pourtant j'ai un faible pour le coffre à l'arrière.
— Yeah, cousin ! approuva Manu.
Konstantin se serait passé de la tape virile dans son dos. Ça faisait mal, putain !
— Et là, ça dérange personne, souligna Carly, exaspérée. Quand je vais me mettre à parler du pot d'échappement et du piston de la gent masculine, vous allez hurler à la pudeur et me sortir qu'une femme ne doit pas parler comme ça. D'après qui ? Au fait, où est Pavy ?
Elle n'attendait certainement pas de surenchère. Ses collègues avaient compris qu'ils partaient d'office perdants sur la question du féminisme et du sexisme. Impossible de tenir un débat sans voir leurs arguments affublés du statut réducteur voire invalidant de « mecsplication ». Le militantisme de cette femme, à la sauce #AllMenAreTrash, était pénible !
— Pavy boude dans son coin à cause d'une petite escarmouche avec les clients, leur apprit Konstantin, sans susciter la surprise. Le connaissant, il ne ratera pas la démonstration. Il attend de se marrer, à tous les coups.
— Pavy... Comment on peut accepter un tel surnom ? se désola Manu. C'est un nom de meuf.
— Si tu veux tout savoir, le surnom slave de Pavel est Pacha, dit Iouri. On refuse de l'employer parce qu'il se donnerait encore plus des airs de pacha.
— Présenté comme ça, Pavy n'est pas si mal finalement, approuva Manu.
Pendant ce temps, Dean et Red suivaient Shaquil vers d'autres baraquements.
— Ils font quoi ? s'enquit Martens.
— Ils veulent d'abord faire une partie de karting, révéla Konstantin. Un défi entre eux.
— Mais la piste est fermée et le personnel absent, grommela Martens. C'est du travail supplémentaire pour nous.
— Va le dire à un MIP, renifla Konstantin. Ils ont plus de caprices qu'une drag-queen.
— Rajoute dans la marmite une diva et j'ose même pas imaginer comment finira cette journée, maugréa Manu. Vous vous souvenez de Mila Reich ?
— M'en parle pas, geignit Martens. Je n'ai jamais eu autant de pulsions meurtrières que ce jour-là.
Carly ricana.
— Quand je dis qu'il te manque l'appareillage pour que les femmes t'intéressent, tu refuses de me croire.
— Elle encore passait, opposa Martens. J'ai l'habitude de côtoyer des quiches sur mon lieu de travail, si tu vois ce que je veux dire.
La pique lui valut un coup de poing de Carly, comme leur groupe se rapprochait du hangar des karts. En même temps, elle l'avait cherché, pensèrent les autres.
— Je faisais allusion à son mec du moment, précisa Martens. L'espèce de cul-terreux qui se disait le neveu du multimilliardaire, là... Comment s'appelle le mec aux Megastores, déjà ?
Iouri lui vint en aide :
— Ygnvi Von Grünnenbergen.
— C'est ça. Il n'arrêtait pas de dire que son oncle pouvait acheter le circuit. Et qu'on avait tout intérêt à le satisfaire, si on voulait qu'il glisse un mot à son oncle en notre faveur. Que ce serait stupide de cracher sur le sponsoring de son oncle. Et patati et patata.
— Me dis pas que c'est arrivé aux oreilles du patron, s'inquiéta Iouri.
Toute interférence entre Shaquil, son business et sa passion le rendait aussi aimable qu'un alligator. Son équipage essayait si possible d'éviter les coups de dents.
— Heureusement, non. Mais j'étais à un doigt de souhaiter qu'il se prenne la rambarde. Ça n'aurait pas été une perte pour l'humanité. Ni pour son oncle. Le type ne doit même pas savoir que son neveu l'utilise à tort et à travers !
— Martens Grayson, philanthrope ! lança Manu, hilare. J'espère qu'on n'a que le karting comme caprice à satisfaire, cette fois.
— Je pense que le patron a cédé pour d'autre raisons, argüa Konstantin. Il veut s'assurer de leurs aptitudes et réflexes sur une piste avant de les lâcher avec un bolide qui atteint facile 370 km/h en vingt secondes.
— Typique de Shaquil, fit Manu avec un grognement approbateur. Qui ouvre les paris ?
Sa question parvint aux trois hommes dans le hangar.
*o*o*
TBC ● EPISODE 37 - part 04
Introduction d'une belle brochettes de nouveaux personnages. Ils font partie de ces personnages dont j'ignore une bonne partie du destin, et pourtant, certains d'entre eux sont amenés à jouer un rôle très important dans la vie du couple Red/Dean. Néanmoins, il se dessine une trame qui ne prendra peut-être pas son essor dans Hot Chili mais s'épanouira dans un spin-off : Riddle Game – volume 2, censé relater l'histoire de Torcy-Junior. Les plus perspicaces peuvent déjà voir le point commun entre cet équipage et le personnage de Junior.
*MEDIA*
Intro vidéo : My life be like (ooh ahh) - Grits. Choisie non pour ses lyrics mais parce que c'est une chanson de la bande son de Fast and Furious Tokyo Drift.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro