S06 - EP 32 ✤ part I
Partie 1/3
Aux environs de dix-sept heures, le téléphone de Rey le tira du royaume des songes. Il nota la place froide à ses côtés et tendit l'oreille. La douche ne coulait pas.
— C'est bon, j'arrive ! râla-t-il après l'insistance de son portable. (Il le dénicha enfin et décrocha.) Oui, allô ?
— Tu sors du coaltar, c'est ça ?
— D'une séance torride de baise, plutôt. Qu'est-ce que tu veux, Ayato ?
— Tu parles d'un accueil chaleureux ! Je parie que tu les perds rapidement, tes amis.
Rey cilla, puis ravala sa mauvaise humeur.
— C'est une de mes sales manies, je le confesse.
Conscient du quasi-néant de son cercle amical, il devait apprendre à mettre T-eyes en berne. Peut-être renflouerait-il la liste rachitique de ses amis. Mais avait-il besoin de tenir un registre ? T-eyes lui collait à la peau. On le prendrait entier ou pas du tout.
— Pourquoi tu m'appelles ?
— Prendre des nouvelles doit être une notion qui t'échappe, soupira Ayato.
— J'ai envie de dire « et mon cul c'est du poulet ». Mais pour des raisons de diplomatie, je vais faire honneur à l'éducation parentale chétive que j'ai reçue, et te dire « c'est gentil de prendre des nouvelles ».
Ayato s'esclaffa. Rey souffla, soulagé. Il avait craint un froid dans leur relation. S'il avait sympathisé avec les guitaristes jumeaux de Naytray, il possédait plus d'affinités avec Ayato. Son attitude débonnaire contrastait avec la relative gravité d'Ayame. Pour faire la fête et les quatre-cents coups, il ne fallait pas se tromper de frère. La pensée ramena Rey à la soirée de Rudy, prévue dans trois heures... Il ne devrait plus se trouver là.
— C'est gentil de ta part d'avoir décroché, cette fois, renvoya Ayato.
Rey grimaça. Ayato appartenait au flot d'individus ayant tenté de le joindre, alors qu'il abandonnait sa puce à Wesley après avoir cassé son ancien téléphone. Le guitariste savait son attachement à Rudy, tant il l'avait bassiné durant ses premiers mots d'amour avec le blondinet. De base, Rey ne définirait pas leur relation très amicale. Mais si le jeune homme figurait dans son cercle social de mannequin people, la musique les liait davantage.
Son jeu de guitare avait suscité l'intérêt des frères Yoshikawa à la fin du live come-back des Beat'ONE, un 22 décembre. Ayame et Ayato avaient été agréablement surpris de découvrir que le modèle qui squattait la loge des rockstars ne quémandait pas un bout de gloire, à l'instar de certains influenceurs. Pour leur plus grande hilarité, il tirait un son limpide de Mademoiselle Red tout en la réconfortant de poésie, car la guitare avait été cassée durant le show.
Pour sa part, Rey s'était remis de ses désillusions envers Naytray. Le chanteur Nigell lui tapait sur le système ; il ne l'appréciait plus que sur scène, derrière un micro et torse nu. Non qu'il bave sur les abdominaux de l'énergumène, mais l'on ne comptait pas un concert durant lequel le leader du groupe n'ait pas tombé le chandail, au mépris de la météo. Rey ne connaissait pas vraiment le batteur Terry et avait peu côtoyé le bassiste Ran. En revanche, le courant était vite passé avec les guitaristes.
Loi de la jet-set oblige, il y avait toujours un intérêt à fréquenter du people. Rey ne nierait pas que la présence d'Ayato et Ayame dans sa liste d'amis ownetwork© avait contribué au succès de sa page officielle de mannequin. Néanmoins, au-delà d'un rapport intéressé, il appréciait les jumeaux. Aussi ferait-il l'effort de soigner leur relation.
— J'ai cassé mon téléphone, je n'étais plus joignable pendant un moment. Ce n'était pas plus mal, ça m'évitait de décrocher et dire des choses que j'aurais regrettées. La compassion des uns et des autres ne soulageait pas ma peine à ce moment-là. Alors j'ai préféré m'en passer. Je suis désolé.
— T'inquiète, gros, je comprends. Il s'en est passé des choses depuis l'époque où tu me cassais les oreilles avec Rudy par-ci, Rudy par-là. On avait l'impression que tout l'univers tournait autour de ton crush. Mais j'ai pas l'impression que ç'ait changé, si je t'éjecte d'un sommeil post-coïtal.
— Nous n'allons pas discuter de cela, pontifia Rey. (Ayato ricana.) Et sinon, je vais bien. Merci de venir aux nouvelles.
— Je me doute que tu es frais comme un gardon, si j'en crois ta « séance torride de baise ». Donc le gamin a mis la honte à la presse, et ça t'a tellement excité que tu l'as sauté ?
— Il a foutu la honte à la presse, puis s'est dit que s'envoyer en l'air n'était pas une mauvaise idée. J'aurais tendance à ne pas le contredire, si tu vois ce que je veux dire.
Ayato se montra réceptif à sa grivoiserie ; réaction qui ne prépara pas Rey à son commentaire :
— Je suppose que t'es plus avec la fille de l'autre lord plein aux as...
Il avait presque oublié le caractère public de cette mascarade avec Bianca ! Se méprenant sur son silence, Ayato ajouta :
— J'ai fini par relier les points, puisque t'es toujours à Balmer. On a un peu cuisiné ton attachée de presse, à la soirée de soutien à Rudy. Elle est cool. Elle a un mec ?
Rey se remua.
— Elle est prise !
— Dommage.
Il se surprit à se racler la gorge pour surmonter sa nervosité.
— À vrai dire, je n'ai jamais été avec... En fait, c'est pas sa fille, mais sa petite-fille. Et c'était fake. Du marketing, si tu veux. Étrangement, mon petit doigt me dit que ce n'est pas pour ragoter dessus que t'appelles.
— Ton mec passe en boucle à la télé. J'ai entendu qu'après sa conf de presse, il organise une after-party jusqu'aux aurores.
Rey n'en fut pas tant surpris. Néanmoins...
— Comment t'es au courant pour la soirée ?
— J'en déduis que t'es pas encore revenu du septième ciel, ironisa Ayato. Ça circule sur les réseaux sociaux, gros. Apparemment, si on trouve l'adresse de la teuf, on est automatiquement invité, du moment qu'on se fringue en conséquence. Les entrées sont permises jusqu'à neuf heures, dernier délai. Je me suis dit qu'il y avait un avantage considérable à connaître le mec de celui qui organise la soirée.
Rey se raidit. C'était quoi ce bordel ? D'où sortait cette fichue règle qui lancerait, à n'en pas douter, des foules à la chasse au trésor ? Ça partait en sucette ! Qui était responsable de la fuite ? Qu'en pensait Rudy ? Il refusa de paniquer.
— C'est curieux que personne n'ait cru bon de me prévenir..., marmonna-t-il, sombre.
Ça chierait des bulles pour le cafteur, s'il s'agissait d'un pote de Rudy.
— Pourquoi ? Parce que t'es le centre du monde ? railla Ayato.
Réalisant qu'il avait pensé à voix haute, Rey confirma :
— Entre autres. Mais surtout parce que tu discutes avec le DJ de cette soirée.
— Quand tu dis DJ, c'est pas juste le gars collé à son ordi, qui balance le son en cliquant ? Le disc-jockeying n'est plus ce qu'il était.
— Je te parle de vraies platines, gros.
Ayato grommela. On l'aurait dit désabusé.
— Ça ne devrait même plus m'étonner. Y'a un truc que tu sais pas faire ?
— Si. Ne rien faire.
— Sale vantard. Hé, si t'es aussi bon qu'à la guitare, Nigell pourrait te faire signer avec Sound-D©.
— Pourquoi votre label me recruterait ? s'étonna Rey.
— Pas recruter. En fait, notre prochain album sera axé drum'n'bass. La prod' nous a soumis l'idée de faire appel à un DJ pour le remixage de certains morceaux. Depuis, on se prend la tête parce que nos avis divergent sur les DJs.
— Ah ouais ? fit Rey, intéressé. Attends deux secondes.
Le moment était mal choisi pour taper la discute ; elle pourrait durer toute l'heure. Il devait s'enquérir du prioritaire.
— Caramel ? lança-t-il à la volée.
Le retour silencieux l'alarma. Il revint à son correspondant qui ricanait. Il avait été audible à l'autre bout. Dorénavant Ayato le charrierait non-stop avec. Tant pis. Il assumait.
— Excuse-moi, faut que je vérifie quelque chose. Je te rappelle sans faute, OK ?
— Ça roule, ma poule.
— Rudy ? appela-t-il plus fort.
— Hun ! lui parvint une réponse distraite.
Soulagé, Rey sauta dans le premier vêtement qu'il vit, le pantalon slim de Rudy, et fut incapable de fermer le bouton. Son petit-ami avait maigri. Il ne s'était pas rendu compte à quel point durant l'amour. Rudy était svelte, pas filiforme. Or ce bas avait été pris à la nouvelle taille de son mec. Habituellement, Rey rentrait sans difficulté dans ses vêtements.
— Où t'es ?
— Ici... Qu'est-ce qu'il y a ?
Rey déboula dans la pièce à vivre. Rudy, douché et vêtu de frais, nourrissait ses poissons arc-en-ciel. Son pansement avait été refait. Comment s'y était-il pris tout seul avec une blessure dans la nuque ? Rudy promena un regard circulaire sur la pièce.
— Je suis en train de réaliser que je suis de retour, dit-il comme dans un état second. Il va falloir reprendre la vie là où on l'a laissée... La fac, les cours, les potes... Et pourtant tout ne sera plus comme avant.
Peiné, Rey se rapprocha de lui. Il n'aimait pas le voir aussi bouleversé.
— Je t'aurais bien serré dans mes bras, seulement je dois passer par la case douche. T'aurais dû me réveiller.
— Tu dormais si bien que je n'ai pas osé. (Rudy l'avait contemplé un moment avant de quitter le lit. Il fronça du nez.) C'est vrai que t'empeste la pine.
— La faute à qui ?! s'outra Rey, écarlate. T'es au courant de ce qui circule ? demanda-t-il, préoccupé.
— Au sujet de la soirée ? Oui, soupira Rudy. Brendan m'a fait un sale coup.
— C'est lui le responsable ? s'horrifia Rey. Ce type a quoi dans le crâne, du téflon ?!
— Il m'a dit que c'est pour m'apprendre l'effet que ça fait d'être une balise.
Gné ? exprima le visage de Rey.
— Une petite vengeance puérile, minimisa Rudy avec un geste de la main.
Rey se pinça l'arête du nez.
— De toute évidence, il n'a pas encore eu affaire à Dean. Mais pourquoi t'es aussi calme ?
Rudy ricana.
— Tout le monde a cru que c'était chez lui que la soirée se déroulait. Comme son adresse est connue dans les médias, contrairement à celle de la nouvelle propriété de Yakim, il y a foule à sa porte maintenant.
Rey s'amusa de le voir se bidonner.
— Il ne l'a pas volé.
— C'est pour éviter que les gens remontent la piste jusqu'à son pote.
La voix enrouée de Blacky arracha un sursaut à Rey. Il ne l'avait pas entendu venir dans son dos, malgré ses Doc'M® rangers. Flippant ! Face à deux paires d'yeux interrogateurs, le jeune homme explicita :
— Yakim a été vu avec Red Kellin à Biel Healthcare, la soirée où t'as été interné. Tu as beau accuser la presse de manquer de pertinence, elle n'est pas débile. Trouver l'adresse d'une personne n'est plus ardu de nos jours. Maintenant qu'un lien a été établi entre toi et les B-Sharks, en plus de Red Kellin, ils creuseront de ce côté-là. Du coup, Brendan brouille le signal.
— Oh..., fit Rudy, penaud.
Rey se montra plus suspicieux. Pourquoi le garde du corps de Rudy Leblanc saurait-il les motivations exactes de Brendan Solem ? Il se mit en post-it de demander le patronyme de l'agent. « Blacky » n'était décidément pas adapté au personnage. Ça lui évoquait le nom d'un brave toutou, or ce type semblait plus mystérieux que Cerbère. En outre, il y avait cette histoire étrange entre le futur prof de krav maga de Rudy et le quarterback. Il s'était passé trop de choses dans un court laps de temps, que Rey n'avait pas encore eu le loisir d'analyser. En attendant, qui était le plus suspect dans cette affaire ? Brendan ou Blacky ?
— Comment savez-vous les intentions de Brendan ? s'enquit-il.
Le sourire énigmatique du spécimen donna corps aux suspicions de Rey. Blacky consulta sa montre.
— La récré est terminée. On a une voiture récupérer.
— Je prends une douche avant, grogna Rey. Rud', ça t'embête si j'invite un pote ? lança-t-il en se dirigeant vers la salle de bain.
— Qui ça ?
— Un que tu vas aimer, fit Rey sans rentrer dans les détails.
Il disparut dans la salle d'eau. Son petit-ami se demanda à quel moment Rey avait élu domicile dans son appartement et pourquoi s'était-il gardé de l'en informer.
*o*o*
TBC ● EPISODE 32 - part 02
*MEDIA*
Intro vidéo : An Cafe - Bonds~kizuna. Pour la bande son de cette séquence, j'ai choisi cette chanson qui parle des liens importants. My god, je suis nostalgique. J'étais fan de ce groupe d'Oshare kei à une époque qui me semble si éculée... Ils me donnaient la patate !
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