Partie 4/4

— Ce serait bien de savoir si Vince est au courant de ta relation avec mon fils.

— Il sait, fit Rey, largué.

Comment Dean était-il parvenu à ce raisonnement en partant de leur conversation ? Mais l'homme ne sortait pas cela de nulle part. À lui de suivre le cheminement de ses pensées. Notant l'expression curieuse de son beau-père, il précisa :

— Rudy me l'a appris quand nous étions à Milan. Apparemment Vince le lui aurait dit au brunch organisé pour... Que se passe-t-il, Dean ? Tu m'inquiètes.

Dean s'était statufié, puis avait manqué s'arracher les cheveux.

— Comment ai-je pu être aussi stupide ! Bien sûr qu'il sait ! gronda-t-il.

Ce type disposait de ses propres enquêteurs. Sinon Dan ne suivrait pas son exemple en s'accoquinant un ami détective, Charly Evrard. Cet enfoiré de fils de chien de Daniel-Ritchie ! Nom d'une chiure de Zeus ! Il voyait ses spéculations sur son grand-père se sédimenter en certitudes.

— Si depuis un mois, Vince sait que Rudy sort avec un garçon, alors Daniel-Ritchie aussi !

Son grondement coléreux faillit arracher un sursaut à Rey. Ce dernier se garda d'intervenir, laissant Dean surfer sur la vague de son courroux.

— Vince doit se dire qu'il trouvera un moyen de régler le « problème », d'y remédier. Parce que, pour lui, l'orientation sexuelle différente de Rudy n'est qu'une passade adolescente. Quelque chose qu'il abandonnera une fois formaté par le logiciel Leblanc ! Lui n'a que Rudy comme successeur, puisque Dan ne remplit pas les critères. Ses décisions seront forcément moins extrêmes, contrairement à cet incontinent de Daniel-Ritchie qui en possède une pleine poignée. Et cet homme est plus rigide que du béton armé ! Découvrir que Rudy... Nom de Zeus ! jura-t-il.

Colère et dégoût l'étouffèrent, comme sa réalité, aidée de nouvelles certitudes, se positionnait sur un autre axe. Voyant l'air perdu de Rey, il tenta d'émettre une explication intelligible.

— Il est fort probable que l'enlèvement de Rudy ait servi d'autres causes que la vendetta de Pratchett. Pour mon grand-père, toute sexualité non hétéro est une tare, une scorie ! fulmina-t-il en reprenant ses cent pas. Une chose dont il faut se débarrasser de façon radicale, comme un membre gangrené amputé pour sauver le reste du corps. Ce type ne m'a jamais aimé. Il en ira de même pour le sang de mon sang. Le simple fait que Rudy soit mon fils le discrédite. Rajoute une sexualité qu'il juge déviante, et Daniel-Ritchie n'a même plus besoin de justifier ses actes ! Il incarne le conservatisme de son époque.

Chayton s'était servi de l'envie de Daniel-Ritchie de se débarrasser de la gangrène de sa famille pour tisser son plan machiavélique. L'un comme l'autre avait usé des intérêts de son interlocuteur pour satisfaire les siens. Seulement, Chayton s'était montré plus vicieux, puisque Daniel-Ritchie s'était changé en « cible », car Pratchett visait l'Empire Leblanc. Rien ne comptait plus pour le patriarche que son foutu empire. Cependant, l'ironie voulait qu'en attaquant le symbole de l'Empire, Chayton avait provoqué sa propre perte en ayant les yeux plus gros que le ventre.

— Je crains de ne pas bien te suivre..., avoua Rey.

Quoiqu'il refusât sans doute de suivre Dean, car le chemin dans lequel l'entraînait l'aîné était pavé de sordide. Essayait-il de dire que les grands-parents de Rudy avaient fomenté son enlèvement ?!

— Ça devrait t'être évident, désormais ! lança Dean.

— Je peine à voir le rapport avec l'élimination ratée de Lucas Levy. Je n'en nie pas l'existence, mais je ne relie pas encore tous les points.

Dean se força à s'assoir, rappelé à l'ordre par le génie de la gueule de bois. À peine assis, il quitta son siège, trop agité pour se poser. Rey le suivit du regard comme il reprenait ses cent pas.

— Admettons que je te suive. Dans ce cas, ce n'est pas toi qu'on a piégé mais bel et bien moi. Parce que je sors avec Rudy, et ta famille, peu importe qui, Vince ou Daniel-Ritchie, est contre cela. Tu es en train de me dire qu'elle serait la suspecte dans la tentative d'assassinat de Lucas. Car pour se débarrasser de celui qui « avilit » son héritier, elle aurait tenté de me mettre un crime crapuleux sur le dos.

Dean étrécit son regard.

— Tu as déjà reçu des menaces de l'Empire, n'est-ce pas ?

— On digresse, s'agaça Rey. Ta famille ne pouvait pas savoir que je rendrais visite à Lucas !

— Si elle te fait suivre, oui. À ton avis, comment Vince a-t-il su pour Rudy et toi ? À t'entendre, l'empoisonnement de Levy ne datait pas de la veille, quand tu es passé. Il est possible que l'attaque t'ait précédé de peu.

— En effet, j'ai eu cette impression, maugréa Rey. Mais quelque chose ne colle pas. Pourquoi l'IANS gère cette affaire et non la police ?

— Si la police s'en mêle, ça s'ébruitera dans les médias. Quelqu'un veut empêcher cela. Et cette fois, ce n'était pas moi, admit Dean, lugubre. Mais en impliquant l'IANS quand j'ai envoyé l'autre con par-dessus bord, j'en ai fait leur affaire. Tout est lié...

— On croirait entendre un Leblanc, railla Rey.

Le sarcasme l'aidait à ne pas paniquer. Dean claqua la langue contre son palais.

— Cesse de faire le mariole. Néanmoins tu as raison. Mes certitudes sont uniquement fondées sur l'opinion que j'ai de ces gens, se ravisa-t-il. On doit rester objectifs. Reprenons les faits.

— Nous les connaissons déjà, balaya Rey. Le but est de savoir les motivations derrière. Pourquoi m'accuser moi, sans preuve, sur la base d'un commentaire ?

— Qui, malheureusement, est tombé juste.

— Oui, mais un imbécile qui revient sur le lieu du crime pour dire aux médecins sa méthode opératoire ne s'appelle pas Rey Lee-Cooper ! Un enquêteur digne de ce nom ne se contenterait pas d'une coïncidence commode.

— Vrai.

— Ce qui peut inciter à penser qu'ils savent qui est le véritable coupable, ou le commanditaire de cet empoisonnement, et le couvrent en faisant porter le chapeau à quelqu'un d'autre. Ou peut-être que quelqu'un voulait faire d'une pierre deux coups ? émit Rey. S'il ne réussissait pas à me piéger, tu étais tout désigné comme coupable. Et dans le cas où ce ne serait pas toi, ça retomberait sur moi. Le crime parfait : deux coupables qui se partagent la vedette selon les circonstances. Cela amène à la question : qui en aurait après nous deux ?

— Excepté Levy, on revient à ma famille, grommela Dean. Ou à quelqu'un qui veut vraiment causer du tort à Rudy. Et c'est ce qui écarte l'IANS des suspects. Du coup, peut-on l'accuser de couvrir le commanditaire ?

— Comment ça ?

Dean se souvint alors que Rey évoluait avec peu de données.

— Edwards Meister et Vince Leblanc ont des intérêts communs. J'ignore dans quelles circonstances l'un est l'obligé de l'autre. Mais connaissant notre politique de créance, il est plus probable que ce soit Meister le débiteur. Les Leblanc n'ont aucun mal à cribler leurs « amis » de dettes.

— Okay..., exhala Rey, tendu. (Dean le disait comme s'il s'agissait d'une banalité.) Donc ça n'apportera rien de bon à Edwards Meister de porter préjudice au petit-fils de Vince, en piégeant son père ou son petit-ami.

Dean hocha la tête. Le portable dans la poche de son jogging manifesta sa présence. Il s'excusa et lut le texto.

From: My Angel
« J'ai choisi de ne pas appeler pour que tu n'ailles pas croire que je suis jaloux du fait que tu accapares MON Rey. C'est votre moment ensemble, je ne vais pas m'en mêler... T'aurais pas vu Andy ? On le trouve nulle part. Ce serait bien qu'il vienne dire au revoir à Farrellia. Elle est en deuil. »

Dean dévisagea son téléphone. Si Rudy n'était pas jaloux, lui portait un tutu. Son amant avait-il voulu prendre l'air après leur dispute ? Depuis les grandes fenêtres du bureau, il ne pouvait pas voir l'emplacement de sa Nissan.

« Vérifie si mes clés de voiture sont toujours dans ma chambre. Sinon, il est allé faire un tour. »

« Pourquoi le ferait-il sans en parler à quelqu'un ? »

Red étant un grand garçon, il faisait ce qu'il voulait, faillit répondre Dean. Cela dit, s'il se servait sans gêne dans l'écurie Kellin, son homme avait des scrupules à utiliser sa voiture. Un message lui parvint avant la fin de la saisie de sa réponse.

« Trouvé son portable et tes clés dans votre chambre. Pas étonnant qu'il réponde pas. T'as lu les journaux ? Enfin, si on suppose que Hotmaid® en est un. »

« Non... »

« Tu devrais. Je vais le chercher. Reste avec Rey. »

Dean toisa son portable, comme si l'appareil détenait la solution de cette énigme. Hotmaid®... Il se focalisait plus sur Wassup'Mag® à cause de l'élément Torcy. Mais la priorité revenait à Rey. Il ne pouvait pas l'abandonner au milieu d'une conversation sinistre pour courir après le furet rouge, malgré son envie brûlante. J'espère qu'il va bien. Il décida de placer sa confiance en Rudy. Son fils saurait s'occuper de Red. Mais son garçon n'avait pas à réparer ses bourdes non plus. Il ne devait pas en faire une habitude.

*o*o*

TBC ● EPISODE 28

Où est passé Red, bon sang ?!

*MEDIA*
Intro vidéo : Coldrain - The Side Effects. Parce que Dean et Rey sont sans doute les effets secondaires d'un système. Et comme des effets secondaires, ils sont plus ou moins inattendus, et on doit s'y adapter.

You want order, we just want to live
Endless civil warfare, something's got to give
Can we start this over, rational?

Made in the land of the rising sun
Decade in the rain, proving who we are
Still under fire for the things we love
Hey, just listen

We are the side effects
A product of love, a product of hate
We are the side effects
A product of heart, but make no mistake
No one asked for your love
No one asked for your hate
So we ask from the heart
Before it's too late, just let us be us